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Rapport de la commission d'examen

10.0 Évaluation d'incedence biophysique

10.1 Principes généraux et commentaires

Une préoccupation majeure des gens du Nord est que l'activité minière puisse nuire à leur utilisation traditionnelle du sol. Ils veulent savoir s'il est sûr de boire l'eau, de piéger, de chasser et de cultiver des plantes, maintenant et à l'avenir quand les mines ne seront plus exploitées. Pour faire en sorte que l'environnement soit sécuritaire pour ces activités, une évaluation objective de l'incidence de la mine est essentielle. Cela veut dire la collecte des données de base pour déterminer l'état de l'environnement avant le début des opérations minières, observer les changements qui se produisent durant celles-ci et contrôler la récupération ou la restauration de l'environnement après la désaffectation. Théoriquement, ces procédures sont faciles à concevoir mais, en pratique, elles sont souvent difficiles à mettre en oeuvre.

Les gens sont très inquiets au sujet de leur terre et de leurs lacs et ils veulent les protéger parce que c'est d'eux qu'ils tirent leur subsistance et parce qu'ils veulent y finir leurs jours.

Emile Hansen, chef de la bande de Hatchet Lake, Transcript of McArthur River Public Hearings, La Ronge, Saskatchewan, 1er octobre 1996, p. 31.

10.1.1 Emplacement des sites de prélèvement

Les lieux de prélèvement doivent être organisés en fonction des gradients de concentration prévus à partir d'un point où les concentrations de contaminants sont les plus élevées, vers un point où elles approchent les niveaux naturels. Trois lieux par gradient, représentant une incidence élevée, moyenne ou faible, seraient suffisants. En outre, un autre ensemble de sites de prélèvement devrait être mis en place où les prévisions indiquent qu'il n'y aura aucune incidence. Ces emplacements de contrôle ou de référence sont nécessaires parce que les systèmes écologiques peuvent changer avec le temps. Les incidences sont évaluées en comparant les sites contrôlés et éventuellement atteints entre eux et à leurs données de référence respectives (c.-à-d. avant l'incidence). Il faut prélever des échantillons répétés à tous les emplacements.

Bien que l'organisation spatiale des sites de collecte puisse sembler simple à établir, des difficultés pratiques interviennent souvent dans la conception statistique parfaite. Il est important d'apparier les sites d'échantillonnage, mais il y aura sans doute une variation des facteurs selon les emplacements, comme la taille et la profondeur des lacs, le type de substratum et les collectivités d'organismes qui habitent une région. Par exemple, un lac qui reçoit des effluents d'usine peut être moins profond et plus petit que des lacs plus loin dans le bassin hydrographique, ce qui rend impossible un appariement précis des emplacements et des biotes à suivre. Inévitablement, la conception d'une étude sera compromise dans une certaine mesure et il faudra exercer du jugement pour déterminer le meilleur endroit où placer les emplacements de prélèvement.

10.1.2 Éléments à contrôler

Le mouvement des contaminants dans l'environnement est suivi en mesurant leur concentration dans divers éléments de l'écosystème. L'évaluation des incidences sur les biotes se fait en observant les changements dans les tailles de population, la biomasse, la composition des espèces ou d'autres mesures de population ou de santé de l'écosystème.

Les exploitants de mines ont mis l'accent sur le contrôle des contaminants chimiques dans l'air, l'eau, le sol et les sédiments mais ont fait relativement peu de suivi des effets biologiques. Les programmes de suivi actuels et proposés ont prélevé moins d'éléments importants d'écosystème (EIE) que ne le font les organismes gouvernementaux qui contrôlent les effets cumulatifs à des points éloignés des mines (cf section 10.4). Il ne devrait pas en être ainsi. Pour créer un programme de suivi intégré, les exploitants de mines et les organismes gouvernementaux doivent contrôler les mêmes éléments. La seule exception serait le caribou, parce qu'il est rarement présent à la mine, il serait approprié de le remplacer par un autre mammifère terrestre, comme le campagnol ou l'écureuil. Ainsi, les programmes de contrôle actuels ou proposés, aux emplacements miniers, doivent être élargis pour inclure un mammifère terrestre, le tétras des savanes et des macrophytes aquatiques. Le phytoplancton et le zooplancton doivent aussi être contrôlés parce qu'ils sont parmi les meilleurs indicateurs des tendances en relation avec les gradients de concentration d'effluents à Key Lake.61 L' inclusion de certains de ces éléments nécessiterait la collecte d'un plus grand nombre de données de référence.

La gamme de contaminants à contrôler doit être révisée périodiquement. Lors des audiences publiques, un présentateur a proposé que les biotes ne soient pas analysées pour le thorium-230 parce que ce métal n'est pas très mobile dans l'environnement, parce qu'il n'est présent que dans des quantités infimes d'organismes, parce qu'il n'apporte que des doses très petites de radiation aux biotes et parce qu'il coûte si cher à analyser.62 L'argent économisé par l'élimination d'analyses chimiques inutiles permettra d'améliorer d'autres aspects du programme de suivi.

10.1.3 Méthodologie des contrôles

La méthode de contrôle des sédiments doit être modifiée à certains sites de prélèvement. Généralement, des carottes de sédiments sont prélevées tous les trois ans et divisées en deux strates : 0-5 cm et 5-15 cm. Toutefois, dans les secteurs où les sédiments s'accumulent, les contaminants pénètrent par absorption à la surface des sédiments et par l'épandage de nouveaux sédiments. Parce que les taux de déposition de nouveaux sédiments sont faibles dans le nord de la Saskatchewan, l'incidence de la majorité des mines ne peut être observée que dans les quelques centimètres du dessus. Bien que cette question soit débattue, les preuves recueillies par le ministère des Pêches et Océans indique que les carottes de sédiments indiquent l'histoire de nombreux contaminants intéressants aux mines d'uranium.63 La date des différentes strates de la carotte permet de calculer le taux auquel les contaminants s'accumulent dans les sédiments. Cela permet une vérification indépendante de prévisions de certains modèles d'incidence. Pour que cette technique soit utile, il sera nécessaire de subdiviser les carottes en strates de 1 cm et d'abaisser les limites de détection des contaminants pour faire en sorte qu'il n'y aura « pas moins » que les valeurs détectées.

Cette méthodologie améliorée d'échantillonnage de sédiments coûterait plus cher. Toutefois, la hausse des coûts serait compensée par les prélèvements moins fréquents d'échantillons, une approche justifiable parce que l'accumulation de contaminants dans les sédiments est un processus lent. En outre, l'échantillonnage à ce niveau de détails ne serait nécessaire qu'à quelques emplacements de prélèvements déchantillons.

C'est donc une chose de sortir draguer de la boue et de revenir mesurer les diverses choses qui s'y trouvent. C'en est une autre de sortir prélever une carotte et de faire de même et c'est un troisième niveau de complexité, à mon sens, de dater cette carotte pour l'utiliser pour calculer des fluctuations.

Dr. L. Lockhart, Transcript of McArthur River Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 18 septembre 1996, p. 72.

L'analyse de synthèse sert à analyser le mouvement des contaminants par l'étude des écosystèmes (voir section 10.4). L'analyse suppose des modèles de compartiments qui utilisent des coefficients de transfert pour estimer les proportions de contaminants qui passent d'un compartiment à l'autre.64 Souvent, les coefficients de transfert sont tirés de la littérature et leur pertinence a été remise en question.65 Par exemple, le coefficient de transfert du radium-226 du fourrage à la viande chez une vache d'Ontario est-il une estimation fiable du coefficient de transfert du fourrage à la viande de cet élément chez un orignal du nord de la Saskatchewan? Le calcul de cofficients de transfert pour chaque emplacement permettrait d'éliminer les hypothèses douteuses de ce type. Cela pourrait se faire sans frais additionnels, à la condition que des échantillons des divers éléments soient prélevés au même endroit et au même moment.

La disponibilité biologique des contaminants et de leurs effets sur le poisson ou sur d'autres biotes doit être évaluée sérieusement. Le métal dont sont imprégnés les poissons peut être mesuré par le calcul de sa concentration dans les reins, le foie, les ouïes et, peut-être, les écailles. On a proposé divers indicateurs, y compris le peroxyde lipidique, la métallothionéine et l'histopathologie, mais on discute encore de l'importance de ces facteurs.66 Ces aspects de la santé de l'écosystème doivent être étudiés plus en profondeur pour faciliter l'élaboration d'un système de contrôle permanent.

Bien que l'analyse des contaminants des muscles des poissons soit appropriée pour évaluer s'ils peuvent être consommés par les humains, l'utilisation des muscles pour déterminer la disponibilité biologique des métaux n'est pas appropriée, sauf en ce qui concerne le mercure.

J.F. Klaverkamp, C.L. Baron, H.M. Cooley et R.V.Hunt, The Use of Fish in Environmental Effects Monitoring for Uranium Mines, Submission to the McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 16 septembre 1996, p. 2.

Aux audiences publiques, la commission était au courant d'une préoccupation au sujet des niveaux de sulfate de calcium dans les effluents de l'usine qui pourraient nuire au bassin hydrographique en aval. Le mélange, que l'on a souvent cru inerte, pourrait, en fait, modifier la chimie des lacs en produisant des effets qui pourraient n'apparaître que longtemps après la désaffectation67. La recherche exploratoire est souhaitable pour reconnaître un simple indicateur qui pourrait évaluer la probabilité d'éventuelles répercussions négatives du sulfate de calcium.

10.1.4 Évaluation de l'incidence

Il y a plusieurs façons d'approcher l'évaluation environnementale. La discussion qui suit n'est pas exhaustive, mais elle comporte des exemples des principales méthodes d'évaluation environnementale.

Dans l'une de ces approches, des modèles sont utilisés, avant les opérations, pour prédire les concentrations de contaminants à divers endroits. Les prévisions sont alors comparées à des jalons acceptés qui caractérisent le risque et permettent de faire une évaluation qualitative du risque. Cette approche est utilisée dans les analyses de synthèse (cf section 10.4) où des doses prévues pour les humains sont comparées aux normes CIPR. Un autre exemple est l'emploi par Cameco d'une Approche par gestion intégrée du risque (AGIR) pour comparer les concentrations prévues de contaminants aux valeurs de toxicité dans la littérature (valeurs LC20 ou LC50)68 pour diverses espèces, ou aux normes de la réglementation, comme les Saskatchewan Surface Water Quality Objectives (SSWQO) (Objectifs de qualité des eaux de surface de la Saskatchewan) ou les propositions de Lignes directrices sur la qualité des sédiments du Canada.

Ce type d'évaluation du risque peut être utile, mais il n'élimine pas la nécessité de contrôler les répercussions biologiques pour contrôler la validité des prévisions. Cela est dû au fait que l'AGIR qui se sert de valeurs de toxicité à partir de la littérature, ne filtre qu'un nombre limité d'espèces, mais fonde ses résultats sur l'hypothèse que ces espèces sont représentatives de toutes les espèces dans l'écosystème. Par exemple, l'AGIR peut ne filtrer qu'une espèce de phytoplancton, bien qu'il puisse y en avoir plus de 100 qui vivent dans le système. Si les espèces sélectionnées tolèrent la pollution par le métal, on présume alors que l'ensemble du phytoplancton sera aussi tolérant, bien que nous sachions que cela n'est pas vrai. De même, puisque les normes de réglementation, comme les SSWQO ne posent pas de limites pour les contaminants comme l'uranium ou le total des métaux dissous, se conformer à la norme ne confère pas automatiquement de protection à toutes les espèces.

Une deuxième approche d'évaluation environnementale utilise des tests de toxicité normaux des effluents et, éventuellement, des sédiments. Cela peut se faire, soit par des tests de toxicité aiguë, soit par des tests de toxicité chronique ou subaiguë. Les tests de toxicité aiguë mesurent le pourcentage de la population tuée par diverses concentrations d'un produit chimique sur une période de temps relativement courte. Les tests de toxicité chronique ou subaiguë filtrent les effets sublétaux, comme causer des cancers non terminaux, des malformations, des mutations, etc. Ces tests de toxicité sont utiles pour évaluer le risque, mais ne peuvent filtrer qu'un nombre limité d'espèces et de stades de vie. De cette façon, l'approche souffre de certains des mêmes inconvénients que l'AGIR. Toutefois, il pourrait être très utile pour détecter des conditions de perturbations et devrait servir à filtrer les effluents d'usine quand les procédures de celle-ci sont modifiées.

Une troisième approche utilise divers modèles statistiques pour analyser les modifications du nombre, de la densité, ou de la biomasse d'une espèce, ou pour examiner des modifications des espèces qui composent une communauté. Cette approche peut aussi être utilisée pour étudier des changements dans les concentrations de contaminants, soit dans les biotes, soit dans l'environnement physique. La capacité de déceler les incidences augmentera au même rythme que la magnitude des changements augmente, que l'écart entre les échantillons diminue et que le nombre d'échantillons augmente. Par contre, la possibilité de déceler des incidences peut être réduite par des choix erronés d'emplacements de lieux de cueillette, de techniques d'échantillonnage qui ne conviennent pas, ou par des échantillons mal assortis. Par exemple, si des sédiments sont prélevés en utilisant une drague Ekman, les premiers 10 à 20 cm seront mélangés et la dilution nuira à la capacité de détecter une augmentation de contaminant dans les 1 ou 2 cm du dessus.

Si les données sont analysées et qu'aucun changement n'est détecté, cela pourrait indiquer qu'il n'y a aucune incidence. Toutefois, cela peut aussi indiquer que les incidences (changements) présents ne peuvent pas être détectés par de tests, à cause du peu d'efficacité statistique.69 Ainsi, un test effectué risque de ne pas pouvoir déceler un changement dans la population ou les concentrations de contaminants à cause de la petite taille des échantillons et de larges écarts entre les échantillons. Les données de référence et de contrôle devraient faire l'objet d'une analyse d'efficacité à chaque site d'échantillonnage. En règle générale, il devrait être possible de déceler une réduction de 50 p. 100 (ou une augmentation) de la population de chaque emplacement avec un degré d'efficacité ou de probabilité plus élevé (>95 p. 100). S'il y a peu de chances de déceler un changement d'une telle ampleur, le programme d'échantillonnage doit être modifié. Cela peut exiger de prendre beaucoup d'échantillons à chaque lieu de prélèvement et d'assortir plus soigneusement les emplacements pour réduire les erreurs d'échantillonnage. Pour compenser les hausses de coûts, il pourrait être possible d'augmenter les intervalles de temps entre les échantillonnages, ou de réduire le nombre d'emplacements de prélèvements, tant que l'ensemble des incidences possibles n'a pas diminué. Il est préférable de bien échantillonner peu de choses et d'obtenir des résultats définitifs que de mal échantillonner beaucoup de choses.

10.1.5 Participation nordique

Même si le programme de contrôle a été soigneusement conçu et exécuté, ses résultats pourraient ne pas convaincre les personnes habitant la région de sa validité. Les habitants du Nord doivent s'engager, particulièrement en ce qui concerne l'exécution du programme, parce qu'ils feront confiance aux résultats. Cet engagement peut se réaliser en partie par le truchement des comité de qualité environnementale (cf section 11.2). Ils peuvent jouer un rôle de liaison convenable en reliant leurs collectivités au programme de contrôle. En outre, il importe de trouver quelque mécanisme pour faire intervenir directement les habitants de la région dans les opérations de contrôle.

...plus ils participeront au contrôle, plus ils feront confiance à l'industrie.

Dr. Pat Thomas, Transcript of McArthur River Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 16 septembre 1996, p. 189.

10.1.6 Conception des programmes de contrôle

Les organismes de réglementation définissent les programmes de contrôle dans les diverses licences octroyées à chaque mine. La définition des programmes n'est pas à sens unique, mais plutôt le résultat de discussions entre les exploitants et leurs conseillers et les organismes de réglementation et leurs ministères consultatifs. Ce processus de consultation, nécessaire parce que la compétence indispensable pour élaborer un programme de contrôle bien conçu pourrait déboucher sur des préoccupations relatives à l'indépendance des organismes de réglementation par rapport à l'industrie. La commission propose l'élargissement du groupe technique qui conseille relativement aux protocoles de contrôle, pour y ajouter des compétences appropriées de l'université et d'organismes gouvernementaux. En outre, des représentants des comités de qualité environnementale devraient en faire partie. Le groupe technique devrait tenir un atelier tous les cinq ans pour évaluer les programmes de contrôle de chaque mine, permettant d'adapter les protocoles de façon opportune.

...Mais les entreprises sont confrontées à des règlements et les règlements sont élaborés à partir des renseignements disponibles au moment où ils sont rédigés. Ainsi, une partie du problème pourrait être que les règlements n'ont pas nécessairement évolué au même rythme que la science.

Dr. L. Lockhart, Transcript of McArthur River Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, le 18 septembre 1996, p. 86.

10.2 Programme de suivi à l'emplacement de McArthur River

L'EIE prévoit que la mine ne laissera qu'une empreinte remarquablement petite sur l'environnement local, étant donné la taille du corps minéralisé. Cela est dû à la façon dont la mine a été conçue, au fait que le minerai sera concentré à Key Lake, à la proposition d'éliminer les résidus problématiques soit à l'installation de gestion des résidus Deilmann (IGRD) ou sous terre dans la mine de McArthur River.

Cameco prévoit de très faibles émissions de radon pour la mine de McArthur River, comparativement à la majorité des autres mines d'uranium, parce que le débit entrant de l'eau d'exhaure serait commandé par le gel ou la cimentation du sol et le flot du minerai sera contenu, de l'extraction au transport. Par conséquent, les incidences des émissions dans l'air seront probablement minimes.

L'incidence environnementale probablement la plus importante à McArthur River se traduira par la libération d'effluent traité dans le muskeg qui est drainé à l'extrémité est du lac Boomerang Lake, puis vers le ruisseau Read, qui soutient une pêche à l'omble arctique. Les lacs en aval sont productifs aussi, ce qui en fait une ressource importante à protéger. Le débit entrant de l'eau d'exhaure augmentera au fur et à mesure que la mine se prolonge le long du corps minéralisé et que deux autres puits de mine seront creusés. Il y aura une augmentation correspondante du volume d'effluents traités à environ 4670 m³ par jour en l'an 2012. Cela ne représentera qu'environ 10 p. 100 du débit moyen immédiatement en aval du lac Boomerang, mais presque 30 p. 100 du débit moyen. Toutefois, les effluents seraient beaucoup plus bas en sels dilués que les opérations de concentration en libéreraient, et l'on prévoit que les concentrations de contaminants au lac Lucy seraient moindres que les niveaux jugés acceptables dans les Recommandations pour la qualité des eaux au Canada et dans les Saskatchewan Surface Water Quality Objectives.

L'effluent s'infiltrerait à travers le muskeg et entrerait dans le lac Boomerang et dans le ruisseau Read de façon très diffuse. Il est aussi probable que de nombreux contaminants seront absorbés par le muskeg. On n'a pas tenu compte de ce fait dans les prévisions de concentration d'eau au lac Lucy qui se trouve à environ trois-quarts de kilomètre en aval du lac Boomerang. Par conséquent, les prévisions pour le lac Lucy sont probablement conservatrices. La commission conclut que le risque pour le poisson et les autres organismes aquatiques est acceptable.

Dans l'ensemble, le programme de contrôle proposé est acceptable, à la condition que le contrôle des effets biologiques soit prolongé pour inclure un vertébré terrestre, des macrophytes aquatiques et du plancton (cf section 10.1.2). La méthode d'échantillonnage des sédiments pourrait être approuvée (cf section 10.1.3) pour inclure un profil détaillé des sédiments au lac Little Yalowega.

La commission s'est inquiétée que quatre plantes rares ou peu répandues (Carex pauciflora, Cétrisperma, Pinguicula villosa et Scheuchzeria palustris), trouvées dans le muskeg qui recevrait l'effluent traité pourraient souffrir. Étant donné que cet habitat est commun dans toute la région, il est peu probable que ces espèces soient menacées. Toutefois, Cameco devrait assurer un contrôle pour déterminer si ces plantes subissent des effets nuisibles.

10.3 Programme de suivi à l'emplacement de Key Lake

La concentration du minerai de McArthur River à Key Lake touchera deux bassins hydrographiques, les systèmes de drainage du ruisseau David et du lac McDonald. Les effluents de l'usine seront combinés à de l'eau traitée provenant de l'IGRD et libérés dans le lac Wolf qui se déverse, par le ruisseau Yak, dans le ruisseau David. Les répercussions pour ce bassin hydrographique augmenteront probablement un peu au-dessus des niveaux actuels. Les charges de contaminants augmenteront à cause de la concentration d'un minerai de meilleure qualité et d'une augmentation du volume d'eau traitée à l'IGRD.

L'eau relativement propre interceptée par les puits en périphérie de l'IGRD sera libérée dans le bassin hydrographique du lac McDonald. Les incidences de la libération de cette eau diminueront probablement au-dessous des nivaux actuels. Les concentrations de nickel et d'autres contaminants seront réduites par la nouvelle usine d'osmose inverse récemment inaugurée et la nécessité de pomper les puits périphériques diminuera au fur et à mesure que le niveau d'eau est rétabli dans l'IGRD.

Malheureusement, la capacité de déceler les incidences aquatiques, particulièrement celles qui résultent de la libération des effluents de l'usine, est compromise par l'inefficacité des renseignements de référence et un programme de suivi mal conçu durant l'exploitation de la mine de Key Lake. Cameco a commandé un ensemble d'études par Terrestrial and Aquatic Environmental Managers Ltd. dans le but de combler cette lacune70 et de recueillir des renseignements de référence pratiques pour faciliter l'évaluation des incidences graduelles. Toutefois, parce que la capacité d'évaluer les incidences dépend de l'ampleur du changement, les incidences graduelles devront être importantes avant qu'il soit possible de les détecter.

Les émissions aériennes toucheront aussi les écosystèmes environnants. Toutefois, les résultats du programme de contrôle aérien indiquent que les émissions d'anhydride sulfureux ne sont pas assez importantes pour acidifier les lacs environnants et que la contamination par la poussière radioactive et de la descendance radioactive du radon est largement confinée au lac Key.

Le programme de contrôle proposé pourrait être amélioré de diverses façons en appliquant les principes qui sont expliqués à la section 10.1. D'abord, il faudrait mettre en place un contrôle de l'incidence biologique pour la masse d'eau dans laquelle l'effluent est libéré, soit le lac Wolf, en ce qui concerne l'effluent de l'usine et le lac Horsefly, en ce qui concerne l'eau souterraine interceptée autour des puits Deilmann et Gaertner. Il est inquiétant de remarquer que le lac Delta, à environ 10 km en aval du point de libération des effluents de l'usine, a été choisi comme poste d'échantillonnage en champ proche. Il serait, en fait, un poste à faible incidence. À cette distance, les ions de sodium et de sulfate seront dilués à environ 20 p. 100 et ceux d'uranium à environ 2 p. 100 des concentrations des effluents. En outre, les éléments biotiques à contrôler devraient être élargis pour inclure les macrophytes aquatiques, un mammifère terrestre, le tétras des savanes et le plancton. Troisièmement, l'échantillonnage de sédiments doit être amélioré, comme expliqué à la section 10.1.3.

Le permis d'exploitation de l'IGRD prescrira la méthode de contrôle des résidus, de la nappe phréatique, de l'eau dans l'étang au-dessus des résidus et de l'eau recueillie dans le puisard de drainage sous les résidus. Par la suite, le permis de désaffectation exigera le contrôle de la consolidation finale des résidus et le rétablissement de la nappe phréatique. Ce type de contrôle est l'une des charges des organismes de réglementation. La commission a confiance en leur capacité et leur détermination de mettre en vigueur un programme acceptable de contrôle pour l'installation.

La principale question qui reste à étudier est la durée de la période de contrôle après que les pompes sont arrêtées et que la nappe d'eau est rétablie. Les habitants de l'endroit méritent de recevoir l'assurance que les contaminants sont limités à l'installation et qu'à long terme, toute fuite de contaminants sera assez faible pour ne pas nuire aux organismes vivants. La commission croit que la seule façon dont les gens de la région peuvent recevoir cette garantie de protection environnementale est de contrôler l'installation pour une période indéfinie. De nombreuses incidences peuvent n'apparaître qu'à long terme et il n'est, par conséquent, pas possible de garantir une installation d'entreposage des résidus sans risques et dont on peut s'éloigner. L'industrie et ceux qui la réglementent doivent admettre que les installations de gestion des résidus doivent être contrôlées et, peut-être contenues, à perpétuité.71 Les détails du programme de contrôle, l'entretien possible de l'installation et la capacité de réagir à tout imprévu nécessitera une planification soignée et un financement adéquat (cf section 12.5).

10.4 Modélisation des parcours et des effets cumulatifs

La modélisation des parcours a servi à prévoir le mouvement des contaminants dans l'environnement et la dose pour les récepteurs humains à divers endroits (cf sections 10.1.3 et 10.1.4). Les estimations de doses obtenues à partir des modèles de parcours sont sujettes à critique, ce qui n'est pas étonnant, étant donné la complexité des modèles et les nombreux termes et facteurs de source sur lesquels ils sont fondés. Bien qu'il soit important de faire des modèles aussi réalistes et exacts que possible, il n'est pas pratique de s'attendre à des prévisions exactes, à cause des nombreuses incertitudes dans les termes et facteurs de source. Il faut admettre que l'objectif principal des exercices de modélisation consiste à évaluer les risques éventuels, non à produire des prédictions exactes. Le contrôle est nécessaire parce que c'est la seule façon acceptable d'évluer les risques réels. De plus, le modèle doit être mis à jour chaque fois qu'une somme importante de nouveaux renseignements devient disponible, suite au contrôle.

...qu'un tel programme intègre davantage d'études de parcours de bioaccumulation et, de surcoît, que les intervenants du Nord soient engagés dans tous les aspects du contrôle.

Bill Layman, South Central EQC, Transcript of McArthur River Public Hearings, La Ronge, Saskatchewan, 1er octobre 1996, p. 48.

Le promoteur utilise l'analyse de synthèse pour évaluer le dosage radiologique des émissions des mines et de l'usine sur d'hypothétiques êtres humains. L'analyse a été faite pour des personnes qui habitent les emplacements miniers de McArthur River et Key Lake et les zones environnantes, ainsi que pour les résidents du lac Wollaston, du lac Hatchet et du lac Black. L'analyse de ce dernier groupe impliquait une évaluation des effets cumulatifs de toutes les mines dans la partie orientale du bassin d'Athabasca. Cameco a estimé les doses, pour le public, bien au-dessous des limites réglementaires et à une petite fraction (environ 1 p. 100 ou moins) des doses dues aux radiations naturelles. Une personne au camp de Key Lake recevrait la dose la plus élevée, soit environ 10 p. 100 des doses dues aux radiations naturelles. La Commission de contrôle de l'énergie atomique a effectué une étude indépendante72 et obtenu des estimations comparables. On peut donc conclure que l'incidence radiologique éventuelle du projet de McArthur River serait assez basse pour être acceptable.

Même si l'on prévoit que les niveaux de répercussion seraient acceptables, il est essentiel de confirmer toutes les prévisions par un programme de contrôle bien défini. Saskatchewan Environment and Resource Management (SERM) (Environnement et gestion des ressources Saskatchewan) et la CCEA ont accepté d'établir un tel programme en réaction à une recommandation antérieure du comité (cf section 13.1). Ils ont constitué un Groupe de travail sur le contrôle des effets cumulatifs (GTCEC) en 1994, avec des conseils techniques de représentants de Santé Saskatchewan, d'Environnement Canada, du ministère de Pêche et Océans Canada, du Conseil de recherche de la Saskatchewan, du Centre de toxicologie de l'Université de la Saskatchewan, du Secrétariat de contrôle des mines du nord de la Saskatchewan et de Terrestrial and Aquatic Environmental Managers Ltd. Ce groupe de travail continue à améliorer le modèle IMPACT/CCEA qui évalue les incidences environnementales cumulatives.

Le GTCEC a aussi établi un programme de contrôle des effets cumulatifs pour évaluer la fiabilité des prédictions du modèle à partir d'observations sur place. En tout, on a établi 63 postes d'échantillonnage. Les éléments importants d'écosystème (EIE) sont contrôlés sur un cycle de trois ans et incluent l'air, le sol, le lichen, les bleuets, les aiguilles d'épinettes, le caribou, le tétra des savanes, l'eau, les dépôts sédimentaires, les macrophytes, le benthos et le poisson. On mesure les concentrations de radionucléides et de métal, ainsi que d'autres paramètres physiques et chimiques dans chaque EIE.

La façon dont les sédiments sont contrôlés demande aussi une considération soigneuse (cf section 10.1.3). Un profil détaillé des sédiments à quelques emplacements apporterait une excellente évaluation de l'étendue et de la circulation des contaminants pendant les dernières décennies.

La commission appuie les initiatives du GTCEC et souligne que l'existence de cette équipe diversifiée et hautement compétente de scientifiques devrait rassurer les résidents d'Athabasca et d'autres habitants du Nord sur la salubrité des aliments locaux. On devrait, toutefois, faire des tentatives pour donner aux habitants de la région le sentiment que ce projet et ses résultats leur appartiennent dans une certaine mesure. Cela pourra peut-être se réaliser si les résidents participent à la cueillette de renseignements et sont représentés au sein des comités de contrôle (cf sections 11.1 et 11.2).

...le contrôle des effets cumulatifs sur une base régionale, beaucoup d'habitants chassent, pêchent et piègent la plupart du temps et il serait beaucoup plus rentable et moins grave pour l'environnement si c'était eux qui apportaient ces types d'échantillons plutôt que des experts-conseils ou des scientifiques qui s'y rendent en avion, dépensent tout cet argent pour recueillir les échantillons, quand il y a des gens sur place qui ont besoin de travail et qui pourraient le faire, de toute manière. Tout ce qui leur manque c'est une formation.

Dr. Pat Thomas, Transcript of McArthur River Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 16 septembre 1996, p. 189.

10.5 Conclusions et recommandations Les renseignements disponibles indiquent que les incidences environnementales de ce projet seront probablement à l'intérieur de limites acceptables. Toutefois, un contrôle rapproché sera nécessaire pour garantir la protection de l'environnement et de la santé humaine.

Le programme de suivi proposé devra être revu comme il suit :

  • il devrait inclure le contrôle des masses d'eau qui recevront les effluents;
  • les effets biologiques devraient être accrus pour inclure tous les EIE dont on contrôle les effets cumulatifs à des emplacements plus éloignés;
  • l'échantillonnage des sédiments doit être modifié pour mesurer des profils détaillés de contaminants à certains emplacements de prélèvement;
  • l'analyse de l'efficacité statistique doit être menée avec les données de référence et de suivi. Si les résultats indiquent une faible probabilité de détecter même un changement majeur ou une répercussion importante, le programme de contrôle doit être révisé en conséquence.

Le contrôle sera nécessaire pendant plus longtemps que proposé à l'installation de gestion des résidus de Deilmann. Il faudra prendre des ententes qui autoriseront le contrôle perpétuel.

Les résidents de la région doivent participer à toutes les activités de contrôle.

On devra tenir régulièrement des ateliers pour examiner les effets biologiques des mines d'uranium. Entre autres participants, on devra compter des gens techniquement qualifiés provenant des entreprises d'uranium, des oganismes de réglementation et des ministères consultatifs, d'autres établissements gouvernementaux et des départements pertinents des universités. Il faut aussi inclure des représentants des comités de qualité de l'environnement.


61 Terrestrial & Aquatic Environmental Managers Ltd., Operational impact assessment to support nickel water quality objective setting for the McDonald Drainage system, préparé pour Cameco Corporation, décembre 1993.

62 P. Thomas, Submission to McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 16 septembre 1996, p. 7.

63 J.F. Klaverkamp, C.L. Baron, H.M. Cooley et R.V. Hunt, The Use of Fish in Environmental Effects Monitoring for Uranium Mines, Submission to the McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 16 septembre 1996, p. 2. W.L. Lockhart et P. Wilkinson, Lake Sediment Cores as Archives to Detect and Measure Environmental Changes, Submission to the McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 18 septembre 1996.

64 L'environnement est perçu comme composé de divers compartiments, comme l'air, l'eau, le sol ou les sédiments, ou des organismes à un endroit précis. Un compartiment d'organisme peut être précisé au niveau de l'espèce (p. ex., le caribou) ou peut inclure diverses espèces (p. ex., les plantes dont se nourrit le caribou), ou il peut n'inclure qu'une partie d'un organisme (p. ex., un muscle ou le foie).

65 P. Thomas, Submission to McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 16 septembre, 1996, p. 2.

66 McArthur River Environmental Impact Statement, Addendum, Cameco Corporation, juin 1996.

67 R.H. Hesslein, A generic proposal for research on the effects of greatly elevated levels of calcium sulfate in lakes down stream of ore processing operations, Submission to McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 10 septembre 1996.

68 Les valeurs LC20 ou LC50 s'appliquent aux concentrations de substance qui tueront 20 p. 100 ou 50 p. 100 d'une population.

69 L'efficacité statistique désigne la capacité d'un test statistique donné de déceler un changement donné dans une population.

70 McArthur River Environmental Impact Statement, Appendix 8, Cameco Corporation, décembre 1995, sections 4.6.3.3 et 4.6.3.4. McArthur River Environmental Impact Statement, Appendix 12A, Cameco Corporation, décembre 1995.

71 D. Kirkwood, T. Peters et D. McCreath, Désaffectation des sites de gestion des résidus d'uranium dans la région d'Elliot Lake, juin 1996, Approvisionnements et Services Canada.

72 L. Chamney, Commission de contrôle de l'énergie atomique, Regulatory Review of the Radiological Impact of Cigar Lake and McArthur River Uranium Projects, Submission to the McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 16 septembre 1996.