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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

13 Oiseaux

Dans l'étude d'impact environnemental, la VBNC reconnaît que le projet toucherait les oiseaux terrestres qui nichent dans la zone du projet, les rapaces qui chassent ces oiseaux et les autres oiseaux qui fréquentent les lacs Camp et Headwater ou le North Tailings Basin. Le bruit, l'éclairage nocturne et les activités humaines, par exemple, pourraient déranger les oiseaux; la construction des installations liées au projet ou les altérations que subiraient les cours d'eau aux fins de la gestion des résidus pourraient détruire ou modifier les habitats; des métaux pourraient s'accumuler dans la chaîne alimentaire; les petits écoulements produisant des rejets chroniques d'hydrocarbures ou les déversements plus importants de pétrole pourraient causer des effets de mazoutage.

De nombreuses questions ont été posées quant aux effets du projet sur les multiples espèces d'oiseaux pour lesquelles la zone d'impact constitue l'aire de nidification ou une halte migratoire. Des participants ont exprimé leur grande inquiétude en ce qui concerne la définition de la zone d'impact. La VBNC faisait état des effets éventuels sur la route maritime jusqu'aux îles Hens and Chickens, mais le ministère de l'Environnement du Canada et d'autres participants étaient d'avis que l'évaluation environnementale devait tenir compte des effets sur les oiseaux qui migrent le long de la route maritime plus au large, comme les marmettes de Brünnich et les mergules nains. Le ministère de l'Environnement du Canada et des résidents de collectivités situées plus au sud sur la côte ont fait observer que l'évaluation devrait inclure toute la route maritime.

La présente section aborde trois importantes catégories d'effets sur les oiseaux :

  • les effets sur les oiseaux marins et la sauvagine côtière nicheurs et migrateurs;
  • les effets sur les oiseaux qui, dans ce secteur, ont un statut spécial en matière de conservation;
  • les effets éventuels sur les Gooselands.

13.1 Les oiseaux marins et la sauvagine côtière

La VBNC a choisi une zone d'évaluation qui visait les oiseaux marins et la sauvagine des régions côtières, depuis le Nord du Labrador jusqu'au sud et à l'ouest du lac Melville. La VBNC estime que les populations nicheuses dans cette zone produisent 63 pour cent des oies, 25 pour cent des canards barboteurs et 55 pour cent des canards plongeurs qui migrent à chaque année le long du corridor de migration de l'Atlantique. La région périphérique de Nain est décrite comme étant la deuxième région de nidification en importance pour les oiseaux marins, avec quelque 13 pour cent de la population du Labrador; environ 20 500 couples nichent entre la baie Voisey, la baie Anaktalak et à l'est des îles au large des côtes. Ces populations sont composées de marmettes de Troïl, de macareux moines, de guillemots, de macreuses, d'eiders, de goélands et de mouettes. Peu importe la route maritime que l'on choisirait vers l'anse à Edward, elle traverserait de nombreuses et importantes colonies nicheuses d'oiseaux marins. En outre, des millions de marmettes de Brünnich et de mergules nains sont en migration, en automne, au large des côtes.

La VBNC a déclaré qu'un important déversement d'hydrocarbures constitue le plus grand danger qui pourrait menacer ces oiseaux. Une marée noire, selon l'année et l'endroit où elle se produirait, pourrait souiller les aires de nidification, causer le mazoutage qui tuerait beaucoup d'oiseaux nicheurs et toucher de nombreux oiseaux qui font halte à cet endroit à chaque automne. Le milieu souillé pourrait prendre plusieurs années à s'en remettre. L'Association des Inuit du Labrador et Environnement Canada ont reconnu l'exactitude de cette évaluation, mais ils ont aussi souligné le danger que représentaient les déversements chroniques d'hydrocarbures. Ils ont recommandé à la VBNC d'étendre la zone d'évaluation, pour étudier toute la route maritime quand le port de destination aura été choisi. La VBNC a réfuté l'idée, faisant valoir que la zone d'évaluation était assez étendue pour circonscrire toutes les interactions entre le projet et la sauvagine, et assez restreinte pour éviter que les résultats de l'étude ne soient trop imprécis.

Le bruit émanant des opérations du projet sur la côte, ainsi que les activités de navigation près des sites de nidification pourraient effrayer les oiseaux nicheurs. Des observations attestent que les populations nicheuses de certaines espèces, surtout de l'eider à duvet, du canard noir, des macreuses, des guillemots et des sternes, ont décliné au cours des vingt dernières années. Il est possible qu'un tel déclin ait été causé notamment par la diminution des ressources alimentaires, surtout du capelan. Il pourrait aussi être attribuable aux motoneiges et aux embarcations à moteur, qui facilitent l'approche des chasseurs et qui accroissent les perturbations causées par le bruit; à l'augmentation des activités de chasse sportive; aux dangers environnementaux qui surgissent le long du corridor de migration de l'Atlantique. Les représentants de la VBNC citent différentes études qui associent le bruit et le dérangement à la diminution de la productivité des espèces, mais ils ajoutent que les espèces s'habituent à des niveaux prévisibles de bruits sous les 90 dB(A), qui n'ont peu d'effet sur elles.

La commission en conclut qu'il faut soigneusement protéger cette vaste aire de nidification et de repos qui revêt une grande importance pour la sauvagine. Elle admet que l'évaluation de l'impact du transport maritime lié au projet au-delà de la région de Landscape ne serait pas utile, en raison des effets cumulatifs des autres activités de transport. Cependant, le transport maritime lié au projet constituerait un important facteur au niveau des effets qui seraient éventuellement causés par le projet sur la sauvagine de la région de Nain, et serait en grande partie responsable des effets cumulatifs touchant les oiseaux le long de la route maritime au large du Labrador. Il faut adopter des mesures pour surveiller ces effets et assurer que les effets chroniques ou de nature accidentelle ne constituent pas un agent de stress important sur les populations d'oiseaux marins.

Recommandation 62

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec Environnement Canada, l'Association des Inuit du Labrador, la nation Innu et les autres parties intéressées élabore et mette en uvre des plans de protection de l'environnement et d'intervention d'urgence relativement aux oiseaux marins et à la sauvagine; ces plans devraient indiquer clairement toutes les zones et les périodes vulnérables pour les oiseaux et les canards marins, ainsi que toutes les interactions éventuelles entre le projet et ces zones et assurer une protection adéquate de ces zones. Ces plans devraient aussi tenir compte de tous les oiseaux et de tous les canards marins dont les parcours de migration traversent cette région et la route maritime.

Recommandation 63

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec Environnement Canada et l'Association des Inuit du Labrador, élabore un plan de gestion des déchets huileux des navires, qui englobe les aspects suivants :

  • des procédures pour déceler toute source éventuelle relativement petite de rejets d'hydrocarbures chroniques, accidentels ou délibérés, ainsi que les grands déversements d'hydrocarbures;
  • un objectif explicite d'élimination totale de la pollution liée à des déversements d'hydrocarbures chroniques causés par les navires du projet;
  • de meilleures pratiques de gestion, destinées à atteindre l'objectif d'élimination totale des rejets et l'examen périodique de ces pratiques;
  • des dispositions visant à établir, à l'anse à Edward et au port d'accueil, une infrastructure de réception côtière adéquate pour les déchets huileux des navires du projet, assorties d'un plan d'évacuation de ces déchets.

Recommandation 64

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec Environnement Canada et l'Association des Inuit du Labrador, élabore un programme de surveillance pour évaluer les effets causés sur les colonies nicheuses par le bruit et les perturbations des navires passants. Selon les résultats du programme, la VBNC devrait, au besoin, élaborer et mettre en uvre des mesures d'atténuation supplémentaires qui pourraient même consister en une modification des routes maritimes (voir la recommandation 37).

13.2 Les espèces qui ont un statut de conservation spécial

L'étude d'impact environnemental a relevé deux espèces aviaires ayant un statut de conservation spécial. Un participant aux audiences a aussi fait état de ses inquiétudes quant à une troisième espèce d'oiseaux.

13.2.1 Canards arlequins

En 1990, le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada a inscrit la population de canards arlequins de l'Est comme une espèce « en danger de disparition ». En 1998, cette population était estimée à 1 500 individus. Il y a aussi une population du Groenland, qui est estimée à 1 000 ou 2 000 individus; certains d'entre eux nichent dans le Nord du Labrador, d'autres nichent dans l'Ungava, au Nord du Québec. Les oiseaux de la région de la baie Voisey semblent faire partie de la population de l'Est, qui migrent depuis le Canada atlantique et le nord-est des États-Unis.

L'étude d'impact environnemental et les renseignements supplémentaires indiquent que l'information sur les conditions de base concernant la distribution du canard arlequin dans la région du projet provient de sources variées : une étude menée par le Service canadien de la faune en 1984, une étude réalisée par le ministère de la Défense nationale en 1997, les connaissances des peuples autochtones et une série d'enquêtes menées par la VBNC. Les enquêtes de la VBNC comptaient neuf relevés aériens de couples nicheurs, effectués entre 1995 et 1997, trois relevés aériens et terrestres des couvées, datant de juillet et août 1996, ainsi que trois relevés aériens des zones côtières, réalisés en 1995 et 1996. Lors des audiences, la VBNC a fourni d'autres renseignements tirés d'un relevé aérien et terrestre effectué en 1998. La zone d'évaluation comprenait la partie amont des rivières qui traversent le lot de concessions minières. Les 32 couples nicheurs relevés en 1997 constituaient le plus gros dénombrement; ils représentent environ 20 pour cent du nombre d'individus dénombrés au Labrador et huit pour cent de la population estimée de l'Est du Canada en 1988. La VBNC prévoit que le projet entraînera le déménagement de deux ou trois couples nicheurs de la région du North Tailings Basin et d'un à trois couples du ruisseau Little Reid, en raison du bruit et de la présence humaine pendant la construction.

Perte d'habitat

Environnement Canada a indiqué que les canards arlequins avaient un taux de survie élevé à l'âge adulte, mais un faible taux de reproduction. Les estimations de populations se fondent en grande partie sur le nombre d'individus qui hivernent dans un très petit nombre d'endroits privilégiés le long du littoral est. S'il est exact que le taux de survie est élevé, alors le faible taux d'accroissement résulte d'une faible productivité, ce qui rend les habitats de nidification indispensables. Les représentants d'Environnement Canada ont donc déclaré qu'il valait mieux comprendre à quel point les habitats étaient responsables de la limite d'accroissement de la population du canard arlequin pour évaluer les conséquences immédiates et à long terme du projet, ainsi que son apport relativement aux effets cumulatifs. Ces faits indiquent aussi que l'efficacité d'un remplacement d'habitat ou d'un programme de réinstallation dépendrait de la fidélité des oiseaux nicheurs envers leur site de nidification.

La perte la plus évidente et irrévocable d'habitat de canards arlequins se produirait dans le ruisseau qui draine le North Tailings Basin. Ce ruisseau est une des aires de nidification de canards arlequins les plus productives de la région (20 pour cent des couvées). Environnement Canada a déclaré que le dérangement et la perte d'invertébrés causés par l'endiguement de la sortie du lac rendraient vraisemblablement le ruisseau inadéquat pour les canards arlequins, même après sa réhabilitation. Il est fortement recommandé que la VBNC abandonne le projet d'aménager le North Tailings Basin et envisage plutôt le remblayage du puits à ciel ouvert ou l'utilisation d'un autre lac (Option 5).

Environnement Canada a aussi fait remarquer que la VBNC avait fait peu d'efforts pour déterminer dans quelle mesure les canards arlequins utilisaient les zones côtières, et que la société minière devra mener des enquêtes exhaustives pour s'assurer que le plan de protection de l'environnement et le plan d'intervention d'urgence tiennent compte convenablement des habitats côtiers fragiles.

La VBNC indique que le projet déboucherait probablement sur une perte nette d'habitats; cependant, il ne semble pas que cette perte soit un facteur limitatif déterminant pour cette population. La société minière prévoit que les couples nicheurs déménageraient dans un habitat adjacent et qu'ils perdraient éventuellement, et non assurément, une saison de reproduction. Cette perte temporaire de productivité dans le secteur du North Tailings Basin n'aurait pas d'effet important. La VBNC indique que le processus d'élimination des résidus par étapes successives dans le North Tailings Basin lui donnerait l'occasion d'étudier les mesures d'atténuation qui permettraient le transfert des couples couveurs dans un habitat de remplacement, sans perte de production.

La VBNC a dit que le programme pour étudier la distribution du canard arlequin dure depuis quatre ans et qu'il va se poursuivre. En outre, les habitats côtiers ont été relevés et des canards arlequins n'ont été aperçus qu'une fois. La disponibilité d'habitats appropriés ne semble pas être un problème, mais la VBNC travaillerait de concert avec d'autres parties intéressées pour trouver des mesures d'atténuation et pour les appliquer lors de la réinstallation des canards arlequins dans le lot de concessions minières. La création et la restauration d'habitats seraient envisagées, le cas échéant.

Autres perturbations de la nidification

La VBNC a indiqué que d'autres facteurs pouvaient perturber la reproduction des canards arlequins.

Il faudrait que la société minière installe des ponceaux sur quelques ruisseaux pour permettre un accès routier au port et aux installations d'évacuation des résidus, mais les canards arlequins ne peuvent passer sous les ponceaux. La VBNC réplique qu'aucun canard arlequin n'a jamais été aperçu sur les cours d'eau où l'on prévoit aménager des traverses. La société minière serait prête à considérer la construction de ponts si des canards arlequins étaient vus près de l'emplacement projeté d'une traverse de cours d'eau.

Conformément à la démarche fondée sur le principe de prudence, Environnement Canada recommande que, lors de la planification et du choix des emplacements des routes et des autres installations en bordure des cours d'eau, la VBNC soit tenue de respecter une distance tampon minimale de 100 mètres dans les endroits qui sont propices aux habitats de nidification ou de couvaison des canards arlequins. La VBNC travaillerait avec le Service canadien de la faune au repérage des endroits qui requièrent des zones tampons et réserverait la place nécessaire à l'établissement de ces zones, là où c'est réalisable.

Études génétiques

Les participants ont aussi examiné l'importance d'établir à quelle population appartiennent les oiseaux qui nichent près de la baie Voisey : à celle qui hiverne au Groenland ou à celle qui hiverne sur la côte est. Cette précision aiderait les parties à circonscrire les menaces cumulatives éventuelles qui guettent la population de la côte est. Environnement Canada a recommandé que la VBNC soit tenue d'entreprendre une étude, au moyen de la télémétrie ou de la génétique, pour établir la filiation de la population d'oiseaux dans la région de la baie Voisey.

La VBNC croit que le Service canadien de la faune est mieux placé pour répondre à la question de la population qui par ailleurs ne constitue pas un élément approprié de la structure de surveillance. La commission convient que ce serait préférable si les scientifiques du Service canadien de la faune effectuaient cette étude, conjointement avec le programme de surveillance de la VBNC. La commission fait remarquer que, selon les rapports du projet Cheviot, une telle recherche devrait se faire prudemment. Les chercheurs ont essayé de recourir à la radio-pistage à cet endroit, mais les émetteurs installés sur les plumes ont été perdus quand les oiseaux ont mué. Il semble aussi que les implants chirurgicaux de transmetteurs aient tué des oiseaux.

Conclusions et recommandations

La commission en conclut que le projet ajouterait à la pression cumulative que subissent les canards arlequins et ferait peut-être disparaître l'habitat de nidification de façon permanente. Aucune loi n'interdit l'élimination d'un habitat ou n'en exige le remplacement.

La commission ajoute cependant que les trois premiers aspects de la stratégie de rétablissement, tels que décrits dans le Plan national de rétablissement du canard arlequin dans l'Est de l'Amérique du Nord (Rapport no 12 du RESCAPÉ, mars 1995), s'énoncent comme suit :

  • la recherche scientifique en écologie de la reproduction, d'alimentation et en écoéthologie;
  • la surveillance de la population, y compris le ratio sexe et âge;
  • la protection des habitats, avec l'évaluation des facteurs qui influent sur la qualité des habitats.

La commission croit que la VBNC pourrait fournir, aux fins du programme de rétablissement, des données importantes recueillies aux fins de ses programmes de surveillance continue et de la recherche concernant les mesures d'atténuation. La VBNC pourrait aussi rendre inestimables les recherches qu'elle mène dans la région de Landscape, en en faisant profiter le programme de rétablissement et en offrant une aide financière ou logistique aux scientifiques du Service canadien de la faune. Une telle aide pourrait bien déboucher sur l'élaboration de mesures pratiques visant le remplacement d'habitat, aussi bien dans la zone de l'évaluation qu'ailleurs, bien au-delà des deux ou trois sites de nidification menacés par le projet.

En outre le ministère de la Défense nationale, continue d'évaluer les effets des vols à basse altitude sur la population des canards arlequins. Le nombre de couples nicheurs enregistré dans le cadre de ce programme de surveillance semble indiquer que la population nicheuse avait peut-être été sous-estimée. D'autres travaux seront entrepris dans le cadre des projets hydroélectriques proposés sur le cours inférieur du fleuve Churchill. La combinaison des résultats de cette recherche avec ceux de la recherche du projet pourrait déboucher sur une compréhension de la dynamique de la population des canards arlequins, indispensable au succès des initiatives de rétablissement de cette population.

Recommandation 65

La commission recommande que la VBNC mette sur pied un programme continu de recherche et de surveillance visant les canards arlequins dans la zone du projet, en consultation avec le Service canadien de la faune et les autres parties intéressées, pour mieux comprendre les caractéristiques physiques, biologiques et chimiques des habitats du canard arlequin et pour réaliser une stratégie efficace d'atténuation et de surveillance.

Recommandation 66

Pour protéger les canards arlequins et leur habitat, la commission recommande que la VBNC incorpore les mesures suivantes dans son Plan de protection de l'environnement :

  • des normes et des procédures de construction exigeant des ponts (plutôt que des ponceaux) à la traverse des cours d'eau que fréquentent des canards arlequins (il faudrait que des relevés des nids de canards arlequins soient effectués jusqu'à 100 mètres en amont et 100 mètres en aval de chaque point de traverse éventuel pour assurer une distance minimum);
  • des normes de conception pour établir, quand c'est physiquement possible, des zones tampons appropriées entre les routes et les cours d'eau qui renferment des habitats de canards arlequins;
  • des procédures pour lutter contre la poussière et le bruit dans les aires d'habitats essentiels.

Recommandation 67

La commission recommande que la VBNC collabore avec Environnement Canada, le ministère de la Défense nationale, la province de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que d'autres parties concernées pour intégrer les méthodes et les résultats de son programme de surveillance sur place des canards arlequins, aux résultats d'autres études ou programmes de surveillance relatifs aux aménagements présents, projetés ou futurs du Labrador, pour assurer une évaluation fiable des effets cumulatifs du projet, activités de navigation comprises.

13.2.2 Le faucon pèlerin

La VBNC a fait savoir que le faucon pèlerin continue d'avoir un statut de conservation spécial, même si ses effectifs ont manifestement augmenté. Près de 45 territoires de nidification ont été relevés au Labrador, dont environ 15 se retrouvent dans la région de Landscape. Même si les nids se trouvent dans le lot de concessions minières, la VBNC a relevé un habitat possible surplombant l'anse à Edward, et d'autres habitats ont été localisés le long de la route maritime.

L'étude d'impact environnemental relève quatre effets éventuels du projet sur le faucon pèlerin. La recherche citée par la VBNC sur les effets du bruit et de la présence humaine comporte des détails relativement aux effets sur les oiseaux en milieu urbain. Il semble cependant y avoir une corrélation entre l'altitude où se trouve l'oiseau par rapport à une interférence possible et son sens apparent de sécurité.

La VBNC a exclu la possibilité d'une bioaccumulation de métaux dans le faucon pèlerin puisque ses études par modélisation n'ont démontré aucune accumulation de ce genre dans ses sources alimentaires telles le lagopède des saules. Le guillemot à miroir constitue une source alimentaire de choix pour le faucon pèlerin dans la région de la baie Voisey. Le plus grand risque serait donc un déversement d'hydrocarbures qui toucherait cette source alimentaire. La VBNC n'a pas prévu d'effets importants sur le faucon pèlerin et les participants n'ont soulevé aucun commentaire important lors des audiences.

13.2.3 Le garrot de Barrow

Un auteur de mémoire a indiqué qu'il conviendrait d'attribuer plus d'attention au garrot de Barrow, dont l'espèce de l'est semble subir aussi une grande pression. L'espèce fréquente les environs de Nain. Il semble n'y avoir que peu d'information sur cet oiseau et Environnement Canada a informé que le statut de l'espèce fait l'objet d'une évaluation. Il n'y a jamais eu de rapport d'observation du garrot de Barrow à la baie Voisey, qui ne semble pas constituer un habitat important pour cet oiseau.

13.3 Impact sur les Gooselands

La VBNC propose d'établir une piste d'atterrissage de catégorie 1 qu'utiliseraient des appareils du genre Dash 8, à six kilomètres des Gooselands environ. Des participants se sont dit particulièrement préoccupés par les effets du bruit provenant de cette piste d'atterrissage, quoique d'autres effets puissent toucher la zone, telles que des modifications hydrologiques causées par des changements de débit dans le ruisseau Reid, ainsi que le bruit et l'éclairage de l'exploitation minière du gisement Ovoid.

Les marais salants des Gooselands, à l'estuaire du système des ruisseaux Ikadlivik et Reid, forment un habitat essentiel pour la sauvagine dans le district de Nain. Il s'agit d'une riche zone de chasse printanière, puisque la sauvagine y fait sa première grande halte lorsqu'elle arrive dans le district de Nain. Des ufs sont ramassés dans cette zone et dans les îles adjacentes. L'endroit constitue aussi une importante zone d'exploitation des ressources fauniques en fin d'été et en automne, car on y trouve, en plus des oiseaux, une source vivrière fiable de mammifères marins, de poissons et de baies sauvages. Des canards arlequins fréquentent aussi cette zone. Des participants Inuit ont dit s'inquiéter du fait que la sauvagine nicheuse et migratrice pourrait disparaître de tout le district de Nain si elle quittait les Gooselands.

Des groupes autochtones et du personnel du Service canadien de la faune ont laissé entendre que les Gooselands constituaient les habitats les plus productifs et complets de ce genre le long de la côte, et que ces habitats sont essentiels à la nidification et à la migration de la sauvagine. La commission constate toutefois qu'il n'y a eu aucune évaluation systématique des habitats estuariens et des zones de sauvagine connexes le long de la côte du Labrador, et que l'information est par conséquent insuffisante pour établir une comparaison et classer les Gooselands parmi d'autres zones comme la baie Groswater. Certains participants ont dit s'inquiéter du fait que la piste d'atterrissage perturberait les habitudes de la sauvagine migratrice et pourrait effectivement détruire un habitat précieux, ajoutant ainsi au stress des oiseaux migrateurs, et nuire au succès des activités d'exploitation des ressources fauniques des Autochtones.

Implantation de la piste d'atterrissage

A la suite des recommandations formulées par un expert-conseil en aviation, la VBNC a décidé de déménager, sur les terres basses situées à l'est du lac Headwater, la piste d'atterrissage initialement aménagée près du lac Camp. La VBNC a indiqué que parmi les 26 emplacements éventuels qui ont été envisagés, l'endroit choisi est le seul qui permet, sans qu'il y ait interférence avec les hautes-terres, une approche de 2,5 pour cent soit l'approche requise pour un système d'atterrissage de catégorie 1. L'appareil passerait directement au-dessus des Gooselands, à quelque 6 kilomètres de la piste d'atterrissage, lors d'un décollage ou d'un atterrissage vers l'ouest. Au-dessus des Gooselands, l'altitude de l'avion serait de 172 mètres avec une approche aux instruments de 2,5 pour cent, de 473 mètres avec une approche sans instruments de 8,2 pour cent et de 488 mètres au décollage.

La VBNC a présenté deux motifs qui justifient sa demande pour un système d'atterrissage de catégorie 1. D'abord, la capacité que confère cette catégorie augmenterait le pourcentage de vols complétés pendant le même quart de travail de l'équipage, réduisant ainsi les délais nécessaires aux changements d'équipages. La VBNC a reconnu que, tout en étant avantageux pour les employés de Goose Bay ou de l'Ouest du Labrador, une telle piste serait moins intéressante pour les équipages qui font la navette depuis ou vers les collectivités côtières, dont aucune ne dispose de piste d'atterrissage de catégorie 1, car ces équipages pourraient encore difficilement compléter leurs vols pendant leur quart de travail.

Deuxièmement, la VBNC voulait pouvoir compléter pendant le même quart de travail les vols d'évacuation en cas d'urgence médicale ou personnelle. La commission considère qu'il s'agit là d'un argument raisonnable, puisqu'il pourrait y avoir jusqu'à 500 employés dans les installations industrielles de la baie Voisey, mais elle a fait remarquer que les collectivités côtières, avec des populations semblables ou supérieures, n'ont pas droit à un tel niveau de service et de protection pour l'instant.

Des experts Inuit représentant l'Association des Inuit du Labrador ont critiqué le processus de sélection des emplacements qui n'a pas tenu compte des effets environnementaux sur les Gooselands. Des groupes autochtones et Environnement Canada ont fait part de leur inquiétude concernant les oiseaux, faisant valoir qu'ils ne s'habitueront pas au bruit des avions, lors des périodes de nidification et de repos dans les Gooselands. Les expériences locales ne concordent pas avec les prévisions présumant que la sauvagine reviendrait immédiatement après une fuite. L'Association des Inuit du Labrador croit qu'il y a risque de déplacement à long terme, sinon permanent, des oiseaux des Gooselands et de l'estuaire de la baie Voisey. On a laissé entendre que les activités du projet, particulièrement le bruit des hélicoptères, pourraient avoir déjà chassé des oiseaux. Ces départs compromettraient beaucoup la chasse des Innu et des Inuit. L'Association des Inuit du Labrador a fait remarquer que l'étude d'impact environnemental ne faisait pas état d'indemnisation pour la perte des ressources fauniques. Elle a aussi indiqué que les collisions entre les oiseaux et les avions représenteraient un grave danger.

Pour appuyer ses dires, l'Association des Inuit du Labrador a présenté des données sommaires tirées d'un rapport rédigé par le Service canadien de la faune pour le compte du Inuvialuit Wildlife Advisory Management Council (T.N.-O.) relativement aux effets des activités de navigation aérienne sur diverses espèces de sauvagine et les goélands. Ce rapport démontrait que les altitudes de survol de 450 mètres et de 650 mètres causaient des effets de sursaut très différents. La commission constate que de nombreuses études portaient sur des hélicoptères, qui semblent causer beaucoup plus de perturbation qu'un avion à voilure fixe. En outre, on a surtout utilisé un Cessna 185 comme appareil à voilure fixe pour effectuer ces études; elles n'ont nullement porté sur l'appareil Dash 8, qu'on a proposé d'utiliser dans le cadre du projet. Ils avaient toutefois recommandé un petit appareil plutôt qu'un gros. Le rapport indiquait aussi que le calendrier des vols, ainsi que le vol en cercle ont une incidence sur les effets produits.

La VBNC a allégué que les oiseaux ne quitteraient pas les Gooselands cause de l'effet de sursaut, car elle prévoit que les vols seraient peu fréquents et que les oiseaux s'habitueraient aux bruits. Elle a aussi contesté les prévisions selon lesquelles il y aurait de nombreuses collisions entre les oiseaux et les avions. La VBNC n'a pas demandé à son expert-conseil en aviation de tenir compte des effets environnementaux lors du choix des emplacements. La société minière a toutefois éliminé les endroits situés le long des rives de la baie Voisey et elle a recueilli d'autres renseignements de base sur les emplacements choisis. La société minière a fait remarquer que 75 pour cent de tous les vols approcherait de l'est, en raison des vents prédominants, ce qui signifie qu'autant d'appareils décolleraient vers l'ouest. La VBNC accepte de rencontrer les parties intéressées en vue d'examiner le processus de sélection des emplacements et de trouver des méthodes qui permettraient de tenir compte des préoccupations.

Des auteurs d'exposés ont dit s'inquiéter du fait qu`il sera peut-être trop tard pour réagir autrement qu'en versant des indemnisations aux utilisateurs autochtones de ces ressources lorsqu'on constatera les effets néfastes que produit la piste d'atterrissage sur les oiseaux des Gooselands. La VBNC a décrit un certain nombre de mesures d'atténuation éventuelles, que la commission a étudiées. On a proposé, lors des audiences, d'apporter des modifications au protocole concernant les décollages pour qu'on autorise un virage à gauche uniquement lorsque l'avion aura atteint une altitude jugée sécuritaire, évitant ainsi de survoler les Gooselands. La commission estime que, pour minimiser la perte de possibilité en matière de chasse, la VBNC pourrait limiter rigoureusement les activités aériennes pendant les périodes de chasse intensive, et même changer les types d'avions utilisés pendant ces périodes. La société minière pourrait aussi changer les horaires de jour pour que les avions passent à des moments où les oiseaux sont moins actifs ou lorsqu'ils se sont envolés vers d'autres lieux pour se nourrir.

La commission en conclut que les effets sur les Gooselands causés par l'emplacement proposé pour la piste d'atterrissage et par l'orientation de l'approche demeurent incertains et que la VBNC devrait par conséquent adopter une démarche fondée sur le principe de prudence. Même s'il ne reste pas beaucoup de temps, la VBNC devrait réviser son processus de sélection d'emplacement, en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador et Environnement Canada. Elle devrait aussi recueillir d'autres renseignements de base sur la façon dont les oiseaux utilisent les Gooselands, surtout lorsque arriveront les oiseaux migrateurs au printemps de 1999. La VBNC devrait en outre essayer de documenter le comportement des oiseaux en réaction aux vols à basse altitude qui seront effectués par le type d'avions proposé dans le cadre du projet. Enfin, la VBNC devrait recenser toutes les mesures d'atténuation possibles qu'elle pourrait utiliser en cas d'effets nuisibles.

La commission convient que l'emplacement proposé pour un aéroport est un choix judicieux, en ce qui concerne son élévation et son éloignement des habitats essentiels. Le principal problème provient de l'orientation de la piste qui permet à l'aéroport de fonctionner comme un aéroport de catégorie 1 et qui amène les avions à passer au-dessus des Gooselands l'approche et au décollage. La commission en conclut donc que l'aéroport peut demeurer à l'endroit proposé, mais qu'il doit faire l'objet de certaines restrictions jusqu'à ce qu'Environnement Canada et les organismes autochtones jugent qu'il est sécuritaire d'abroger ces restrictions, en se fondant sur les résultats des études visant à surveiller les effets. Par conséquent, la commission croit qu'on devrait offrir deux possibilités à la VBNC :

Recommandation 68

La commission recommande que, en raison des dangers qui guettent les habitats et les populations de sauvagine et pour que les activités de chasse des Autochtones restent fructueuses, la VBNC mette en uvre une des stratégies suivantes pour l'aménagement de l'aéroport à l'emplacement proposé :

  • La société minière devrait réaligner la piste de façon à éviter que les appareils n'aient à voler directement au-dessus des Gooselands, et faire fonctionner cet aéroport comme une installation d'approche classique, jusqu'à ce que de nouvelles techniques lui permettent d'utiliser une piste de catégorie 1; ou
  • Avant de construire et d'exploiter un aéroport de catégorie 1, la société minière devrait élaborer un plan de gestion du trafic aérien qui comprendrait des mesures, incluant des restrictions temporaires des vols pendant les périodes cruciales de repos de la sauvagine migratrice, pour empêcher les vols de déranger indûment la sauvagine qui fréquente les Gooselands ou de perturber les activités de chasse des Autochtones. Ce plan devrait prévoir des dispositions visant la surveillance des effets, et la VBNC ne devrait annuler les restrictions imposées au trafic aérien que si les résultats de cette surveillance le justifient. Le plan de gestion du trafic aérien devrait être sujet à une révision et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement.

Si le fonctionnement de l'aéroport devait nuire aux activités de chasse des Autochtones, la VBNC devrait indemniser les utilisateurs des ressources dans le cadre d'un programme d'indemnisation relatif à l'exploitation des ressources fauniques (voir le chapitre 14 : Utilisation des terres par les autochtones et ressources historiques). La commission souligne toutefois qu'il ne conviendrait pas d'adopter le recours à l'indemnisation comme solution stratégique, et que le but poursuivi par les solutions de remplacement énoncées à la recommandations 68 est de supprimer les effets négatifs dans les Gooselands.