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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

6 Gestion des résidus, des déchets rocheux et des eaux usées de la mine

Les ressources minérales de la baie Voisey contiennent des minéraux sulfurés hautement réactifs. Un des problèmes critiques à régler est donc le contrôle de la production d'acide dans les résidus et les stériles qui restent après l'extraction et le broyage et qui doivent être stockés à perpétuité. En outre, il faudra des volumes considérables d'eau de traitement pour concentrer le minerai au moyen du procédé de broyage et pour transporter les résidus vers les sites de stockage. Une bonne part de cette eau pourrait être recyclée, mais il est difficile d'en préciser la quantité à partir des essais pilotes. La production proposée de deux concentrés de minerai, l'accumulation des contaminants provenant du traitement et le besoin d'eau douce pour mélanger les réactifs et pour refroidir les joints de pompes sont autant de facteurs qui détermineront la quantité d'eau recyclable. Les excédents d'eau seraient épurés et évacués dans le milieu marin; certains participants ont dit craindre les effets du rejet des boues que produiront ces opérations. La source de l'eau douce utilisée affaiblira le débit vers le ruisseau Reid.

6.1 Évacuation des résidus et des stériles minéralisés

La VBNC se propose de recourir à une méthode par étapes pour évacuer les déchets miniers susceptibles de produire des acides. Elle envisage la possibilité de rejeter ces déchets sous l'eau dans deux bassins lacustres naturels. Pour une richesse minérale démontrée de 150 millions de tonnes de minerai, la VBNC produirait environ 13,2 millions de mètres cubes de résidus en exploitant le gisement Ovoid et 5,5 millions de mètres cubes de stériles potentiellement réactifs provenant de l'exploitation minière ciel ouvert et souterraine pendant le cycle de vie de la mine. La société minière prévoit évacuer ces déchets dans le lac Headwater. Elle s'attend déposer jusqu'à 59,6 millions de mètres cubes de résidus dans le North Tailings Basin à partir du moment où le gisement Ovoid sera épuisé et jusqu'à l'achèvement du projet. Les boues provenant du traitement de l'eau seraient également déposées dans ces deux bassins, avec les résidus.

Un système de pipeline, d'environ huit kilomètres de longueur, transporterait les boues de résidus en suspension depuis la mine jusqu'au lac Headwater. Il faudrait prolonger le pipeline de sept kilomètres pour aller jusqu'au North Tailings Basin. Un autre tuyau ramènerait vers la mine l'eau récupérée des bassins, où elle servirait comme eau de traitement recyclée. Les voies d'accès aux bassins seraient parallèles au pipeline, et la VBNC utiliserait le chemin menant au lac Headwater pour transporter les stériles à très basse teneur provenant du gisement Ovoid et de l'extraction souterraine, pour les évacuer dans la partie sud-est du bassin.

Tous les participants sont d'avis que l'évacuation subaquatique des matières produisant des acides constitue la meilleure solution en matière de gestion des déchets. Selon la province, l'élimination de l'air par la submersion de ces matières dans l'eau reste la méthode la plus couramment acceptée pour réduire au minimum l'oxydation des sulfures. Ressources naturelles Canada déclare que la production d'acide est très difficile à arrêter une fois déclenchée, mais que les résidus réactifs peuvent atteindre un état géochimique très stable sous l'eau. Par conséquent, l'évacuation lacustre de ces déchets créerait un environnement stable et sûr qui diminuerait le plus possible la nécessité de construire des structures artificielles et déboucherait sur un système de confinement et d'entretien peu coûteux comportant un très faible risque de défaillance à long terme. Un expert de l'Association des Inuit du Labrador est d'avis que les sujets de préoccupation ne sont pas insurmontables. L'Association estime raisonnables la conception d'ensemble de l'évacuation des résidus et des stériles, ainsi que les plans de stockage subaquatique.

6.1.1 Conception des bassins de résidus

La VBNC a étudié huit emplacements pour le stockage des résidus miniers et des stériles à basse teneur avant de porter son choix sur le lac Headwater et le North Tailings Basin (voir la carte à la page 48). La société minière a envisagé seulement les emplacements qui étaient situés à l'extérieur du bassin hydrographique du ruisseau Reid ou qui pourraient être dérivés de ce bassin de façon permanente; qui pouvaient offrir une couverture d'eau permanente; qui seraient capables d'absorber les volumes de déchets miniers produits par une ressource minérale de 150 millions de tonnes. On a aussi tenu compte du rapport entre le volume de déchets que l'emplacement pouvait contenir et le volume de pierres nécessaire pour construire la digue. Les digues de petite taille nécessitent des volumes de pierres plus petits (diminuant d'autant l'empreinte du projet), elles sont plus sûres et réduisent le plus possible les eaux d'infiltration.

En se fondant sur d'autres critères environnementaux et techniques - tels que les effets environnementaux minimums, les possibilités en matière d'élargissement, la facilité d'utilisation et la sûreté des dispositifs de clôture de protection, le confinement topographique et hydrographique, la rentabilité, l'acceptabilité sur le plan esthétique, les difficultés propres au corps minéralisé et le calendrier imposé par la réglementation - la VBNC a éliminé tous les sites envisagés sauf trois. Le troisième site (option 5), bien que répondant aux critères, n'a pas été choisi à cause de la distance qui le sépare de l'usine de concentration et du fait qu'il aurait nécessité la construction de digues d'une hauteur supérieure celles qu'il faudrait aménager au North Tailings Basin.

Pour pouvoir déposer des résidus et des stériles dans le lac Headwater, il faudrait construire deux digues périmétriques de 13 mètres et 15 mètres de haut respectivement. A l'extrémité ouest du bassin, la digue H2 fermerait pour de bon l'écoulement vers le bassin hydrographique du lac Otter et du ruisseau Reid. Les eaux d'infiltration provenant de cette digue sont estimées à 0,2 L/s. Une deuxième digue, H1, bloquerait l'écoulement dans le bassin hydrographique de la baie Throat, à l'est du lac. Les eaux d'infiltration en sont estimées à 0,1 L/s. Puisque le volume de résidus du gisement Ovoid est moindre que la capacité naturelle du bassin, tous les résidus seraient déposés à un niveau inférieur à celui des cours d'eau qui prennent actuellement leur source dans le lac.

Pour ce qui est du North Tailings Basin, il faudrait construire six digues pour donner à ce système de trois lacs la capacité d'absorber un volume de résidus estimé à 59,6 millions de mètres cubes. Deux de ces digues, N4 et N5, seraient des ouvrages de dérivation servant à empêcher l'eau douce d'entrer dans le bassin. La digue N1 serait un ouvrage de régulation temporaire entre les lacs supérieur et inférieur. Trois digues périmétriques (N2, N3 et N6) accroîtraient la capacité du bassin. Mesurant entre 13 et 35 mètres de haut, elles seraient aménagées par étapes au fur et à mesure que l'on déposerait des résidus. Les eaux d'infiltration de ces digues iraient de 0,3 L/s dans le bassin hydrographique de la baie Kangeklukuluk 0,2 L/s dans le bassin hydrographique de la baie Kangeklualuk.

La VBNC a déclaré que, selon les prévisions, la couverture aquatique des bassins serait de deux à quatre mètres et qu'elle se maintiendrait même pendant des conditions de sécheresse extrême. Environnement Canada a exprimé des craintes quant à l'efficacité d'une couverture d'eau si mince pour empêcher l'oxydation ou la remise en suspension des résidus. L'Association des Inuit du Labrador, de son côté, s'est demandé si l'action des glaces et du vent ne pourrait pas perturber la couverture aquatique. Certains participants ont aussi demandé si les dispositions prévues suffiraient réduire au minimum la possibilité que les métaux contenus dans les résidus s'introduisent dans la tranche d'eau.

Selon Ressources naturelles Canada, les résultats de la vérification menée sur le terrain dans le cadre du Programme de neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier ont permis de déterminer que la profondeur minimale critique d'eau nécessaire pour empêcher l'oxydation et éviter la perturbation par les vagues oscillait entre 1,3 m et 1,4 m.

La commission a entendu des préoccupations au sujet des eaux d'infiltration possibles et du besoin de repérer ces eaux, de les capter et de les traiter avant de les rejeter dans l'environnement. La VBNC se propose de renforcer l'assise rocheuse des fondations des digues en y injectant un rideau de coulis pour prévenir les eaux d'infiltration. Dans le cas des digues construites sur les morts-terrains, les eaux d'infiltration seraient enrayées en bloquant les tranchées de boues. Les eaux d'infiltration provenant des bassins seraient surveillées au moyen d'une combinaison de méthodes comprenant notamment le prélèvement d'échantillons d'eau de surface en amont et en aval des digues et l'aménagement de puits dans la nappe phréatique près du pied des digues. Si les mesures de surveillance ou l'inspection visuelle des digues révélaient des effets nuisibles sur la qualité de l'eau, la VBNC capterait les eaux d'infiltration et les renverrait dans le bassin de résidus par pompage. Ensuite, la société minière évaluerait les causes possibles du problème et envisagerait des mesures propres à réduire les eaux d'infiltration, par exemple, par de nouvelles injections de coulis ou des modifications apportées à la conception des digues.

Certains participants ont dit craindre qu'une faille apparente liée à l'extrémité nord des deux digues du lac Headwater puisse servir de conduit l'infiltration d'eau souterraine ou entraîner éventuellement une rupture de digues. La VBNC a affirmé que toutes les caractéristiques structurales avaient été intégrées à la modélisation hydrogéologique et qu'elles étaient géologiquement stables. La société minière injecterait du coulis dans le substrat rocheux des fondations pour affaiblir la conductivité hydraulique et elle étudierait soigneusement les fondations pour y détecter toute possibilité future d'infiltration. D'autres participants s'inquiétaient aussi du fait qu'un glissement de terrain au Nord de la digue H2 pourrait entraîner une rupture de digues, mais la VBNC a encore une fois décrit cette zone comme stable.

Lors des audiences, les participants ont aussi souligné le besoin de surveiller et de maintenir l'intégrité des digues, et ils ont exprimé des craintes relativement à l'efficacité de noyaux de bentonite des digues dans des conditions climatiques semblables à celles du Labrador. La VBNC a déclaré que les digues proposées pour les deux bassins de résidus étaient des digues conventionnelles de rétention d'eau.

Les participants ont manifesté des inquiétudes relativement à la rupture possible des pipelines pour les résidus. Selon la description qu'en a donné la VBNC, les pipelines seraient composés d'un tuyau placé à l'intérieur d'un autre et séparé de ce deuxième tuyau par un isolant. Les pipelines suivraient le trajet des routes d'accès et feraient l'objet de surveillance. De plus, le débit d'évacuation serait surveillé et tout écart par rapport au débit d'entrée déclencherait une alerte. Des participants ont aussi posé des questions au sujet de la capacité des poches de vidange à recevoir le contenu des pipelines s'il se produisait un arrêt ou un flux d'urgence si des résidus se trouvent dans le tuyau. La VBNC a affirmé que des pompes d'urgence videraient normalement les boues contenues dans le tuyau avant qu'il ne soit fermé. Pour donner un exemple de la rareté des occurrences d'utilisation de la vidange, la VBNC a décrit ce qui s'est passé à la mine de Louvicourt dans le Nord du Québec. Cette mine a recours à une technologie semblable à celle proposée pour faire fonctionner un pipeline de grande longueur pour l'évacuation des résidus dans des conditions climatiques similaires; or, il n'a jamais été nécessaire de vidanger le tuyau depuis que la mine est entrée en exploitation, il y a environ six ans. Si la vidange s'avérait nécessaire, cependant, la VBNC a déclaré qu'elle s'occuperait immédiatement de confiner ou d'éliminer les matières extraites du tuyau.

6.1.2 Plans de remplacement pour l'évacuation des déchets miniers

De nombreux participants ont dit à la commission que la VBNC devrait explorer des solutions de remplacement au North Tailings Basin pour évacuer les résidus produits par l'extraction minière souterraine. Parmi les plans de remplacement qu'ils ont suggérés, mentionnons l'évacuation sous-marine, ainsi que le remblayage du puits à ciel ouvert et des galeries souterraines. Ces solutions pourraient permettre de réduire la taille des digues nécessaires au North Tailings Basin. Selon la taille du gisement de minerai exploité, le remblayage des galeries souterraines, conjugué à celui du puits à ciel ouvert, pourrait peut-être éliminer le besoin d'un deuxième bassin de stockage.

L'évacuation sous-marine des résidus s'est déjà pratiquée partout dans le monde et à deux endroits au Canada, en Colombie-Britannique, dans les projets miniers d'Island Copper et de Kitsault. Pendant tout le cycle de vie de la mine Island Copper, une mine de cuivre à tonnage important, les déchets et les résidus ont été évacués dans l'océan. La commission croit savoir que les opinions divergent relativement aux effets environnementaux résiduels observés à cet endroit. La commission remarque aussi que la productivité biologique de ce site marin de stockage de résidus est très différente de celle de la zone du projet de la VBNC. Les résultats ne sont peut-être donc pas transférables.

Un spécialiste de l'Association des Inuit du Labrador a affirmé que le stockage sous-marin, qu'il se fasse dans un emplacement confiné ou non confiné, réduit les besoins de structures artificielles, augmente la stabilité chimique et amoindrit l'empreinte du projet au sol. Cependant, l'Association des Inuit du Labrador a expliqué qu'elle ne recommandait pas nécessairement d'envisager une telle possibilité. Selon le commentaire de Ressources naturelles Canada, compte tenu de l'évolution de la technologie et des connaissances relatives au comportement des résidus dans un milieu marin, le stockage sous-marin mérite d'être étudié plus à fond, peut-être comme solution de remplacement à l'évacuation des résidus dans le North Tailings Basin pendant l'étape de l'exploitation des gisements souterrains. Environnement Canada a déclaré que la réglementation actuelle forcerait la VBNC à faire la preuve que le stockage sous-marin est la seule solution pratique ou la meilleure solution pour l'environnement, et qu'une telle méthode devrait aussi recevoir une autorisation limitée à une installation localisée, en vertu du paragraphe 36(5) de la Loi sur les pêches. La province estime que le stockage sous-marin est risqué à cause de l'incapacité de prévoir, d'enrayer ou de rectifier la dissémination des contaminants dans tout l'environnement; elle a ajouté qu'il serait peu probable qu'elle autorise ce mode de stockage pour le moment.

La commission remarque que, dans l'exploitation des mines d'uranium de la Saskatchewan, les résidus sont stockés couramment dans des puits de mines épuisées. Ces résidus contiennent des concentrations de métaux, en plus de leur radioactivité résiduelle. Leur stockage souterrain réduit au minimum la quantité de contaminants des résidus qui pénètrent dans la nappe phréatique, car les résidus sont entourés d'une enveloppe perméable de déchets rocheux ou d'une doublure imperméable. Le volume de ces puits, en comparaison de celui des résidus qui y sont placés, est cependant beaucoup plus élevé que dans le cas du gisement Ovoid.

La VBNC a signalé que plusieurs problèmes influent sur la possibilité de recourir au remblayage des puits désaffectés. D'abord, les opérations souterraines doivent être suffisamment isolées pour prévenir tout danger d'afflux. Ensuite, puisque le puits est près du bassin hydrographique du ruisseau Reid, il serait essentiel d'assurer des conditions d'eau convenables ou d'isoler les matières stockées pour qu'elles ne puissent jamais pénétrer dans le ruisseau.

Un expert innu, qui s'exprimait au nom de la nation Innu, a alors suggéré ceci : plutôt que de créer un lac profond à l'endroit du puits lorsque l'extraction sera terminée au gisement Ovoid, la VBNC devrait remplir le puits avec des déchets sulfureux, jusqu'au niveau original des sulfures, recouvrir le tout d'une calotte protectrice ou d'une couche de matière propre, et ensuite noyer le puits. Selon lui, même si l'eau d'un lac minier profond se renouvelle à chaque saison, assimilant chaque fois de l'oxygène, l'eau contenue dans les déchets submergés s'oxygénerait beaucoup plus lentement, ce qui réduirait le déplacement de l'eau oxygénée vers les roches sulfureuses couvrant les côtés du puits. La solution proposée permettrait également d'assurer la submersion durable des déchets sans risque de rupture du confinement.

Toutes les méthodes d'exploitation qui conviennent au gisement de la baie Voisey nécessiteraient le recours au remblayage, et la VBNC s'est engagée à en étudier plus à fond les possibilités. La société minière a déclaré que la méthode par étapes, qui consisterait à déposer les résidus et le minerai à très basse teneur du gisement Ovoid dans le lac Headwater avant de mettre en service le North Tailings Basin, lui donnerait la possibilité d'évaluer d'autres solutions de stockage, surtout si les réserves souterraines de minerai sont moindres que prévu. La VBNC a ajouté qu'elle avait besoin d'acquérir de l'expérience opérationnelle à cet endroit avant de pouvoir évaluer la viabilité de l'utilisation du puits à ciel ouvert comme installation de rétention des déchets miniers. La société minière a aussi affirmé que les stériles restaient le meilleur choix comme matériau de remplissage et qu'il était impossible de déterminer si les résidus de l'extraction souterraine conviendraient au remplissage sans d'abord étudier un échantillon industriel. Le principal problème qui pourrait survenir serait une forte teneur en soufre dans le matériau de remplissage, ce qui pourrait déclencher la combustion et produire des gaz dangereux.

La commission est au courant des progrès technologiques réalisés pour ce qui du dépôt du matériau de remplissage. La technologie de la pâte, par exemple, pourrait faire disparaître les restrictions imposées à l'utilisation des résidus à forte teneur en soufre. Il est également clair que les résidus ne peuvent pas tous être déposés dans des puits désaffectés. Habituellement, les résidus ont une densité d'à peu près la moitié de celle du minerai in situ et ils prennent plus de deux fois plus de place que le volume original de minerai.

La province a affirmé que toutes les solutions de remplacement, que ce soit le stockage souterrain ou le dépôt dans un puits à ciel ouvert, pourraient être étudiées pendant le processus d'approbation, une fois que tous les intéressés comprendront mieux les détails de l'exploitation minière.

Faisant valoir une autre solution de remplacement, la nation Innu a souligné la nécessité de réduire au minimum le nombre de sites de stockage des déchets miniers et elle a proposé de limiter ces sites à un seul bassin hydrographique pour atténuer les effets environnementaux. Étant donné l'énorme valeur écologique du bassin hydrographique du ruisseau Reid, la nation Innu a suggéré de remettre en question l'utilisation du lac Headwater et de songer à déposer tous les résidus dans le North Tailings Basin qui serait d'abord agrandi, et d'adopter l'option 3 pour l'évacuation des stériles à très basse teneur.

6.1.3 Désaffectation des bassins de résidus

Au moment de fermer la mine, la VBNC se propose de construire des barrages-déversoirs permanents pour permettre l'écoulement des bassins tout en maintenant un franc bord de 5,5 m pour prévenir tout déversement intempestif. Les talus des digues à résidus seraient adoucis et on installerait d'autres ouvrages de contrôle de l'érosion pour assurer la stabilité à long terme. En ce qui concerne le North Tailings Basin, les digues de dérivation seraient supprimées et les eaux d'écoulement seraient détournées de façon à les faire passer par le bassin, comme auparavant. La société minière se chargerait d'enlever les ouvrages et les installations inutiles et s'emploierait régénérer les végétaux sur les surfaces exposées. Les activités de désaffectation seraient conçues de manière à assurer que les résidus et les déchets rocheux placés dans les bassins de résidus restent submergés en permanence, pour empêcher l'acidification, et sous une couche d'eau assez épaisse pour prévenir la remise en suspension des résidus.

La VBNC a l'intention de continuer à traiter l'eau des deux bassins de résidus jusqu'à ce que cette eau soit assez pure pour être libérée telle quelle dans l'environnement. La VBNC se propose d'étudier, comme mesure d'appoint, la méthode qui consiste à poser des barrières passives sur les résidus pour réduire le flux de contaminants. Une fois rendus assez propres pour être libérés, les effluents du lac Headwater seraient évacués vers l'est dans le bassin hydrographique de la baie Throat, et les effluents du North Tailings Basin seraient rendus à leur écoulement naturel dans le ruisseau en aval de la digue N2, pour se déverser ensuite dans la baie Kangeklualuk. Des participants ont discuté de la possibilité de retourner au bassin hydrographique du ruisseau Reid la totalité ou une partie des eaux de déversement du lac Headwater. Selon la VBNC, il serait possible de procéder ainsi si la qualité de l'eau est acceptable le moment venu. La commission constate que la VBNC n'a pas défini les normes de cette acceptabilité. Au minimum, les normes adoptées devraient être compatibles avec le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux, mais elles pourraient aussi être plus rigoureuses, selon les exigences propres l'emplacement.

Conclusions et recommandations

La commission en conclut que le processus de sélection des sites suivi par la VBNC était judicieux et tenait compte des facteurs environnementaux. La commission croit que la société minière a choisi les meilleures options naturelles possibles. Les ratios stockage et digue sont élevés, et le fait que les résidus évacués dans le lac Headwater seront placés sous le niveau naturel du débit sortant constitue une mesure de sauvegarde importante pour empêcher le déversement accidentel de résidus dans le bassin hydrographique sensible du ruisseau Reid.

Puisque la sécurité à long terme des installations de stockage des résidus dépend de l'intégrité des digues périmétriques, la commission est d'avis que la conception et l'entretien des digues seront cruciaux. La commission n'a reçu aucune preuve laissant entrevoir des défauts ou des insuffisances dans les plans des digues proposées, mais elle croit tout de même que la VBNC ferait preuve de prudence en se renseignant sur les travaux du même genre exécutés ailleurs, en particulier dans des zones climatiques semblables.

La VBNC a assuré à la commission que toutes les digues seraient conçues en tenant compte des pires possibilités de séisme et que les talus des digues seraient stabilisés et adoucis au moment de la désaffectation. La commission croit également que la VBNC devrait prendre les dispositions nécessaires pour capter les eaux d'infiltration, le cas échéant.

La commission pense que les plans proposés permettraient à la VBNC de maintenir la couverture aquatique voulue dans les deux installations de stockage des résidus pendant les années de sécheresse. Durant les années normales de la période d'exploitation, le lac Headwater aurait un excédent d'eau de 0,26 million de mètres cubes, et le North Tailings Basin, un excédent de 2,68 millions de mètres cubes. Au cours des années de sécheresse exceptionnelle, la société minière pourrait prendre des mesures correctives, par exemple, utilisation de plus grandes quantités d'eau recyclée ou, au besoin, réduire ou arrêter la production.

Recommandation 7

La commission recommande que la VBNC

  • s'assure que la conception finale de toutes les digues comporte des dispositions tenant compte des pires possibilités de séisme;
  • évalue les pratiques optimales de gestion environnementale utilisées au Canada et ailleurs pour ce qui est de la conception et de la construction de digues, pour déterminer les dispositions à prendre pour le captage et le traitement des eaux d'infiltration;
  • élabore un programme d'inspection de sécurité des digues, ainsi qu'un programme d'entretien des digues, et qu'elle les mette en uvre à toutes les étapes du projet.

La commission est d'accord à propos de l'utilisation par étapes du lac Headwater et de l'aménagement ultérieur du North Tailings Basin, en fonction des résultats de l'estimation finale du volume de minerai et de l'évaluation constante des solutions de remplacement, tel qu'indiqué précédemment. La commission est convaincue que la VBNC devrait étudier à fond la possibilité de stocker les résidus et les stériles dans des puits à ciel ouvert et sous terre, de façon à éviter l'aménagement du North Tailings Basin. Cette solution permettrait de réduire l'empreinte du projet, d'éviter la perturbation d'un autre bassin hydrographique et d'amoindrir les pertes d'habitat du canard arlequin.

Recommandation 8

La commission recommande que la VBNC, avant de mettre en service le North Tailings Basin, évalue la possibilité d'utiliser le puits de mine désaffecté du gisement Ovoid comme site de stockage de résidus ou de stériles. La société minière devrait aussi, lorsqu'elle disposera d'échantillons industriels, évaluer jusqu'à quel point les stériles et les résidus acidogènes conviennent comme matériau de remplissage souterrain. Pendant cette évaluation environnementale, la VBNC devrait se mettre à la recherche de la meilleure technologie actuelle pouvant servir à l'évacuation des résidus, et étudier les résultats du programme de surveillance du canard arlequin (voir la recommandation 65). Cette évaluation devrait être soumise à l'examen et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement que l'on propose de créer.

6.2 Gestion des stériles non minéralisés

La VBNC a l'intention de stocker environ 22 millions de tonnes de stériles non acidogènes dans deux sites de surface adjacents au puits à ciel ouvert (se référer à la carte à la page 48, une carte de l'emplacement du projet). Plus de 90 pour cent de tous les stériles sont non réactifs. Le site de stockage de l'Est est conçu pour contenir 18 millions de tonnes de roche de mine, et celui du Nord, quatre millions de tonnes. De plus, environ neuf millions de tonnes de morts-terrains seraient stockés dans un site prévu à cet effet dans la partie sud du projet.

La VBNC a soumis les divers genres de roche de mine à des essais statiques et cinétiques pour déceler les matériaux potentiellement acidogènes et déterminer les taux de réactivité correspondants. Les essais ont aussi montré que la teneur en sulfure était un bon indicateur de la teneur en métaux; le nickel est le principal métal qui préoccupe dans les lixiviats de roche de mine réactive. La VBNC se propose d'utiliser la teneur en soufre pour distinguer entre les déchets rocheux réactifs et ceux qui sont non réactifs. Les déchets contenant moins de 0,2 pour cent de soufre seraient stockés en surface et le reste serait traité comme réactif et stocké sous l'eau dans le lac Headwater. Cette façon de procéder se compare aux directives en vigueur en Colombie-Britannique, qui recommandent une limite de démarcation à 0,3 pour cent de teneur en soufre, et aux suggestions d'un expert de la nation Innu selon lequel les stériles ayant une teneur en soufre supérieure à 0,1 pour cent devraient être gérés comme déchets réactifs. La société minière a déclaré qu'une quantité minime seulement des déchets se situait dans cette fourchette critique.

Ayant déterminé que la troctolite était acidogène, la VBNC a l'intention de l'évacuer entièrement sous l'eau. Pour ce qui est du puits à ciel ouvert, la presque totalité du gneiss était caractérisé comme non réactif, bien que de petites quantités de gneiss à haute teneur en soufre soient associées l'auréole de contact de la troctolite. On peut différencier visuellement la troctolite et le gneiss. Les essais menés sur les morts-terrains montrent qu'ils ne sont pas acidogènes.

Pendant l'exploitation de la mine, le dynamitage pourrait entraîner le mélange des types de roche. La VBNC a cependant affirmé que si du minerai se retrouvait mélangé à des stériles, le matériau ainsi constitué serait envoyé au concentrateur. Pour évaluer la teneur des stériles, la société minière a l'intention d'élaborer un protocole sous la forme d'une procédure de prélèvements périodiques d'échantillons et d'analyse de ces échantillons sur place avant que la caractérisation de l'empilement de roches ne soit déterminée. Les essais se poursuivraient jusqu'à ce que toutes les roches aient été triées soigneusement à l'aide d'autres techniques comme la différenciation visuelle. Pendant la construction du projet, la société minière se doterait d'installations temporaires d'analyse pour tester les déchets rocheux provenant des routes et des puits d'emprunt.

Environnement Canada, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont dit s'inquiéter de la possibilité que les sites de stockage des stériles rejettent des contaminants dans l'environnement. Ce qu'ils craignaient précisément, c'est que des matériaux acidogènes finissent dans des sites de stockage pour stériles non acidogènes qui ne produisent pas. La commission a alors appris qu'une caractérisation prudente de la roche de mine pour distinguer entre les stériles réactifs et les stériles non réactifs, ainsi qu'un procédé efficace de tri des roches pendant l'extraction, sont deux procédures essentielles permettant d'éviter de stocker des stériles réactifs la surface du sol. Ces procédures doivent être vérifiables et ne laisser aucune place à l'erreur, quelles que soient les conditions d'exploitation, y compris la prévision des pires conditions atmosphériques.

Les participants voulaient aussi que la VBNC s'assure que les empilements de déchets stockés à la surface du sol se comportent conformément aux normes prévues, et ont demandé à la société minière de prévoir des mesures pour aborder tous les problèmes éventuels.

La VBNC a l'intention de poursuivre les essais visant à vérifier les prévisions relatives au comportement à long terme de la roche de mine. Un système de tranchées de drainage capterait les eaux s'écoulant des sites de stockage de la roche de mine et les dirigerait vers le bassin de décantation et de contre-foulement au sud. Le captage des eaux de drainage permettrait à la VBNC de traiter toutes les eaux contaminées avant de les évacuer. En réponse à une recommandation d'Environnement Canada, la société minière a accepté de mettre en uvre un programme de vérification et de surveillance des stériles sur les lieux et d'élaborer un plan d'urgence qui sera activé si l'on trouve des matériaux réactifs dans les empilements de stériles non minéralisés qui y sont stockés.

Les participants ont soutenu aussi que la VBNC devrait utiliser au maximum la roche de mine non réactive comme agrégat dans les travaux de construction, pour réduire au minimum le besoin de mettre en service d'autres carrières et sites d'emprunt. La société minière a signalé qu'elle traiterait les stériles non minéralisés comme matériau prioritaire pour la construction, mais que ce matériau ne serait pas disponible pendant les premières années d'existence de la mine.

La commission en conclut que les opérations de tri des déchets acidogènes nécessiteraient une attention minutieuse. Comme l'a expliqué la VBNC, le gisement Ovoid contient de grandes quantités de stériles à teneur nulle en minéraux sulfurés. Les roches qui contiennent effectivement des sulfures ont une apparence différente ou se trouvent seulement dans des zones qui sont proches des emplacements principaux de minerais sulfureux. La commission croit qu'une bonne planification des travaux de la mine, conjuguée à des méthodes judicieuses de dynamitage, pourrait réduire au minimum les risques de mélange du minerai réactif avec des stériles non réactifs. Le volume de matières mélangées serait donc assez petit pour que la VBNC puisse l'acheminer en entier vers l'usine de concentration, tel que proposé.

Les participants ont peu parlé de la façon dont la VBNC s'y prendrait pour trier les matières acidogènes dans ses installations d'extraction souterraine. Ce tri devrait probablement être plus facile sous terre mais, par contre, il pourrait s'avérer plus difficile de séparer constamment les roches acidogènes dans le système de manutention des déchets. Pour y arriver, la VBNC devra peut-être accroître la souplesse de ce système lorsqu'elle procédera à la conception de la mine.

Recommandation 9

La commission recommande que la VBNC

  • élabore et mette en uvre, pendant toute la durée du projet, un programme de vérification et de contrôle des stériles provenant des puits à ciel ouvert et de l'exploitation souterraine et stockés à la surface du sol;
  • élabore des méthodes en vue de séparer tous les déchets qui proviennent de zones potentiellement acidogènes, mais qui sont triés comme non acidogènes, et de diriger ces déchets vers un site d'évacuation particulier, pour que la société minière puisse prendre des mesures d'atténuation si la surveillance révèle un problème;
  • décrive les plans d'intervention d'urgence qu'elle mettra en uvre, en particulier son plan de gestion des eaux de ruissellement si l'on découvre des roches réactives dans les empilements de stériles non minéralisés;
  • s'assure que le système de manutention des déchets conçu pour l'exploitation souterraine permettra d'exécuter séparément la manutention et l'évacuation des stériles acidogènes.

6.3 Questions relatives à la qualité de l'eau

Le procédé de concentration proposé comporte une installation complexe de manutention de l'eau. En période de crête d'activité, cette installation utiliserait quelque 11 millions de mètres cubes d'eau par an pour traiter le minerai extrait du puits à ciel ouvert. Une bonne part de cette eau serait recyclée, mais 5,4 millions de mètres cubes seraient rejetés dans l'anse à Edward chaque année pendant l'exploitation du puits à ciel ouvert. Il s'agirait du seul rejet d'eau dans l'environnement. Voici quelles en seraient les sources principales :

  • 1,1 million de mètres cubes d'eau douce proviendraient du lac Camp;
  • un volume net de 2,32 millions de mètres cubes proviendrait de la zone de drainage du lac Headwater;
  • le reste proviendrait des eaux de ruissellement du site et du dénoyage du puits à ciel ouvert.

Pendant la période d'exploitation souterraine, le volume d'eau déversé dans l'anse à Edward augmenterait à 7,5 millions de mètres cubes, le supplément de volume provenant du North Tailings Basin. En outre, 2,68 millions de mètres cubes d'eau excédentaire seraient évacués du North Tailings Basin dans la baie Kangeklualuk.

Selon les prévisions de la VBNC, l'eau évacuée dans l'anse à Edward sera d'une qualité bien supérieure aux critères imposés par le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux ou par le ministère de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve et du Labrador. A titre d'exemple, les tout derniers essais pilotes laissent prévoir des concentrations de nickel inférieures à 0,01 mg/L, alors que le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux prévoit une moyenne mensuelle de 0,5 mg/L.

6.3.1 Équilibre hydrologique

Le maintien de l'équilibre hydrologique nécessite un système complexe de manutention de l'eau. Pour réduire les besoins en matière d'épuration de l'eau, une première vidange du lac Headwater enlèverait à peu près 8 millions de mètres cubes d'eau et abaisserait le niveau de l'eau à 84 m au-dessus du niveau de la mer. L'équilibre hydrologique du lac Headwater serait maintenu en vidangeant vers l'usine de broyage un volume annuel estimatif de 5,18 millions de mètres cubes d'eau de traitement recyclée, un excédent de 0,26 million de mètres cubes d'eau étant dirigé vers la station d'épuration. La première vidange proposée du North Tailings Basin enlèverait quatre millions de mètres cubes d'eau et abaisserait le niveau de l'eau à 124 mètres au-dessus du niveau de la mer. De l'eau récupérée serait aussi tirée du North Tailings Basin pour être utilisée dans les procédés de concentration. L'excédent d'eau serait traité, au besoin, dans une station d'épuration réservée à cette fin et située au bassin, et canalisé ensuite vers la baie Kangeklualuk où il serait rejeté au moyen d'un diffuseur.

Les participants ont mis en doute la nécessité de disposer de deux stations d'épuration d'eau et de deux points d'évacuation des effluents. La station d'épuration située au North Tailings Basin est conçue dans le but de traiter l'excédent d'eau évacuée pendant l'exploitation de la mine et toutes les eaux évacuées à l'étape de la désaffectation. Puisqu'il y aurait une canalisation de retour de l'eau vers la station d'épuration principale, on pourrait peut-être diriger les eaux évacuées vers cette station. La VBNC a affirmé que, pour procéder ainsi, il faudrait accroître la capacité de pompage et d'épuration de la station principale; la société minière a quand même ajouté que cette possibilité serait étudiée lors de l'élaboration des plans futurs. Cette question est abordée en détail au chapitre 9, Effets d'origine terrestre sur l'environnement marin.

Des experts de la nation Innu et d'Environnement Canada ont dit à la commission qu'il fallait prendre des mesures pour recycler l'eau le plus possible puisqu'en le réduisant, on augmenterait d'autant les prélèvements d'eau douce et les volumes d'eau à épurer avant de les évacuer comme effluents. En outre, si la société minière recycle moins d'eau que prévu, il faudra que les installations d'épuration soient conçues de manière à pouvoir traiter la totalité des volumes d'eau qui nécessite une épuration. Environnement Canada a laissé entendre que les faits observés n'appuient pas les allégations de la VBNC à l'effet qu'elle serait capable de composer avec les volumes accrus sans augmenter de façon significative la charge de résidus dans l'anse à Edward.

6.3.2 Qualité de l'eau

La VBNC a prévu que l'eau des bassins de résidus et l'eau interstitielle des résidus contiendraient de petites quantités de métaux lourds, principalement de nickel, à des concentrations inférieures à celles indiquées dans le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux. La société minière a prévu aussi des niveaux élevés d'ammoniac, introduit par l'utilisation d'agents explosifs à l'ammonium et au nitrate fuel. La VBNC atténuerait l'acidification possible des bassins en y mettant de la chaux. La commission remarque que les résultats des essais pilotes continus effectués par la VBNC ont confirmé jusqu'ici plusieurs des prévisions de l'étude d'impact environnemental, les seules exceptions étant des niveaux de sulfosels plus élevés que prévu et des niveaux de fer moins élevés que prévu.

Environnement Canada a manifesté des craintes quant à la nécessité d'empêcher ou de réduire au minimum les effets liés à l'acidification des bassins de résidus, surtout en ce qui concerne la production de sulfosel. Les sulfosels se forment dans les milieux alcalins et sont le produit instable de l'oxydation intermédiaire des minéraux sulfurés. L'oxydation des sulfosels peut acidifier les bassins de résidus et libérer des métaux dans la tranche d'eau. De plus, les sulfosels présents dans l'eau recyclée peuvent amoindrir la récupération des métaux, réduisant ainsi les volumes d'eau recyclée disponibles à l'usine et accroissant les prélèvements d'eau douce.

Environnement Canada et Ressources naturelles Canada ont affirmé qu'il était difficile de prévoir et de contrôler la production de sulfosels, parce que ceux-ci résistent aux procédés conventionnels de traitement des effluents. Les sulfosels sont peu toxiques, mais il est possible de les oxyder à l'aide de bactéries pour en abaisser le pH. Leur acidité peut être saisonnière. Pour le moment, les sulfosels sont traités par dégradation naturelle dans des bassins, mais le Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie est en train de former et de coordonner un consortium chargé d'étudier des méthodes de gestion des sulfosels qui permettront d'en réduire au minimum les effets environnementaux et d'optimaliser la récupération des métaux.

La VBNC soutient que les sulfosels n'ont posé aucun problème de récupération des métaux pendant les essais à l'usine pilote, même lorsque l'usine fonctionnait entièrement à l'eau recyclée. De plus, puisque les sulfosels sont un produit du procédé de concentration, ils sont introduits dans les bassins de résidus uniquement à l'étape de l'exploitation. Avec le temps, ils s'oxydent et se changent en sulfates dans les bassins. Si les bassins s'acidifient, la VBNC croit pouvoir neutraliser la quantité d'acide produite en ajoutant seulement 300 tonnes de chaux dans le bassin par la canalisation pour les résidus.

Environnement Canada a également exprimé des inquiétudes à la commission au sujet des effets liés à l'émission d'ammoniac dans l'environnement. L'ammoniac est toxique sous sa forme ionique, qui advient dans des milieux pH élevé. Environnement Canada craint que de hauts niveaux d'ammoniac dans des effluents à pH élevé puissent être mortels pour les poissons. La VBNC prévoit que la concentration d'ammoniac se situerait en dessous de 0,180mg/L et que, même si le pH des bassins de résidus est élevé pendant la période d'exploitation, la société minière ramènera le pH de tous les effluents à un niveau acceptable avant l'évacuation.

Environnement Canada s'inquiétait aussi des caractéristiques de décantation et de la stabilité chimique des boues qui seront évacuées avec les résidus. Étant donné que les flux de métaux émanant des boues pourrait influer sur les concentrations de métaux dans l'eau des bassins et accroître le besoin en eau d'appoint, il faut absolument disposer de prévisions exactes relativement aux volumes de boues. Environnement Canada s'est intéressé tout particulièrement à la façon dont s'y prendrait la VBNC pour surveiller les boues et pour gérer les boues pendant les périodes de fermeture et après la désaffectation du complexe minier.

La VBNC prévoit que le volume de boues produites se situerait entre 4 000 et 6 000 tonnes sèches par an. Les boues seraient composées principalement d'hydroxyde ferrique, mais elles contiendraient aussi de petites quantités d'autres métaux lourds. Selon la société minière, puisqu'il y aurait probablement des hydroxydes dans les résidus, il ne faut pas s'attendre à ce qu'une augmentation graduelle des niveaux d'hydroxydes nuise à la qualité de l'eau des bassins. La VBNC soutient que les résidus offrent un environnement géochimique stable pour le stockage des boues à long terme, mais elle s'engage tout de même à achever les essais sur la stabilité des boues. Les essais de décantation réalisés à l'usine pilote montrent que les boues se décantent rapidement et que, lorsqu'elles sont évacuées avec les résidus, elles peuvent améliorer la décantation des solides. La société minière estime que le scénario proposé d'évacuation conjuguée supprimerait aussi le besoin de construire une autre installation de gestion des résidus.

Conclusions et recommandations

La commission en conclut que l'exploitation de l'usine de concentration proposée pourrait produire des concentrations d'effluents bien inférieures aux normes d'évacuation. La commission se rend compte également que les résultats des essais pilotes ne sont que des indicateurs et que la VBNC serait tenue de surveiller et de gérer constamment le processus pour atteindre des résultats semblables dans les conditions variables qui existeraient lors de l'exploitation de cette usine. De plus, les normes prescrites par le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux font actuellement l'objet d'une révision, et la commission estime que l'exploitation de cette usine devrait s'effectuer non pas selon les normes de déversement, mais plutôt selon les meilleures normes réalisables.

La quantité d'eau recyclée et l'accumulation des contaminants dans l'eau de traitement nuiraient considérablement à la qualité de l'eau. C'est pourquoi la commission formule les recommandations qui suivent.

Recommandation 10

La commission recommande que la VBNC élabore plus à fond ses plans de recyclage de l'eau, en consultation avec Environnement Canada, en y intégrant

  • des méthodes propres à maximaliser le volume d'eau recyclée de qualité acceptable, en tenant compte des facteurs susceptibles de limiter l'utilisation de l'eau recyclée dans les procédés de concentration;
  • des plans d'intervention d'urgence permettant de répondre à la possibilité d'un accroissement des besoins en matière de prélèvement d'eau brute et d'épuration des eaux usées.

Recommandation 11

La commission recommande que la VBNC intègre à son plan de protection de l'environnement, en consultation avec Environnement Canada,

  • des procédures de prévention de la pollution qui mettent en uvre les pratiques optimales de gestion pour réduire au minimum la production de sulfosels;
  • des procédures de prévention de la pollution qui concilient les niveaux de pH et les concentrations d'ammoniac dans les bassins et les effluents, en tenant compte de l'accumulation possible d'ammoniac sous la glace;
  • un plan de gestion des boues qui tienne compte des solutions de remplacement en matière d'évacuation des boues, de la possibilité à long terme de la dissolution de métaux émanant des boues stockées avec les résidus, et des implications relativement aux périodes de fermeture de l'usine et à la désaffectation du projet.

6.4 Question relatives à l'eau du puits à ciel ouvert

Une fois le gisement Ovoid épuisé, la VBNC se propose de stabiliser les parois latérales du puits et de le laisser se remplir d'eau. Comme on l'a vu plus haut, un bon nombre de participants ont suggéré que la société minière commence par remplir le puits désaffecté de stériles acidogènes ou de résidus avant la désaffectation finale. Plusieurs ont également mentionné des problèmes susceptibles de retarder le noyage du puits. Peu importe la décision finale, tous les participants ont insisté sur le fait suivant : non seulement le puits à ciel ouvert se trouve dans le bassin hydrographique du ruisseau Reid, mais on peut appréhender la possibilité long terme d'une migration des eaux souterraines vers le ruisseau lui-même. En outre, pendant les séances de détermination des problèmes et des priorités, des membres de la collectivité ont dit nourrir des craintes au sujet de l'interaction de la faune, surtout le caribou, avec le puits noyé.

6.4.1 Noyage du puits à ciel ouvert

La VBNC a proposé, après l'épuisement du gisement Ovoid, de noyer le puits afin de diminuer la production d'acides. Selon les hypothèses de la société minière, le noyage prendrait six ans si des dérivations d'eau étaient dirigées vers le puits, et 16 ans sans dérivations. On croit qu'il est essentiel de noyer le puits au plus tôt pour des raisons de contrôle de la qualité de l'eau. L'Association des Inuit du Labrador craint que, avant le noyage du puits, il faille rassembler d'abord plus de renseignements sur les effets du noyage, sur le temps que prendra le noyage et sur la production d'acides par les roches à teneur sulfureuses qui affleurent sur les parois du puits avant le noyage. Le gouvernement provincial a déclaré qu'il faudrait prendre des précautions extrêmes si le noyage risquait de compromettre la sécurité de l'exploitation souterraine. La province a ajouté qu'elle ne permettrait à la VBNC de noyer le puits advenant l'existence d'un tel risque.

La VBNC a présumé que la qualité de l'eau du puits noyé serait semblable celle de l'eau des bassins de résidus, mais les participants ont dit craindre que cette hypothèse soit exagérément optimiste. La nation Innu et Environnement Canada ont affirmé qu'une longue exposition des parois du puits à l'oxydation, et la nature chimique inconnue des eaux souterraines, pourraient éventuellement dégrader la qualité de l'eau. De plus, comme il serait impossible de noyer des éléments sulfureux à la surface de la paroi du puits en direction de la colline Discovery, la société minière pourrait se voir obligée d'utiliser une méthode permettant d'empêcher l'oxydation à ces endroits.

Si le besoin s'en fait sentir, la VBNC a l'intention de continuer à pomper l'eau du puits pour l'épurer et la rejeter ensuite dans l'anse à Edward, et ce jusqu'à ce que la qualité de l'eau atteigne les normes de rejet.

6.4.2 Hydrologie du puits à ciel ouvert

Les participants ont manifesté des préoccupations au sujet du temps qu'il faudrait, selon les prévisions, pour que l'eau souterraine du puits à ciel ouvert se rende au ruisseau Reid. L'étude d'impact environnemental donnait une période de 200 à 1 000 ans, mais les calculs d'un expert de la nation Innu laissaient plutôt entrevoir une période de quelques décennies. Pour éclaircir la question, la VBNC a présenté ses propres calculs selon lesquels il faudrait 475 ans pour que l'eau du puits atteigne les terres humides à la base de la colline Discovery, en supposant un cheminement d'un kilomètre. La société minière a dit qu'il ne serait pas réaliste de s'attendre à ce que se crée une voie directe d'écoulement des eaux vers le ruisseau Reid.

La VBNC a indiqué que la contamination de la nappe phréatique ne poserait pas problème parce que le gradient hydrodynamique irait dans la direction du puits pendant l'exploitation de la mine et le noyage du puits. La VBNC poursuivrait la vidange du puits afin de maintenir le gradient hydrodynamique en direction du puits jusqu'à ce que la qualité de l'eau soit satisfaisante et permette un écoulement dans les eaux de surfaces et dans les eaux souterraines.

La commission en conclut que la VBNC devrait envisager le remblayage du puits à ciel ouvert. Toutefois, avant même de commencer à creuser, la société minière devrait établir un plan de réhabilitation afin de pouvoir remplir le puits rapidement, de remblayer le puits ou de conserver un puits dénoyé, si la sécurité souterraine l'exige. Le but visé, en fin de compte, est d'obtenir la meilleure qualité d'eau possible aussi rapidement que possible, pour retourner le flux en direction du ruisseau Camp et de créer un paysage agréable à voir et fonctionnel sur le plan écologique.

Recommandation 12

La commission recommande que la VBNC élabore un plan à long terme de gestion et de réhabilitation du puits à ciel ouvert. Le plan devrait être soumis à l'examen et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement et comprendre les éléments suivants :

  • la modélisation permanente et la vérification en laboratoire de l'évolution de la qualité de l'eau dans le puits noyé, des taux d'évacuation, ainsi que du genre et de la durée du traitement nécessaire;
  • une stratégie visant à diminuer le temps d'exposition des parois du puits avant le noyage, qui sera élaborée en évaluant les pratiques optimales de gestion de l'environnement;
  • un train de mesures visant la réhabilitation de la région environnante, pour y favoriser la sécurité de la faune et la création graduelle d'un habitat côtier convenable.

La commission juge enfin que les voies de cheminement possible des eaux d'écoulement entre le puits ouvert et le ruisseau Reid pourraient et devraient être surveillées à l'aide de puits de surveillance de l'eau souterraine placés à des endroits stratégiques; de cette façon, si des contaminants migraient à travers le substrat rocheux, la société minière serait alertée bien à l'avance. La VBNC devrait alors prendre des mesures correctives, lesquelles comprendraient vraisemblablement la vidange et l'épuration ininterrompues de l'eau du puits.

Recommandation 13

La commission recommande que la VBNC creuse une série de puits de surveillance entre le puits à ciel ouvert et le ruisseau Reid, et élabore des seuils pour les contaminants et un plan d'intervention d'urgence prévoyant des mesures correctives si des contaminants sont découverts dans les eaux souterraines s'écoulant vers le ruisseau Reid.