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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

Lettre de la Commission

M. William Barbour
Président
Association des Inuit du Labrador
B.P. 70
Nain (Labrador) A0P 1L0

M. David Nuke
Président
Nation Innu
B.P. 119
Sheshatshiu (Labrador) A0P 1M0

L'honorable Oliver Langdon
Ministre de l'Environnement et du Travail
B.P. 8700
St-Jean (Terre-Neuve) A1B 4J6

L'honorable Christine Stewart
Ministre de l'Environnement
Les Terrasses de la Chaudière
10, rue Wellington, 28e étage
Hull (Québec) K1A 0H3

Madame, Messieurs,

Conformément au mandat émis le 31 janvier 1997, la commission conjointe d'évaluation environnementale a terminé son examen du Projet d'exploitation minière et d'usine de concentration de la baie Voisey tel que proposé par la Voisey`s Bay Nickel Company.

Il nous fait plaisir de vous remettre le rapport de la Commission afin que vous puissiez l'étudier.

Veuillez agréer, Madame, Messieurs, nos salutations distinguées.

Lesley Griffiths (Présidente)
Samuel Metcalfe
Lorraine Michael
Charles Pelley
Peter Usher

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Résumé

Le projet

La Voisey's Bay Nickel Company (la « VBNC ») propose d'exploiter une mine de nickel, ainsi que des quantités moindres de cuivre et de cobalt, dans le Labrador septentrional, à un endroit situé à 35 km au sud de Nain et à 79 km au nord d'Utshimassits (Davis Inlet). La VBNC commencerait par extraire 32 millions de tonnes de minerais d'une mine à ciel ouvert, tout en poursuivant ses travaux d'exploration pour savoir exactement la quantité de minerai souterraine. La VBNC aménagerait alors une mine souterraine dans laquelle elle espère pouvoir extraire 118 millions de tonnes supplémentaires.

La VBNC traiterait le minerai sur place dans une usine de broyage où seraient produits des concentrés. Le principal déchet produit par l'usine de broyage serait de la roche finement broyée appelée résidus. Ces résidus, ainsi qu'une partie de la roche stérile extraite de la mine à ciel ouvert et de la mine souterraine, seraient entreposés sous l'eau dans deux bassins de résidus aménagés dans des lacs existants. Cela empêcherait que les résidus et les stériles n'entrent en contact simultanément avec l'air et l'eau et ne produise de l'acide.

La VBNC transporterait les concentrés par bateau, depuis l'anse à Edward jusqu'à un autre endroit où s'effectuerait le traitement secondaire, endroit qui n'a encore fait l'objet d'aucune décision. Au début, les navires n'auraient pas à naviguer à travers la banquise côtière, mais la VBNC voudrait éventuellement faire des expéditions à l'année longue, sauf pendant la période d'englacement et au début du printemps.

Au cours des audiences, la VBNC a indiqué que le projet permettrait de créer 570 emplois pendant la construction, 420 à l'étape de l'exploitation ciel ouvert et 950 à l'étape de l'exploitation souterraine. Seulement la moitié des travailleurs environ se trouveraient sur place à n'importe quel moment, car ils y travailleraient et y vivraient pendant deux semaines, puis retourneraient chez eux pour deux semaines. La VBNC ne construirait pas de nouvelle ville près de l'emplacement de la mine.

Le processus d'examen

En janvier 1997, les gouvernements fédéral et provincial, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont signé un protocole d'entente indiquant comment les effets environnementaux du projet de mine et d'usine de broyage de la baie Voisey seraient examinés. On a nommé une commission composée de cinq membres pour effectuer cet examen et préparer le présent rapport. Ces membres sont : Mme Lesley Griffiths (présidente), M. Peter Usher, M. Charles Pelley, Mme Lorraine Michael et M. Samuel Metcalfe.

La commission a tenu deux séries de réunions publiques. Des séances visant déterminer les problèmes et les priorités de l'examen environnemental ont eu lieu au printemps de 1997. La deuxième série, comprenant 32 jours d'audiences publiques, a eu lieu dans dix collectivités du Labrador et St. John's, au cours des mois de septembre, octobre et novembre 1998.

La conclusion globale de la commission

Pour parvenir à une conclusion globale relativement aux effets du projet, la commission s'est posé trois questions principales, en se fondant sur le mandat qui était défini dans le protocole d'entente.

  1. Le projet causerait-il des dommages importants ou irréversibles aux végétaux et aux animaux, ainsi qu'à leurs habitats?
  2. Le projet toucherait-il les aliments puisés dans la nature ou empêcherait-il les Autochtones d'en faire l'exploitation, maintenant ou dans les années venir?
  3. Le projet apporterait-il des avantages sociaux et économiques à de nombreuses personnes dans le Nord du Labrador ou seulement à quelques-unes, et ces avantages seraient-ils durables?

La commission a très soigneusement étudié tous les aspects du projet et a écouté les points de vue des gouvernements, des organisations autochtones et de nombreuses autres personnes. En se fondant sur cet examen, la commission a fait un certain nombre de recommandations sur la façon dont le projet devrait être réalisé. La commission a conclu que le projet ne nuirait pas sérieusement au milieu naturel, ni aux aliments puisés dans la nature, ni à la possibilité qu'ont les Autochtones de les exploiter, pourvu que ses recommandations soient mises à exécution. La commission en a également conclu que les habitants du Labrador septentrional pourraient tirer parti d'avantages sociaux et économiques durables grâce aux emplois et aux occasions d'affaires qui pourraient être créés par le projet si sa durée de vie s'étendait tel que décrit dans l'étude d'impact environnementale.

Durée de vie de la mine, revendications territoriales et ententes sur les impacts et les avantages

Les trois premières recommandations de la commission visent des questions importantes soulevées par de nombreux intervenants lors des audiences, soit :

  • la durée du projet;
  • les effets possibles du projet sur la négociation des revendications territoriales;
  • le rôle des ententes sur les impacts et les avantages.

La commission convient que le projet doit durer au moins 20 à 25 ans, pour que plus d'une génération puisse tirer parti de la mine. En outre, les collectivités auraient ainsi la possibilité de créer de nouvelles occasions de développement économique par le supplément de revenus que fournirait le projet. Par conséquent, la commission a recommandé que la province intègre au bail minier certaines conditions propres à garantir que, si la VBNC trouve moins de nickel que prévu dans les gisements souterrains, elle réduira la quantité de nickel extrait chaque année de façon à prolonger la durée de vie de la mine.

L'Association des Inuit du Labrador, la nation Innu et de nombreux particuliers ont dit à la commission que le projet ne devrait pas démarrer avant le règlement des revendications territoriales. Après le début des travaux de la commission, la Cour suprême du Canada a prononcé une décision judiciaire importante au sujet du titre ancestral et des droits des Autochtones d'un bout à l'autre du pays (le jugement Delgamuukw). Selon l'interprétation que la commission donne à cette décision, là où les Autochtones détiennent le titre ancestral sur leurs territoires traditionnels, les gouvernements ont certaines obligations à remplir s'ils veulent permettre l'exploitation des ressources sur ces territoires dans le cadre de projets tels que celui proposé par la Voisey's Bay Nickel Company. Plus précisément, les gouvernements doivent s'assurer qu'on offre aux Autochtones les possibilités suivantes :

  • qu'ils puissent participer à l'exploitation des ressources;
  • qu'ils soient consultés convenablement;
  • qu'ils reçoivent une indemnisation équitable.

Selon la commission, le cadre idéal qui s'offre aux gouvernements pour s'acquitter de ces trois obligations est le règlement des revendications territoriales. C'est pourquoi la commission a recommandé qu'avant la mise en route du projet, le gouvernement fédéral et celui de la province concluent des ententes de principe sur les revendications territoriales avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, et adoptent des mesures provisoires ayant force exécutoire qui seront en vigueur jusqu'à la signature des ententes finales.

Par ailleurs, la commission comprend que des questions qui n'ont rien voir avec le projet pourraient éventuellement retarder le règlement de l'une ou des deux revendications territoriales en cause. Au cas où cela se produirait, la commission a recommandé que les deux gouvernements, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu négocient un accord de cogestion environnementale stipulant que les Autochtones doivent toujours être pleinement consultés au sujet du projet d'exploitation minière de la baie Voisey. Les obligations de participation et d'indemnisation des Autochtones devraient alors être acquittées par l'entremise des ententes sur les impacts et les avantages qui seraient négociées entre la VBNC et les deux organisations autochtones. La commission insiste sur le fait que ces arrangements de remplacement devraient laisser les Inuit et les Innu dans une situation aussi avantageuse que si les ententes sur les revendications territoriales étaient déjà en vigueur.

La VBNC a assuré à la commission qu'elle avait l'intention de prévenir ou de réduire certains des effets nuisibles prévus et d'accroître les avantages prévus du projet au moyen des ententes sur les impacts et les avantages. L'Association des Inuit du Labrador, la nation Innu et de nombreuses personnes ont dit à la commission que les ententes sur les impacts et les avantages devaient absolument être conclues avant le démarrage du projet. Pour sa part, la commission est d'avis qu'il serait plus facile pour la VBNC et pour les organisations autochtones de négocier les ententes sur les impacts et les avantages après le règlement des revendications territoriales. Quoi qu'il en soit, puisque les ententes sur les impacts et les avantages constituent un volet important de l'ensemble du projet, la commission a recommandé qu'elles soient conclues avant que le projet ne soit autorisé à démarrer.

Transport

De nombreuses personnes ont indiqué à la commission que la circulation de navires dans la banquise côtière pourrait rendre la chasse et les déplacements hivernaux dangereux pour les résidents de la côte nord, et perturber les phoques, en particulier pendant la période de mise bas. Certaines personnes redoutent les effets des déversements possibles d'hydrocarbures ou de concentrés si jamais un navire subissait un accident le long de la route maritime. D'autres s'inquiètent également des effets à long terme sur l'eau du port de l'anse à Edward que pourraient causer de petits déversements fréquents d'hydrocarbures ou de concentrés.

Il a souvent été question de la nécessité de procéder à des expéditions durant les mois d'hiver, compte tenu des taux de production et de la capacité de la VBNC à stocker les concentrés sur le site pendant de longues périodes de temps. La VBNC a indiqué à la commission qu'aucun navire ne circulerait en zone de glace de rive pendant au moins les deux ou trois premières années du projet, et vraisemblablement pendant une période encore plus longue. Elle a également précisé qu'aucun navire ne circulerait en zone de glace de rive s'il ne pouvait le faire en toute sécurité. La commission convient avec nombre de ceux qui ont présenté un exposé qu'il reste encore beaucoup d'incertitudes quant aux effets de la rupture de glaces le long de la route de transport. La commission a recommandé qu'avant d'être autorisée naviguer en zone de banquise côtière, la VBNC devrait :

  • de concert avec l'Association des Inuit du Labrador et les responsables de la réglementation, explorer davantage la nécessité de procéder à des expéditions hivernales et les effets de la rupture de la banquise côtière sur la faune et la sécurité des usagers de la glace;
  • conclure un accord sur la navigation avec l'Association des Inuit du Labrador pour tenir compte de ses préoccupations concernant le transport hivernal et d'autres questions.

La commission a également fait des recommandations visant à garantir la circulation sécuritaire des navires depuis et vers l'anse à Edward, ainsi qu'à prévenir la pollution marine. La commission juge que le risque de déversement d'hydrocarbures ou de concentrés serait faible, pourvu que la VBNC mette l'accent sur les mesures de sécurité. Néanmoins, la commission recommande que la VBNC et les gouvernements préparent des plans d'intervention en cas de déversements d'hydrocarbures qui comprendraient des mesures visant un déversement majeur d'hydrocarbures, le cas échéant.

Qualité de l'air

Le principal effet du projet sur l'air serait la poussière soulevée par l'exploitation à ciel ouvert et les camions de convoyage le long des routes. La poussière retomberait dans les cours d'eau et les lacs, et causerait une détérioration de la qualité de l'eau. D'autres émissions atmosphériques proviendraient de la combustion de combustibles fossiles à des fins de production d'énergie ou pour le fonctionnement des véhicules. La commission a recommandé que la VBNC élabore un plan visant à lutter contre la poussière et à réduire la quantité de combustibles par des mesures d'économie d'énergie.

Gestion des résidus, des stériles et des eaux usées du complexe minier

Pendant l'examen, tout le monde a reconnu à l'unanimité que la nécessité de contrôler la production d'acide dans les résidus et les stériles était une question de première importance. Pour y réussir, la VBNC devra être en mesure de stocker en permanence un énorme volume de résidus et de stériles sous l'eau de deux bassins de résidus. Voici les principales questions abordées au cours de l'examen :

  • les solutions de remplacement pour stocker les résidus et les stériles en toute sécurité;
  • le choix de l'emplacement des deux bassins de résidus;
  • la conception des digues;
  • l'infiltration de l'eau contaminée à travers et sous les digues;
  • l'avenir des bassins de résidus après la fermeture de la mine.

La commission a appris que les méthodes de remplacement pourraient comprendre l'utilisation des résidus et des stériles pour remblayer le puits à ciel ouvert ou des galeries souterraines, et le stockage sous-marin (l'évacuation en mer). La VBNC a indiqué à la commission qu'elle envisagerait la possibilité de recourir au remblayage, mais qu'elle devait d'abord achever l'exploration des gisements souterrains et acquérir davantage d'expérience sur les lieux avant d'être en mesure de prendre une décision. Les organismes de réglementation ont affirmé à la commission qu'ils n'autoriseraient pas l'évacuation en mer pour le moment.

La commission estime que la méthode proposée par la VBNC pour disposer des résidus et des stériles éliminerait le problème posé par la production d'acide. La commission croit aussi que la VBNC a choisi les meilleurs sites de stockage possibles pour ce qui est d'amoindrir les effets environnementaux (la société minière se propose de commencer par le lac Headwater et de construire ensuite le North Tailings Basin lorsque commencera l'étape de l'exploitation souterraine). Néanmoins, la commission a recommandé que la VBNC étudie la possibilité que représente le remblayage avant d'entreprendre l'aménagement du North Tailings Basin. En agissant ainsi, la compagnie pourrait peut-être éviter ou retarder la création du deuxième bassin de résidus.

La commission a également formulé des recommandations au sujet de la conception des digues, de l'épuration de l'eau, du captage et de l'épuration de l'eau d'infiltration, et d'un programme d'inspection et d'entretien de sécurité à toutes les étapes du projet.

Le projet produirait aussi une grande quantité de stériles qui ne sont pas acidogènes car leur composition chimique est différente. La VBNC a l'intention de stocker ces stériles non réactifs à la surface du sol. La principale crainte à cet égard est que des roches acidogènes se retrouvent dans ces sites de stockage de roches non réactives si les déchets ne sont pas triés soigneusement. La commission a recommandé que la VBNC élabore des méthodes sûres de séparation des deux types de déchets rocheux, et qu'elle se dote de plans d'intervention d'urgence pour le cas où il se formerait effectivement de l'acide dans les empilements de stockage à la surface.

L'exploitation de l'usine de concentration nécessiterait de grandes quantités d'eau pour le traitement du minerai. La VBNC se propose de recycler la plus grande partie de l'eau touchée par les activités de l'usine. Voici certaines des questions soulevées lors des audiences :

  • la nécessité de maximiser le recyclage de l'eau pour réduire les quantités d'eau douce prélevées dans les lacs de la région;
  • la qualité de l'eau dans les bassins de résidus;
  • les effets de l'évacuation des boues de traitement dans les bassins de résidus.

La commission en est venue à la conclusion que la VBNC devrait exploiter l'usine de concentration de manière à obtenir les meilleurs niveaux possibles de qualité pour ses eaux usées épurées. Il faudrait, pour y arriver, établir une surveillance constante et une gestion minutieuse des procédés. La commission a formulé des recommandations relativement au recyclage de l'eau, à la prévention de la pollution et à la gestion des boues.

Lorsque la VBNC aura achevé l'exploitation du puits à ciel ouvert, elle pourrait le remplir de résidus ou de stériles, ou le noyer. La commission a recommandé que la VBNC régénère le puits de manière à le rendre visuellement acceptable et qu'elle veille à ce que le ruisseau Reid ne puisse être contaminé, que ce soit par le ruissellement de surface ou par les eaux souterraines.

Contaminants dans l'environnement

La commission a constaté qu'en raison de leur expérience, de nombreux habitants du Nord se disent très préoccupés par la contamination des aliments traditionnels que pourrait causer toute activité d'exploitation des ressources comparable aux activités du projet. La VBNC a procédé à des exercices de modélisation visant à prévoir la façon dont l'exploitation minière pourrait libérer les métaux présents dans le couvert rocheux, qui se retrouveraient alors dans l'air et dans l'eau, puis contamineraient la chaîne alimentaire. La commission a jugé qu'il était peu probable que le projet entraîne le rejet, dans l'environnement, de métaux en quantités telles qu'elles constitueraient des dangers pour le poisson, la faune ou les humains. Cependant, comme il est extrêmement important de préserver à la fois la qualité des aliments puisés dans la nature et la confiance de la population à cet égard, la commission a recommandé ce qui suit :

  • que la VBNC surveille les concentrations de contaminants dans le secteur du projet;
  • que les gouvernements, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu élaborent un programme de surveillance des concentrations de contaminants dans le Labrador septentrional.

Poisson d'eau douce et habitat du poisson

Le projet toucherait de nombreux cours d'eau et lacs à proximité du complexe minier, notamment à cause de la construction des deux bassins d'enfouissement des résidus, des prélèvements d'eau pour l'usine de concentration et de la nécessité de détourner ou de modifier les débits des cours d'eau. Les autres répercussions du projet seraient les traverses de cours d'eau, l'érosion, la sédimentation et la poussière. La VBNC propose de protéger le poisson et son habitat, y compris le ruisseau Reid, en ne déversant les eaux usées traitées que dans la mer et en détournant de façon permanente l'eau du bassin à résidus du lac Headwater, pour qu'elle ne s'écoule pas dans le bassin hydrographique du ruisseau Reid.

Les questions soulevées pendant les audiences portaient sur les aspects suivants :

  • les effets du projet sur l'omble chevalier dans le ruisseau Reid et dans les cours d'eau situés à proximité;
  • la proportion de l'habitat du poisson qui serait touchée et la façon dont la VBNC le remplacerait conformément à la politique du ministère des Pêches et des Océans du Canada interdisant toute perte nette;
  • les effets du dynamitage;
  • les effets combinés de toutes les installations et activités du projet sur le ruisseau Reid;
  • l'objet de surveillance de la VBNC et la façon dont la société entend entreprendre cette tâche.

La commission a conclu que les mesures d'atténuation proposées par la VBNC devraient protéger convenablement l'habitat du poisson dans le ruisseau Reid. Si les résultats de la surveillance devaient révéler des effets imprévus, la commission croit que la VBNC pourrait et devrait appliquer des mesures complémentaires. Toutefois, la commission était préoccupée par la possibilité qu'un plus grand nombre d'habitats que prévu pourrait être touché si la VBNC n'était pas en mesure de maintenir au moins des débits minimaux dans tous les cours d'eau touchés par le projet. A noter également que la commission n'a pas reçu d'information de la VBNC concernant la façon dont elle remplacerait l'habitat du poisson qui serait détruit par l'aménagement des bassins de résidus.

La commission a recommandé que la VBNC prépare un rapport sur la protection de l'habitat du poisson, en fournissant des détails sur toutes les mesures d'atténuation, et que le ministère des Pêches et des Océans du Canada offre au public la possibilité de formuler des commentaires sur les propositions de la VBNC en matière de remplacement d'habitats. D'autres recommandations portent sur l'établissement d'un plan spécial de protection environnementale pour le ruisseau Reid, la façon dont le ministère des Pêches et des Océans du Canada devrait appliquer à ce projet la politique de la perte nette nulle, ainsi que la surveillance et les études connexes dans le réseau hydrographique du ruisseau Reid et dans le réseau plus élargi que constitue le système des ruisseaux Kogluktokoluk, Ikadlivik et Reid.

Poisson marin et habitat du poisson

Le projet aurait des effets sur la qualité de l'eau et des sédiments marins à cause du déversement des eaux usées traitées, d'abord dans l'anse Edward et plus tard également dans la baie Kangeklualuk (les deux seuls points de déversement). La commission partageait l'avis du ministère des Pêches et des Océans du Canada, qui a proposé que la VBNC étudie la possibilité de déverser sans danger toutes les eaux usées dans l'anse à Edward, pour éviter l'altération d'une deuxième baie. La commission ne s'attend pas ce que le projet ait un effet nuisible sur l'habitat du poisson marin, sauf dans une très petite zone, ni sur le poisson lui-même. La commission a appris que ce serait la première fois au Canada qu'une entreprise de concentrations de nickel, de cuivre et de cobalt déverserait des eaux résiduaires dans de l'eau salée. On dispose donc de très peu d'information sur les effets de la combinaison de ces métaux dans un environnement marin. La commission a donc recommandé que l'on fasse de nouvelles recherches et que l'on fasse preuve de vigilance dans la surveillance. La commission a aussi recommandé que la VBNC, pendant toute la durée du projet, continue de travailler à réduire la quantité totale de polluants déversés dans les eaux usées, même si elle respecte déjà les normes réglementaires.

Phoques, baleines et ours polaires

Les principaux effets du projet sur les phoques et les baleines seront vraisemblablement le bruit et la perturbation des glaces dus à la navigation. Les mammifères marins risquent également d'être touchés par un éventuel déversement d'hydrocarbures. Les représentants du gouvernement et du public ont déploré le manque d'information sur les phoques et les baleines de cette zone du Labrador septentrional, notamment en ce qui a trait à leur nombre et à leur habitat. Comme il n'y a encore jamais eu de navigation dans les banquises côtières de cette région, une incertitude persiste quant aux répercussions de la navigation hivernale sur les phoques. La commission recommande au ministère des Pêches et des Océans du Canada d'approfondir les études sur les mammifères marins de la région, pour compléter les travaux déjà effectués par la VBNC. Elle recommande également que la société minière et l'Association des Inuit du Labrador déterminent les périodes de mise bas des phoques annelés, pour éviter toute perturbation durant cette période de vulnérabilité.

La commission juge que le projet ne nuira pas aux ours polaires si la VBNC élabore, en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador, des plans efficaces de gestion de toute interaction potentielle entre les employés du projet et les ours. Elle recommande également que les gouvernements provincial et fédéral déterminent de façon précise l'instance qui est responsable des ours polaires au large de la côte du Labrador, pour assurer une meilleure protection de cette ressource et une application plus efficace de la loi.

Végétaux, caribous et ours noirs

En ce qui concerne l'environnement terrestre, la VBNC s'est surtout attachée prédire les effets du projet sur les communautés végétales, le caribou et l'ours noir. Le projet détruirait inévitablement une partie de l'habitat végétal. La VBNC entend limiter les dommages et favoriser le plus rapidement possible la régénération de la végétation naturelle dans la majeure partie des secteurs perturbés (autrement dit, elle n'attendra pas nécessairement la fin du projet). La commission a pris note des préoccupations concernant les risques d'incendie de forêt et les répercussions des activités d'exploration et elle a par conséquent formulé des recommandations à cet égard.

Le site du projet est situé sur le territoire du troupeau de caribous de la rivière George. Certaines années, des caribous ont passé l'hiver dans la région de la baie Voisey. Les aspects soulevés durant les audiences portaient sur la dégradation ou la perte d'habitat, ainsi que sur les effets du bruit, de la présence humaine et de la rupture des glaces sur les déplacements des caribous. La commission a conclu que le secteur qui serait touché par le projet n'est pas une zone essentielle de l'aire d'activités du troupeau de caribous de la rivière George. Néanmoins, la VBNC devra mettre en uvre les mesures qu'elle propose pour atténuer les effets nuisibles du projet sur les déplacements des caribous dans la région. Si cela s'avère nécessaire, elle pourrait même devoir suspendre temporairement certaines de ses activités durant les périodes de migration des caribous. La commission recommande également de s'attaquer aux problèmes liés à la navigation hivernale, par le biais de l'entente sur la navigation que concluront l'Association des Inuit du Labrador et la VBNC.

Bien que la VBNC ait recueilli des données sur le nombre d'ours noirs vivant dans le secteur du projet, on en sait encore trop peu pour pouvoir juger de l'importance de ce secteur comparativement au reste de la région. La commission a donc recommandé à la province de réaliser d'autres études ce sujet. Les intervenants ont reconnu que la VBNC avait grandement amélioré ses méthodes de fonctionnement à la baie Voisey pour éviter d'avoir abattre des ours qui posent problème. La commission lui a néanmoins recommandé d'élaborer un plan de protection de l'environnement qui viserait spécialement les ours noirs.

Oiseaux

La région du Labrador septentrional qui serait touchée par le projet, y compris la route maritime, abrite de nombreuses colonies nicheuses d'oiseaux marins et un important habitat de sauvagine côtière. Une importante marée noire constitue le plus grand danger éventuel qui menace ces oiseaux, mais le bruit pourrait aussi nuire aux populations nicheuses. La commission a recommandé que les plans suivants soient élaborés : un plan d'intervention d'urgence pour contrer les effets d'un accident, un plan de gestion des déchets huileux des navires de la VBNC et un plan de surveillance visant étudier les effets du bruit.

Les canards arlequins nichent dans la zone du projet, le long de plusieurs ruisseaux, dont un qui sort des lacs qui seraient utilisés pour le North Tailings Basin. La population de canards arlequins vivant à l'Est est inscrite comme une espèce « menacée de disparition ». La VBNC prévoit qu'il faudra déplacer de trois à cinq couples nicheurs à cause du projet, mais elle prétend que ces couples s'installeraient rapidement dans un habitat de remplacement. La commission est d'avis que les effets cumulatifs sur les canards arlequins augmenteraient à cause du projet. Elle a donc recommandé que la VBNC entreprenne toutes les démarches possibles pour réduire ces effets néfastes et élaborer un programme de surveillance et de recherche qui permettra de mieux comprendre les besoins des arlequins en matière d'habitats et d'adopter les mesures d'atténuation les plus efficaces. La commission croit que, par ces initiatives, la VBNC contribuerait de façon significative au succès du Plan de rétablissement national des canards arlequins et que les effets néfastes du projet s'en trouveraient compensés.

On a fait part à la commission de nombreuses préoccupations concernant la décision de la VBNC d'aménager les pistes d'atterrissage du projet quelques kilomètres des Gooselands, un petit habitat en marais salé qui revêt une grande importance parce qu'il sert de halte à la sauvagine et qu'il constitue une aire de chasse de grande valeur pour les Autochtones. Les ornithologues du gouvernement et les chasseurs Inuit ont indiqué à la commission que des avions qui survoleraient les Gooselands après le décollage ou en approche de piste effraieraient les oiseaux, ce qui les inciterait à fuir l'endroit temporairement ou peut-être même de façon permanente. La commission juge que les effets d'une aire d'atterrissage dans les Gooselands demeurent incertains. Elle recommande donc que la VBNC adopte l'une des deux mesures suivantes :

  • qu'elle réaligne la piste et retarde ses plans concernant l'aménagement d'un aéroport de catégorie 1 jusqu'à ce qu'une nouvelle technologie d'approche aérienne ait été élaborée;
  • qu'elle fonctionne en restreignant le trafic aérien, ce qui signifierait la réduction des vols pendant les périodes de vulnérabilité de la sauvagine migratrice.
  • Utilisation des terres par les Autochtones et ressources historiques

Les représentants autochtones ont exprimé à la commission leur inquiétude face aux éventuelles répercussions du projet sur la faune et la flore dont ils dépendent et sur leur capacité d'exploitation des ressources fauniques. Leurs préoccupations visent les aspects suivants :

  • la perte des habitats;
  • la perturbation de la faune;
  • la contamination possible des aliments puisés dans la nature;
  • les pressions supplémentaires de la part des employés du projet relativement la chasse;
  • la limitation de l'accès aux ressources dans la zone du complexe minier en raison des perturbations touchant les déplacements sur les glaces.

La commission conclut que le projet ne devrait pas perturber à grande échelle les activités liées à l'exploitation des ressources fauniques si la VBNC applique efficacement les mesures d'atténuation. Elle recommande toutefois que la VBNC mette en place un programme d'indemnisation pour la perte des droits de prédation, dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages. En outre, il serait important que la VBNC applique des politiques et des procédures interdisant aux employés la pêche ou la chasse pendant les deux semaines au cours desquelles ils travaillent et résident sur le chantier.

Il existe un certain nombre de ressources archéologiques et historiques dans la zone du projet et d'autres ressources sont susceptibles d'être mises à jour durant les travaux de construction. La commission recommande la VBNC de réviser son plan de protection et de gestion pour assurer l'identification et la protection adéquates de ces sites.

Emploi et occasions d'affaires

Le projet fournirait de l'emploi et des occasions d'affaires à la population du Labrador et des autres régions de la province. Conformément à une politique qu'elle appelle le principe de contiguïté, la VBNC propose d'accorder la priorité aux membres de l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu, ensuite aux autres résidents du Labrador, puis aux résidents de la partie continentale de la province.

Parmi les points portés à l'attention de la commission on retrouve les préoccupations suivantes :

  • la formation, et plus particulièrement, la façon dont elle peut être rendue pertinente et accessible aux femmes et aux Autochtones;
  • la façon dont les Autochtones peuvent acquérir une expérience pratique;
  • les effets possibles de la syndicalisation sur l'emploi des travailleurs locaux;
  • les problèmes de transport pour les personnes qui vivent dans des collectivités situées au sud de Rigolet;
  • les réalités culturelles et linguistiques en milieu de travail et la façon dont elles pourraient toucher le maintien en fonction des employés autochtones;
  • les mesures à prendre pour faire de l'emplacement minier un milieu de travail où les femmes se sentiront à l'aise et en confiance;
  • les problèmes concernant l'accessibilité aux garderies et aux services destinés aux personnes âgées, qui pourraient rendre difficile pour certaines personnes (notamment les femmes) l'occupation d'un emploi au complexe minier projeté.

La commission a jugé que, malgré le principe de contiguïté et malgré les engagements en matière d'emploi que prendrait la VBNC dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages, les Autochtones du Labrador septentrional auraient probablement à faire face à un certain nombre de barrières en matière d'emploi. Une fois embauchés, ils seraient obligés de s'ajuster à de nombreuses situations liées à un environnement industriel, un système de travail qui fonctionne par rotation et à un complexe où l'on n'accède que par navette aérienne.

La commission a formulé un certain nombre de recommandations à l'égard de ces situations, notamment :

  • l'amélioration du programme de formation multilatéral pour rendre la formation plus accessible aux Autochtones et aux femmes;
  • la désignation de Cartwright comme lieu d'embarquement des employés;
  • la mise sur pied d'un programme de lutte contre le racisme et d'un programme interculturel;
  • la mise en uvre d'une politique de seconde chance à l'endroit des employés qui éprouveraient de la difficulté à s'adapter à leur emploi;
  • l'instauration d'un mécanisme visant à s'assurer que le processus de prise de décision en milieu de travail tient compte des préoccupations et des points de vue des femmes;
  • l'adoption de mesures susceptibles d'améliorer les garderies dans les collectivités résidentielles.

La VBNC prévoit que le Labrador bénéficierait du quart environ des retombées économiques totales liées aux occasions d'affaires qui seraient générées par le projet. La commission a constaté une préoccupation sur la durée du projet et sur l'incidence de cette durée sur la prise de décision en matière d'investissement dans le développement commercial local. Il a également été question du mécanisme d'appel d'offres de la VBNC, ainsi que de l'accessibilité à l'information, pour faciliter le processus de planification des gens d'affaires. La commission a recommandé que la VBNC élabore une stratégie de mise en valeur des fournisseurs, de manière à fournir les renseignements nécessaires en temps opportun et à faciliter la tâche des fournisseurs locaux qui veulent présenter des soumissions concurrentielles.

Familles et collectivités

Puisque le projet serait une exploitation assortie d'un service de navette aérienne rejoignant toutes les collectivités de la côte septentrionale, de la région de Happy Valley-Goose Bay et de l'Ouest du Labrador, et que la VBNC donnerait la préférence aux candidats vivant déjà au Labrador, rien ne permet de croire que le projet occasionnerait des changements démographiques importants dans quelque collectivité que ce soit, sauf Nain. Par conséquent, on prévoit que les emplois offerts par la mine devraient constituer la cause principale de changement social pour les familles et les collectivités.

Un bon nombre de personnes ont indiqué à la commission qu'elles craignaient que le projet nuise à leur culture et à leurs valeurs, et qu'il modifie leurs rapports avec le territoire. La VBNC anticipe des problèmes d'ajustement, mais elle prévoit que l'accroissement des emplois et des revenus améliorerait éventuellement le bien-être des collectivités. Plusieurs intervenants aux audiences ont contesté cette vision, affirmant que les Autochtones, en particulier, tirent leur sentiment d'estime de soi d'autres sources telles que la culture, la tradition et leur capacité à vivre de leur terre ancestrale. Certains auteurs des mémoires présentés à la commission ont dit craindre que le projet n'entraîne une recrudescence de la consommation d'alcool et de la violence familiale, plutôt que l'inverse. Ces intervenants ont également fait remarquer qu'il pourrait se creuser un écart encore plus grand entre les personnes employées à la mine, bien rémunérées, et celles qui n'y travaillent pas.

La commission a aussi entendu de nombreux intervenants qui voulaient que l'on crée de plus en plus de débouchés économiques pour les habitants de la côte septentrionale du Labrador et qui attendaient avec impatience d'être embauchés à l'exploitation minière de la baie Voisey.

La commission estime que personne ne peut être entièrement sûr de la façon dont le projet influera sur les familles et les collectivités, car le projet d'exploitation minière et d'usine de concentration engendrerait une situation tout à fait nouvelle pour le Labrador septentrional. Plusieurs autres facteurs auront aussi des conséquences tout à fait indépendantes du projet. La commission a aussi conclu que la région avait besoin d'un apport au niveau du développement économique parce que les ressources renouvelables telles que la pêche et la chasse, bien que très importantes, ne peuvent pas soutenir adéquatement une population toujours croissante.

La commission convient que si le projet allait de l'avant, les Autochtones devront être traités avec équité, justice et respect pour éviter les effets sociaux négatifs. Pour atteindre ce but, toutes les parties devraient veiller à ce que les Autochtones reçoivent une vaste gamme d'avantages par l'intermédiaire des emplois, des ententes sur les impacts et les avantages et du réinvestissement des revenus accrus que les gouvernements retireront du projet. La commission a recommandé que le gouvernement fédéral consente ces avantages en améliorant les aéroports des collectivités côtières, et que le gouvernement provincial retourne une part de ses recettes aux collectivités en rehaussant les programmes communautaires de soins de santé préventifs.

Puisque Nain est la collectivité la plus proche du complexe minier proposé, on devrait y constater davantage de changements directs que dans les autres collectivités, compte tenu de sa taille. Lors des audiences, des participants ont fait part des inquiétudes suivantes à la commission :

  • la capacité de la ville de Nain à répondre aux demandes et aux pressions nouvelles;
  • l'effet du projet sur le logement et sur le coût de la vie;
  • la capacité des commerçants de Nain à préparer des offres de service;
  • l'effet du projet sur les entreprises existantes, en raison de la concurrence qui se fera sur le plan de la main-d' uvre ou des services.

La commission a recommandé que la VBNC verse une subvention à la ville de Nain au lieu de taxes, et que la ville et la société établissent de meilleurs liens de communication mutuelle pour régler les problèmes et tirer parti des possibilités. La commission a également recommandé que la ville, l'Association des Inuit du Labrador ainsi que les gouvernements fédéral et provincial élaborent conjointement une stratégie quinquennale en matière de logement.

Gestion de l'environnement

Tout au long de l'examen, de nombreux interlocuteurs de la commission ont réclamé la mise en place d'un bon système de gestion de l'environnement si le projet allait de l'avant. Ce système permettrait de surveiller étroitement les effets du projet, donnant ainsi à la VBNC la possibilité de remédier rapidement aux problèmes décelés, le cas échéant. Un tel outil permettrait en outre aux peuples autochtones d'examiner les principales étapes du projet, depuis les travaux de construction jusqu'à la désaffectation du site, et de formuler leurs recommandations à l'égard des principaux éléments du projet.

La commission a recommandé une série de mesures qui devraient être prises, parallèlement au règlement des ententes sur les revendications territoriales ou en tant que dispositions distinctes, mais équivalentes. En premier lieu, les gouvernements fédéral et provincial, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu devraient mettre sur pied un Conseil consultatif de l'environnement qui serait chargé de faire l'examen du programme de surveillance, des demandes de permis et des plans de protection environnementale de la VBNC. Le Conseil pourrait également s'occuper des questions et des préoccupations soulevées en matière de gestion de l'environnement. La commission a par ailleurs formulé d'autres recommandations concernant les aspects suivants du projet :

  • une entente relative au transport, entre la VBNC et l'Association des Inuit du Labrador;
  • un processus élargi de planification de la gestion du milieu marin, en conformité avec les dispositions de la Loi sur les océans;
  • des objectifs de réhabilitation qui seraient intégrés à chaque volet de la planification et de la réalisation du projet;
  • des garanties financières;
  • un programme efficace de surveillance du milieu biophysique qui serait mis en uvre par la VBNC;
  • un programme de surveillance des effets socio-économiques qui relèverait de la province.

On trouvera dans le rapport qui suit l'exposé complet des conclusions et des recommandations de la commission.

La commission remercie les personnes qui ont bien voulu nous faire profiter de leurs connaissances, de leur expérience et de leurs idées durant le processus d'évaluation environnementale.

Carte du Labrador

Carte du Labrador

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1 Introduction

1.1 Protocole d'entente

Le 31 janvier 1997, le gouvernement du Canada, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que les présidents de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu ont annoncé la signature d'un protocole d'entente. En vertu de ce protocole, ils ont convenu d'effectuer un examen d'évaluation environnementale conjoint du projet présenté par la Voisey's Bay Nickel Company (la « VBNC ») visant l'aménagement d'une mine et d'une usine de concentration situées près de la baie Voisey, au Labrador.

Le protocole d'entente a été établi en vue d'harmoniser les processus d'évaluation environnementale fédéral et provincial et de tenir compte des intérêts des deux groupes autochtones dont les revendications territoriales se chevauchent dans cette région.

L'Association des Inuit du Labrador compte environ 5 200 membres. Elle représente les Inuit et les « Kablunangajuit » (nom donné en langue esquimaude aux habitants du Labrador septentrional, qu'on appelle aussi les « colons ). Les membres de l'Association des Inuit du Labrador résident principalement Nain, à Hopedale, à Makkovik, à Postville, à Rigolet et dans la région de la partie supérieure du lac Melville. Aux fins du présent rapport, le terme « Inuit » désigne les membres de l'Association des Inuit du Labrador. La nation Innu représente environ 1 500 Innu qui résident principalement dans les collectivités de Sheshatshiu et d'Utshimassits (Davis Inlet). Une carte des collectivités du Labrador est reproduite à la page xix.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada est l'autorité fédérale responsable du processus d'examen, car il dispose du pouvoir d'émettre une autorisation de destruction d'habitat du poisson en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches et un permis en vertu de l'article 5 de la Loi sur la protection des eaux navigables. En outre, le gouvernement provincial a dispensé le projet de l'application de la législation provinciale sur l'évaluation environnementale, pour participer au processus d'examen harmonisé.

On trouvera en annexe C la copie complète du protocole d'entente. Ce document contient des instructions sur l'administration du processus et d'importantes définitions concernant le processus d'évaluation environnementale. L'annexe 1 du protocole d'entente présente le mandat de l'examen. Elle en décrit la portée et le calendrier, et indique les aspects dont il faudra tenir compte pendant l'examen. La figure 1 résume le processus d'examen.

Figure 1 : Commission d'évaluation environnementale du projet mine et d'usine de concentration de Voisey's Bay

  1. Étapes du processus d'examen par la commission, signature du Protocole d'entente (PE), nomination des membres de la commission, diffusion du mandat de la commission : Le 31 janvier 1997
  2. Diffusion, par la commission, des Procédures opérationnelles : Le 12 mars 1997
  3. Diffusion, par la commission, des Directives provisoires pour la préparation de l'étude d'impact environnemental (EIE) : Le 14 mars 1997
  4. Séances de détermination de la portée de l'évaluation environnementale : Du 16 avril au 26 mai 1997
  5. Diffusion, par la commission, des Directives finales pour la préparation de l'étude d'impact environnemental : Le 20 juin 1997
  6. Dépôt de l'étude d'impact environnemental et début de la période de 75 jours réservée à l'examen de l'EIE : Le 17 décembre 1997
  7. Prolongation de 30 jours accordée pour la période d'examen de l'EIE : Le 20 février 1998
  8. Fin de la période d'examen de l'EIE : Le 31 mars 1998
  9. Demande de renseignements supplémentaires présentée par la commission : Le 1er mai 1998
  10. Début de la période de 45 jours réservée à l'examen des Renseignements supplémentaires : Le 1er juin 1998
  11. Confirmation, par la commission, qu'elle avait suffisamment de renseignements pour amorcer les audiences publiques : Le 30 juillet 1998
  12. Annonce du calendrier des audiences et des procédures d'audiences : Le 6 août 1998
  13. Tenue des audiences publiques : Du 9 septembre au 6 novembre 1998
  14. Dépôt du rapport final auprès des parties signataires du PE : Mars 1999

1.2 Historique et composition de la commission

Les membres de la commission conjointe indépendante concernant la proposition sur l'aménagement d'une mine et d'une usine de concentration à la baie Voisey ont été nommés le 31 janvier 1997 pour effectuer l'examen public du projet. Mme Lesley Griffiths (présidente), M. Samuel Metcalfe, Mme Lorraine Michael, M. Peter Usher et M. Charles Pelley sont les membres de cette commission. Leurs notices biographiques sont présentées l'annexe A.

1.3 Aide financière aux participants

L'Agence canadienne d'évaluation environnementale (l'« Agence ») a mis des fonds à la disposition des groupes intéressés pour les aider à participer au processus d'examen. Un comité de financement administré par l'Agence et indépendant de la commission a évalué les demandes. Il a accordé un total de 150 000 dollars à 12 groupes pour la première étape du processus d'examen, qui portait sur la détermination des problèmes et des priorités de l'évaluation environnementale. Pour la seconde étape du processus, qui comportait des audiences publiques, le comité a accordé 259 000 dollars 13 groupes. Le public était encouragé à participer à chacune des étapes du processus, notamment à l'élaboration des directives finales pour la préparation de l'étude d'impact environnemental et à l'examen visant à déterminer si l'étude d'impact environnementale était suffisamment complète et si des renseignements supplémentaires se révélaient nécessaires.

1.4 Processus d'examen

A la suite de la nomination de la commission le 31 janvier 1997, des directives provisoires ont été diffusées le 14 mars suivant pour examen par le public, qui était alors invité à faire part de ses commentaires la commission. Les directives indiquaient les aspects que devait aborder la VBNC dans l'étude d'impact environnemental. Des réunions publiques furent tenues en avril et en mai 1997 pour offrir aux organismes, aux groupes et aux particuliers intéressés la possibilité de communiquer à la commission l'éventail de questions que la commission devait, selon eux, aborder pendant l'examen. Des « séances de détermination des problèmes et des priorités de l'examen » ont eu lieu à Nain, à Rigolet, à Hopedale, Postville, à Makkovik, à Sheshatshiu et à Utshimassits, comme le stipulait le protocole d'entente. Pour répondre à l'intérêt manifesté par d'autres collectivités, la commission a aussi tenu de telles séances à Goose Bay, Cartwright et à St. John's. Après avoir soigneusement étudié les commentaires reçus, la commission a diffusé les directives finales pour la préparation de l'étude d'impact environnemental, le 20 juin 1997.

Le 17 décembre 1997, la réponse de la VBNC aux directives (c'est-à-dire, l'étude d'impact environnemental) a été diffusée et une période de 75 jours a été réservée à l'examen par le public en vertu du protocole d'entente. La commission a prolongé la période d'examen de 30 jours, après que la VBNC a déposé des documents de référence venant étayer l'étude d'impact environnemental. La commission a étudié l'étude d'impact environnemental et a tenu compte des commentaires sur la pertinence du document qu'ont formulés des membres du public, des groupes environnementaux, des organismes communautaires, des groupes autochtones, ainsi que des ministères et organismes fédéraux et provinciaux. Le 1er mai 1998, à la suite de ce processus, la commission a demandé à la VBNC de lui fournir de plus amples renseignements relativement à un certain nombre de points qui n'étaient pas suffisamment clairs dans l'étude d'impact environnemental pour permettre un examen fructueux lors des audiences publiques. La VBNC a déposé ces renseignements supplémentaires » à la commission le 1er juin 1998, qui les a mis à la disposition du public pour examen pendant une période de 45 jours, comme le stipulait le protocole d'entente.

Le 30 juillet 1998, la commission a annoncé qu'elle était arrivée à la conclusion que l'étude d'impact environnemental, les documents de référence et les renseignements supplémentaires étaient suffisamment détaillés pour permettre un examen fructueux de la proposition lors des audiences publiques.

Les audiences publiques ont permis à des particuliers, à des organismes et à des représentants de gouvernements de faire valoir leurs points de vue sur les répercussions du projet. On a aussi donné à la VBNC l'occasion d'expliquer son projet et de répondre aux préoccupations et aux questions posées par d'autres participants. Entre le 9 septembre et le 6 novembre 1998, la commission a tenu 32 jours d'audiences à Nain, à Utshimassits, Sheshatshiu, à Hopedale, à Rigolet, à Postville et à Makkovik. Elle a aussi tenu des audiences à Goose Bay, à Cartwright, à Labrador City et à St. John's. Les audiences publiques comportaient des séances communautaires, générales et techniques. On trouvera en annexe D une liste des séances et des responsables des présentations.

Le présent rapport est la dernière étape du processus d'examen par la commission. Il résume les préoccupations qui ont été communiquées à la commission, les constatations de la commission, ainsi que les conclusions et les recommandations que la commission présente aux ministres provinciaux, aux ministres fédéraux, de même qu'aux présidents de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu.

Un registre public de tous les documents, y compris des mémoires présentés la commission pendant les séances de détermination des problèmes et des priorités de l'examen, a été établi au bureau de la commission, à Nain, de même qu'à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, Hull (Québec).

1.5 Description du projet

Pendant toute la durée du processus d'examen de l'évaluation environnementale, certains éléments de la proposition ont changé. Même si la commission ne constate aucun changement substantiel par rapport à la description initiale du projet figurant dans le protocole d'entente, elle est consciente que le projet continuera d'évoluer. La commission a tenu compte de cette évolution lorsqu'elle a tiré les conclusions et formulé les recommandations du présent rapport. La description qui suit est conforme à la description du projet fournie par la VBNC dans son étude d'impact environnemental et à la description du projet qui accompagnait le protocole d'entente.

La VBNC propose d'aménager une mine et une usine de concentration de nickel, de cuivre et de cobalt à un endroit que les Inuit du Labrador connaissent sous le nom de Tasiujatsoak, que les Innu du Labrador connaissent sous le nom de Kapukuanipant-kauashat, et qui est aussi connu sous le nom de baie Voisey. La mine et l'usine de concentration qu'on propose d'aménager seraient situées dans le nord du Labrador, à 35 km au sud-ouest de Nain et à 79 km au nord-ouest d'Utshimassits.

On évalue à 150 millions de tonnes les ressources minérales qui consistent en trois gisements appelés par la VBNC Ovoid, Eastern Deeps et Western Extension. La VBNC se propose d'extraire 32 millions de tonnes de minerai du gisement Ovoid, à l'aide de techniques conventionnelles d'excavation ciel ouvert et d'extraire les 118 millions de tonnes de minerai prévues des gisements Western Extension et Eastern Deeps, à l'aide de techniques d'exploitation minière souterraine. Les zones des gisements Eastern Deeps et Western Extension nécessiteront des travaux d'exploration plus poussés avant que l'on puisse établir un plan d'exploitation minière détaillé. A pleine capacité, l'usine transformerait le minerai en concentrés de nickel-cobalt et en concentrés de cuivre, à raison de 20 000 tonnes de minerai par jour. Les concentrés seraient transportés par camions vers des installations d'entreposage dans le port de l'anse à Edward, puis expédiés à une fonderie hors site pour traitement.

L'infrastructure du site comprendrait une usine, une installation portuaire et une aire d'entreposage à l'anse à Edward, des voies d'accès, des logements et un aéroport. La carte de l'emplacement est reproduite à la figure 2.

La figure 2 montre également la région de Landscape, d'une superficie de 20 000 km², que la VBNC a établi comme aire géographique de son évaluation des écosystèmes terrestres, aquatiques et marins éventuellement touchés par le projet.

Le corridor d'expédition préféré par la VBNC s'étend depuis l'anse à Edward jusqu'à l'extrémité est de l'île Paul, puis passe au nord de l'île Hens and Chickens. La VBNC préférerait fonctionner selon une saison d'expédition prolongée. Dans ce cas, il n'y aurait pas d'expédition pendant la période d'englacement et au début du printemps.

Pendant les opérations d'extraction et de concentration, le projet produirait des stériles et des résidus qui pourraient produire de l'acide. On se propose de placer ces matériaux dans un bassin permanent d'enfouissement sous l'eau pour empêcher la production d'acide. Les stériles et les résidus seraient placés dans le lac Headwater pendant l'extraction à ciel ouvert qui doit, selon les prévisions, s'étendre sur les huit premières années d'exploitation de la mine. Pendant la période d'extraction souterraine, les résidus seraient placés dans le North Tailings Basin, situé à environ 10 km au nord-est de l'emplacement de l'usine et les stériles produisant de l'acide continueraient d'être entreposés dans le lac Headwater. Les stériles qui ne produisent pas d'acide seraient entreposés dans des installations de surface.

Le plan de gestion de l'eau, qui concerne toutes les étapes de l'exploitation minière, constitue un autre aspect important de la description du projet. Les principaux objectifs de ce plan sont de réduire les effets environnementaux négatifs sur les habitats d'eau douce et d'eau marine, d'utiliser le plus possible de l'eau récupérée provenant du système de gestion de l'eau et de recycler autant d'eau que possible dans l'usine de traitement.

A la fermeture de la mine, le site serait désaffecté et réhabilité pour lui redonner un état sécuritaire et stable sur le plan environnemental.

L'emploi direct au complexe minier se traduirait par un maximum d'environ 950 personnes qui seraient embauchées à l'étape de l'exploitation souterraine. La VBNC propose, lors de l'exploitation, de transporter les travailleurs sur les lieux par avion à partir de points de ramassage établis dans les communautés locales. Des logements pour les travailleurs seraient fournis sur place, car on ne prévoit pas urbaniser l'endroit.

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2 Le projet et le développement durable

2.1 Le contexte

Pour assurer une évaluation convenable des effets du projet, le protocole d'entente donne à la commission la mission spécifique d'accomplir les tâches suivantes :

  • examiner la nécessité de réaliser le projet;
  • étudier les effets du projet sur la biodiversité et sur la capacité des générations présentes et futures à satisfaire leurs besoins grâce aux ressources renouvelables;
  • examiner dans quelle mesure la VBNC a appliqué le principe de prudence au projet.

La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (la « Loi ») définit le développement durable comme étant « le développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs ». Dans ses directives, la commission a interprété les trois objectifs du développement durable dans le sens suivant, et indiqué que cette interprétation guiderait son examen de l'étude d'impact environnemental et des autres mémoires :

  • la préservation de l'intégrité de l'écosystème et le maintien de la biodiversité;
  • le respect du droit qu'ont les générations futures à faire une utilisation durable des ressources renouvelables;
  • la concrétisation d'avantages sociaux et économiques durables et équitables.

L'Accord sur l'Initiative minière de Whitehorse a tenu compte de l'incidence de l'extraction des ressources minérales sur le développement durable et a préconisé une démarche multipartite pour élaborer une stratégie d'exploitation minière durable. Le ministère des Ressources naturelles du Canada a élaboré des principes sur la question et a inclus un objectif voulant que « les retombées économiques et les avantages sociaux de l'exploitation minière ne profitent pas uniquement à la génération actuelle, et que les investissements actuels dans le capital humain et physique profitent aux générations futures autant qu'aux générations présentes ».

Dans l'étude d'impact environnemental, la VBNC s'est engagée à extraire du minerai et des produits métalliques avec efficacité à toutes les étapes de l'extraction et de la transformation, de manière à limiter les effets sur l'environnement et à accroître les retombées économiques, tout en respectant les besoins et les valeurs des autres utilisateurs des ressources pendant toute la durée du projet.

Beaucoup de mémoires adressés à la commission traitent de divers aspects de la durabilité, sur lesquels nous revenons dans le présent rapport. Le présent chapitre décrit le cheminement suivi par la commission pour tirer une conclusion générale à l'égard du projet dans l'optique du développement durable.

2.2 Intégrité de l'écosystème, biodiversité et ressources renouvelables

La commission a demandé à la VBNC d'expliquer comment elle comptait extraire la ressource minérale de la baie Voisey sans compromettre l'intégrité de l'écosystème et la biodiversité, et comment elle comptait protéger les ressources végétales et fauniques que les peuples autochtones utilisent depuis des générations et qui demeurent un élément vital de leur économie locale, ainsi que leur bien-être social et spirituel.

La VBNC reconnaît la valeur et la sensibilité écologique de la région de Landscape, dans laquelle se déroulerait le projet, en particulier dans le secteur du ruisseau Reid, dans les Gooselands et dans les ressources marines du complexe des cinq baies. La société minière reconnaît aussi l'importance de la glace marine de rive comme habitat et comme prolongement du continent utilisé dans les déplacements et les activités d'exploitation des ressources fauniques. La VBNC a indiqué que la conception et l'exploitation du projet :

  • réduiraient le plus possible l'empreinte terrestre du projet, et donc le niveau de perturbation de l'habitat terrestre;
  • préviendraient tout déversement direct du projet dans le système du ruisseau Reid ou dans l'estuaire de la baie Voisey;
  • préviendraient l'acidification des cours d'eau et des lacs, ainsi que toute mobilisation subséquente des métaux dans la chaîne alimentaire, grâce au stockage permanent sous l'eau des résidus à forte teneur en sulfures et des roches stériles;
  • réduiraient le plus possible les effets sur la faune grâce à des politiques visant les employés et la formation du personnel, et grâce à diverses mesures d'atténuation;
  • réduiraient les effets du transport maritime sur la banquise côtière, grâce à une limitation des expéditions hivernales et à d'autres mesures d'atténuation.

Beaucoup d'intervenants ont déclaré à la commission que, pour protéger l'environnement et les ressources exploitées par les exploitants des ressources fauniques autochtones et leurs familles, la VBNC doit apporter une grande attention à la lutte contre la poussière, à la gestion de l'eau, des résidus et des stériles, ainsi qu'à la protection de l'habitat des végétaux, des poissons et de la faune. Dans toutes les collectivités de la côte septentrionale, les habitants ont exprimé une grande inquiétude face aux répercussions du transport maritime hivernal sur la glace de rive. Les Inuit, en particulier, ont contesté la pertinence de la piste d'atterrissage vers les Gooselands. La commission examine toutes ces questions dans les chapitres 5 à 13.

La commission juge qu'à bien des égards, le projet est une exploitation minière relativement classique qui fait appel à des mesures d'atténuation éprouvées, et que l'on peut en prévoir les effets avec une certitude raisonnable. Néanmoins, la commission estime que les promoteurs du projet doivent relever plusieurs défis non négligeables :

  • la protection du système du ruisseau Reid, en raison de l'emplacement de la mine à ciel ouvert et d'autres éléments du projet;
  • la protection des Gooselands et de la sauvagine qui fréquente ce marais salant;
  • la sécurité de la navigation dans les glaces et dans un labyrinthe d'îles, de pointes et de récifs;
  • la protection des usagers de la banquise lors du transport maritime effectué par la VBNC au travers de la banquise côtière;
  • l'efficacité des mesures de réhabilitation dans un environnement subarctique.

La commission en conclut que la VBNC pourrait aménager, exploiter et désaffecter les installations prévues dans le projet sans endommager de façon significative les fonctions locales et régionales de l'écosystème, ni diminuer substantiellement la capacité des générations présentes et futures à profiter des ressources renouvelables. Pour y parvenir, la VBNC doit mettre en place un système efficace de gestion de l'environnement, comme le propose l'étude d'impact environnemental; adopter d'autres mesures d'atténuation, comme le recommande le présent rapport; se fonder sur les résultats d'un programme scientifique de surveillance des effets pour améliorer le rendement environnemental pendant toute la durée du projet.

Cependant, la commission estime qu'en raison de l'incertitude appréciable qui subsiste relativement aux effets du transport maritime au travers de la banquise côtière, on ne devrait pas réaliser ce volet du projet tant que les questions n'auront pas été réglées à la satisfaction de l'Association des Inuit du Labrador et du gouvernement.

La commission juge aussi qu'une bonne gestion environnementale du projet exige non seulement des efforts diligents de la part de la VBNC, mais aussi une collaboration continue des quatre signataires du protocole d'entente et la mise en place d'une structure de cogestion de l'environnement dans le nord du Labrador, telle que décrite au chapitre 17.

2.3 Avantages sociaux et économiques durables et équitables

La commission a demandé à la VBNC de lui indiquer dans quelle mesure le projet apporterait des avantages sociaux et économiques durables et équitables aux peuples autochtones du nord du Labrador, aux autres habitants du Labrador et à la province. La VBNC a affirmé que, sur une période de 20 à 25 ans, le projet apporterait ces avantages sur trois plans :

  • des emplois directs dans le projet et des occasions d'affaires connexes offertes aux membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, ainsi qu'aux autres habitants du Labrador, par l'entremise d'une politique interne appelée principe de contiguïté;
  • la participation financière de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu au projet, par l'intermédiaire d'ententes sur les impacts et avantages;
  • l'augmentation des recettes fiscales du gouvernement.

Bon nombre de particuliers et d'organisations ont indiqué à la commission que le projet pourrait effectivement apporter des avantages, pourvu que l'on respecte certaines conditions cruciales. La plus importante de celles-ci est que le projet dure de 20 à 25 ans au moins, tel que proposé, et idéalement plus longtemps. Les travailleurs pourraient ainsi accumuler une pension de retraite et des économies profitant à plus d'une génération, et acquérir les compétences industrielles et commerciales susceptibles de générer de nouvelles activités économiques. Parallèlement, les collectivités pourraient utiliser l'augmentation de leurs recettes pendant une longue période pour diversifier l'économie locale. Une durée prolongée limiterait aussi le risque que l'on subisse les effets néfastes liés à la succession rapide de la prospérité et de la débâcle.

Tout en reconnaissant l'intention de la VBNC d'aménager la mine à ciel ouvert et d'exploiter des galeries souterraines, la commission, comme beaucoup d'intervenants, observe que la durée du projet est compromise par deux grands facteurs d'incertitude : la volatilité des prix du nickel et le manque de données sur l'étendue du gisement souterrain. La commission commente ces questions au chapitre 3, intitulé Nécessité de réaliser le projet et intendance des ressources. Elle en conclut que, malgré cette incertitude, le projet pourrait apporter des avantages durables si la VBNC est tenue de mener à terme son programme de prospection souterraine et de régler le rythme de la production de manière à ce que l'extraction se poursuive pendant au moins 25 ans.

De nombreux intervenants ont aussi indiqué à la commission qu'une deuxième condition cruciale serait que la VBNC donne des emplois et des occasions d'affaires aux collectivités Inuit et Innu tel que promis et que l'exploitation avec service de navette aérienne ne se limite pas à un simple survol. La VBNC et les autres parties en cause devraient aussi s'assurer que le projet profite autant aux femmes qu'aux hommes. La commission traite de cette question surtout au chapitre 15, intitulé Emploi et occasions d'affaires et conclut que les Inuit, les Innu et les autres habitants du Labrador profiteraient des occasions d'emploi et d'affaires, pourvu que l'on conclue et mette en application les ententes sur les impacts et les avantages. La VBNC doit aussi donner la formation nécessaire (en collaboration avec les autres parties), assurer une application uniforme du principe de contiguïté et apporter une attention particulière aux différents aspects des conditions de travail qui se rapportent à la langue, à la culture et au sexe.

La VBNC reconnaît que les habitants et les collectivités du nord du Labrador subiraient des effets économiques et sociaux néfastes et que le projet risque d'accroître les disparités économiques. La VBNC considère toutefois que ces effets seraient pour la plupart de courte durée et qu'ils ne se manifesteraient que pendant la période d'adaptation. Elle estime que les améliorations durables sur le plan de la santé et du bien-être des individus et des collectivités compenseraient largement ces effets néfastes. La commission a entendu de nombreuses opinions et préoccupations à cet égard, qui sont reprises surtout au chapitre 16, intitulé vie familiale et communautaire et services publics.

La commission juge qu'il s'agit d'une question complexe, que le projet aurait des effets sociaux néfastes et d'autres qui seraient bénéfiques, et que ces effets ne seraient pas répartis uniformément. Cependant, la commission juge aussi qu'une économie fondée exclusivement sur l'exploitation des ressources renouvelables a peu de chances de répondre aux besoins des populations Inuit et Innu en croissance, et que le changement social et économique est à la fois inévitable et déjà en cours. La commission estime que le projet pourrait avoir des effets sociaux bénéfiques d'une ampleur considérable et que les effets néfastes pourraient être maîtrisés si l'on réussit à négocier et mettre en application des ententes sur les impacts et les avantages, et si les recettes supplémentaires du gouvernement sont réinvesties dans les services et l'infrastructure de la région. Comme on en discute au chapitre 4, la commission considère aussi que des ententes sur les revendications territoriales - ou des mesures exécutoires équivalentes relatives à la consultation, à l'indemnisation et la participation par rapport au projet - devraient être conclues avant le démarrage du projet, pour garantir que les Inuit et les Innu peuvent mieux maîtriser leur vie et leur avenir.

2.4 Le principe de prudence

Le protocole d'entente donne à la commission la mission d'étudier dans quelle mesure le projet tient compte du principe de prudence. Selon la Déclaration de Rio, dont le Canada est signataire, le principe de prudence stipule que, « dans les cas où il existe un risque de dommage sérieux ou irréversible, le manque de certitude scientifique ne peut être invoqué pour remettre à plus tard l'application de mesures rentables visant à prévenir la détérioration de l'environnement ». La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne jette aucune lumière sur l'application du principe de prudence à l'évaluation environnementale.

Pour déterminer dans quelle mesure les interactions entre le projet et l'environnement pourraient causer un dommage grave ou irréversible, la commission a tenu compte des facteurs suivants :

  • le caractère nouveau de l'interaction dans un environnement de ce type;
  • le degré d'incertitude entourant les effets éventuels;
  • l'étendue et la durée des effets éventuels, ainsi que la mesure dans laquelle ils pourraient être irréversibles;
  • la gravité et l'échelle des effets éventuels sur la productivité biologique et la santé de l'écosystème.

La commission considère que le principe de prudence impose au promoteur l'obligation de démontrer que ses actions ne causeraient pas de dommage sérieux ou irréversible. Plus précisément, la commission a demandé à la VBNC de démontrer qu'elle a :

  • conçu le projet de manière à éviter les effets néfastes dans la mesure du possible;
  • prévu l'application de mesures d'atténuation, ou de plans d'urgence, dont l'efficacité est éprouvée;
  • conçu des programmes de surveillance permettant d'intervenir rapidement dans les cas où l'on détecterait des effets néfastes (ou se chargerait d'en concevoir, en collaboration avec d'autres intervenants, le cas échéant);
  • élaboré les systèmes nécessaires pour remédier à tout effet néfaste résiduel, accidentel ou imprévu du projet, et démontré qu'elle possède les ressources financières voulues pour compenser ces effets.

La commission a demandé à la VBNC de faire preuve de prudence dans ses prévisions, en utilisant par exemple les scénarios visant la pire éventualité, le cas échéant. La commission a demandé qu'on lui fournisse l'assurance que s'il existe une grande incertitude quant à la gravité et au caractère irréversible des effets que pourrait causer tout volet du projet, la VBNC pourrait amoindrir cette incertitude, corriger le problème ou suggérer une solution de remplacement viable.

La VBNC a déclaré qu'à son avis, l'application du principe de prudence au projet se traduit par une démarche fondée sur la prévision et la prévention, et que les concepteurs et planificateurs devraient par conséquent tenir compte des données environnementales à toutes les étapes de leurs activités. La VBNC a communiqué à la commission les moyens par lesquels le principe de prudence a été pris en compte dans la conception du projet pour prévenir les effets néfastes, éviter la pollution, faire face aux imprévus, élaborer des programmes de surveillance et de suivi et faire en sorte que son régime d'assurance responsabilité couvre toute responsabilité en cas de dommages. La commission examine en détail ces moyens dans les chapitres qui touchent ces diverses questions.

La nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador préconisent une interprétation plus stricte du principe de prudence. Par exemple, un spécialiste témoignant pour la nation Innu a estimé que le principe oblige la commission partir de l'hypothèse que le projet est néfaste pour l'environnement, et que la commission ne rejette cette hypothèse que si elle accumule suffisamment de preuves à l'effet contraire. La nation Innu a aussi fait valoir que toute intervention ayant des conséquences irréversibles à long terme élimine des possibilités futures, ce qui va à l'encontre du principe de durabilité. Ses représentants ont avancé que la gestion adaptative repose sur une démarche de surveillance et d'atténuation, ce qui viole à la fois le principe de prudence et celui de la durabilité. Ils ont résumé comme suit le principe de prudence : si l'on attend de voir ce qui va se passer, il sera déjà trop tard.

La commission conclut qu'on ne lui a pas présenté d'hypothèses plausibles, bien fondées dans l'expérience et dans la théorie, permettant de conclure que le projet, ou des éléments déterminants du projet, causeraient des effets environnementaux néfastes sérieux ou irréversibles. La commission conclut aussi que les mesures recommandées dans le présent rapport pourraient remédier de façon satisfaisante à toute incertitude en la matière.

2.5 Les connaissances autochtones

Le protocole d'entente stipule que la commission doit « tenir pleinement compte des connaissances traditionnelles sur l'écologie, qu'elles soient transmises oralement ou par écrit ». Dans ses directives, la commission explique son attente à cet égard en définissant les connaissances traditionnelles sur l'écologie comme un élément du savoir autochtone. Celui-ci est défini comme étant « la connaissance, la compréhension et les valeurs des peuples autochtones, telles qu'elles s'appliquent aux effets du projet et à l'atténuation de ces effets », et qui sont fondées sur « l'observation personnelle, l'expérience collective et la tradition orale des générations successives . La commission a noté en outre que le savoir autochtone évolue à mesure que s'ajoutent des expériences et des connaissances nouvelles; elle ne voulait donc pas que l'apport des peuples autochtones à l'évaluation environnementale se limite à ce que l'on considère en général comme la connaissance traditionnelle de l'écologie.

Les éléments du savoir autochtone qui touchent les valeurs, les normes et les priorités ont reçu une attention particulière au moment de déterminer les problèmes et les priorités de l'évaluation; ces éléments ont beaucoup inspiré les directives de la commission. Celles-ci précisent que le savoir autochtone touchant des questions comme le fonctionnement de l'écosystème, l'abondance des ressources, la répartition et la qualité des ressources, l'utilisation du territoire et des ressources, ainsi que le bien-être social et économique jouerait un rôle essentiel pour déterminer les conditions de base, prévoir les effets et évaluer l'importance de ces effets dans l'étude d'impact environnemental et lors de l'examen public.

La commission a indiqué que la VBNC devrait obtenir ces renseignements en collaboration avec les autres parties et les inclure dans son étude d'impact environnemental, ou aider les individus et parties autochtones les présenter directement à la commission pendant l'examen.

En 1995, la VBNC a entamé des pourparlers avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu pour recueillir le savoir autochtone qu'il conviendrait d'intégrer dans son étude d'impact environnemental. Au cours des trois années suivantes, elle a financé des ateliers, des rapports et des études. Pour la plupart, les résultats de ces activités ont été présentés directement à la commission par l'Association des Inuit du Labrador et par la nation Innu, plutôt que d'être intégrés à l'étude d'impact environnemental de la société minière. Les organisations autochtones ont présenté des rapports sur la détermination des problèmes et des priorités; elles ont en outre présenté des rapports sur l'utilisation du territoire, la connaissance environnementale et les effets éventuels sur l'environnement; enfin, dans le cas de la nation Innu, elle a déposé un rapport sur les conditions socio-économiques et un document vidéo illustrant la situation des familles et des collectivités Innu, ainsi que des points de vue personnels sur l'avenir de la nation. La commission considère que la VBNC n'a pas influencé, ni cherché à influencer, le contenu et la qualité des activités qu'elle a financées.

La commission estime que la VBNC s'est conformée de façon satisfaisante aux directives et la félicite pour les efforts déployés dans un contexte où l'on manquait d'orientation et d'expérience. Lorsque le savoir autochtone a été présenté lors des audiences techniques, la commission y a accordé la même attention qu'aux témoignages de spécialistes, en gardant à l'esprit que ces audiences étaient menées selon une formule non judiciaire et non antagoniste. La commission juge que l'on a convenablement tiré parti du savoir autochtone pendant l'examen, lors des audiences techniques comme des audiences communautaires.

Conclusion

En se fondant sur les conclusions mentionnées, la commission estime que le projet pourrait constituer un apport substantiel au développement social et économique durable de la côte nord et de l'ensemble du Labrador, sans nuire aux fonctions vitales de l'écosystème et aux habitats, et sans empêcher les Inuit et les Innu de poursuivre leurs activités traditionnelles dans la région. Pour qu'un tel apport se produise réellement, la VBNC doit honorer les engagements qu'elle a pris pendant le processus d'examen et travailler avec diligence, pendant toute la durée du projet, pour prévenir ou réduire le plus possible les effets néfastes et maximiser les retombées bénéfiques. La commission croit aussi que chacun des quatre signataires du protocole d'entente aurait un rôle essentiel et permanent à jouer pour assurer le développement durable de l'environnement et de la collectivité.

Recommandation 1

La commission recommande que l'on autorise la réalisation du projet d'exploitation minière et d'usine de concentration de la baie Voisey, sous réserve des conditions énoncées dans les autres recommandations de la commission.

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3 Nécessité de réaliser le projet et intendance des ressources

3.1 Nécessité de réaliser le projet et moment favorable

Dans ses directives, la commission a demandé au promoteur de démontrer la nécessité de réaliser le projet. Dans sa réponse, au cours des audiences et dans l'étude d'impact environnemental, la VBNC a décrit le marché du nickel qu'elle a jugé en pleine croissance. La société a aussi fait état de la faible performance des économies provinciale et régionale et a soutenu la viabilité et le potentiel du projet sur le plan économique. La VBNC a rappelé sa volonté de mener à bien ce projet « en conformité avec la stratégie d'Inco qui vise à exploiter des gisements de nickel à faible coût et à maintenir sa position de premier producteur mondial de nickel .

Plusieurs des exposés présentés ont établi un lien étroit entre la nécessité de réaliser le projet et le moment choisi pour sa réalisation. Autrement dit, le projet doit-il démarrer immédiatement ou peut-on en retarder sa réalisation de quelques années? Certains des participants ont suggéré qu'un délai assurerait une plus grande viabilité économique au projet, augmenterait de ce fait les avantages économiques dont tirerait parti la région et garantirait des profits suffisants pour couvrir les frais liés à la protection et à la mise en valeur de l'environnement. Un deuxième argument en faveur de la mise en veilleuse du projet était qu'on réduirait ainsi les éventuels effets sociaux négatifs en donnant aux Autochtones et aux collectivités locales le temps de se préparer. Le présent chapitre traite de la viabilité économique du projet. Les chapitres 15, 16 et 17 traitent des aspects relatifs aux besoins en matière de préparation opérationnelle.

La commission juge que la tentative de définir précisément le terme « nécessité » en référence à un nouveau projet minier pose certaines difficultés. Elle considère donc les aspects suivants comme des arguments recevables qui peuvent servir à justifier la réalisation du projet:

  • la nécessité d'approvisionner les marchés mondiaux en nouveau nickel et de démontrer les avantages résultant de la mise en marché des produits du nickel (le cuivre et le cobalt, qui sont considérés comme des sous-produits du nickel aux fins de la présente discussion, ne présentent qu'un intérêt secondaire);
  • la nécessité de constituer et de maintenir des réserves à faible coût qui sont destinées au secteur canadien du nickel, de manière à répondre aux impératifs de production de la société mère de la VBNC, la société Inco, de même que l'importance de soutenir l'activité économique canadienne à long terme;
  • la nécessité d'assurer le développement d'une économie régionale fondée sur la production de métal de première fusion.

Quelques participants ont enjoint la commission d'évaluer la nécessité d'approvisionner les marchés en nouveau nickel non seulement en fonction de la demande (sur les marchés mondiaux), mais aussi en fonction de l'offre. Ils veulent que les réserves de nickel soient préservées pour le bénéfice des générations futures et souhaitent réduire l'ensemble des effets environnementaux négatifs liés à l'extraction, au traitement et au stockage des matières exploitées.

3.1.1 Consommation des matières exploitées et conséquences sur le plan environnemental

Le nickel est une ressource non renouvelable. Cependant, l'argument le plus souvent soulevé devant la commission en faveur du ralentissement de l'extraction de cette ressource limitée ne relevait pas tant de la peur de voir cette ressource épuisée à l'échelle mondiale, mais plutôt de l'inquiétude suscitée par l'extrême fragilité des écosystèmes de la planète qui peuvent difficilement subir les conséquences sur le plan environnemental de la capacité de production actuelle de matières industrielles, sans parler des conséquences d'un accroissement de cette production.

Un économiste de l'environnement qui représentait la nation Innu a allégué que le monde occidental devrait déjà réduire de 75 pour cent la capacité de production totale de matières exploitées. Une telle mesure réduirait, selon lui, les niveaux de stress et de dégradation sur le plan environnemental qui s'additionnent à chacune des étapes du processus d'exploitation de ces matières. Elle permettrait également de répondre aux besoins élémentaires des pays moins développés. Il n'a pas proposé d'abandonner le projet de la baie Voisey, mais il a fait valoir que le report du projet et une exploitation plus petite échelle contribueraient de façon significative à gérer les sources d'approvisionnement d'une manière responsable à l'égard de l'environnement. A son avis, seul un besoin sociétal pour des biens et services créés à partir de métaux « vierges » produits par le projet peut justifier sa mise en uvre. Il a par la suite énuméré les éléments dont il faudrait tenir compte : le nombre d'exploitations minières actuellement en opération ou projetées, les consommations actuelles et anticipées, la possibilité que d'autres métaux remplacent le nickel et la quantité de métaux recyclés.

La nation Innu a aussi fait valoir l'importance de laisser aux générations futures des gisements à forte teneur en métaux, et non pas seulement des gisements à faible teneur. Elle a soutenu également qu'un approvisionnement excessif ne favoriserait pas le développement d'utilisations plus rationnelles du produit.

Le ministère des Ressources naturelles du Canada a indiqué à la commission qu'un tiers environ du nickel utilisé dans la fabrication de l'acier inoxydable provient de métaux recyclés. Le ministère considère en fait que les métaux ne sont pas éliminés, mais « stockés à la surface ». La commission prend note de cette observation qui semble confirmer la nécessité d'exploiter en premier lieu les gisements à forte teneur. Un spécialiste de la nation Innu s'est dit d'accord avec cette prémisse puisque l'exploitation des gisements à faible teneur nécessite une grande quantité d'énergie et produit de nombreux polluants. Puisque les techniques d'extraction sont appelées changer, il serait donc préférable de procéder d'abord à l'exploitation des gisements à forte teneur pour minimiser les dommages causés à l'environnement et constituer un stock de matières recyclées.

La commission reconnaît l'importance de préserver les matières exploitées, y compris le nickel. Lors des audiences publiques, la commission a pu constater les niveaux élevés de matières recyclées atteints par le secteur du nickel et les efforts consentis par Inco en vue de développer de nouvelles utilisations du nickel qui augmenteraient la valeur du produit sans augmenter le volume de métal consommé. La commission estime toutefois qu'une évaluation environnementale portant sur un projet particulier ne peut rendre compte adéquatement de la problématique liée à l'exploitation et à la conservation des gisements de nickel à l'échelle mondiale. La commission est d'avis que la quantité de nickel qui ne serait pas produite par la VBNC serait mise en marché très rapidement par un concurrent. Les dommages causés l'environnement risquent d'être plus importants et les avantages moindres que ceux escomptés dans le projet de la VBNC, notamment dans le cas où l'exploitation minière ne serait pas soumise aux contraintes qui sont imposées à un projet canadien.

L'expert qui représentait la nation Innu (précédemment cité) a indiqué quel rythme devrait se faire l'extraction d'une ressource limitée comme le nickel pour garantir des avantages durables et équitables. Les sections qui suivent abordent la question des taux de production et de l'intendance des ressources.

3.1.2 Les marchés mondiaux du nickel

Le principal argument utilisé par la VBNC pour démontrer la nécessité de réaliser le projet est l'augmentation du taux de croissance composé de la demande en nickel, qui s'est accru de quatre pour cent depuis 1963. Par contre, d'autres participants aux audiences estiment que le taux de croissance composé est surévalué. Ils rapportent que de 1960 à 1973, on a enregistré un taux de croissance composé de 6,5 pour cent, mais que ce taux s'établissait à un pour cent entre 1973 et 1996. Ils ont aussi souligné le fait que le taux de croissance accuserait un mouvement à la baisse si le marché devait prendre de l'expansion.

Comme l'indique le graphique présenté à la figure 2, qui illustre la consommation du nickel, le marché n'a enregistré pratiquement aucune croissance entre 1984 et 1992. On observe par contre une recrudescence du marché depuis quelques années. Cette hausse est attribuable à l'augmentation de la demande pour le nickel de première fusion. Le document sur les renseignements supplémentaires fournit de plus amples renseignements à cet égard. On y indique que la demande a augmenté d'environ 50 000 tonnes chaque année entre 1993 et 1997, passant de 769 000 tonnes à 1 004 000 tonnes par année. Il appert donc que la consommation annuelle est éminemment variable d'une période à l'autre.

Le taux de croissance projeté en matière de consommation doit manifestement tenir compte des prévisions de croissance qui ont été faites antérieurement. D'après un expert du ministère des Ressources naturelles du Canada, les statistiques concernant la production de nickel se révèlent plus précises que celles qui rendent compte de la consommation, car la consommation réelle peut difficilement être mesurée de façon exacte. Par exemple, on peut retracer la quantité de nickel utilisé dans la fabrication de l'acier inoxydable jusqu'à l'étape de production, mais on ne peut la mesurer à l'étape de la consommation finale. De son côté, la VBNC déclare que la demande pour les superalliages de nickel a enregistré une croissance annuelle constante de huit pour cent entre 1993 et 1997. Pour la VBNC, cette hausse laisse entrevoir l'émergence d'un nouveau marché dont les statistiques sur la consommation ne tiennent pas compte et qui pourrait absorber, en partie, la forte augmentation de la production qui a eu lieu au cours des dernières années.

Selon les statistiques sur la consommation qu'a fournies le ministère des Ressources naturelles du Canada, la demande mondiale est de 1,9 kg par habitant. La demande la plus forte se situe dans les pays producteurs d'acier, tels que Taiwan, la Corée du Sud et le Japon. La consommation dans les pays moins développés et à forte densité démographique est faible. La consommation par habitant est de 0,6 kg en Chine, de 0,7 kg en Inde, de 0,4 kg en Afrique et de 0,6 kg dans les pays d'Europe de l'Est. Par contre, le taux de consommation augmente rapidement dans ces régions.

La disponibilité des sources d'approvisionnement constitue l'autre force de ce marché. Comme le rappelaient des membres de la nation Innu et des représentants du ministère des Ressources naturelles du Canada, si l'on fait abstraction du minerai produit à la mine Raglan, on peut affirmer que la nouvelle production sera presque entièrement extraite de latérites de nickel. Pour exploiter ces gisements, on aura recours à des procédés de lixiviation pour extraire les métaux du minerai. De tels procédés se sont révélés efficaces dans l'exploitation de minerais d'or et de cuivre faible teneur. De tous les nouveaux projets qui ont démarré dernièrement, celui de Murrin Murrin en Australie est le plus important. Si la deuxième étape prévue dans le plan d'expansion de Murrin Murrin devait être réalisée, cette mine serait aussi imposante que celle de la baie Voisey. Selon le ministère des Ressources naturelles du Canada, les taux de récupération incertains et le manque de financement pourraient toutefois en compromettre la réalisation. Inco et Falconbridge ont toutes deux annoncé leur intention de démarrer des projets pilotes d'extraction de minerais latéritiques en Nouvelle-Calédonie. On trouve aussi d'importants gisements de minerais latéritiques à Cuba.

La Russie constitue aussi un important fournisseur. Les réserves de sulfure de Norilsk sont les plus importantes au monde et la Russie exporte de larges quantités de déchets d'acier inoxydable provenant du démantèlement de son infrastructure militaire.

Dans leur analyse du projet, les experts de la nation Innu ont établi comme hypothèse de départ que le projet ferait augmenter la capacité de production actuelle. La commission remarque toutefois que la société Inco a déjà annoncé qu'elle allait réduire sa production à coût élevé dans ses divisions en Ontario et au Manitoba. (Les détails de ce plan sont présentés plus loin dans le présent document.) A l'échelle mondiale, les prix actuels incitent plusieurs sociétés dont la production est fondée sur le sulfure à ralentir leurs activités. C'est le cas notamment du Botswana, où le secteur métallurgique est largement subventionné pour compenser les bas prix actuels. On y a eu recours aussi à l'importation de minerais concentrés de nickel pour assurer la viabilité des fonderies.

La commission en conclut que les prévisions concernant la croissance du marché comportent un coefficient d'incertitude très élevé. Par exemple, la période de croissance requise pour pouvoir absorber la capacité de production projetée pour le gisement Ovoid varie, selon l'hypothèse retenue, entre trois et 17 ans. Les données sur la consommation par habitant laissent entendre, d'une part, que le potentiel de croissance est élevé et, d'autre part, qu'il est fortement tributaire des nouvelles économies. L'effondrement des prix du nickel qui résulte du ralentissement des économies asiatiques vient appuyer cette conclusion.

En ce qui concerne l'offre, la commission juge que l'approvisionnement en acier inoxydable recyclé en provenance des républiques soviétiques est aléatoire. De plus, même si les réserves en nickel latéritique étaient importantes, la rentabilité des coûts liés au procédé d'extraction ne semble pas évidente.

Figure 2 : Consommation mondiale du nickel, 1960-1997

Consommation mondiale du nickel

3.1.3 Importance pour l'économie canadienne

La commission considère que l'évaluation environnementale ne constitue pas le cadre approprié pour discuter de l'importance du projet en regard de la viabilité économique de la société Inco. Elle reconnaît par contre le rôle que joue le secteur du nickel dans l'économie canadienne. Inco est le premier producteur de nickel au Canada et ses bénéfices nets d'exportation ont atteint 1,6 milliard de dollars en 1997. Inco fournit 70 pour cent des approvisionnements qui sont nécessaires pour exploiter à pleine capacité les trois fonderies canadiennes, et 80 pour cent de ces approvisionnements dans les trois raffineries canadiennes. Les minerais concentrés destinés aux fonderies canadiennes sont produits localement, à Thompson et à Sudbury, tandis que Falconbridge peut alimenter davantage sa fonderie en s'approvisionnant la mine Raglan située dans le Nord du Québec. Les deux fonderies de Sudbury ont chacune bénéficié d'investissements majeurs qui ont permis de moderniser leurs installations et d'accroître leur durée de vie.

L'approvisionnement en minerai concentré offrant une possibilité de rentabilité est menacé. A Sudbury, les gisements d'Inco près de la surface ont une faible teneur en métal; le minerai à haute teneur gît à plus de 2 000 mètres de profondeur. Quant à Falconbridge, elle fait face à une pénurie de réserves dans la région de Sudbury, ce qui l'oblige à se tourner vers la mine Raglan et vers d'autres propriétés d'exploration minière pour élargir ses sources d'approvisionnement. Le Labrador offre des possibilités d'exploration (notamment sur les sites de Kiglapaits et de Donner Resources). Un programme important d'exploration minière est en cours dans le Nord-Est québécois près de Sept-Iles. De plus, on annonçait récemment la découverte de nouveaux gisements dans le Nord du Québec. Pour l'instant, on n'a découvert aucun gisement de sulfure au large des côtes qui soit susceptible d'alimenter les fonderies canadiennes en quantité suffisante. La volonté d'entreprendre des projets d'exploration en ce sens ne semble pas non plus exister. Par conséquent, le Canada doit gérer et développer convenablement ses sources d'approvisionnement.

La commission est d'avis qu'il est justifié de craindre une baisse des prix à long terme qui serait causée par un changement structurel dans le marché du nickel. Il est difficile d'évaluer la capacité de la Russie maintenir le niveau actuel de ses exportations de métal de première fusion et d'acier inoxydable recyclé, ou encore d'anticiper l'efficacité des procédés d'extraction de l'oxyde de nickel à partir de latérites. Malgré ces incertitudes, la VBNC est prête à investir de fortes sommes en se fondant sur les possibilités du gisement Ovoid. Elle croit qu'une fois les installations d'extraction en place, elle pourra exploiter et mettre à profit une large proportion des ressources souterraines.

La commission constate que le marché mondial du nickel offre des possibilités de croissance, mais qu'il faut dès maintenant trouver de nouvelles sources d'approvisionnement intérieures si on veut que le Canada maintienne sa position actuelle. Puisque la société Inco approvisionne environ 20 pour cent du marché, la commission suppose que la société s'assurera elle-même, dans le cadre de sa propre évaluation interne du projet, que la production de l'exploitation minière de la baie Voisey est nécessaire. De plus, Inco devra démontrer à ses partenaires financiers la justesse de ses prévisions avant de procéder à la mise en chantier du projet.

3.1.4 Nécessité du projet à l'égard du développement économique local

Bien qu'elles aient expliqué très clairement devant la commission que le développement économique à tout prix ne constituait pas une option valable, les collectivités autochtones croient que la création d'un nouveau secteur d'activités économiques peut être garante de l'avenir, à condition que les effets sur l'environnement, le temps choisi pour la réalisation du projet et le niveau de surveillance soient acceptables. Partout, dans toutes les collectivités autochtones, les gens ont manifesté beaucoup d'intérêt à l'égard des emplois directs et indirects que pourrait créer le projet. Dans la collectivité Innu, jeunes et vieux pensent que ces emplois feraient bénéficier la collectivité de certains avantages, notamment celui de pouvoir assurer le financement d'activités traditionnelles.

La commission remarque toutefois que certains Autochtones rejettent carrément le projet à cause des effets négatifs qu'il aura sur la collectivité et l'environnement. Selon eux, un projet d'exploitation minière est incompatible avec la culture et le mode de vie autochtones et va à l'encontre de leurs projets d'avenir.

A Nain, la commission a entendu un groupe de personnes venues parler du dynamisme économique de la région et des perspectives intéressantes qu'offraient la pêche, l'exploitation à petite échelle d'une carrière, le tourisme et l'artisanat. Ces personnes considèrent que les collectivités Inuit ont en main suffisamment d'atouts économiques pour ne pas avoir dépendre de grands projets d'aménagement minier comme celui de la baie Voisey.

Les gens d'affaires de Happy Valley-Goose Bay se sont montrés très favorables au projet, parce qu'ils y voient un moyen de diversifier l'économie de la région, trop dépendante selon eux du secteur militaire. Les gens de l'Ouest du Labrador, pour qui un projet minier n'est pas une chose nouvelle, appuient très fortement le projet. Le chapitre 15 fournit de plus amples renseignements sur les retombées économiques du projet dans cette région.

3.2 Taux de production et durée de vie de la mine

Tout au long des audiences publiques, la commission a constaté que la durée du projet suscitait certaines inquiétudes dans les associations autochtones, au sein du gouvernement provincial et chez plusieurs particuliers. La durée de vie du projet de la baie Voisey, tel que proposé par la VBNC, est de 25 ans. Plusieurs personnes croient toutefois que l'évolution de la situation, telle une fluctuation des prix du nickel, des difficultés d'ordre économique touchant la société mère de la VBNC ou l'obtention de résultats décevants relativement au programme d'exploration souterraine, pourrait amener la VBNC à revoir ses intentions. Le rythme auquel l'extraction et le traitement du nickel seront menés (c'est-à-dire, le taux de production) est l'un des aspects importants qui pourrait influer sur la durée du projet (c'est-à-dire, la durée de vie de la mine).

3.2.1 Taux de production proposé

Tel que décrit dans la proposition présentée dans l'étude d'impact environnemental, le projet de la VBNC comprend une usine de concentration qui transformerait le minerai à raison de 20 000 tonnes par jour (tpj). Dans le document sur les renseignements supplémentaires, la VBNC décrit plus en détail sa proposition en donnant, comme dans le tableau ci-dessus, les différents taux de production à l'étape du démarrage, durant la période d'exploitation de la mine à ciel ouvert et à l'étape d'exploitation des gisements souterrains.

Tableau 1 : Taux de production

Étape du projet traités par année produits par année d'exploitation Tonnes de minerais Tonnes de nickel Périodes annuelles
Démarrage (1 à 3 ans) 3,7 millions 82 000 6 à 9 mois
Mine à ciel ouvert 5,5 millions 122 500* 9 mois
Gisements souterrains 7,3 millions 75 000 12 mois

*270 millions de livres, chiffre auquel on réfère souvent en parlant de la capacité de production du projet.

Ce tableau montre clairement l'effet de la faible teneur du minerai qui se trouve en profondeur. Pour produire une même quantité de nickel, il faudra extraire une plus grande quantité de minerais sur une plus longue période de temps.

Durant l'étape de l'exploitation à ciel ouvert, la VBNC procédera en fait à l'extraction et à la production de nickel à un taux de production annuelle équivalant à 15 000 tpj. Mais elle fera fonctionner son usine d'extraction à une capacité de 20 000 tpj, pour accomplir la tâche en neuf mois. Par conséquent, la capacité accrue de l'usine d'extraction permettra :

  • de jouir d'une plus grande souplesse en cas d'intempéries durant les hivers très rigoureux;
  • de reporter de plusieurs années la nécessité de faire des expéditions durant les mois d'hiver;
  • d'augmenter graduellement le rythme de production au fur et à mesure que les minerais seront extraits de la mine souterraine.

Si l'on tient compte de l'inventaire de minerais actuellement disponible et si l'on porte à deux ans la durée de l'étape du démarrage, on constate que les 31,7 tonnes de minerais de la mine à ciel ouvert seraient épuisés au bout de 6,5 années. En supposant que les 118,3 millions de tonnes prévues de minerais souterrains soient trouvés, convertis en réserves de minerais et extraits à raison de 20 000 tpj, la durée de vie des opérations n'excéderait pas 23 ans. Le dernier relevé du gisement souterrain découvert faisant état de 92,7 millions de tonnes, la VBNC entend poursuivre son programme d'exploration.

La VBNC justifie ce taux de production en soutenant, à la section 2 du document sur les renseignements supplémentaires, qu'en deçà de 15 000 tpj, l'extraction du minerai ne serait plus rentable. L'investissement initial requis pour la construction d'une usine d'extraction d'une capacité de 20 000 tpj n'est que de cinq pour cent supérieur à celui d'une usine ayant une capacité de 15 000 tpj. C'est pourquoi la VBNC préfère construire maintenant une plus grosse usine pour éviter d'agrandir ses installations lorsqu'elle procédera à l'extraction des ressources souterraines à plus faible teneur. Les coûts unitaires d'exploitation diminuent au fur et mesure que le taux de production augmente. Il est à noter toutefois que les coûts d'opération à 15 000 tpj sont majorés de moins de dix pour cent seulement par rapport aux coûts d'une production à 20 000 tpj.

3.2.2 Taux de production optimal à l'étape de la conception

Lors des audiences, de nombreux participants ont soutenu devant la commission qu'un taux de production moindre était réalisable et que cela prolongerait la durée de vie de la mine. Cette opinion a lancé la discussion sur l'établissement du taux de production optimal à l'étape de la conception d'une nouvelle exploitation minière. La commission constate que cet aspect de la question n'a pas été abondamment étudié, surtout pour les mines dont la situation économique échappe à la norme. On possède cependant quelques données sur la question. On sait, par exemple, que les coûts d'immobilisation par unité de production diminuent lorsque le taux de production augmente. Les coûts d'exploitation par unité de production diminuent également jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'économies d'échelle. Il existe, par exemple, une limite au nombre de machines qu'on peut ajouter dans un espace confiné tout en maintenant l'efficacité, surtout s'il s'agit d'un espace souterrain.

Un conseiller de la nation Innu a soutenu qu'un niveau de production bien en deçà de 15 000 tonnes par jour s'avérait encore intéressant sur le plan économique. Un taux de production de 3 000 tonnes par jour suffirait ainsi à générer un peu de profits. La commission note cependant que celui-ci a fondé son analyse sur des taux de récupération élevés en usine et sur des coûts d'immobilisation plutôt bas (ses chiffres sont en deçà de ceux documentés à Raglan, où, pourtant, il y avait déjà un port et une piste d'atterrissage). La commission signale en outre que, selon l'analyse de la nation Innu, la rentabilité chuterait de façon marquée en deçà d'un taux de production de 10 000 tonnes par jour.

La commission estime que les analyses des flux d'encaisse selon divers scénarios réalistes de coûts d'exploitation et d'immobilisation constituent la méthode de calcul la plus précise du taux de production optimal à l'étape de la conception. Cet exercice dépasse la portée d'une évaluation environnementale (un point que n'a pas manqué de souligner le ministère des Ressources naturelles du Canada lors des séances visant à déterminer les problèmes et les priorités de l'examen). On peut penser que c'est ce type d'analyse qui a permis de dégager les diverses formules de rechange proposées dans le document sur les renseignements supplémentaires.

La commission sait cependant qu'il existe des méthodes susceptibles de fournir des prévisions préliminaires. Un spécialiste du ministère des Ressources naturelles du Canada a présenté l'une de ces méthodes lors des audiences, soit la méthode fondée sur les équations de Taylor. Ces équations, issues d'une analyse effectuée relativement au taux de production réalisé dans bon nombre d'exploitations minières, permettent d'établir environ 19 000 tonnes par jour le taux de production optimal à l'étape de la conception pour un gisement de 150 millions de tonnes. En appliquant cette méthode de calcul au gisement Ovoid, qui compte 32 millions de tonnes, la commission obtient un taux de production d'environ 6 000 tonnes par jour sur une période d'exploitation de 15 années. On peut cependant penser que le taux de production optimal du projet devra être plus élevé pour tenir compte de l'importance des coûts d'immobilisation fixes (les frais de construction du port et de l'aéroport, par exemple) qui lui sont associés.

Le taux d'extraction du minerai vient également limiter le taux de production l'étape de la conception. Dans les renseignements supplémentaires, la VBNC a indiqué que la capacité technique du projet se limitait probablement 30 000 tonnes par jour. Ce chiffre concerne les réserves Ovoid et on peut penser que la capacité d'une mine souterraine se situerait nettement en deçà. Toute diminution dans le volume de minerai qu'il est possible d'exploiter à profit se répercuterait à la baisse sur le taux d'extraction du minerai.

Il faut donc absolument connaître le volume réel des réserves finales aux fins de l'analyse. La commission estime que le document soumis par la VBNC le 2 octobre 1998 en réponse à une de ses questions concernant les facteurs modulant la conception et l'échéancier de production de la mine fournit la meilleure information disponible à ce sujet. La commission constate que le document faisait alors état d'un volume supérieur à celui susmentionné d'environ 25 millions de tonnes, un chiffre qu'elle estime cependant réaliste si l'on tient compte du prolongement probable du gisement Eastern Deeps. Selon l'autre hypothèse mise de l'avant par la commission, la teneur en métal de la ressource souterraine s'apparenterait à celle de la ressource actuelle. La VBNC a calculé le volume de la ressource en fonction d'une teneur limite de 0,7 pour cent en équivalent de nickel seul.

Après l'examen des graphiques présentés dans la réponse et suivant l'hypothèse des coûts moyens calculés à partir d'un rapport du secteur minier et de données internes sur les coûts, la commission en conclut que la ressource souterraine est d'environ 65 millions de tonnes de minerai titrant 1,6 pour cent en nickel, exploitables à profit au coût de 3 $US la livre. On ignore comment les coûts réels du projet de la baie Voisey se compareraient la moyenne utilisée dans l'analyse de la VBNC du 2 octobre. Le taux de production plus élevé aurait comme effet de réduire le coût unitaire, mais les frais généraux supérieurs qu'il faudrait engager pour une exploitation située dans un lieu isolé pourraient bien faire contrepoids à cette économie. Comme cela a été évoqué précédemment, la commission est d'avis qu'il serait plus difficile d'extraire 65 millions de tonnes de réserves souterraines un taux de production à l'étape de la conception qui serait établi à 20 000 tonnes par jour, mais que la teneur élevée des réserves viendrait compenser le manque à produire en métal.

La ressource souterraine réduite et les réserves du gisement Ovoid totalisent quelque 95 millions de tonnes en ressource exploitable selon toute probabilité. En appliquant les équations de Taylor à cette somme, on obtient un taux de production d'environ 10 000 tonnes par jour. La commission conclut donc que ce taux constitue une première approximation raisonnable du taux de production à l'étape de la conception compte tenu de ce qu'on sait actuellement sur les ressources minérales du site. La commission note cependant que les coûts d'immobilisation supérieurs requis pour exploiter une mine située dans un lieu isolé pourraient nécessiter un taux de production supérieur à ceux que permettent de dégager les équations de Taylor, pour justifier les investissements supplémentaires requis.

La découverte de nouvelles zones de minéralisation viendrait prolonger la durée de vie de la mine. Il ne faut pas en tenir compte, cependant, dans le calcul du taux de production préliminaire. Ces découvertes viendraient naturellement modifier l'empreinte du projet à l'intérieur des lots de concessions minières. Il faudrait alors que les organismes de réglementation et les parties intéressées se concertent pour évaluer l'incidence environnementale qui en résulterait, dans le cadre du plan permanent de gestion environnementale (voir le chapitre 17).

3.2.3 Scénario limité au gisement Ovoid

Plusieurs participants aux audiences de la commission s'inquiètent sérieusement de la possibilité que la VBNC cesse ses opérations après avoir achevé l'exploitation des ressources de la mine à ciel ouvert, une situation désignée sous le nom de scénario limité au gisement Ovoid. Bien que la société minière ait confirmé, durant les audiences, que telle n'était pas son intention, les participants se demandent si les fluctuations des prix du nickel menacent l'exploitation réelle de la mine souterraine.

Dans le document soumis le 2 octobre en réponse aux questions soulevées par la commission à cet égard, la VBNC a déclaré qu'il était probable qu'aucun des gisements souterrains ne pourrait être exploité à profit si le prix à long terme du nickel chutait à 1,85 $US la livre par suite d'une évolution structurelle du marché. Malgré le fait que la VBNC ait affirmé qu'elle ne prévoyait pas qu'un tel fléchissement survienne à long terme, la commission ignore si le projet suivrait alors son cours, en tout ou en partie.

Dans sa réponse du 2 octobre, la VBNC a évalué les conséquences qu'aurait sur le milieu biophysique la présence d'une ressource souterraine limitée 10 millions de tonnes seulement. L'analyse a révélé qu'une exploitation de moindre envergure réduirait l'empreinte du projet parce que le North Tailings Basin ne serait plus nécessaire, ce qui se traduirait par une réduction des effets environnementaux. Le document décrivait une mine souterraine dont le taux de production se limiterait à 2 000 tonnes par jour et le promoteur soulignait que cette exploitation à plus petite échelle serait tout autant créatrice d'emplois que l'exploitation à ciel ouvert.

La commission abordera deux aspects de cette question dans les sections qui suivent, c'est-à-dire le remplacement des réserves et la nature du dépôt lui-même.

Remplacement des réserves

Certains intervenants ont indiqué à la commission qu'ils craignaient que la VBNC exploite les réserves de meilleure qualité de la mine à ciel ouvert du gisement Ovoid à un taux non viable en vue de générer le plus de profits possible avant de cesser ses opérations. La société minière a affirmé sa volonté de mettre en valeur les ressources souterraines telles que décrites et de mettre en place un programme d'exploration axé sur le remplacement des réserves qui sont déjà exploitées. Elle cite en exemple ses mines de Sudbury et de Thompson, dont la durée de vie a été prolongée bien au-delà du temps requis pour exploiter les premières réserves découvertes et où d'importants investissements technologiques ont été faits pour assurer la viabilité des réserves minérales et des installations d'extraction.

La commission se doit d'évoquer l'histoire des entreprises minières canadiennes, y compris celle de la société Inco, qui révèle que le secteur privilégie la recherche de réserves de remplacement à proximité des installations déjà aménagées. On enseigne aux ingénieurs miniers que le rythme de renouvellement des réserves doit égaler celui de leur utilisation pour qu'une entreprise minière puisse survivre et que c'est aux abords d'une mine existante que les chances de découvrir un nouveau gisement sont les plus fortes. Au Canada, ce principe a été vérifié à plusieurs reprises, notamment dans les sites miniers de Noranda, de Sudbury, de Flin Flon, de Red Lake, de Sullivan et de Timmins.

Nature du dépôt

Parmi l'un des critères lui permettant d'appliquer le principe de prudence, la commission a évalué dans quelle mesure un aspect du projet pouvait être considéré comme étant novateur ou non éprouvé. Elle s'est donc demandé s'il existait des conditions particulières susceptibles d'accroître le risque que le scénario limité au gisement Ovoid se réalise. Voici les constatations auxquelles cette analyse l'ont menée :

La commission constate que les projets miniers s'amorcent habituellement par un aménagement à ciel ouvert qui permet de générer d'importants revenus initiaux et de retarder les dépenses d'immobilisation qu'exige l'extraction sous terre. Comme les coûts d'exploitation d'une mine à ciel ouvert sont très nettement inférieurs à ceux d'une mine souterraine, il s'avère souvent justifié d'extraire le minerai à plus faible teneur de la mine à ciel ouvert et l'on dote souvent l'usine de concentration d'une capacité supérieure celle qui est susceptible d'être atteinte en phase d'exploitation souterraine.

Le gisement Ovoid ne renferme pas de minerai à faible teneur. Les ressources du gisement Ovoid affichent même une teneur moyenne supérieure à celle de la minéralisation plus diffuse située sous terre. La zone de Discovery Hill renferme une ressource de faible teneur et peu profonde dans la catégorie potentielle. La VBNC a cependant déclaré, durant les audiences, qu'il ne s'agissait probablement pas d'un minerai suffisamment riche pour qu'il soit rentable de l'exploiter par voie souterraine et que les méthodes d'extraction à ciel ouvert risquaient de se révéler trop coûteuses en raison des coûts liés à l'élimination des volumes importants de résidus qui seraient produits.

On s'attend normalement à ce que la teneur du minerai extrait augmente avec la profondeur des travaux miniers pour que les coûts accrus qu'ils entraînent puissent être absorbés. On essaie par conséquent de retarder le plus possible l'extraction du minerai pauvre, bien que cela ne soit pas toujours possible dans la progression normale des travaux miniers. De fait, il arrive souvent que le tonnage soutiré sous terre soit insuffisant pour alimenter l'usine de concentration. La mine souterraine peut cependant produire autant de métal qu'une exploitation à ciel ouvert, car le minerai qui en est extrait est habituellement plus riche. Le fait d'entreprendre hâtivement les travaux souterrains procure un autre avantage important : il est possible d'alimenter l'usine de concentration avec un minerai de meilleure teneur lorsque les réserves de la mine à ciel ouvert s'amenuisent et que les normes de production sont plus difficiles à respecter.

La commission en conclut que les différences notables entre le présent dépôt et des mines plus typiques augmentent la possibilité d'une opération de « pillage », sans toutefois présumer que telle est l'intention de la VBNC. La commission note par ailleurs que la rentabilité supérieure du gisement Ovoid permettrait au promoteur d'engager les coûts fixes élevés qui sont nécessaires au développement d'un site vierge et de récupérer les sommes investies assez tôt durant la vie utile des installations, même si les perspectives à court terme du prix du produit ne sont pas encourageantes. Les réserves souterraines éventuellement exploitables possèdent une portion où la teneur est supérieure, portion probablement récupérable par la VBNC, comme cela a été mentionné auparavant.

3.2.4 Effets des usines de traitement secondaire

De toute évidence, le mandat de la commission n'incluait pas l'évaluation environnementale d'usines de traitement secondaire dont la construction pourrait être proposée dans la province. La commission n'était pas non plus tenue de se pencher sur les effets environnementaux produits par le traitement secondaire du minerai concentré, à quelque lieu de destination que ce soit.

Néanmoins, pendant les audiences, la commission a clairement indiqué que la destination finale du minerai concentré pourrait influer sur le moment, la viabilité économique et les avantages socio-économiques du projet et que, par conséquent, il relevait du mandat de la commission d'exprimer des commentaires sur ces questions. La province a confirmé cette interprétation en déclarant que la commission devrait évaluer la mesure dans laquelle les avantages socio-économiques pourraient varier selon la destination du minerai concentré. La province a fourni les résultats de son analyse économique d'un projet incluant des installations de traitement secondaire, mais elle a refusé de discuter des éléments du modèle qui a permis d'en arriver à ces conclusions.

Les lois provinciales exigent que le minerai extrait à Terre-Neuve et au Labrador soit traité dans la province, dans la mesure où la chose est économiquement faisable. La VBNC se propose cependant de procéder au traitement secondaire du minerai de nickel concentré dans ses fonderies en Ontario et au Manitoba. Cette question n'était pas réglée au moment des audiences. La commission souligne donc l'incertitude qui règne quant à la destination finale du minerai concentré en vue du traitement secondaire.

Les deux groupes autochtones se sont dits inquiets de voir que le besoin de justifier la construction d'une fonderie sur la partie insulaire de la province faisait monter le taux de production proposé à 122 500 tonnes de nickel, ce qu'ils estiment trop élevé et susceptible de réduire inutilement la durée du projet. Les groupes autochtones ont également exprimé des préoccupations à l'effet que les exigences de la province concernant la mise en place d'installations de traitement secondaire pourraient amoindrir la rentabilité globale du projet et mener à des mesures de réduction des coûts sur les lieux de la mine ou de l'usine, ce qui pourrait ensuite compromettre les engagements pris par la VBNC en matière de protection de l'environnement.

Après avoir étudié en premier lieu l'argument selon lequel des facteurs extérieurs au projet détermineraient le taux de production, la commission croit incontestable qu'un taux de production substantiellement diminué pourrait réduire la rentabilité des nouvelles installations de traitement secondaire. Ce qui n'est pas aussi évident, toutefois, c'est comment la justification de ces nouvelles installations a mené à une capacité proposée de 122 500 tonnes. D'après les réserves prouvées d'Ovoid, et en supposant la période de démarrage de deux ans mentionnée précédemment, la VBNC ne pourrait atteindre cette capacité que pendant environ quatre des 23 années de vie utile qui sont prévues. La commission fait remarquer que toute nouvelle usine de traitement secondaire fondée sur une telle capacité aurait besoin d'une autre source de minerai concentré, en plus de celle de la baie Voisey, pour la plus grande partie de sa vie utile. Il faudrait donc trouver cette autre source d'approvisionnement au tout début de la planification d'une nouvelle usine de ce genre. Puisque les capacités actuelles de fusion laissent appréhender un manque éventuel de minerai concentré canadien, et qu'il n'existe aucune source évidente de sulfure au large des côtes, la viabilité d'une nouvelle usine de traitement secondaire n'est pas évidente pour la commission.

D'autre part, la commission ne comprend pas clairement comment les usines actuelles de traitement secondaire de la société Inco seraient en mesure de traiter la production maximale proposée de 122 500 tonnes de nickel sous forme de minerai concentré. Il semble que la capacité excédentaire totale des usines existantes de la société, d'après les données du ministère des Ressources naturelles du Canada, soit bien en dessous de ce niveau. Interrogés lors des audiences, les représentants de la VBNC ont dit que la capacité excédentaire de la société Inco s'élevait « aux environs de 200 millions de livres », ce qui veut dire moins de 90 000 tonnes.

La province est d'avis qu'un projet incluant une fonderie installée sur son territoire serait quand même rentable, même si la rentabilité est moindre. Les résultats d'une des analyses fournies par la province montrent un rendement d'investissement d'entre 11 pour cent et 17 pour cent dans le cas d'un projet comportant une fonderie dans la province. La commission remarque cependant que cette analyse était fondée sur la production de 133 millions de livres de nickel (plutôt que 270 millions de livres) et sur des réserves de 68,5 millions de tonnes.

Bien que ni la VBNC, ni la province n'aient donné le détail de leurs modèles économiques, la commission observe que toute augmentation appréciable des dépenses d'immobilisation qui ne produirait qu'une hausse marginale des recettes de production retardera et réduira les recettes apportées aux deux ordres de gouvernement par le système d'imposition sur le revenu des sociétés. Les dépenses d'immobilisation peuvent être déduites de l'impôt fédéral et provincial sur les sociétés et aussi de l'impôt provincial sur les mines. En outre, une augmentation des dépenses d'immobilisation ferait augmenter l'allocation pour traitement des matières premières prévue par l'impôt provincial sur les mines. Sans égard aux déclarations de la province à l'effet que les gouvernements ne devraient pas verser de subventions la société Inco, la commission remarque que le système d'imposition subventionne effectivement les exploitations à faible rentabilité et tire les meilleurs avantages des exploitations à rentabilité élevée. Il faut quand même souligner que les modèles de la VBNC prévoient que 78 pour cent de tous les impôts allant à la province par l'entremise de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur les mines, de l'impôt sur le revenu et des taxes de vente parviennent à la province en passant par le gouvernement fédéral en vertu des paiements de péréquation rajustés.

La commission ne voit pas clairement comment un accroissement des dépenses d'immobilisation ou une diminution de la rentabilité - deux effets probables de l'obligation de construire une nouvelle fonderie - pourrait influer sur les recettes versées aux groupes autochtones. La VBNC a affirmé que les ententes sur les impacts et les avantages, en voie de négociation, prévoyaient des paiements permettant aux groupes autochtones de participer aux bénéfices du projet. De plus, le détail des revendications territoriales de l'Association des Inuit du Labrador indique que cette association recevrait 3 pour cent des recettes payables à la province en vertu du régime d'impôt sur les mines. Toute diminution de la rentabilité pourrait nuire à ces flux de recettes.

Enfin, la commission s'est demandé comment la destination du minerai concentré pourrait influer sur les avantages socio-économiques dont tireraient parti les économies locale, régionale et provinciale. Selon la VBNC, la majeure partie des avantages locaux viendra des emplois et des débouchés commerciaux, selon le principe de continuité. Il est important de souligner que, selon les prévisions, environ 65 pour cent des emplois créés et des incidences sur les recettes devraient se produire à l'étape de l'exploitation souterraine de la mine. Par conséquent, tout effet sur la rentabilité qui nuirait aussi au déroulement de cette étape aurait des conséquences négatives graves.

Pour ce qui est de l'approvisionnement en biens et services, la VBNC a déclaré que les avantages positifs prévus pour l'économie du Labrador et pour celle de la province étaient fondés sur la capacité estimée des entreprises à fournir les biens et services requis. Il n'en reste pas moins, puisque la VBNC a l'intention de faire livrer des fournitures par le retour des navires transportant le minerai concentré, que le lieu de destination de ce minerai influera sur la source d'approvisionnement. Inévitablement, une bonne part des marchandises ne proviendra pas de la province, peu importe la destination prise par le minerai concentré. Par conséquent, il faudra prendre des dispositions spéciales pour que les fournisseurs locaux puissent soutenir la concurrence et que la province puisse tirer profit des avantages prévus.

La commission en conclut que la décision prise par la VBNC de produire 122 500 tonnes de nickel par an n'était pas motivée par des considérations relatives au traitement secondaire. Par ailleurs, les décisions relatives au traitement secondaire pourraient influer sensiblement sur la rentabilité du projet, ce qui aurait par la suite une incidence sur le flux des avantages socio-économiques vers les gouvernements et vers les citoyens du Labrador.

3.3 Intendance des ressources

C'est une tâche complexe que d'évaluer le meilleur moment pour la réalisation du projet et son taux optimal de production, de même que les effets socio-économiques éventuels de différentes destinations du minerai concentré. En raison de la nature dynamique de la réserve de minerai et des marchés futurs du nickel, la commission juge qu'elle est incapable de prescrire des taux de production pour chacune des étapes du projet. La commission offre quand même une orientation et formule des recommandations sur la meilleure façon de prendre les décisions nécessaires pour arriver à offrir le plus d'avantages possible à toutes les parties intéressées.

Tel que mentionné précédemment, la commission estime qu'un taux annuel minimum à l'étape de la conception qui s'établirait à 10 000 tonnes par jour serait une première approximation raisonnable, d'après les réserves et les ressources existantes. De fait, il s'agit du taux annualisé prévu par la VBNC pour l'étape du démarrage qui durerait de deux à trois ans, selon la proposition visant une exploitation répartie sur environ six mois au rythme de 20 000 tonnes par jour. La commission accepte également le taux prévu de 20 000 tonnes par jour pendant l'étape de l'exploitation des gisements souterrains, en autant que l'exploration de ces gisements confirme le volume et la valeur commerciale prévus des réserves du minerai. En permettant à la VBNC d'éviter les expéditions de minerai en hiver jusqu'à ce que toutes les incertitudes aient été bien étudiées (voir le chapitre 10), une capacité excédentaire de broyage donnerait à la société un avantage évident pendant l'étape de l'exploitation du gisement Ovoid, surtout parce que les coûts supplémentaires d'immobilisation seraient marginaux. Cette capacité excédentaire serait utile aussi si l'étape de l'exploitation souterraine donne un tonnage moins important que prévu de minerai à forte teneur, ou si des problèmes techniques ou environnementaux empêchent les expéditions de minerai en hiver.

La commission se préoccupe surtout de la production accrue de nickel pendant la période de pleine exploitation à ciel ouvert. La commission croit que le plan visant à augmenter la production à 122 500 tonnes pendant une période aussi courte entraînera des coûts en immobilisation très élevés pour la manutention du produit, tout spécialement s'il faut faire appel des navires supplémentaires pour acheminer le minerai concentré vers la destination choisie par la VBNC. En outre, tel que mentionné précédemment, on ne voit pas très bien non plus comment de nouvelles capacités de fonderie pourraient se justifier à un tel taux de production, ni comment les capacités existantes de fonderie suffiraient à absorber ce niveau de production.

La commission note que, selon un des scénarios envisagés, la VBNC utiliserait les capacités existantes de fonderie à l'étape du démarrage. La société serait alors en mesure de confirmer les réserves au moyen de l'exploration souterraine et de relier plus étroitement la construction d'une nouvelle usine aux possibilités de production à long terme du projet. Cette stratégie rehausserait la rentabilité du projet tout en assurant une intendance plus logique des ressources minérales, au fur et à mesure que les réserves et les marchés se précisent. En adoptant une telle démarche, la VBNC devrait s'engager à l'exploration précoce et à l'exploitation ultérieure des ressources souterraines si les prévisions concernant les réserves se concrétisent.

Quelle serait la meilleure façon de prendre ces décisions en matière de conception et d'exploitation? En réponse à une question de la commission, un représentant du ministère des Mines et de l'Énergie de Terre-Neuve et du Labrador a déclaré que la province n'oblige habituellement pas les entreprises à respecter un certain niveau de production, que ce soit pendant le processus de demande de concession ou en tout autre temps. Dans le cas à l'étude, cependant, la commission juge que la concession minière devrait comporter certaines garanties ou conditions liées à des questions aussi fondamentales que le taux de production et la durée de vie de la mine.

Le projet rapportera des avantages durables et équitables seulement s'il dure 25 ans, mais pour qu'il en soit ainsi, il faudra qu'une partie importante des réserves souterraines puisse être extraite de façon économique. Toute demande déraisonnable imposée au projet, que ce soit de la part de la VBNC ou de la province, pourrait mettre en péril une ressource apte à apporter des avantages considérables aux citoyens du Labrador et à toute la province.

Recommandation 2

La commission recommande que la province et la VBNC négocient une concession minière qui favorise, au moyen de l'intendance des ressources, la réalisation d'avantages sociaux et économiques durables et équitables pour les citoyens du Labrador et de la province. La commission recommande que cette concession s'accompagne des conditions suivantes :

  • la VBNC doit s'engager à mettre en œuvre le plus tôt possible un programme d'exploration souterraine et, si l'ampleur des réserves est confirmée, elle devrait s'engager à lancer le plus tôt possible une exploitation qui combinerait l'extraction souterraine avec les dernières étapes de la production à ciel ouvert;
  • la VBNC doit s'engager à accroître la durée de vie utile du gisement Ovoid en abaissant le taux de production si les premières explorations souterraines ne confirment pas l'existence des réserves souterraines qui sont actuellement prévues, afin de faire en sorte que le projet puisse se poursuive pendant une période de 20 à 25 ans tout le moins.

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4 Ententes sur les revendications territoriales et ententes sur les impacts et les avantages

4.1 Données de base

Le protocole d'entente autorisait la commission d'évaluation à examiner des mémoires concernant les rapports entre le projet à entreprendre et les négociations relatives aux revendications territoriales ». La commission a donc indiqué, dans ses directives, qu'elle étudierait la question suivante : « le fait de mettre ou non un projet en marche avant de négocier une entente sur les revendications territoriales avec une partie autochtone touchée pourrait-il mettre en péril, infirmer ou limiter les dites négociations .

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont fait savoir la commission qu'en permettant la mise en marche d'un projet avant d'avoir négocié une entente sur les revendications territoriales, elle produirait les effets appréhendés. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont également affirmé ce qui suit :

  • toute mesure d'atténuation déterminante sur les plans social, économique et environnemental ne peut être prise que par l'entremise d'ententes sur les revendications territoriales et d'ententes sur les impacts et les avantages, et les mesures d'atténuation sont ainsi inextricablement liées à ces ententes;
  • les intérêts de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu dans les négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages sont touchés négativement par le fait que ces négociations ne se déroulent pas dans le cadre des ententes sur les revendications territoriales;
  • l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu devraient absolument donner leur consentement avant que le projet ne soit autorisé, et ce consentement pourrait être obtenu par le biais d'ententes sur les revendications territoriales et d'ententes sur les impacts et les avantages.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont déclaré que le projet ne devrait pas être autorisé avant que chaque groupe n'ait conclu une entente sur les revendications territoriales, c'est-à-dire, au moins une entente de principe ratifiée et comportant des mesures provisoires garanties, avec le gouvernement du Canada et celui de la province. En outre, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont indiqué que les négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages devraient être achevées et qu'une entente devrait être ratifiée avant que le projet ne soit autorisé, et que l'entente en question devrait entrer en vigueur avant le début de toute construction liée au projet.

Ces conclusions et ces conditions sont appuyées également par un grand nombre de personnes et d'organisations des nations Inuit et Innu.

La Voisey's Bay Nickel Company a déclaré que, tout en appuyant le principe d'une entente négociée sur les revendications territoriales, elle n'était pas partie à ces négociations. La compagnie croit que son droit à rechercher la satisfaction de ses propres intérêts ne devrait pas être assujetti la signature d'une entente. La VBNC négocie actuellement une entente sur les impacts et les avantages avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, mais elle estime qu'il s'agit là de dispositions discrétionnaires qui ne devraient pas entraver la mise en uvre du projet.

Le Canada et Terre-Neuve ont fourni certains renseignements sur l'état des revendications territoriales, mais n'ont adopté aucune position sur la question.

4.2 Revendications territoriales

Conformément aux termes du protocole d'entente, la commission a déclaré, dans ses directives, « qu'elle ne formulerait pas de conclusions, ni de recommandations concernant l'existence ou la substance des droits autochtones . Cependant, après la diffusion de ces directives, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement (Delgamuukw c. Colombie-Britannique) comportant des orientations précises sur les conséquences du titre ancestral et des droits des Autochtones. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux fait référence à ce jugement en défendant le point de vue selon lequel leur consentement doit être obtenu. La commission se sent obligée de tenir compte des implications actuelles du titre ancestral autochtone relativement au consentement, de tenir compte de la forme que ce consentement pourrait prendre, et de formuler des recommandations sur la mise à exécution des mesures d'atténuation les plus déterminantes.

La commission a donc étudié les trois questions suivantes :

  • S'il existe un titre ancestral autochtone dans la région du projet, quelles en sont les conséquences sur l'autorisation du projet?
  • Quelles dispositions une entente sur les revendications territoriales comprendrait-elle probablement?
  • Quels effets néfastes les négociations sur les revendications territoriales subiraient-elles si le démarrage d'un projet était autorisé avant qu'une entente ne soit conclue?

Ces questions semblent empreintes d'une certaine incertitude et les observations de la commission à leur sujet ne visent aucunement à constituer des décisions sur des faits de droit ou des interprétations juridiques.

4.2.1 Conséquences du titre ancestral autochtone

Selon le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Delgamuukw, le titre ancestral autochtone comprend « le droit à l'utilisation et à l'occupation exclusive des terres » et « le droit de choisir l'utilisation qui sera faite des terres ». Le titre ancestral autochtone englobe également les droits miniers et l'utilisation des terres à certaines fins non traditionnelles. Le concept comporte donc un élément économique. Les droits autochtones, qui peuvent comprendre notamment le droit d'exercer des pratiques traditionnelles particulières dans des endroits déterminés, peuvent exister sans titre ancestral autochtone, mais ces droits ne sont pas nécessairement exclusifs.

Les droits et le titre ancestral autochtones ne sont pas absolus. Ils peuvent être enfreints pour la réalisation d'objectifs législatifs « contraignants et substantiels ». Ces objectifs peuvent comprendre des projets d'exploitation minière tels que celui de la VBNC. D'autre part, les gouvernements ont des obligations fiduciaires envers les peuples autochtones, et le jugement Delgamuukw prévoit certains critères que les gouvernements doivent respecter pour justifier une infraction aux droits et au titre ancestral autochtones. Ces critères comprennent l'obligation d'assurer :

  • la participation des Autochtones au développement des ressources;
  • la consultation des Autochtones et, dans certains cas, leur plein consentement;
  • une indemnisation équitable.

Les exigences concernant la conformité à ces critères ne sont pas décrites en détail. Le premier et le troisième critères découlent de l'élément économique du titre ancestral autochtone. Ils font intervenir des principes juridiques et des principes économiques dont la Cour suprême a admis la complexité et qu'elle n'a pas décrits de façon détaillée dans son jugement. Toutefois, le principe de la participation est désigné comme comprenant la fois le processus et le résultat de la répartition des ressources.

Le critère du plein consentement est précisé « surtout dans les cas où les provinces édictent des règlements relatifs à la chasse et à la pêche en rapport avec les terres autochtones ». La nation Innu a présenté un argument selon lequel ces mots signifient toute activité, y compris le projet, qui porte atteinte aux poissons et à la faune de la région. La commission n'est cependant pas convaincue qu'il s'agit là d'une interprétation rigoureuse du jugement Delgamuukw. Selon la commission, le jugement Delgamuukw veut dire que le consentement officiel des détenteurs du titre ancestral autochtone n'est pas légalement nécessaire pour que le projet puisse être entrepris, bien qu'il existe de bonnes raisons politiques et morales voulant que les gouvernements obtiennent d'abord le consentement des Autochtones.

La Couronne est tenue de consulter les Autochtones parce qu'elle est habilitée à autoriser des modes d'utilisation des terres et des ressources. Selon l'interprétation de la commission, à la lumière des décisions judiciaires récentes, les gouvernements doivent prendre au sérieux le critère de consultation, et le processus d'évaluation environnementale doit se conformer aux mêmes normes élevées. Si les terres en question sont assujetties au titre ancestral autochtone, la commission doit donc tenir dûment compte des représentations que lui font les détenteurs du titre.

Si ce qui précède est maintenant devenu la loi du pays, cela entraîne des répercussions importantes sur l'approbation du projet. Les droits décrits seraient protégés par la Constitution, qui imposerait aussi les obligations décrites. Les devoirs de la Couronne deviennent alors légaux, et non plus seulement politiques. La commission serait tenue de prendre en considération l'effet de ces réalités légales sur l'autorisation et les aspects environnementaux du projet, tout comme elle tient compte de l'effet de toute autre loi fédérale ou provinciale applicable.

En vertu d'une politique instaurée bien des années avant le jugement Delgamuukw, le Canada se reconnaît l'obligation de négocier des ententes globales sur les revendications territoriales dans les régions où le titre ancestral autochtone n'est ni cédé, ni éteint. En acceptant une demande de négociation, le Canada n'admet aucune responsabilité légale et ne reconnaît pas officiellement le titre. Le Canada et les provinces ont adopté la position selon laquelle des ententes sur les revendications territoriales ne doivent pas nécessairement précéder l'exploitation des ressources sur ces terres. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux fait remarquer que ni le Canada ni la province ne reconnaît officiellement le titre ancestral autochtone et n'adopte de mesures conformes ce titre avant de ratifier une entente finale sur les revendications territoriales.

Le jugement Delgamuukw énonce avec précision et beaucoup plus de clarté les obligations de la Couronne concernant l'octroi ou l'autorisation d'octroyer des droits à des tiers sur les terres dont les Autochtones détiennent le droit ancestral. Les effets du jugement Delgamuukw semblent stipuler ce qui suit :

  • La Couronne ne peut pas disposer des droits sur les terres ou les ressources, ni permettre des activités d'exploitation sans avoir au préalable rempli ses obligations en matière de participation, de consultation et d'indemnisation.
  • La Couronne doit remplir ces obligations avant le début de l'exploitation, et non pas simplement s'engager à négocier une entente sur des revendications territoriales à une date future non déterminée. En Colombie-Britannique, les Premières nations ont obtenu des injonctions parce que ces conditions n'avaient pas été respectées.
  • La position adoptée traditionnellement par la Couronne, position selon laquelle les travaux de développement peuvent commencer sur des terres liées à un titre ancestral autochtone avant que des dispositions n'aient été prises en vue de la participation, de la consultation et de l'indemnisation, ou avant d'avoir obtenu le consentement des Autochtones, n'est donc plus soutenable.

Dans le contexte des négociations relatives aux revendications territoriales, il n'est plus discrétionnaire, mais bien obligatoire, de prendre des mesures provisoires pour protéger les intérêts des détenteurs du titre ancestral autochtone.

Bien que la Cour suprême n'ait pas décidé que les ententes sur les revendications territoriales sont une condition obligatoire préalable au démarrage d'un projet d'exploitation des ressources, le jugement n'en statue pas moins que lorsqu'il existe un titre ancestral autochtone, « la Couronne a le devoir moral, sinon légal, d'entreprendre et de mener ces négociations de bonne foi ».

La commission estime qu'une entente sur les revendications territoriales constitue le moyen le plus efficace d'exécuter les obligations de la Couronne, parce qu'une telle entente satisfait à la teneur de ces obligations et fournit le cadre institutionnel de leur mise en uvre.

Le jugement Delgamuukw donne une orientation explicite quant à la façon de déterminer l'existence effective d'un titre ancestral autochtone sur les terres que la VBNC veut occuper ou sur toutes les autres terres que le projet est susceptible de toucher. Cette détermination ne relève pas du mandat de la commission. La commission se contente de faire remarquer que le Canada a accepté de négocier deux revendications territoriales englobant une partie ou la totalité de ces terres. Il s'agit de la revendication de l'Association des Inuit du Labrador et de celle de la nation Innu, qui font toutes deux l'objet de négociations en ce moment. Le Canada négocie également une revendication territoriale présentée par les Makivik (des Inuit du Québec) au sujet d'une étendue de terres et de mer située au nord de Hebron (à environ 58° N). La nation métisse du Labrador a présenté une revendication territoriale relative à un territoire « du sud et du centre du Labrador » dont les limites géographiques exactes ne sont pas connues de la commission. La nation métisse du Labrador a fait savoir à la commission que le ministère de la Justice du Canada avait rejeté cette revendication dans une ébauche de réponse que le ministre des Affaires indiennes et du Nord n'a ni acceptée, ni refusée.

4.2.2 Contenu probable d'une entente sur les revendications territoriales

La politique canadienne en matière de négociation des ententes sur les revendications territoriales prévoit le transfert du titre ancestral relatif des terres déterminées, l'attribution des droits de chasse et de pêche, le partage des recettes tirées des ressources et la participation des Autochtones à la gestion environnementale sur terre comme en mer. Toutefois, les ententes finales diffèrent les unes des autres et ces éléments de base peuvent être modifiés en fonction de la situation et des objectifs locaux, lesquels peuvent comprendre la recherche d'un équilibre entre les droits et le titre ancestral autochtones d'une part et les droits et titres de la Couronne et des tiers intéressés d'autre part.

Selon les mémoires présentés par l'Association des Inuit du Labrador les 2 et 3 novembre, l'entente sur la revendication territoriale de l'Association des Inuit du Labrador ressemblera, pour l'essentiel, à l'entente finale conclue avec le Nunavut. La commission suppose, pour les besoins de la présente analyse, que ces mémoires correspondent à l'aboutissement probable d'une entente.

Voici les éléments déterminants de la revendication territoriale de l'Association des Inuit du Labrador qui ont trait à la présente évaluation environnementale :

  • la sélection des terres à titre ancestral sur la superficie, qui dépassent de 20 pour cent la superficie de la zone d'établissement des Inuit du Labrador, laquelle couvrira en entier la côte septentrionale du Labrador;
  • les droits prioritaires de prédation de subsistance et la cogestion de la faune, des pêches et de l'évaluation environnementale dans toute l'étendue de la zone d'établissement et sur une aire maritime de taille considérable allant jusqu'à la limite de 12 milles;
  • le partage des redevances sur les ressources minières liées aux terres des Inuit du Labrador et aux terres publiques (ce qui comprendrait les recettes du projet de la VBNC);
  • un transfert de fonds;
  • des ententes sur les impacts et les avantages obligatoires relativement aux grands projets d'exploitation exécutés dans la zone d'établissement;
  • des dispositions d'indemnisation relativement à la faune.

La nation Innu semble être en train de négocier des dispositions générales de même nature, même si celles-ci peuvent varier quant aux détails.

Les ententes sur les impacts et les avantages comprennent des mesures visant à réduire le plus possible les effets nuisibles des grands travaux d'aménagement sur les bénéficiaires des ententes sur les revendications territoriales, et à rehausser les effets positifs de ces travaux. Avant d'entreprendre un projet, les exploitants éventuels des ressources sont tenus de négocier une entente sur les impacts et les avantages (dans tous les cas avec le détenteur du titre ancestral sur la superficie et, dans certains cas, pour tous les endroits de la zone d'établissement). Dans le contexte des ententes sur les impacts et les avantages, les ententes sur les revendications territoriales comprennent habituellement des dispositions prévoyant l'indemnisation des bénéficiaires pour les effets nuisibles sur l'exploitation des ressources fauniques. La section 4.2.3 du présent rapport explique plus en détail le fonctionnement des ententes sur les impacts et les avantages dans d'autres revendications territoriales.

Les dispositions relatives aux recettes de l'exploitation des ressources permettent de veiller à ce que les bénéficiaires des ententes sur les revendications territoriales obtiennent une part fixe des redevances que le gouvernement retire des travaux de développement, que les travaux aient lieu ou non dans la zone d'établissement.

Cette courte analyse montre clairement que les éléments déterminants d'une entente sur les revendications territoriales veillent à ce que les gouvernements remplissent leurs obligations légales en matière de participation, de consultation et d'indemnisation. La commission n'exprime aucun commentaire sur le caractère convenable ou souhaitable de quelque démarche ou composante d'un règlement de revendication territoriale. Le seul objectif de la présente analyse est de déterminer, à partir des expériences récentes, les résultats les plus probables des négociations, ainsi que les façons dont l'autorisation préalable pourrait nuire à ces résultats.

4.2.3 Effets nuisibles possibles sur la négociation des revendications territoriales

Si le démarrage du projet était autorisé avant le règlement de revendications territoriales, comment cela pourrait-il nuire aux négociations relatives ces revendications? L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu prétendent toutes les deux que les ententes sur les revendications territoriales qu'elles sont actuellement en train de négocier seraient compromises si le démarrage du projet était autorisé avant le règlement de ces revendications. Les préoccupations particulières exprimées ont notamment trait à la cogestion, au partage des redevances sur les ressources minières et aux ententes sur les impacts et les avantages.

Préoccupations relatives à la cogestion

Si les dispositions relatives à la cogestion qui sont comprises dans une entente sur les revendications territoriales étaient en vigueur, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu entretiendraient des rapports directs et non discrétionnaires avec les organismes de réglementation qui interviendraient dans le projet, ce qui ne peut pas se réaliser au moyen des négociations relatives à une entente sur les impacts et les avantages. En vertu du protocole d'entente, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont établi des liens importants de collaboration avec les gouvernements concernant l'évaluation environnementale actuelle du projet. La province a également pris l'engagement discrétionnaire de permettre à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu d'examiner les permis qui se rattachent au projet. Comme l'ont souligné à la fois l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, sans entente sur les revendications territoriales, rien ne prévoit la poursuite des arrangements pris lorsque sera venue l'étape de la gestion environnementale du projet, ni la cogestion de tout autre développement susceptible de se produire sur les terres liées à un titre ancestral autochtone.

Partage des redevances sur les ressources minières et autres considérations d'ordre financier

L'entente proposée relativement aux revendications territoriales des Inuit stipule que l'Association des Inuit du Labrador recevra 3 pour cent des redevances sur les ressources minières provinciales du projet. Cette disposition ne semble pas dépendre de la sélection du lot de concessions minières comme terre Inuit. En vertu d'une entente définitive, la province recueillerait les recettes sur les ressources et en remettrait une partie aux bénéficiaires.

La nation Innu a signalé qu'elle ne pourrait pas négocier un partage des redevances minières du projet dans le cadre de sa revendication territoriale si le projet est approuvé avant le règlement de la revendication, puisque, selon elle, les projets « existants » ne seraient pas soumis aux dispositions de l'entente. La nation Innu a aussi affirmé que sans entente sur les revendications territoriales, les paiements liés à l'entente sur les impacts et les avantages seraient imposables.

En l'absence d'une indemnisation versée sous la forme de recettes de location et prévue dans une entente sur les revendications territoriales ou dans une entente sur les impacts et les avantages, avant le démarrage du projet, la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador n'acquerront pas les ressources financières qui leur permettraient de remédier à leurs préoccupations selon leurs propres priorités.

Le partage des recettes sur les ressources et les transferts de fonds constituent une indemnisation pour l'utilisation passée, présente et future des ressources et pour tous les dommages causés par l'exploitation des ressources. La Couronne verse cette indemnisation directement, habituellement en vertu d'une entente sur les revendications territoriales et en conséquence de ses obligations fiduciaires. La seule « indemnisation » directe versée par les exploitants a trait aux dommages découlant d'effets accidentels ou non intentionnels des activités autorisées par la Couronne

Préoccupations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages

Bien qu'elle soit en train de négocier des ententes sur les impacts et les avantages avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, la VBNC estime que ces ententes sont des arrangements discrétionnaires qui n'ont pas à être conclus avant le démarrage du projet. Si les ententes sur les revendications territoriales étaient déjà en vigueur, les ententes sur les impacts et les avantages ne seraient pas discrétionnaires et le projet ne pourrait pas débuter sans elles. L'indemnisation relative à la faune serait elle aussi non discrétionnaire.

La nation Innu soutient que l'absence d'une entente sur les revendications territoriales la met en position désavantageuse pour négocier avec la VBNC, parce que cette absence rend les ententes sur les impacts et les avantages discrétionnaires. L'Association des Inuit du Labrador, pour sa part, affirme qu'une entente sur les impacts et les avantages négociée dans le cadre d'une entente sur les revendications territoriales serait différente d'une entente sur les impacts et les avantages négociée en dehors d'un tel cadre. L'Association des Inuit du Labrador ne précise pas clairement, toutefois, la nature de cette différence.

La commission remarque cependant, dans l'entente finale sur les revendications territoriales du Nunavut (et dans d'autres ententes semblables), les dispositions suivantes qui rendent les ententes sur les impacts et les avantages moins souples dans le cadre d'une revendication territoriale réglée.

  • Les avantages ne constitueront pas un fardeau trop lourd pour le promoteur et ne nuiront pas à la viabilité du projet.
  • Les questions considérées négociables sont définies. La liste de ces questions, bien que non exhaustive, ne comprend pas la participation au capital ni les recettes tirées de la location ou de l'indemnisation. Il convient de souligner que les parties aux négociations en cours visant la conclusion d'une entente sur les impacts et les avantages pourraient négocier tous les articles figurant à l'annexe 26-1 de l'entente finale sur les revendications territoriales du Nunavut.
  • On présume que les ententes sur les impacts et les avantages sont conclues après les examens environnementaux et l'approbation du projet, puisque ces ententes doivent être conformes aux modalités des examens et de l'approbation.

Les négociations commencent normalement au moins 180 jours avant le début d'un projet; il y a également des dispositions prévoyant l'arbitrage volontaire et obligatoire aussi tôt que 60 jours après l'ouverture des négociations.

Selon un principe général, les ententes sur les impacts et les avantages ne peuvent pas être utilisées pour arrêter ou retarder un projet approuvé. La commission n'est au courant d'aucun cas où les bénéficiaires d'une revendication territoriale auraient essayé d'agir ainsi.

La commission croit qu'une entente sur des revendications territoriales offrirait un degré supérieur de certitude en ce qui concerne les ententes sur les impacts et les avantages, comme l'ont fait remarquer la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador. Par ailleurs, une entente de ce genre donnerait aussi un degré supérieur de certitude au promoteur. La VBNC a déclaré que les perspectives de négocier une entente sur les impacts et les avantages avec succès seraient meilleures si les questions habituellement liées aux ententes sur les revendications territoriales étaient tenues à part. La commission est du même avis.

La commission n'est pas convaincue que le fait de négocier une entente sur les impacts et les avantages dans le cadre d'une entente sur les revendications territoriales produirait nécessairement une entente sur les impacts et les avantages plus avantageuse pour les bénéficiaires. Une entente sur la revendication territoriale rendrait simplement obligatoire la négociation d'une entente sur les impacts et les avantages avant le début d'un projet. La section qui suit analyse cette question plus à fond.

Ni l'Association des Inuit du Labrador, ni la nation Innu ne prétend précisément que sa sélection de terres pourrait être mise en péril. Même si la province a offert le lot de concessions à l'Association des Inuit du Labrador avant la découverte de minerai sur ces terres, la revendication territoriale semble prévoir à la fois le partage des recettes et la tenue d'une entente sur les impacts et les avantages, que les terres en question relèvent ou ne relèvent pas, éventuellement, d'un titre ancestral Inuit sur leur superficie. Aussi longtemps qu'il en est ainsi et que l'entente prévoit la cogestion environnementale, l'Association des Inuit du Labrador ne serait pas touchée négativement si le projet démarrait avant que les terres ne soient sélectionnées et confirmées. De même, si les ententes finales contiennent des dispositions adéquates d'indemnisation pour la perte en matière d'exploitation de la faune, et si les restrictions imposées actuellement aux prélèvements fauniques par les employés sont maintenues (voir au chapitre 14, Utilisation des terres par les Autochtones et préservation des ressources historiques), les droits des Innu et des Inuit en matière d'exploitation des ressources fauniques ne seraient pas amoindris.

Il y a également certaines considérations d'ordre plus général. La nation Innu affirme que l'effet pratique du titre ancestral et des droits des Autochtones serait amoindri si les gouvernements pouvaient continuer d'autoriser de grands travaux de développement sur des terres liées à un titre ancestral autochtone sans conclure au préalable une entente sur les revendications territoriales et sans être pénalisés. L'Association des Inuit du Labrador a déclaré que l'intégrité même du processus de négociation en serait affaiblie.

La nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador ont toutes deux affirmé qu'elles disposaient de recours en justice devant les tribunaux; l'analyse qui précède semble leur donner raison. Néanmoins, toute action en justice entraînerait des coûts importants et prendrait beaucoup de temps. Les demandeurs seraient obligés de prouver leur titre ancestral autochtone, selon les obligations décrites dans le jugement Delgamuukw, et d'autres parties pourraient intervenir avec d'autres revendications. La commission ne veut pas spéculer sur les résultats à attendre, mais le tribunal pourrait en venir à des conclusions, concernant les titres et les droits relatifs à des terres particulières, qui sont différentes de celles actuellement acceptées par Affaires indiennes et du Nord Canada aux fins de la négociation.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont fait remarquer, et la commission est d'accord avec elles, que toute action en justice entraînerait une longue période d'incertitude pour toutes les parties en cause. Une telle action constituerait également un recul en ce qui a trait à la bonne volonté et à la coopération qui existent actuellement dans les négociations et les arrangements discrétionnaires. Une action en justice soumettrait le projet de la VBNC, même s'il est autorisé, à l'incertitude quant à sa réalisation, et elle diminuerait gravement la perspective de l'exécution, en coopération, de mesures déterminantes d'atténuation sur les plans social, économique et environnemental. La commission ne peut pas recommander une ligne de conduite qui pourrait effectivement annuler les avantages du projet pour les Inuit, les Innu et, finalement, la VBNC.

4.2.4 Mesures de remplacement

Existe-t-il, en l'absence d'une entente sur des revendications territoriales, des méthodes de remplacement qui permettent de veiller à ce que les obligations fiduciaires de la Couronne envers les détenteurs de titres autochtones soient respectées? La commission estime que des ententes négociées concernant un projet particulier et portant sur des questions telles que les ententes sur les impacts et les avantages et les régimes de gestion environnementale pourraient bien remplir cette fonction (voir le chapitre 17, Gestion de l'environnement). La commission prévient toutefois que le fait de conclure de telles ententes sur la base d'un projet uniquement risque de créer une incurie en raison des chevauchements, et peut-être même des arrangements incohérents qui entraîneraient des coûts supplémentaires. La négociation d'une entente finale, dont découleraient tout naturellement des arrangements subséquents, constituerait probablement une façon de procéder beaucoup plus simple et plus efficace, qui permettrait en outre d'établir un climat de confiance plus limpide pour les exploitants éventuels. Ainsi, le soin de régler les questions relatives au mode de possession des terres et des ressources incomberait au véritable responsable, c'est-à-dire au gouvernement qui les attribue, plutôt qu'aux exploitants intéressés à les exploiter.

Pour que les mesures de remplacement des revendications territoriales soient efficaces, elles doivent être mises en uvre comme si elles constituaient des mesures provisoires liant les parties à de telles ententes. A tout le moins, ces arrangements assureraient le prolongement des mesures spéciales sur lesquelles la province et le Canada se sont déjà entendus de bonne foi, en particulier le protocole d'entente qui régit le présent examen, de même que la participation de la nation Innu et de l'Association des Inuit du Labrador à l'examen des demandes de permis.

Même si les politiques existantes concernant les revendications territoriales stipulent que « des mesures provisoires pertinentes peuvent être adoptées pour protéger les intérêts d'un groupe de revendicateurs pendant la négociation concernant leurs revendications », la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador ont indiqué que les deux gouvernements se sont opposés des mesures provisoires officielles permettant d'assurer le contrôle de projets tels que celui de la Voisey's Bay Nickel Company. Les deux groupes ont aussi fait remarquer que les ententes de principe ne lient pas les parties légalement et que tout ce qui a été négocié jusqu'à présent ne sera vraiment acquis qu'après la ratification officielle des ententes par toutes les parties et après l'adoption d'une législation de mise en uvre. Ils ont affirmé que la province ne tient pas compte des mesures importantes et des mesures qui lient les parties, tant qu'une entente de principe n'est pas ratifiée; ils ont défini les positions des deux gouvernements comme étant « figées ».

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont manifesté leur volonté d'accepter une entente de principe plutôt qu'une entente finale comme condition de consentement, en autant que cette entente comprenne des mesures provisoires qui soient exécutoires et qui lient les parties. Elles ont ajouté qu'elles prenaient des risques à agir ainsi, ce dont convient la commission.

Les arrangements de cogestion recommandés par la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador comme second choix en matière de mesure de remplacement pourraient être adoptés sans entente de principe, en vertu d'ententes qui abordent l'examen permanent, le processus d'approbation et la gestion de l'environnement du projet de la VBNC (tel qu'exposé au chapitre 17). Si de telles ententes traduisent les éléments déterminants des ententes sur les revendications territoriales décrites précédemment, elles permettront vraisemblablement au gouvernement de respecter ses obligations fiduciaires.

4.2.5 Démarche recommandée

La commission considère qu'il est essentiel, pour offrir des « avantages équitables et durables », de recourir à des ententes sur les revendications territoriales ou d'adopter des mesures de remplacement liant les parties; il s'agit d'un élément important pour assurer la durabilité, et une telle démarche constitue par conséquent une politique publique convenable. On a présenté à la commission un long et constant historique faisant état du mépris des droits et des intérêts des Inuit et des Innu, de l'envahissement continuel des terres des Inuit et des Innu, ainsi que des restrictions progressives imposées aux activités des Inuit et des Innu. Mais on a aussi fait valoir à la commission les tentatives plus récentes faites par les gouvernements dans le but de rétablir la confiance et d'établir une nouvelle façon de procéder. Le projet offre au Canada et à la province une occasion historique qu'il ne faudrait pas laisser passer. La commission croit qu'il faut agir maintenant, et de façon convenable.

Le règlement rapide des questions liées aux revendications territoriales dans la zone du projet serait profitable à la VBNC et à tous les autres exploitants qui demanderont des droits d'exploitation des ressources sur ces terres, car les procédures et leurs aboutissements s'en trouveraient précisés. Il en résulterait des moyens manifestes qui inciteraient probablement les Innu et les Inuit à collaborer davantage. Puisque les dispositions de cogestion établies en vertu des ententes sur les revendications territoriales définissent les relations des bénéficiaires avec les différents organismes de réglementation du gouvernement, elles clarifient la situation en ce qui concerne la gestion environnementale de tout projet.

La commission en conclut que, même si le projet empiète sur des titres et des droits autochtones détenus dans la région de la baie Voisey par l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, les gouvernements n'ont pas besoin du consentement officiel de ces associations pour autoriser la réalisation du projet. Cependant, un tel empiétement ne peut se produire sans la participation, la consultation et l'indemnisation des Autochtones représentés par ces organismes. Par conséquent, le Canada et la province ne peuvent pas autoriser la réalisation du projet avant d'avoir respecté leurs obligations en ce qui a trait à la nécessité de favoriser la participation de ces groupes, de les consulter et de les indemniser.

La commission juge que la poursuite du projet avant le règlement des revendications territoriales des Innu et des Inuit nuirait aux négociations relatives à ces revendications, notamment en ce qui a trait à la cogestion de l'environnement, au partage des recettes liées à l'exploitation des ressources et probablement aux ententes sur les impacts et les avantages.

Selon la commission, les ententes sur les revendications territoriales constituent pour les gouvernements la façon la plus efficace de remplir leurs obligations en matière de participation, de consultation et d'indemnisation des Autochtones, même s'il ne semble pas y avoir d'obligation légale de conclure de telles ententes. La commission fait remarquer que des arrangements de remplacement parallèles ou des arrangements qui mèneraient à des règlements de revendications territoriales pourraient aussi permettre aux gouvernements de remplir leurs obligations. Pour faire en sorte que le projet puisse bénéficier d'avantages durables et équitables, la commission croit que ces autres arrangements ne devraient pas, toutefois, avoir des résultats moins avantageux pour les Inuit et les Innu que s'ils avaient conclu des ententes sur les revendications territoriales.

La commission est d'avis que le règlement des revendications territoriales constitue la meilleure avenue possible. Elle admet toutefois que des facteurs tout à fait étrangers au projet pourraient retarder indéfiniment le règlement d'une ou des deux revendications territoriales. Le cas échéant, il faudra alors adopter les mesures de remplacement pertinentes, telles que décrites au chapitre 17.

Recommandation 3

La commission recommande que le Canada et la province concluent et ratifient des ententes de principe avec les Inuit du Labrador, représentés par l'Association des Inuit du Labrador, de même qu'avec les Innu du Labrador, représentés par la nation Innu, avant d'accorder toute autorisation au projet. Les ententes de principe devraient prévoir, en matière de cogestion, des mesures provisoires exécutoires et liant les parties, de façon à établir un pont entre la fin de cette évaluation environnementale et la mise en application intégrale des éléments relatifs à la cogestion prévus dans ces ententes. A cette fin, le Canada et la province se verront obligés de modifier leurs approches de négociations relatives aux revendications territoriales, pour que les mesures provisoires nécessaires soient adoptées en tant que partie intégrante de l'entente de principe.

Autrement, la commission recommande que le Canada et la province, avant d'accorder toute autorisation au projet, négocient des mesures de remplacement équivalentes avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, telles qu'indiquées au chapitre 17. De telles mesures doivent garantir la participation, la consultation et l'indemnisation des Inuit et des Innu relativement au projet, conformément aux obligations fiduciaires du Canada et de la province.

La commission considère que les arrangements proposés au chapitre 17, notamment la proposition visant la création d'un Conseil consultatif de l'environnement, sont équivalents et conformes aux dispositions des revendications territoriales en qui concerne la gestion de l'environnement. La commission juge donc que le Conseil consultatif de l'environnement, dont il est question dans les chapitres suivants, pourrait fonctionner à l'intérieur ou à l'extérieur du cadre d'une entente finale sur les revendications territoriales.

La commission admet que la VBNC a aussi des droits et des intérêts qui pourraient être lésés si les gouvernements ne remplissent pas rapidement leurs obligations à l'égard des détenteurs de titre ancestral autochtones. Elle reconnaît que la VBNC a demandé légalement des droits de prospection et que la province lui a accordé ces droits. Il incombe à la Couronne de voir à ce que les droits et les titres qu'elle accorde à une tierce partie soient clairs et non grevés. Pour amoindrir les effets néfastes de cette recommandation sur la VBNC, la commission considère que la recommandation 3 peut être mise en uvre pendant que la VBNC planifie le projet et dépose ses demandes de permis. Le début de la construction s'en trouverait facilité lorsque l'autorisation finale serait accordée.

Recommandation 4

La commission recommande que, quelle que soit l'option adoptée à la suite de la recommandation 3, en autant que les arrangements sont légalement exécutoires et lient les parties, la VBNC puisse se prévaloir d'une autorisation conditionnelle et bénéficier d'une garantie satisfaisante lui permettant de planifier le projet et de déposer des demandes de permis pendant que les négociations se poursuivent. Les deux processus pourraient ainsi se réaliser simultanément plutôt que séquentiellement. Il ne faudrait pas permettre, toutefois, que la construction ne débute réellement avant que les conditions de la recommandation 3 ne soient remplies.

4.3 Entente sur les impacts et les avantages

La présente section décrit comment les ententes sur les impacts et les avantages atténuent les effets pondérés d'un projet pour aider les gouvernements remplir leurs obligations en matière de participation, de consultation et d'indemnisation. Elle aborde aussi les liens qui existent à cet égard entre les ententes sur les impacts et les avantages et les ententes sur les revendications territoriales. Le mode particulier selon lequel les ententes sur les impacts et les avantages peuvent atténuer ou rehausser les effets d'un projet est expliqué dans une autre section du présent rapport.

Si d'une part les ententes sur les impacts et les avantages constituent une partie intégrante et typique d'une entente sur les revendications territoriales, elles peuvent aussi exister en dehors d'un tel cadre. Des compagnies minières et des populations autochtones de toutes les parties du Nord canadien et de l'Alaska ont négocié bon nombre d'ententes de ce genre. Les ententes sur les impacts et les avantages sont devenues plus globales. Elles n'abordent plus les occasions d'emploi ou d'affaires seulement, mais elles touchent aussi les questions sociales et culturelles et procurent des avantages financiers. Par exemple, l'entente sur l'initiative minière de Whitehorse (négocié par l'industrie minière, le gouvernement, les syndicats ouvriers, les peuples autochtones et la collectivité environnementaliste) ne font pas explicitement référence aux ententes sur les impacts et les avantages. Cependant, de nombreuses recommandations de l'entente qui visent améliorer les relations entre les peuples autochtones et l'industrie minière se négocie par le biais d'ententes sur les impacts et les avantages.

En dehors du cadre des revendications territoriales décrit à la section précédente, il n'existe aucune forme ni aucun contenu prescrit pour les ententes sur les impacts et les avantages; elles évoluent dans chacun de ces deux aspects. Les ententes sur les impacts et les avantages sont des ententes bilatérales conclues entre des parties privées. Les détails de leurs négociations et leur contenu ne relèvent donc pas du domaine public. Cependant, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux déclaré qu'elles soumettraient leurs ententes sur les impacts et les avantages à des votes de ratification officiels. Elles devront rendre public le contenu des ententes, sauf peut-être certains renseignements propriétaux.

En 1995, la VBNC a amorcé sur une base discrétionnaire des négociations visant la conclusion d'ententes sur les impacts et les avantages avec les Innu et les Inuit. Ces négociations ont débuté avant que ne soient établies les revendications territoriales, avant l'évaluation environnementale et avant l'approbation du projet, soit une démarche qui se situe à l'opposé des dispositions contenues dans les ententes sur les revendications territoriales. L'initiative de la VBNC est tout à son honneur, bien qu'elle se soit heurtée des difficultés.

En novembre 1998, les négociations sur les ententes sur les impacts et les avantages avaient progressé considérablement dans la plupart des domaines, mais aucune entente n'était encore conclue. L'Association des Inuit du Labrador a informé la commission qu'il n'y avait pas de négociations en cours à ce moment-là, ni de processus visant à les poursuivre. La nation Innu et la VBNC ont conjointement fait part à la commission qu'elles en étaient arrivées à une entente préliminaire sur beaucoup de points et qu'elles poursuivaient leurs pourparlers. Des participants ont indiqué que plusieurs facteurs entravaient la conclusion de ces ententes sur les impacts et les avantages.

Par exemple, les Inuit et les Innu ont cherché à négocier une indemnisation directe avec la VBNC, une démarche qui s'éloigne passablement des démarches prévues dans les ententes sur les revendications territoriales. Les dirigeants de la VBNC ont déclaré qu'ils n'entendaient pas, au moyen des ententes sur les impacts et les avantages, assumer des responsabilités qui relèvent normalement des gouvernements. Ils ont aussi exprimé leur préoccupation l'endroit de la démarcation imprécise entre ce qui relève vraiment du domaine des revendications territoriales et ce qui relève des ententes sur les impacts et les avantages, ce qui a causé l'échec des négociations. La commission partage le point de vue de la VBNC et juge que la situation plaide en faveur de la conclusion d'une entente sur les revendications territoriales qui servirait par la suite de cadre à la négociation des ententes sur les impacts et les avantages. La commission croit qu'il serait avantageux pour la VBNC et les parties autochtones que les gouvernements clarifient d'abord leurs responsabilités avant que ne débutent les négociations concernant les ententes sur les impacts et les avantages.

La VBNC considérait aussi comme un obstacle les dispositions légales demandées par l'Association des Inuit du Labrador. La commission n'a pas été informée des détails de ces dispositions et n'émet aucune opinion ce sujet.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu affirment que les incertitudes que comporte la description du projet ont nui aux négociations en raison des différents objectifs qui pourraient être poursuivis sous différentes conditions du projet. La commission note qu'en vertu des ententes existantes sur les revendications territoriales, les négociations de l'entente sur les impacts et les avantages suivraient l'évaluation environnementale et l'approbation du projet. En outre, cela démontre pourquoi il serait préférable de conclure aussitôt que possible une entente sur les revendications territoriales, puis de poursuivre dans un tel cadre les négociations concernant les ententes sur les impacts et les avantages.

Finalement, toutes les parties concernées ont déclaré qu'elles ne voulaient pas se faire imposer de délai pour les négociations. La commission fait remarquer que de tels délais sont obligatoires dans le cadre des revendications territoriales et que le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada a imposé une date limite dans le cas du projet de mine de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle croit qu'une date limite, assortie d'une disposition concernant le règlement de différends, est souhaitable dans ce cas, si l'autorisation est par ailleurs imminente.

L'Association des Inuit du Labrador a déclaré qu'il n'existe aucun substitut, ni aucune solution de remplacement à une entente sur les impacts et les avantages. La nation Innu affirme que les gouvernements ne peuvent pas imposer les dispositions détaillées d'une entente sur les impacts et les avantages comme modalités d'une approbation. La VBNC a désigné les ententes sur les impacts et les avantages comme un moyen d'atténuer certains effets éventuellement nuisibles et de rehausser les effets avantageux. Pour toutes ces raisons, la commission ne peut recommander le démarrage du projet avant que les négociations n'aboutissent à une entente sur les impacts et les avantages formelle.

La commission reconnaît que les négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages se sont heurtées à certains obstacles, tels que décrits précédemment. Elle croit que la meilleure façon d'aplanir ces obstacles consiste à résoudre la question des revendications territoriales, et de poursuivre ensuite les négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages dans le cadre plus précis et plus restreint des ententes sur les revendications territoriales. La conclusion d'ententes sur les impacts et les avantages dans le cadre d'une entente sur les revendications territoriales assurerait que les ententes sur les impacts et les avantages n'englobent ni le programme ni les éléments financiers habituellement offerts par les gouvernements dans une entente sur les revendications territoriales. Une telle démarche ferait disparaître certaines incertitudes créées par les dispositions des ententes sur les impacts et les avantages qui peuvent entraîner un chevauchement. Selon la VBNC, les dispositions cet égard qui ont été négociées avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu constituent un problème supplémentaire. Cette démarche tiendrait compte également des préoccupations exprimées par les représentants de la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu et éviterait toute possibilité d'effets néfastes sur les revendications territoriales elles-mêmes (effets qui sont décrits à la section 4.2.3).

Recommandation 5

La commission recommande que le Canada et la province n'autorise aucunement le projet avant que l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu n'aient conclu une entente sur les impacts et les avantages avec la VBNC. Que ces ententes soient conclues ou non dans le cadre d'une Entente sur le règlement des revendications territoriales, les négociations relatives ces ententes devraient mener à la conclusion d'une entente dans un délai convenu par les parties, ou, s'il y a lieu, le ministre chargé de l'autorisation du projet devrait imposer un calendrier. Le cadre de négociation devrait aussi comprendre des dispositions en matière de règlement des différends, notamment le recours à l'arbitrage obligatoire au besoin.

Conformément au cadre des revendications territoriales, la commission croit que les négociations d'une entente sur les impacts et les avantages devraient être conclues à la suite du présent examen, être soumises à un calendrier, consenties par les parties ou imposées, et comporter une disposition relative au règlement des différends qui comprendrait au besoin, en dernier ressort, un arbitrage exécutoire. Le ministre qui autorise le projet pourrait imposer de telles conditions.

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5 Qualité de l'air

Les effets sur la qualité de l'air qui seraient causés par le projet proviendraient essentiellement de la poussière produite dans la mine à ciel ouvert et le long des chemins de service, ainsi que des émissions produites par les véhicules et par les groupes électrogènes. Les études de la VBNC sur les conditions de base ont consisté en des mesures météorologiques prises à deux endroits, soit à l'anse à Edward et au lac Camp, de même qu'en une série d'études sur la qualité de l'air menées en vue de mesurer la masse totale de particules en suspension, les retombées de poussières, l'oxyde d'azote et l'anhydride sulfureux. La VBNC a qualifié la qualité actuelle de l'air dans la région de la baie Voisey de « relativement vierge . Cela est conforme au fait que l'endroit est éloigné de toutes les sources importantes de pollution atmosphérique, comme le faisait observer la VBNC.

Pour atténuer les effets du projet sur la qualité de l'air, la VBNC envisage les mesures suivantes :

  • produire de l'électricité efficacement, à l'aide de dispositifs de récupération de la chaleur des gaz d'échappement, d'un programme de maintenance préventive et d'autres moyens;
  • utiliser des combustibles à faible teneur en soufre;
  • arroser les chemins de service avec de l'eau ou y appliquer des produits de dépoussiérage, et prendre d'autres mesures proactives en vue de lutter contre la poussière;
  • régénérer promptement les secteurs perturbés pour réduire l'érosion éolienne;
  • utiliser des capteurs de poussière et des épurateurs-laveurs pendant les opérations de broyage;
  • utiliser des convoyeurs et des postes de transbordement fermés.

En outre, le plan de protection environnementale comprendra des mesures de lutte contre le bruit, mais ces mesures ne sont pas précisées dans l'étude d'impact environnemental.

Pour prédire les effets résiduels sur la qualité de l'air, la VBNC a étudié quatre de ce qu'on appelle les six « polluants communs de l'air : la masse totale de particules en suspension, l'anhydride sulfureux, l'oxyde d'azote et l'oxyde de carbone. Le seul aspect qui a été abordé dans cette étude relativement aux polluants toxiques de l'air était l'absorption possible de contaminants par les végétaux, les animaux et les humains en raison de la présence de métaux lourds dans les retombées de poussières. En outre, la VBNC a évalué pour le projet la quantité maximale annuelle d'émission de gaz carbonique, un des plus importants gaz à effet de serre. Elle a traité aussi brièvement des modifications possibles que pourraient subir des microclimats dans les zones de perturbation physique directe.

La VBNC a étudié des modèles de courbes de bruit pour diverses sources, la fois individuellement et en combinaison, puis a déterminé les conséquences de ces niveaux de bruit prévus pour certaines composantes valorisées de l'écosystème, comme les oiseaux.

Selon les résultats de l'étude par modélisation, le projet répondrait en tout temps aux normes réglementaires de la province et aux objectifs fédéraux maximaux souhaitables pour la qualité de l'air, aux limites du lot de concessions minières. A l'intérieur de ces limites, la qualité de l'air serait en outre facilement conforme à ces normes, à l'exception de particules de courte durée qui pourraient dépasser les normes provinciales dans un rayon de deux à trois kilomètres de la mine à ciel ouvert pendant sa période d'exploitation.

On estime que l'apport annuel du projet en gaz carbonique représenterait une augmentation de 1,2 pour cent des émissions totales annuelles de Terre-Neuve et du Labrador, qui s'élèvent actuellement à quatre pour cent des émissions totales produites au Canada.

Par conséquent, la VBNC prévoit que les effets résiduels sur la qualité de l'air seraient minimes (pas importants) pendant la construction et l'exploitation, car les niveaux élevés de polluants dans l'air seraient conformes aux normes réglementaires ou limités à une zone restreinte à l'intérieur du lot de concessions minières et seraient de courte durée. La VBNC considère que les émissions de gaz carbonique produites par le projet sont peu importantes comparativement aux données globales à l'échelle nationale ou mondiale.

La VBNC propose de surveiller les émissions et la qualité de l'air ambiant. On suppose que cela se traduirait par une surveillance de la conformité qui serait supervisée par le ministère de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve et du Labrador. S'il y a lieu, on pourrait appliquer des mesures d'atténuation plus poussées qui comprendraient l'utilisation de dispositifs de captage des poussières, le recours à des épurateurs-laveurs plus perfectionnés ou des modifications qui seraient apportées aux procédés de dépoussiérage.

5.1 Renseignements sur les conditions de base, modélisation et exigences réglementaires

La VBNC a utilisé deux modèles différents qui ont été élaborés pour l'Environnemental Protection Agency des États-Unis en vue de prévoir les effets causés sur la qualité de l'air provenant de sources ponctuelles (par exemple, la mine à ciel ouvert et les groupes électrogènes) et de sources linéaires (les chemins de service). Les modèles utilisaient des données sur les sources des émissions, sur les activités du complexe minier, sur les caractéristiques du matériel et des carburants, ainsi que sur les dispositifs de lutte contre la pollution. Les données météorologiques horaires de la station du lac Camp, ainsi que des données locales sur le terrain ont aussi été intégrées aux modèles.

La province réglemente la qualité de l'air ambiant en vertu d'une réglementation sur le contrôle de la pollution atmosphérique, en application de la législation provinciale sur l'environnement. L'annexe B de cette réglementation établit des normes relatives à la qualité de l'air, qui doivent être respectées au périmètre d'un établissement industriel. Dans une zone urbaine, ce périmètre serait généralement la limite de la propriété. A l'intérieur de cette limite, la qualité de l'air est régie par la réglementation provinciale sur la santé et la sécurité en milieu de travail.

Le ministère de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve et du Labrador a affirmé que les études sur les conditions de base relatives à la qualité de l'air et la modélisation de l'air de la VBNC n'ont pas été effectuées conformément aux politiques et aux protocoles du ministère; par conséquent, elles ne représentent pas fidèlement les conditions existantes et futures. Le ministère de l'Environnement et du Travail était préoccupé de ce que l'on n'avait pas modélisé les scénarios fondés sur la pire éventualité (par exemple, l'utilisation maximale de l'équipement ou des perturbations). La VBNC a répondu qu'elle n'avait pas modélisé de cas de perturbations, comme des ruptures des dépoussiéreurs à sacs filtrants, parce que les systèmes de commande des processus détecteraient la panne et fermeraient immédiatement le réseau. Elle a aussi indiqué que les scénarios de modélisation tenaient compte de « la pire éventualité » en ce qu'ils supposaient les conditions météorologiques les moins favorables.

Le ministère de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve et du Labrador a aussi déclaré que la limite du lot de concessions minières ne représentait pas, pour deux raisons, une « limite de propriété » convenable relativement aux normes sur la qualité de l'air aux points d'impact par inertie. Premièrement, les employés du projet vivraient sur place; par conséquent, la qualité de l'air à proximité des logements doit respecter les normes plus élevées prévues dans la réglementation provinciale sur le contrôle de la pollution atmosphérique, en vue d'assurer la protection de la santé, plutôt que les normes légèrement moins rigides prévues dans la réglementation sur la santé et la sécurité en milieu de travail. Deuxièmement, le lot de concessions minières comprend aussi une large zone, en dehors de l'emplacement du chantier, dans laquelle la qualité de l'air devrait rester inaltérée.

Lors des audiences, la VBNC a confirmé qu'elle se conformerait à toutes les exigences réglementaires, y compris aux exigences en matière de cueillette de données et de modélisation de la diffusion, et qu'elle respecterait les critères en matière de qualité de l'air à l'emplacement des logements, qui sont établis en vertu de la réglementation sur le contrôle sur la pollution atmosphérique. La province a indiqué qu'elle négocierait pour que l'on détermine une limite, aux fins de la conformité, qui soit plus convenable que le périmètre du lot de concessions minières. Cette limite correspondrait mieux aux emplacements des installations et des activités du projet. En outre, le processus d'attribution de permis établirait et imposerait des modalités en matière de surveillance de la conformité pour ce qui a trait à la qualité de l'air ambiant.

La commission est persuadée que les renseignements sur les conditions de base et les résultats des modélisations sont suffisants pour les besoins de l'évaluation environnementale et elle en conclut que le système actuel de réglementation permettra une surveillance convenable de la conformité.

5.2 Lutte contre la poussière

Les principales sources de particules en suspension produites par le projet seraient le défrichage du terrain et la préparation du chantier, le dynamitage et d'autres activités à la mine à ciel ouvert, l'érosion éolienne dans les aires d'entreposage de stériles et de morts-terrains, l'exploitation de l'usine de broyage et des convoyeurs, le transport routier sur des chemins sans revêtement, le chargement de concentrés de minerai au port, la combustion de carburant pour faire fonctionner des véhicules ou pour produire de l'électricité ou de la chaleur, ainsi que les activités minières souterraines. Selon les concentrations, les particules en suspension peuvent causer ou aggraver des troubles respiratoires ou réduire la visibilité. Les particules peuvent aussi transporter des contaminants persistants comme des métaux lourds ou des produits chimiques toxiques qui finiront par se déposer dans le sol, l'eau et les plantes.

De toutes ces sources, la VBNC estime que la mine à ciel ouvert, le transport routier, les chaudières à eau chaude et les groupes électrogènes seraient responsables de la majeure partie de la poussière produite. Le dynamitage n'a pas été considéré comme un facteur déterminant causant des effets sur la qualité de l'air, sauf pour de courtes périodes. Il n'a pas été inclus dans la modélisation de la qualité de l'air, bien que son apport au déplacement et à l'accumulation de contaminants, par le biais des retombées de poussières, ait été pris en considération dans la modélisation des contaminants.

De nombreuses personnes ont abordé différents aspects des retombées de poussières dans les cours d'eau tel que le ruisseau Reid. En outre, certains intervenants Inuit ont manifesté des inquiétudes relativement au fait que des particules en suspension dans l'air se déposeraient sur la neige et pourraient ensuite être transportées sur de longues distances par les congères, poussées par le vent.

La commission juge que la lutte contre la poussière devrait être une composante cruciale de la gestion environnementale de la VBNC pendant toute la durée du projet et que la société minière doit appliquer strictement sa politique d'amélioration continue à ce domaine.

5.3 Réduction des émissions

En vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, le gouvernement fédéral a établi trois niveaux pour les objectifs de qualité de l'air ambiant. Le plus strict est appelé le niveau maximal souhaitable. Cet objectif vise à prévenir la dégradation de la qualité de l'air dans les zones vierges ou non polluées. La commission croit qu'il s'applique manifestement à la région de la baie Voisey et note que l'objectif de cette loi est plus strict que les normes provinciales de qualité de l'air ambiant en ce qui a trait à l'anhydride sulfureux et à la masse totale de particules en suspension.

La commission croit que les normes de qualité de l'air seraient respectées, facilement dans de nombreux cas, sauf à l'intérieur d'une partie relativement peu étendue du lot de concessions minières. Cela ne doit pas justifier toutefois que l'on fasse preuve de complaisance. La commission croit que la VBNC devrait faire tout ce qu'elle peut, en utilisant les meilleures pratiques de gestion environnementale, un programme vigoureux d'économie d'énergie et de l'équipement de lutte contre la pollution approprié, pour réduire continuellement les émissions à la source pendant toute la durée du projet et pour minimiser la production de gaz à effet de serre. Cette conclusion repose principalement sur quatre raisons:

  • L'air de la région de la baie Voisey est d'une pureté presque absolue. Pour se conformer à la politique nationale exprimée dans les objectifs de qualité maximale souhaitable pour la qualité de l'air, on devrait se donner comme but de maintenir la détérioration au minimum.
  • Les émissions dans l'atmosphère seraient une source possible d'effets nuisibles pour les cours d'eau de la région et plus particulièrement pour le ruisseau Reid.
  • Comme d'autres nordistes, les habitants du Labrador constatent déjà les effets des contaminants en suspension dans l'air qui se déplacent sur de grandes distances, et ils auraient besoin qu'on leur donne l'assurance que le projet ne constituerait pas une raison supplémentaire de s'inquiéter.
  • Bien que le rôle que pourrait jouer le projet dans les problèmes atmosphériques régionaux ou mondiaux comme les pluies acides et le changement climatique puisse paraître minime, ces problèmes sont en réalité causés par les effets conjugués de nombreuses sources apparemment négligeables.

Il n'existe pas de normes réglementaires d'émission pour le gaz carbonique. Toutefois, si le Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques est ratifié, le Canada se sera engagé devant la communauté internationale à réduire de 6 pour cent ses émissions de gaz à effet de serre (par rapport aux niveaux de 1990) pendant la période allant de 2008 à 2012. L'atteinte d'un tel objectif de réduction ne sera pas une mince tâche, puisqu'on prévoit que les émissions du Canada en 2010 seront de 19 pour cent supérieures à celles de 1990. Par conséquent, la commission croit que la VBNC a la responsabilité de minimiser les émissions de gaz carbonique en accordant une attention particulière à l'économie d'énergie, ce qui aidera aussi à maintenir la qualité de l'air ambiant.

Recommandation 6

La commission recommande que la VBNC adopte les mesures suivantes dans le cadre de son plan de protection de l'environnement :

  • La VBNC devrait élaborer un plan de lutte contre la poussière qui incorpore les meilleures pratiques de gestion empruntées à d'autres opérations minières et activités connexes, pour minimiser la production et l'accumulation de poussières. Ce plan devrait comporter des mesures préventives comme des limites de vitesse pour les camions sur les chemins de service et des techniques de dépoussiérage.
  • La VBNC devrait élaborer un programme exhaustif d'économie d'énergie, pour prévenir les effets de la pollution atmosphérique en réduisant l'utilisation de combustibles fossiles. Ce programme devrait soumettre la conception du projet à un examen des questions énergétiques avant le démarrage des travaux de construction.

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6 Gestion des résidus, des déchets rocheux et des eaux usées de la mine

Les ressources minérales de la baie Voisey contiennent des minéraux sulfurés hautement réactifs. Un des problèmes critiques à régler est donc le contrôle de la production d'acide dans les résidus et les stériles qui restent après l'extraction et le broyage et qui doivent être stockés à perpétuité. En outre, il faudra des volumes considérables d'eau de traitement pour concentrer le minerai au moyen du procédé de broyage et pour transporter les résidus vers les sites de stockage. Une bonne part de cette eau pourrait être recyclée, mais il est difficile d'en préciser la quantité à partir des essais pilotes. La production proposée de deux concentrés de minerai, l'accumulation des contaminants provenant du traitement et le besoin d'eau douce pour mélanger les réactifs et pour refroidir les joints de pompes sont autant de facteurs qui détermineront la quantité d'eau recyclable. Les excédents d'eau seraient épurés et évacués dans le milieu marin; certains participants ont dit craindre les effets du rejet des boues que produiront ces opérations. La source de l'eau douce utilisée affaiblira le débit vers le ruisseau Reid.

6.1 Évacuation des résidus et des stériles minéralisés

La VBNC se propose de recourir à une méthode par étapes pour évacuer les déchets miniers susceptibles de produire des acides. Elle envisage la possibilité de rejeter ces déchets sous l'eau dans deux bassins lacustres naturels. Pour une richesse minérale démontrée de 150 millions de tonnes de minerai, la VBNC produirait environ 13,2 millions de mètres cubes de résidus en exploitant le gisement Ovoid et 5,5 millions de mètres cubes de stériles potentiellement réactifs provenant de l'exploitation minière ciel ouvert et souterraine pendant le cycle de vie de la mine. La société minière prévoit évacuer ces déchets dans le lac Headwater. Elle s'attend déposer jusqu'à 59,6 millions de mètres cubes de résidus dans le North Tailings Basin à partir du moment où le gisement Ovoid sera épuisé et jusqu'à l'achèvement du projet. Les boues provenant du traitement de l'eau seraient également déposées dans ces deux bassins, avec les résidus.

Un système de pipeline, d'environ huit kilomètres de longueur, transporterait les boues de résidus en suspension depuis la mine jusqu'au lac Headwater. Il faudrait prolonger le pipeline de sept kilomètres pour aller jusqu'au North Tailings Basin. Un autre tuyau ramènerait vers la mine l'eau récupérée des bassins, où elle servirait comme eau de traitement recyclée. Les voies d'accès aux bassins seraient parallèles au pipeline, et la VBNC utiliserait le chemin menant au lac Headwater pour transporter les stériles à très basse teneur provenant du gisement Ovoid et de l'extraction souterraine, pour les évacuer dans la partie sud-est du bassin.

Tous les participants sont d'avis que l'évacuation subaquatique des matières produisant des acides constitue la meilleure solution en matière de gestion des déchets. Selon la province, l'élimination de l'air par la submersion de ces matières dans l'eau reste la méthode la plus couramment acceptée pour réduire au minimum l'oxydation des sulfures. Ressources naturelles Canada déclare que la production d'acide est très difficile à arrêter une fois déclenchée, mais que les résidus réactifs peuvent atteindre un état géochimique très stable sous l'eau. Par conséquent, l'évacuation lacustre de ces déchets créerait un environnement stable et sûr qui diminuerait le plus possible la nécessité de construire des structures artificielles et déboucherait sur un système de confinement et d'entretien peu coûteux comportant un très faible risque de défaillance à long terme. Un expert de l'Association des Inuit du Labrador est d'avis que les sujets de préoccupation ne sont pas insurmontables. L'Association estime raisonnables la conception d'ensemble de l'évacuation des résidus et des stériles, ainsi que les plans de stockage subaquatique.

6.1.1 Conception des bassins de résidus

La VBNC a étudié huit emplacements pour le stockage des résidus miniers et des stériles à basse teneur avant de porter son choix sur le lac Headwater et le North Tailings Basin (voir la carte à la page 48). La société minière a envisagé seulement les emplacements qui étaient situés à l'extérieur du bassin hydrographique du ruisseau Reid ou qui pourraient être dérivés de ce bassin de façon permanente; qui pouvaient offrir une couverture d'eau permanente; qui seraient capables d'absorber les volumes de déchets miniers produits par une ressource minérale de 150 millions de tonnes. On a aussi tenu compte du rapport entre le volume de déchets que l'emplacement pouvait contenir et le volume de pierres nécessaire pour construire la digue. Les digues de petite taille nécessitent des volumes de pierres plus petits (diminuant d'autant l'empreinte du projet), elles sont plus sûres et réduisent le plus possible les eaux d'infiltration.

En se fondant sur d'autres critères environnementaux et techniques - tels que les effets environnementaux minimums, les possibilités en matière d'élargissement, la facilité d'utilisation et la sûreté des dispositifs de clôture de protection, le confinement topographique et hydrographique, la rentabilité, l'acceptabilité sur le plan esthétique, les difficultés propres au corps minéralisé et le calendrier imposé par la réglementation - la VBNC a éliminé tous les sites envisagés sauf trois. Le troisième site (option 5), bien que répondant aux critères, n'a pas été choisi à cause de la distance qui le sépare de l'usine de concentration et du fait qu'il aurait nécessité la construction de digues d'une hauteur supérieure celles qu'il faudrait aménager au North Tailings Basin.

Pour pouvoir déposer des résidus et des stériles dans le lac Headwater, il faudrait construire deux digues périmétriques de 13 mètres et 15 mètres de haut respectivement. A l'extrémité ouest du bassin, la digue H2 fermerait pour de bon l'écoulement vers le bassin hydrographique du lac Otter et du ruisseau Reid. Les eaux d'infiltration provenant de cette digue sont estimées à 0,2 L/s. Une deuxième digue, H1, bloquerait l'écoulement dans le bassin hydrographique de la baie Throat, à l'est du lac. Les eaux d'infiltration en sont estimées à 0,1 L/s. Puisque le volume de résidus du gisement Ovoid est moindre que la capacité naturelle du bassin, tous les résidus seraient déposés à un niveau inférieur à celui des cours d'eau qui prennent actuellement leur source dans le lac.

Pour ce qui est du North Tailings Basin, il faudrait construire six digues pour donner à ce système de trois lacs la capacité d'absorber un volume de résidus estimé à 59,6 millions de mètres cubes. Deux de ces digues, N4 et N5, seraient des ouvrages de dérivation servant à empêcher l'eau douce d'entrer dans le bassin. La digue N1 serait un ouvrage de régulation temporaire entre les lacs supérieur et inférieur. Trois digues périmétriques (N2, N3 et N6) accroîtraient la capacité du bassin. Mesurant entre 13 et 35 mètres de haut, elles seraient aménagées par étapes au fur et à mesure que l'on déposerait des résidus. Les eaux d'infiltration de ces digues iraient de 0,3 L/s dans le bassin hydrographique de la baie Kangeklukuluk 0,2 L/s dans le bassin hydrographique de la baie Kangeklualuk.

La VBNC a déclaré que, selon les prévisions, la couverture aquatique des bassins serait de deux à quatre mètres et qu'elle se maintiendrait même pendant des conditions de sécheresse extrême. Environnement Canada a exprimé des craintes quant à l'efficacité d'une couverture d'eau si mince pour empêcher l'oxydation ou la remise en suspension des résidus. L'Association des Inuit du Labrador, de son côté, s'est demandé si l'action des glaces et du vent ne pourrait pas perturber la couverture aquatique. Certains participants ont aussi demandé si les dispositions prévues suffiraient réduire au minimum la possibilité que les métaux contenus dans les résidus s'introduisent dans la tranche d'eau.

Selon Ressources naturelles Canada, les résultats de la vérification menée sur le terrain dans le cadre du Programme de neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier ont permis de déterminer que la profondeur minimale critique d'eau nécessaire pour empêcher l'oxydation et éviter la perturbation par les vagues oscillait entre 1,3 m et 1,4 m.

La commission a entendu des préoccupations au sujet des eaux d'infiltration possibles et du besoin de repérer ces eaux, de les capter et de les traiter avant de les rejeter dans l'environnement. La VBNC se propose de renforcer l'assise rocheuse des fondations des digues en y injectant un rideau de coulis pour prévenir les eaux d'infiltration. Dans le cas des digues construites sur les morts-terrains, les eaux d'infiltration seraient enrayées en bloquant les tranchées de boues. Les eaux d'infiltration provenant des bassins seraient surveillées au moyen d'une combinaison de méthodes comprenant notamment le prélèvement d'échantillons d'eau de surface en amont et en aval des digues et l'aménagement de puits dans la nappe phréatique près du pied des digues. Si les mesures de surveillance ou l'inspection visuelle des digues révélaient des effets nuisibles sur la qualité de l'eau, la VBNC capterait les eaux d'infiltration et les renverrait dans le bassin de résidus par pompage. Ensuite, la société minière évaluerait les causes possibles du problème et envisagerait des mesures propres à réduire les eaux d'infiltration, par exemple, par de nouvelles injections de coulis ou des modifications apportées à la conception des digues.

Certains participants ont dit craindre qu'une faille apparente liée à l'extrémité nord des deux digues du lac Headwater puisse servir de conduit l'infiltration d'eau souterraine ou entraîner éventuellement une rupture de digues. La VBNC a affirmé que toutes les caractéristiques structurales avaient été intégrées à la modélisation hydrogéologique et qu'elles étaient géologiquement stables. La société minière injecterait du coulis dans le substrat rocheux des fondations pour affaiblir la conductivité hydraulique et elle étudierait soigneusement les fondations pour y détecter toute possibilité future d'infiltration. D'autres participants s'inquiétaient aussi du fait qu'un glissement de terrain au Nord de la digue H2 pourrait entraîner une rupture de digues, mais la VBNC a encore une fois décrit cette zone comme stable.

Lors des audiences, les participants ont aussi souligné le besoin de surveiller et de maintenir l'intégrité des digues, et ils ont exprimé des craintes relativement à l'efficacité de noyaux de bentonite des digues dans des conditions climatiques semblables à celles du Labrador. La VBNC a déclaré que les digues proposées pour les deux bassins de résidus étaient des digues conventionnelles de rétention d'eau.

Les participants ont manifesté des inquiétudes relativement à la rupture possible des pipelines pour les résidus. Selon la description qu'en a donné la VBNC, les pipelines seraient composés d'un tuyau placé à l'intérieur d'un autre et séparé de ce deuxième tuyau par un isolant. Les pipelines suivraient le trajet des routes d'accès et feraient l'objet de surveillance. De plus, le débit d'évacuation serait surveillé et tout écart par rapport au débit d'entrée déclencherait une alerte. Des participants ont aussi posé des questions au sujet de la capacité des poches de vidange à recevoir le contenu des pipelines s'il se produisait un arrêt ou un flux d'urgence si des résidus se trouvent dans le tuyau. La VBNC a affirmé que des pompes d'urgence videraient normalement les boues contenues dans le tuyau avant qu'il ne soit fermé. Pour donner un exemple de la rareté des occurrences d'utilisation de la vidange, la VBNC a décrit ce qui s'est passé à la mine de Louvicourt dans le Nord du Québec. Cette mine a recours à une technologie semblable à celle proposée pour faire fonctionner un pipeline de grande longueur pour l'évacuation des résidus dans des conditions climatiques similaires; or, il n'a jamais été nécessaire de vidanger le tuyau depuis que la mine est entrée en exploitation, il y a environ six ans. Si la vidange s'avérait nécessaire, cependant, la VBNC a déclaré qu'elle s'occuperait immédiatement de confiner ou d'éliminer les matières extraites du tuyau.

6.1.2 Plans de remplacement pour l'évacuation des déchets miniers

De nombreux participants ont dit à la commission que la VBNC devrait explorer des solutions de remplacement au North Tailings Basin pour évacuer les résidus produits par l'extraction minière souterraine. Parmi les plans de remplacement qu'ils ont suggérés, mentionnons l'évacuation sous-marine, ainsi que le remblayage du puits à ciel ouvert et des galeries souterraines. Ces solutions pourraient permettre de réduire la taille des digues nécessaires au North Tailings Basin. Selon la taille du gisement de minerai exploité, le remblayage des galeries souterraines, conjugué à celui du puits à ciel ouvert, pourrait peut-être éliminer le besoin d'un deuxième bassin de stockage.

L'évacuation sous-marine des résidus s'est déjà pratiquée partout dans le monde et à deux endroits au Canada, en Colombie-Britannique, dans les projets miniers d'Island Copper et de Kitsault. Pendant tout le cycle de vie de la mine Island Copper, une mine de cuivre à tonnage important, les déchets et les résidus ont été évacués dans l'océan. La commission croit savoir que les opinions divergent relativement aux effets environnementaux résiduels observés à cet endroit. La commission remarque aussi que la productivité biologique de ce site marin de stockage de résidus est très différente de celle de la zone du projet de la VBNC. Les résultats ne sont peut-être donc pas transférables.

Un spécialiste de l'Association des Inuit du Labrador a affirmé que le stockage sous-marin, qu'il se fasse dans un emplacement confiné ou non confiné, réduit les besoins de structures artificielles, augmente la stabilité chimique et amoindrit l'empreinte du projet au sol. Cependant, l'Association des Inuit du Labrador a expliqué qu'elle ne recommandait pas nécessairement d'envisager une telle possibilité. Selon le commentaire de Ressources naturelles Canada, compte tenu de l'évolution de la technologie et des connaissances relatives au comportement des résidus dans un milieu marin, le stockage sous-marin mérite d'être étudié plus à fond, peut-être comme solution de remplacement à l'évacuation des résidus dans le North Tailings Basin pendant l'étape de l'exploitation des gisements souterrains. Environnement Canada a déclaré que la réglementation actuelle forcerait la VBNC à faire la preuve que le stockage sous-marin est la seule solution pratique ou la meilleure solution pour l'environnement, et qu'une telle méthode devrait aussi recevoir une autorisation limitée à une installation localisée, en vertu du paragraphe 36(5) de la Loi sur les pêches. La province estime que le stockage sous-marin est risqué à cause de l'incapacité de prévoir, d'enrayer ou de rectifier la dissémination des contaminants dans tout l'environnement; elle a ajouté qu'il serait peu probable qu'elle autorise ce mode de stockage pour le moment.

La commission remarque que, dans l'exploitation des mines d'uranium de la Saskatchewan, les résidus sont stockés couramment dans des puits de mines épuisées. Ces résidus contiennent des concentrations de métaux, en plus de leur radioactivité résiduelle. Leur stockage souterrain réduit au minimum la quantité de contaminants des résidus qui pénètrent dans la nappe phréatique, car les résidus sont entourés d'une enveloppe perméable de déchets rocheux ou d'une doublure imperméable. Le volume de ces puits, en comparaison de celui des résidus qui y sont placés, est cependant beaucoup plus élevé que dans le cas du gisement Ovoid.

La VBNC a signalé que plusieurs problèmes influent sur la possibilité de recourir au remblayage des puits désaffectés. D'abord, les opérations souterraines doivent être suffisamment isolées pour prévenir tout danger d'afflux. Ensuite, puisque le puits est près du bassin hydrographique du ruisseau Reid, il serait essentiel d'assurer des conditions d'eau convenables ou d'isoler les matières stockées pour qu'elles ne puissent jamais pénétrer dans le ruisseau.

Un expert innu, qui s'exprimait au nom de la nation Innu, a alors suggéré ceci : plutôt que de créer un lac profond à l'endroit du puits lorsque l'extraction sera terminée au gisement Ovoid, la VBNC devrait remplir le puits avec des déchets sulfureux, jusqu'au niveau original des sulfures, recouvrir le tout d'une calotte protectrice ou d'une couche de matière propre, et ensuite noyer le puits. Selon lui, même si l'eau d'un lac minier profond se renouvelle à chaque saison, assimilant chaque fois de l'oxygène, l'eau contenue dans les déchets submergés s'oxygénerait beaucoup plus lentement, ce qui réduirait le déplacement de l'eau oxygénée vers les roches sulfureuses couvrant les côtés du puits. La solution proposée permettrait également d'assurer la submersion durable des déchets sans risque de rupture du confinement.

Toutes les méthodes d'exploitation qui conviennent au gisement de la baie Voisey nécessiteraient le recours au remblayage, et la VBNC s'est engagée à en étudier plus à fond les possibilités. La société minière a déclaré que la méthode par étapes, qui consisterait à déposer les résidus et le minerai à très basse teneur du gisement Ovoid dans le lac Headwater avant de mettre en service le North Tailings Basin, lui donnerait la possibilité d'évaluer d'autres solutions de stockage, surtout si les réserves souterraines de minerai sont moindres que prévu. La VBNC a ajouté qu'elle avait besoin d'acquérir de l'expérience opérationnelle à cet endroit avant de pouvoir évaluer la viabilité de l'utilisation du puits à ciel ouvert comme installation de rétention des déchets miniers. La société minière a aussi affirmé que les stériles restaient le meilleur choix comme matériau de remplissage et qu'il était impossible de déterminer si les résidus de l'extraction souterraine conviendraient au remplissage sans d'abord étudier un échantillon industriel. Le principal problème qui pourrait survenir serait une forte teneur en soufre dans le matériau de remplissage, ce qui pourrait déclencher la combustion et produire des gaz dangereux.

La commission est au courant des progrès technologiques réalisés pour ce qui du dépôt du matériau de remplissage. La technologie de la pâte, par exemple, pourrait faire disparaître les restrictions imposées à l'utilisation des résidus à forte teneur en soufre. Il est également clair que les résidus ne peuvent pas tous être déposés dans des puits désaffectés. Habituellement, les résidus ont une densité d'à peu près la moitié de celle du minerai in situ et ils prennent plus de deux fois plus de place que le volume original de minerai.

La province a affirmé que toutes les solutions de remplacement, que ce soit le stockage souterrain ou le dépôt dans un puits à ciel ouvert, pourraient être étudiées pendant le processus d'approbation, une fois que tous les intéressés comprendront mieux les détails de l'exploitation minière.

Faisant valoir une autre solution de remplacement, la nation Innu a souligné la nécessité de réduire au minimum le nombre de sites de stockage des déchets miniers et elle a proposé de limiter ces sites à un seul bassin hydrographique pour atténuer les effets environnementaux. Étant donné l'énorme valeur écologique du bassin hydrographique du ruisseau Reid, la nation Innu a suggéré de remettre en question l'utilisation du lac Headwater et de songer à déposer tous les résidus dans le North Tailings Basin qui serait d'abord agrandi, et d'adopter l'option 3 pour l'évacuation des stériles à très basse teneur.

6.1.3 Désaffectation des bassins de résidus

Au moment de fermer la mine, la VBNC se propose de construire des barrages-déversoirs permanents pour permettre l'écoulement des bassins tout en maintenant un franc bord de 5,5 m pour prévenir tout déversement intempestif. Les talus des digues à résidus seraient adoucis et on installerait d'autres ouvrages de contrôle de l'érosion pour assurer la stabilité à long terme. En ce qui concerne le North Tailings Basin, les digues de dérivation seraient supprimées et les eaux d'écoulement seraient détournées de façon à les faire passer par le bassin, comme auparavant. La société minière se chargerait d'enlever les ouvrages et les installations inutiles et s'emploierait régénérer les végétaux sur les surfaces exposées. Les activités de désaffectation seraient conçues de manière à assurer que les résidus et les déchets rocheux placés dans les bassins de résidus restent submergés en permanence, pour empêcher l'acidification, et sous une couche d'eau assez épaisse pour prévenir la remise en suspension des résidus.

La VBNC a l'intention de continuer à traiter l'eau des deux bassins de résidus jusqu'à ce que cette eau soit assez pure pour être libérée telle quelle dans l'environnement. La VBNC se propose d'étudier, comme mesure d'appoint, la méthode qui consiste à poser des barrières passives sur les résidus pour réduire le flux de contaminants. Une fois rendus assez propres pour être libérés, les effluents du lac Headwater seraient évacués vers l'est dans le bassin hydrographique de la baie Throat, et les effluents du North Tailings Basin seraient rendus à leur écoulement naturel dans le ruisseau en aval de la digue N2, pour se déverser ensuite dans la baie Kangeklualuk. Des participants ont discuté de la possibilité de retourner au bassin hydrographique du ruisseau Reid la totalité ou une partie des eaux de déversement du lac Headwater. Selon la VBNC, il serait possible de procéder ainsi si la qualité de l'eau est acceptable le moment venu. La commission constate que la VBNC n'a pas défini les normes de cette acceptabilité. Au minimum, les normes adoptées devraient être compatibles avec le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux, mais elles pourraient aussi être plus rigoureuses, selon les exigences propres l'emplacement.

Conclusions et recommandations

La commission en conclut que le processus de sélection des sites suivi par la VBNC était judicieux et tenait compte des facteurs environnementaux. La commission croit que la société minière a choisi les meilleures options naturelles possibles. Les ratios stockage et digue sont élevés, et le fait que les résidus évacués dans le lac Headwater seront placés sous le niveau naturel du débit sortant constitue une mesure de sauvegarde importante pour empêcher le déversement accidentel de résidus dans le bassin hydrographique sensible du ruisseau Reid.

Puisque la sécurité à long terme des installations de stockage des résidus dépend de l'intégrité des digues périmétriques, la commission est d'avis que la conception et l'entretien des digues seront cruciaux. La commission n'a reçu aucune preuve laissant entrevoir des défauts ou des insuffisances dans les plans des digues proposées, mais elle croit tout de même que la VBNC ferait preuve de prudence en se renseignant sur les travaux du même genre exécutés ailleurs, en particulier dans des zones climatiques semblables.

La VBNC a assuré à la commission que toutes les digues seraient conçues en tenant compte des pires possibilités de séisme et que les talus des digues seraient stabilisés et adoucis au moment de la désaffectation. La commission croit également que la VBNC devrait prendre les dispositions nécessaires pour capter les eaux d'infiltration, le cas échéant.

La commission pense que les plans proposés permettraient à la VBNC de maintenir la couverture aquatique voulue dans les deux installations de stockage des résidus pendant les années de sécheresse. Durant les années normales de la période d'exploitation, le lac Headwater aurait un excédent d'eau de 0,26 million de mètres cubes, et le North Tailings Basin, un excédent de 2,68 millions de mètres cubes. Au cours des années de sécheresse exceptionnelle, la société minière pourrait prendre des mesures correctives, par exemple, utilisation de plus grandes quantités d'eau recyclée ou, au besoin, réduire ou arrêter la production.

Recommandation 7

La commission recommande que la VBNC

  • s'assure que la conception finale de toutes les digues comporte des dispositions tenant compte des pires possibilités de séisme;
  • évalue les pratiques optimales de gestion environnementale utilisées au Canada et ailleurs pour ce qui est de la conception et de la construction de digues, pour déterminer les dispositions à prendre pour le captage et le traitement des eaux d'infiltration;
  • élabore un programme d'inspection de sécurité des digues, ainsi qu'un programme d'entretien des digues, et qu'elle les mette en uvre à toutes les étapes du projet.

La commission est d'accord à propos de l'utilisation par étapes du lac Headwater et de l'aménagement ultérieur du North Tailings Basin, en fonction des résultats de l'estimation finale du volume de minerai et de l'évaluation constante des solutions de remplacement, tel qu'indiqué précédemment. La commission est convaincue que la VBNC devrait étudier à fond la possibilité de stocker les résidus et les stériles dans des puits à ciel ouvert et sous terre, de façon à éviter l'aménagement du North Tailings Basin. Cette solution permettrait de réduire l'empreinte du projet, d'éviter la perturbation d'un autre bassin hydrographique et d'amoindrir les pertes d'habitat du canard arlequin.

Recommandation 8

La commission recommande que la VBNC, avant de mettre en service le North Tailings Basin, évalue la possibilité d'utiliser le puits de mine désaffecté du gisement Ovoid comme site de stockage de résidus ou de stériles. La société minière devrait aussi, lorsqu'elle disposera d'échantillons industriels, évaluer jusqu'à quel point les stériles et les résidus acidogènes conviennent comme matériau de remplissage souterrain. Pendant cette évaluation environnementale, la VBNC devrait se mettre à la recherche de la meilleure technologie actuelle pouvant servir à l'évacuation des résidus, et étudier les résultats du programme de surveillance du canard arlequin (voir la recommandation 65). Cette évaluation devrait être soumise à l'examen et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement que l'on propose de créer.

6.2 Gestion des stériles non minéralisés

La VBNC a l'intention de stocker environ 22 millions de tonnes de stériles non acidogènes dans deux sites de surface adjacents au puits à ciel ouvert (se référer à la carte à la page 48, une carte de l'emplacement du projet). Plus de 90 pour cent de tous les stériles sont non réactifs. Le site de stockage de l'Est est conçu pour contenir 18 millions de tonnes de roche de mine, et celui du Nord, quatre millions de tonnes. De plus, environ neuf millions de tonnes de morts-terrains seraient stockés dans un site prévu à cet effet dans la partie sud du projet.

La VBNC a soumis les divers genres de roche de mine à des essais statiques et cinétiques pour déceler les matériaux potentiellement acidogènes et déterminer les taux de réactivité correspondants. Les essais ont aussi montré que la teneur en sulfure était un bon indicateur de la teneur en métaux; le nickel est le principal métal qui préoccupe dans les lixiviats de roche de mine réactive. La VBNC se propose d'utiliser la teneur en soufre pour distinguer entre les déchets rocheux réactifs et ceux qui sont non réactifs. Les déchets contenant moins de 0,2 pour cent de soufre seraient stockés en surface et le reste serait traité comme réactif et stocké sous l'eau dans le lac Headwater. Cette façon de procéder se compare aux directives en vigueur en Colombie-Britannique, qui recommandent une limite de démarcation à 0,3 pour cent de teneur en soufre, et aux suggestions d'un expert de la nation Innu selon lequel les stériles ayant une teneur en soufre supérieure à 0,1 pour cent devraient être gérés comme déchets réactifs. La société minière a déclaré qu'une quantité minime seulement des déchets se situait dans cette fourchette critique.

Ayant déterminé que la troctolite était acidogène, la VBNC a l'intention de l'évacuer entièrement sous l'eau. Pour ce qui est du puits à ciel ouvert, la presque totalité du gneiss était caractérisé comme non réactif, bien que de petites quantités de gneiss à haute teneur en soufre soient associées l'auréole de contact de la troctolite. On peut différencier visuellement la troctolite et le gneiss. Les essais menés sur les morts-terrains montrent qu'ils ne sont pas acidogènes.

Pendant l'exploitation de la mine, le dynamitage pourrait entraîner le mélange des types de roche. La VBNC a cependant affirmé que si du minerai se retrouvait mélangé à des stériles, le matériau ainsi constitué serait envoyé au concentrateur. Pour évaluer la teneur des stériles, la société minière a l'intention d'élaborer un protocole sous la forme d'une procédure de prélèvements périodiques d'échantillons et d'analyse de ces échantillons sur place avant que la caractérisation de l'empilement de roches ne soit déterminée. Les essais se poursuivraient jusqu'à ce que toutes les roches aient été triées soigneusement à l'aide d'autres techniques comme la différenciation visuelle. Pendant la construction du projet, la société minière se doterait d'installations temporaires d'analyse pour tester les déchets rocheux provenant des routes et des puits d'emprunt.

Environnement Canada, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont dit s'inquiéter de la possibilité que les sites de stockage des stériles rejettent des contaminants dans l'environnement. Ce qu'ils craignaient précisément, c'est que des matériaux acidogènes finissent dans des sites de stockage pour stériles non acidogènes qui ne produisent pas. La commission a alors appris qu'une caractérisation prudente de la roche de mine pour distinguer entre les stériles réactifs et les stériles non réactifs, ainsi qu'un procédé efficace de tri des roches pendant l'extraction, sont deux procédures essentielles permettant d'éviter de stocker des stériles réactifs la surface du sol. Ces procédures doivent être vérifiables et ne laisser aucune place à l'erreur, quelles que soient les conditions d'exploitation, y compris la prévision des pires conditions atmosphériques.

Les participants voulaient aussi que la VBNC s'assure que les empilements de déchets stockés à la surface du sol se comportent conformément aux normes prévues, et ont demandé à la société minière de prévoir des mesures pour aborder tous les problèmes éventuels.

La VBNC a l'intention de poursuivre les essais visant à vérifier les prévisions relatives au comportement à long terme de la roche de mine. Un système de tranchées de drainage capterait les eaux s'écoulant des sites de stockage de la roche de mine et les dirigerait vers le bassin de décantation et de contre-foulement au sud. Le captage des eaux de drainage permettrait à la VBNC de traiter toutes les eaux contaminées avant de les évacuer. En réponse à une recommandation d'Environnement Canada, la société minière a accepté de mettre en uvre un programme de vérification et de surveillance des stériles sur les lieux et d'élaborer un plan d'urgence qui sera activé si l'on trouve des matériaux réactifs dans les empilements de stériles non minéralisés qui y sont stockés.

Les participants ont soutenu aussi que la VBNC devrait utiliser au maximum la roche de mine non réactive comme agrégat dans les travaux de construction, pour réduire au minimum le besoin de mettre en service d'autres carrières et sites d'emprunt. La société minière a signalé qu'elle traiterait les stériles non minéralisés comme matériau prioritaire pour la construction, mais que ce matériau ne serait pas disponible pendant les premières années d'existence de la mine.

La commission en conclut que les opérations de tri des déchets acidogènes nécessiteraient une attention minutieuse. Comme l'a expliqué la VBNC, le gisement Ovoid contient de grandes quantités de stériles à teneur nulle en minéraux sulfurés. Les roches qui contiennent effectivement des sulfures ont une apparence différente ou se trouvent seulement dans des zones qui sont proches des emplacements principaux de minerais sulfureux. La commission croit qu'une bonne planification des travaux de la mine, conjuguée à des méthodes judicieuses de dynamitage, pourrait réduire au minimum les risques de mélange du minerai réactif avec des stériles non réactifs. Le volume de matières mélangées serait donc assez petit pour que la VBNC puisse l'acheminer en entier vers l'usine de concentration, tel que proposé.

Les participants ont peu parlé de la façon dont la VBNC s'y prendrait pour trier les matières acidogènes dans ses installations d'extraction souterraine. Ce tri devrait probablement être plus facile sous terre mais, par contre, il pourrait s'avérer plus difficile de séparer constamment les roches acidogènes dans le système de manutention des déchets. Pour y arriver, la VBNC devra peut-être accroître la souplesse de ce système lorsqu'elle procédera à la conception de la mine.

Recommandation 9

La commission recommande que la VBNC

  • élabore et mette en uvre, pendant toute la durée du projet, un programme de vérification et de contrôle des stériles provenant des puits à ciel ouvert et de l'exploitation souterraine et stockés à la surface du sol;
  • élabore des méthodes en vue de séparer tous les déchets qui proviennent de zones potentiellement acidogènes, mais qui sont triés comme non acidogènes, et de diriger ces déchets vers un site d'évacuation particulier, pour que la société minière puisse prendre des mesures d'atténuation si la surveillance révèle un problème;
  • décrive les plans d'intervention d'urgence qu'elle mettra en uvre, en particulier son plan de gestion des eaux de ruissellement si l'on découvre des roches réactives dans les empilements de stériles non minéralisés;
  • s'assure que le système de manutention des déchets conçu pour l'exploitation souterraine permettra d'exécuter séparément la manutention et l'évacuation des stériles acidogènes.

6.3 Questions relatives à la qualité de l'eau

Le procédé de concentration proposé comporte une installation complexe de manutention de l'eau. En période de crête d'activité, cette installation utiliserait quelque 11 millions de mètres cubes d'eau par an pour traiter le minerai extrait du puits à ciel ouvert. Une bonne part de cette eau serait recyclée, mais 5,4 millions de mètres cubes seraient rejetés dans l'anse à Edward chaque année pendant l'exploitation du puits à ciel ouvert. Il s'agirait du seul rejet d'eau dans l'environnement. Voici quelles en seraient les sources principales :

  • 1,1 million de mètres cubes d'eau douce proviendraient du lac Camp;
  • un volume net de 2,32 millions de mètres cubes proviendrait de la zone de drainage du lac Headwater;
  • le reste proviendrait des eaux de ruissellement du site et du dénoyage du puits à ciel ouvert.

Pendant la période d'exploitation souterraine, le volume d'eau déversé dans l'anse à Edward augmenterait à 7,5 millions de mètres cubes, le supplément de volume provenant du North Tailings Basin. En outre, 2,68 millions de mètres cubes d'eau excédentaire seraient évacués du North Tailings Basin dans la baie Kangeklualuk.

Selon les prévisions de la VBNC, l'eau évacuée dans l'anse à Edward sera d'une qualité bien supérieure aux critères imposés par le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux ou par le ministère de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve et du Labrador. A titre d'exemple, les tout derniers essais pilotes laissent prévoir des concentrations de nickel inférieures à 0,01 mg/L, alors que le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux prévoit une moyenne mensuelle de 0,5 mg/L.

6.3.1 Équilibre hydrologique

Le maintien de l'équilibre hydrologique nécessite un système complexe de manutention de l'eau. Pour réduire les besoins en matière d'épuration de l'eau, une première vidange du lac Headwater enlèverait à peu près 8 millions de mètres cubes d'eau et abaisserait le niveau de l'eau à 84 m au-dessus du niveau de la mer. L'équilibre hydrologique du lac Headwater serait maintenu en vidangeant vers l'usine de broyage un volume annuel estimatif de 5,18 millions de mètres cubes d'eau de traitement recyclée, un excédent de 0,26 million de mètres cubes d'eau étant dirigé vers la station d'épuration. La première vidange proposée du North Tailings Basin enlèverait quatre millions de mètres cubes d'eau et abaisserait le niveau de l'eau à 124 mètres au-dessus du niveau de la mer. De l'eau récupérée serait aussi tirée du North Tailings Basin pour être utilisée dans les procédés de concentration. L'excédent d'eau serait traité, au besoin, dans une station d'épuration réservée à cette fin et située au bassin, et canalisé ensuite vers la baie Kangeklualuk où il serait rejeté au moyen d'un diffuseur.

Les participants ont mis en doute la nécessité de disposer de deux stations d'épuration d'eau et de deux points d'évacuation des effluents. La station d'épuration située au North Tailings Basin est conçue dans le but de traiter l'excédent d'eau évacuée pendant l'exploitation de la mine et toutes les eaux évacuées à l'étape de la désaffectation. Puisqu'il y aurait une canalisation de retour de l'eau vers la station d'épuration principale, on pourrait peut-être diriger les eaux évacuées vers cette station. La VBNC a affirmé que, pour procéder ainsi, il faudrait accroître la capacité de pompage et d'épuration de la station principale; la société minière a quand même ajouté que cette possibilité serait étudiée lors de l'élaboration des plans futurs. Cette question est abordée en détail au chapitre 9, Effets d'origine terrestre sur l'environnement marin.

Des experts de la nation Innu et d'Environnement Canada ont dit à la commission qu'il fallait prendre des mesures pour recycler l'eau le plus possible puisqu'en le réduisant, on augmenterait d'autant les prélèvements d'eau douce et les volumes d'eau à épurer avant de les évacuer comme effluents. En outre, si la société minière recycle moins d'eau que prévu, il faudra que les installations d'épuration soient conçues de manière à pouvoir traiter la totalité des volumes d'eau qui nécessite une épuration. Environnement Canada a laissé entendre que les faits observés n'appuient pas les allégations de la VBNC à l'effet qu'elle serait capable de composer avec les volumes accrus sans augmenter de façon significative la charge de résidus dans l'anse à Edward.

6.3.2 Qualité de l'eau

La VBNC a prévu que l'eau des bassins de résidus et l'eau interstitielle des résidus contiendraient de petites quantités de métaux lourds, principalement de nickel, à des concentrations inférieures à celles indiquées dans le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux. La société minière a prévu aussi des niveaux élevés d'ammoniac, introduit par l'utilisation d'agents explosifs à l'ammonium et au nitrate fuel. La VBNC atténuerait l'acidification possible des bassins en y mettant de la chaux. La commission remarque que les résultats des essais pilotes continus effectués par la VBNC ont confirmé jusqu'ici plusieurs des prévisions de l'étude d'impact environnemental, les seules exceptions étant des niveaux de sulfosels plus élevés que prévu et des niveaux de fer moins élevés que prévu.

Environnement Canada a manifesté des craintes quant à la nécessité d'empêcher ou de réduire au minimum les effets liés à l'acidification des bassins de résidus, surtout en ce qui concerne la production de sulfosel. Les sulfosels se forment dans les milieux alcalins et sont le produit instable de l'oxydation intermédiaire des minéraux sulfurés. L'oxydation des sulfosels peut acidifier les bassins de résidus et libérer des métaux dans la tranche d'eau. De plus, les sulfosels présents dans l'eau recyclée peuvent amoindrir la récupération des métaux, réduisant ainsi les volumes d'eau recyclée disponibles à l'usine et accroissant les prélèvements d'eau douce.

Environnement Canada et Ressources naturelles Canada ont affirmé qu'il était difficile de prévoir et de contrôler la production de sulfosels, parce que ceux-ci résistent aux procédés conventionnels de traitement des effluents. Les sulfosels sont peu toxiques, mais il est possible de les oxyder à l'aide de bactéries pour en abaisser le pH. Leur acidité peut être saisonnière. Pour le moment, les sulfosels sont traités par dégradation naturelle dans des bassins, mais le Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie est en train de former et de coordonner un consortium chargé d'étudier des méthodes de gestion des sulfosels qui permettront d'en réduire au minimum les effets environnementaux et d'optimaliser la récupération des métaux.

La VBNC soutient que les sulfosels n'ont posé aucun problème de récupération des métaux pendant les essais à l'usine pilote, même lorsque l'usine fonctionnait entièrement à l'eau recyclée. De plus, puisque les sulfosels sont un produit du procédé de concentration, ils sont introduits dans les bassins de résidus uniquement à l'étape de l'exploitation. Avec le temps, ils s'oxydent et se changent en sulfates dans les bassins. Si les bassins s'acidifient, la VBNC croit pouvoir neutraliser la quantité d'acide produite en ajoutant seulement 300 tonnes de chaux dans le bassin par la canalisation pour les résidus.

Environnement Canada a également exprimé des inquiétudes à la commission au sujet des effets liés à l'émission d'ammoniac dans l'environnement. L'ammoniac est toxique sous sa forme ionique, qui advient dans des milieux pH élevé. Environnement Canada craint que de hauts niveaux d'ammoniac dans des effluents à pH élevé puissent être mortels pour les poissons. La VBNC prévoit que la concentration d'ammoniac se situerait en dessous de 0,180mg/L et que, même si le pH des bassins de résidus est élevé pendant la période d'exploitation, la société minière ramènera le pH de tous les effluents à un niveau acceptable avant l'évacuation.

Environnement Canada s'inquiétait aussi des caractéristiques de décantation et de la stabilité chimique des boues qui seront évacuées avec les résidus. Étant donné que les flux de métaux émanant des boues pourrait influer sur les concentrations de métaux dans l'eau des bassins et accroître le besoin en eau d'appoint, il faut absolument disposer de prévisions exactes relativement aux volumes de boues. Environnement Canada s'est intéressé tout particulièrement à la façon dont s'y prendrait la VBNC pour surveiller les boues et pour gérer les boues pendant les périodes de fermeture et après la désaffectation du complexe minier.

La VBNC prévoit que le volume de boues produites se situerait entre 4 000 et 6 000 tonnes sèches par an. Les boues seraient composées principalement d'hydroxyde ferrique, mais elles contiendraient aussi de petites quantités d'autres métaux lourds. Selon la société minière, puisqu'il y aurait probablement des hydroxydes dans les résidus, il ne faut pas s'attendre à ce qu'une augmentation graduelle des niveaux d'hydroxydes nuise à la qualité de l'eau des bassins. La VBNC soutient que les résidus offrent un environnement géochimique stable pour le stockage des boues à long terme, mais elle s'engage tout de même à achever les essais sur la stabilité des boues. Les essais de décantation réalisés à l'usine pilote montrent que les boues se décantent rapidement et que, lorsqu'elles sont évacuées avec les résidus, elles peuvent améliorer la décantation des solides. La société minière estime que le scénario proposé d'évacuation conjuguée supprimerait aussi le besoin de construire une autre installation de gestion des résidus.

Conclusions et recommandations

La commission en conclut que l'exploitation de l'usine de concentration proposée pourrait produire des concentrations d'effluents bien inférieures aux normes d'évacuation. La commission se rend compte également que les résultats des essais pilotes ne sont que des indicateurs et que la VBNC serait tenue de surveiller et de gérer constamment le processus pour atteindre des résultats semblables dans les conditions variables qui existeraient lors de l'exploitation de cette usine. De plus, les normes prescrites par le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux font actuellement l'objet d'une révision, et la commission estime que l'exploitation de cette usine devrait s'effectuer non pas selon les normes de déversement, mais plutôt selon les meilleures normes réalisables.

La quantité d'eau recyclée et l'accumulation des contaminants dans l'eau de traitement nuiraient considérablement à la qualité de l'eau. C'est pourquoi la commission formule les recommandations qui suivent.

Recommandation 10

La commission recommande que la VBNC élabore plus à fond ses plans de recyclage de l'eau, en consultation avec Environnement Canada, en y intégrant

  • des méthodes propres à maximaliser le volume d'eau recyclée de qualité acceptable, en tenant compte des facteurs susceptibles de limiter l'utilisation de l'eau recyclée dans les procédés de concentration;
  • des plans d'intervention d'urgence permettant de répondre à la possibilité d'un accroissement des besoins en matière de prélèvement d'eau brute et d'épuration des eaux usées.

Recommandation 11

La commission recommande que la VBNC intègre à son plan de protection de l'environnement, en consultation avec Environnement Canada,

  • des procédures de prévention de la pollution qui mettent en uvre les pratiques optimales de gestion pour réduire au minimum la production de sulfosels;
  • des procédures de prévention de la pollution qui concilient les niveaux de pH et les concentrations d'ammoniac dans les bassins et les effluents, en tenant compte de l'accumulation possible d'ammoniac sous la glace;
  • un plan de gestion des boues qui tienne compte des solutions de remplacement en matière d'évacuation des boues, de la possibilité à long terme de la dissolution de métaux émanant des boues stockées avec les résidus, et des implications relativement aux périodes de fermeture de l'usine et à la désaffectation du projet.

6.4 Question relatives à l'eau du puits à ciel ouvert

Une fois le gisement Ovoid épuisé, la VBNC se propose de stabiliser les parois latérales du puits et de le laisser se remplir d'eau. Comme on l'a vu plus haut, un bon nombre de participants ont suggéré que la société minière commence par remplir le puits désaffecté de stériles acidogènes ou de résidus avant la désaffectation finale. Plusieurs ont également mentionné des problèmes susceptibles de retarder le noyage du puits. Peu importe la décision finale, tous les participants ont insisté sur le fait suivant : non seulement le puits à ciel ouvert se trouve dans le bassin hydrographique du ruisseau Reid, mais on peut appréhender la possibilité long terme d'une migration des eaux souterraines vers le ruisseau lui-même. En outre, pendant les séances de détermination des problèmes et des priorités, des membres de la collectivité ont dit nourrir des craintes au sujet de l'interaction de la faune, surtout le caribou, avec le puits noyé.

6.4.1 Noyage du puits à ciel ouvert

La VBNC a proposé, après l'épuisement du gisement Ovoid, de noyer le puits afin de diminuer la production d'acides. Selon les hypothèses de la société minière, le noyage prendrait six ans si des dérivations d'eau étaient dirigées vers le puits, et 16 ans sans dérivations. On croit qu'il est essentiel de noyer le puits au plus tôt pour des raisons de contrôle de la qualité de l'eau. L'Association des Inuit du Labrador craint que, avant le noyage du puits, il faille rassembler d'abord plus de renseignements sur les effets du noyage, sur le temps que prendra le noyage et sur la production d'acides par les roches à teneur sulfureuses qui affleurent sur les parois du puits avant le noyage. Le gouvernement provincial a déclaré qu'il faudrait prendre des précautions extrêmes si le noyage risquait de compromettre la sécurité de l'exploitation souterraine. La province a ajouté qu'elle ne permettrait à la VBNC de noyer le puits advenant l'existence d'un tel risque.

La VBNC a présumé que la qualité de l'eau du puits noyé serait semblable celle de l'eau des bassins de résidus, mais les participants ont dit craindre que cette hypothèse soit exagérément optimiste. La nation Innu et Environnement Canada ont affirmé qu'une longue exposition des parois du puits à l'oxydation, et la nature chimique inconnue des eaux souterraines, pourraient éventuellement dégrader la qualité de l'eau. De plus, comme il serait impossible de noyer des éléments sulfureux à la surface de la paroi du puits en direction de la colline Discovery, la société minière pourrait se voir obligée d'utiliser une méthode permettant d'empêcher l'oxydation à ces endroits.

Si le besoin s'en fait sentir, la VBNC a l'intention de continuer à pomper l'eau du puits pour l'épurer et la rejeter ensuite dans l'anse à Edward, et ce jusqu'à ce que la qualité de l'eau atteigne les normes de rejet.

6.4.2 Hydrologie du puits à ciel ouvert

Les participants ont manifesté des préoccupations au sujet du temps qu'il faudrait, selon les prévisions, pour que l'eau souterraine du puits à ciel ouvert se rende au ruisseau Reid. L'étude d'impact environnemental donnait une période de 200 à 1 000 ans, mais les calculs d'un expert de la nation Innu laissaient plutôt entrevoir une période de quelques décennies. Pour éclaircir la question, la VBNC a présenté ses propres calculs selon lesquels il faudrait 475 ans pour que l'eau du puits atteigne les terres humides à la base de la colline Discovery, en supposant un cheminement d'un kilomètre. La société minière a dit qu'il ne serait pas réaliste de s'attendre à ce que se crée une voie directe d'écoulement des eaux vers le ruisseau Reid.

La VBNC a indiqué que la contamination de la nappe phréatique ne poserait pas problème parce que le gradient hydrodynamique irait dans la direction du puits pendant l'exploitation de la mine et le noyage du puits. La VBNC poursuivrait la vidange du puits afin de maintenir le gradient hydrodynamique en direction du puits jusqu'à ce que la qualité de l'eau soit satisfaisante et permette un écoulement dans les eaux de surfaces et dans les eaux souterraines.

La commission en conclut que la VBNC devrait envisager le remblayage du puits à ciel ouvert. Toutefois, avant même de commencer à creuser, la société minière devrait établir un plan de réhabilitation afin de pouvoir remplir le puits rapidement, de remblayer le puits ou de conserver un puits dénoyé, si la sécurité souterraine l'exige. Le but visé, en fin de compte, est d'obtenir la meilleure qualité d'eau possible aussi rapidement que possible, pour retourner le flux en direction du ruisseau Camp et de créer un paysage agréable à voir et fonctionnel sur le plan écologique.

Recommandation 12

La commission recommande que la VBNC élabore un plan à long terme de gestion et de réhabilitation du puits à ciel ouvert. Le plan devrait être soumis à l'examen et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement et comprendre les éléments suivants :

  • la modélisation permanente et la vérification en laboratoire de l'évolution de la qualité de l'eau dans le puits noyé, des taux d'évacuation, ainsi que du genre et de la durée du traitement nécessaire;
  • une stratégie visant à diminuer le temps d'exposition des parois du puits avant le noyage, qui sera élaborée en évaluant les pratiques optimales de gestion de l'environnement;
  • un train de mesures visant la réhabilitation de la région environnante, pour y favoriser la sécurité de la faune et la création graduelle d'un habitat côtier convenable.

La commission juge enfin que les voies de cheminement possible des eaux d'écoulement entre le puits ouvert et le ruisseau Reid pourraient et devraient être surveillées à l'aide de puits de surveillance de l'eau souterraine placés à des endroits stratégiques; de cette façon, si des contaminants migraient à travers le substrat rocheux, la société minière serait alertée bien à l'avance. La VBNC devrait alors prendre des mesures correctives, lesquelles comprendraient vraisemblablement la vidange et l'épuration ininterrompues de l'eau du puits.

Recommandation 13

La commission recommande que la VBNC creuse une série de puits de surveillance entre le puits à ciel ouvert et le ruisseau Reid, et élabore des seuils pour les contaminants et un plan d'intervention d'urgence prévoyant des mesures correctives si des contaminants sont découverts dans les eaux souterraines s'écoulant vers le ruisseau Reid.

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7 Contaminants dans l'environnement

Pour établir les conditions de base, la VBNC a examiné les concentrations de métaux dans des échantillons d'eau, de sédiments, de sols et de tissus de certains organismes prélevés à des endroits représentatifs, adjacents au secteur du projet. Dans quelques cas, les valeurs de base mesurées pour certains métaux dans l'eau douce, l'eau de mer et les sédiments du secteur du projet, de même que dans certaines espèces benthiques et de poissons dépassaient les normes actuelles (la nature et l'ampleur des concentrations excessives n'étaient toutefois pas toujours clairement indiquées dans les documents présentés à la commission). Ces concentrations excessives sont considérées naturelles en raison de la présence de métaux mesurés dans la couche rocheuse ambiante. On note également des concentrations excessives de mercure dans les tissus de caribou, attribuées au fait que le lichen a absorbé le mercure transporté dans l'atmosphère à partir du sud.

A l'aide de son modèle breveté appelé IMPACTMD, l'entreprise Beak International a prédit que les métaux que la VBNC relâcherait dans l'environnement poseraient des risques pour les organismes vivants. IMPACTMD est un modèle probabiliste qui tient compte de plusieurs aspects : les voies de pénétration dans l'environnement et le devenir des métaux libérés; le comportement et les propriétés de ces métaux dans l'environnement, y compris la bioaccumulation dans les organismes; le risque qui en résulte pour les récepteurs biologiques, tels que le poisson, la faune et l'homme.

Beak International a tenu compte de la poussière et d'autres rejets atmosphériques en tant que sources de contamination possibles. La société a aussi examiné le rejet, dans les cours d'eau, des effluents traités, notamment les rejets de la mine à ciel ouvert et des installations de traitement du minerai et des concentrés, ainsi que les infiltrations et les fuites de surface l'étape suivant la fermeture dans les deux bassins de stockage des stériles. Elle a modélisé les effets sur l'environnement à diverses étapes du projet, y compris l'étape suivant la désaffection de la mine, sur une période de 140 ans.

La source première de presque tous les métaux pouvant être libérés dans l'environnement est la roche extraite de la mine elle-même. On a donc basé le modèle sur l'analyse de la roche des gisements Ovoid, Western Extension et Eastern Deeps, ainsi que de la composition et de la chimie de l'eau des résidus prévus. Comme l'a souligné Beak International, les résultats de la modélisation et leur interprétation dépendent fortement du niveau d'exactitude des prévisions de la VBNC relativement aux termes sources et au transport dans l'environnement. Beak International a décrit sa modélisation comme étant une « évaluation à l'étape de l'examen préalable et a suggéré d'utiliser les résultats pour définir les éléments sur lesquels devraient porter des évaluations plus détaillées et déterminer la nécessité des mesures d'atténuation et de surveillance additionnelles si des risques accrus graduels le justifiaient.

Beak International a examiné au départ huit métaux (cuivre, nickel, cobalt, plomb, zinc, cadmium, aluminium et arsenic); les analyses ont porté sur leur écotoxicité et la sensibilité biologique à ces métaux. Bien que le mercure soit un éventuel contaminant connu des aliments prélevés dans la nature (en particulier le poisson et la viande de mammifères marins) et qu'il suscite de profondes préoccupations dans le Nord canadien, il n'a pas été inclus dans le modèle initial. La commission a donc demandé des renseignements additionnels sur le potentiel contaminant du mercure; les renseignements ont été fournis par la VBNC.

L'exercice de modélisation a permis de prédire des modifications graduelles de la chimie de l'eau et des sédiments avec le temps, ainsi qu'une augmentation des taux de métaux absorbés par divers récepteurs aquatiques et terrestres, notamment les invertébrés vivant en eau douce et en eau marine, les poissons, la sauvagine, des mammifères marins et des mammifères terrestres de grande et de petite taille, choisis en raison de leur importance écologique et culturelle. On a calculé pour chaque récepteur les concentrations de métaux selon la voie de pénétration et on a comparé les données avec les valeurs de référence liées à l'apparition possible d'effets nocifs, pour établir un quotient de risque.

La modélisation a pris en considération la période durant laquelle chaque espèce serait présente dans le secteur éventuellement contaminé. La VBNC a utilisé les valeurs les plus élevées ou les plus défavorables pour déterminer les quantités absorbées, en se fondant sur les données propres au site lorsqu'elles existaient, sinon sur des données scientifiques reconnues. Lorsque la concentration d'un métal particulier se situait sous la limite de détection, on a présumé, aux fins de la modélisation, qu'elle correspondait la valeur limite. Une approche aussi prudente a pour résultat de surévaluer les effets éventuels sur l'environnement.

Le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a établi des objectifs de qualité de l'eau. Selon le modèle, la réalisation du projet entraînera un dépassement des seuils limites de contamination dans le cas des eaux douces et de leurs sédiments, mais pas dans celui des eaux marines et de leurs sédiments. On prévoit que les concentrations excessives seront dues aux infiltrations des bassins de stériles et aux fuites périodiques de la mine inondée vers le lac Camp. Les concentrations de contaminants dépasseraient alors les seuils limites de l'Environmental Protection Agency des États-Unis pour ce qui est des effets chroniques chez les gastropodes d'eau douce et l'omble de fontaine qui vivent dans ces secteurs. On observerait également des concentrations excessives de nickel et d'aluminium dans l'omble arctique qui vit dans le bassin hydrographique de la baie Throat et dans le fond de la baie Kangeklualuk durant la période suivant les activités de la mine. On ne prévoit pas de concentrations excessives pour les mammifères terrestres ou marins, ni pour les oiseaux, car les effets cumulatifs du projet demeureraient en deçà des seuils limites pour toutes les espèces animales comprises dans le modèle.

Tous les échantillons de roche de la mine et de stériles présentaient des concentrations de mercure inférieures aux limites de détection. Compte tenu de l'équilibre des facteurs en jeu, la VBNC prévoit que le risque de mobilisation du mercure dans l'eau n'augmentera pas. Il n'y aura pas d'accroissement de la biodisponibilité du mercure et les concentrations n'augmenteront pas suffisamment pour entraîner sa bioaccumulation ou sa bioamplification dans la chaîne alimentaire.

Par conséquent, la VBNC prévoit que les effets sur l'environnement des métaux libérés par la réalisation du projet seraient en grande partie indissociables des effets mineurs localisés, qui sont déjà dus à la présence naturelle des métaux. Elle prédit également que les contaminants n'auraient aucun impact sur les aliments prélevés dans la nature qui seraient consommés par les habitants de la région.

La VBNC a affirmé qu'elle surveillerait les concentrations des métaux compris dans le modèle, ainsi que d'autres métaux importants qui se trouvent dans l'eau, les sédiments et une partie du biote des bassins hydrographiques récepteurs, pendant toute la durée du projet.

Préoccupations du gouvernement et de la population

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada est d'avis que la VBNC n'a pas justifié sa position selon laquelle il n'y aurait pas de problème de mobilisation du mercure. Le ministère n'affirme pas que la mobilisation du mercure poserait effectivement un problème, mais indique que cette possibilité est réelle. Les principales préoccupations du ministère concernent l'incertitude des prédictions au sujet de la mobilisation du mercure et le comportement des métaux dans les sédiments et l'eau salée. Pour ce qui touche les prédictions fondées sur le modèle, le ministère se demande si le modèle IMPACTMD tient compte de la différenciation des espèces de métaux et s'il est en mesure de prendre en considération la complexité des effets du mercure sur les systèmes aquatiques. Pêches et Océans Canada questionne également la pertinence du choix de la VBNC de certains organismes macrobenthiques comme indicateurs et souligne l'incapacité du modèle de quantifier les probabilités. Le ministère note toutefois que les analyses chimiques de base faites sur les métaux par la VBNC sont compatibles avec les siennes et que les données sont comparables.

Pour sa part, le Service canadien de la faune d'Environnement Canada juge les prédictions de la VBNC au sujet du mercure optimistes, vu le problème potentiel de l'acidification, qui aurait pour effet de mobiliser le mercure, même s'il n'est présent qu'en très petites quantités. Le Service canadien de la faune trouve également insuffisantes les données de base sur les oiseaux et les mammifères. Il a par ailleurs relevé plusieurs problèmes techniques dans l'application du modèle des contaminants de la VBNC, même si certains d'entre eux se sont révélés être des erreurs de présentation. En général, le Service canadien de la faune considère que la VBNC a sous-estimé les risques de contamination de l'environnement.

Pêches et Océans Canada et le Service canadien de la faune ont fait des recommandations très similaires dans l'ensemble. Ainsi, ils ont recommandé que la VBNC :

  • prélève un plus grand nombre d'échantillons de base;
  • évalue, renforce et teste le modèle, en collaboration avec Pêches et Océans Canada et le Service canadien de la faune;
  • surveille la contamination éventuelle d'un large éventail d'espèces pendant toute la durée du projet et établisse un protocole pour l'interprétation des résultats et la prise des mesures correctives.

La Direction générale des Forêts et de la Faune de Terre-Neuve a par ailleurs recommandé qu'on procède à la surveillance de la contamination des petits mammifères.

Une spécialiste Innu a fait ressortir plusieurs lacunes méthodologiques dans le choix des données d'entrée et l'application du modèle IMPACTMD. Ces lacunes concernent principalement : l'utilisation de moyennes plutôt que d'une fourchette de valeurs, notamment en ce qui concerne le débit des cours d'eau et les bioconcentrations dans les organismes; le fait de ne pas avoir inclus les événements extrêmes; l'absence d'analyses de vulnérabilité. Par conséquent, il n'y a pas de prédiction liée au pire des scénarios. La spécialiste a déclaré qu'il fallait appliquer un modèle probabiliste et recueillir davantage de données sur les conditions de base pour permettre au modèle d'évaluer un éventail adéquat de situations qui lui sont soumises pour traitement.

Les spécialistes de l'Association des Inuit du Labrador ont fait plusieurs recommandations : examiner toutes les données disponibles, prélever des échantillons supplémentaires pour combler les lacunes, définir conjointement des objectifs de surveillance et mettre sur pied un programme de surveillance qui engloberait notamment les secteurs utilisés pour les activités fauniques. Ils ont insisté sur la nécessité d'adopter, à l'égard des contaminants, une démarche qui puisse tenir compte des effets cumulatifs. Ils ont aussi fourni un cadre spatial pour la modélisation des sources, des voies de pénétration et des récepteurs dans le secteur touché par le projet.

La VBNC a répondu qu'elle avait procédé à une analyse déterministe, et non probabiliste, et qu'elle avait utilisé dans tous les cas des valeurs prudentes pour prédire les effets dans le pire des scénarios. Elle a fourni une comparaison des concentrations de métaux prévues et mesurées dans certaines plantes et organismes aquatiques, pour démontrer que le modèle avait tendance à surévaluer l'accumulation des métaux. La VBNC souligne que le modèle ne devait pas servir à prédire le risque plus ou moins grand de toxicité aiguë découlant d'événements accidentels, mais plutôt les effets d'une exposition chronique faible sur des organismes pour une période prolongée. Elle ne croit pas qu'il faille effectuer d'autres études avant le début des travaux de construction. Elle s'est toutefois dite prête examiner la question de la modélisation avec toutes les parties, à envisager la possibilité de surveiller les effets des contaminants sur la faune et à examiner le protocole d'interprétation des résultats de concert avec Pêches et Océans Canada et le Service canadien de la faune. La VBNC réitère son point de vue relativement au fait que l'évaluation du projet n'a pas tenu compte du mercure, parce que les activités du projet n'auraient pas pour effet d'accroître les taux de mercure actuels dans les organismes vivants du secteur.

Conclusions et recommandations

La commission considère que la VBNC a fourni, aux fins de l'évaluation environnementale, des données de base adéquates concernant les contaminants dans l'eau, les sédiments et le biote des secteurs adjacents au site du projet. La commission donne également son accord de principe à l'approche de modélisation utilisée par la VBNC, considérant notamment :

  • qu'il était pertinent d'aborder l'évaluation à l'aide d'un modèle déterministe basé sur des données prudentes;
  • que la démarche fondée sur un examen préalable était adéquate aux fins de l'évaluation environnementale.

La commission considère que les termes sources sont pertinents et que les valeurs et les hypothèses utilisées pour l'exercice de modélisation avaient tendance à surestimer plutôt qu'à sous-estimer les risques de contamination par les métaux.

Selon les études réalisées jusqu'à maintenant, il semble que les activités du projet soient peu susceptibles de libérer dans l'environnement des métaux à des concentrations pouvant représenter un risque important pour le poisson, la faune ou les humains. Aucune hypothèse claire (par opposition des préoccupations) n'a été présentée à la commission, indiquant que les métaux libérés constitueraient une menace sérieuse pour l'écosystème et la santé humaine, hypothèse qui serait fondée sur des données faisant état de la façon dont ces métaux sont libérés et mobilisés et deviennent biodisponibles, ainsi que de la bioaccumulation et de la bioamplification éventuelles dans les organismes et les chaînes alimentaires de la région Landscape.

La commission note que, bien que l'on prédise que les concentrations de certains métaux, notamment le nickel, le cuivre et l'aluminium, excéderont les seuils limites dans les secteurs entourant le site du projet, on sait que ces métaux ne connaissent pas une bioaccumulation ou une bioamplification importante dans la chaîne alimentaire. Même s'ils s'accumulaient à des concentrations dangereuses pour les organismes aquatiques à certains endroits, ce qui semble improbable, ces métaux ne deviendraient pas dangereux pour les espèces prédatrices car ces espèces ne résident pas dans ces lieux. Ces métaux ne poseraient donc pas de risque pour les humains.

Néanmoins, la commission est d'avis que les contaminants représentent un aspect important de la réalisation du projet, puisqu'ils peuvent se retrouver dans les aliments traditionnels, rendant ainsi la consommation de cette nourriture dangereuse. Elle juge donc nécessaire de mettre sur pied deux programmes de surveillance distincts. L'un, sous la responsabilité de la VBNC, serait fondé sur des hypothèses et axé sérieusement sur les métaux et leurs effets environnementaux. L'autre serait de nature plus générale, portant surtout sur les aliments prélevés dans la nature et la salubrité de la chaîne alimentaire. Il s'agirait d'un programme coopératif relevant du Conseil consultatif de l'environnement.

Recommandation 14

La commission recommande que la VBNC mette sur pied un programme de surveillance adéquat portant sur les effets environnementaux des métaux et autres contaminants, en collaboration avec Pêches et Océans Canada, Environnement Canada, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu. Ce programme devrait comprendre un protocole régissant l'interprétation des résultats et la prise de mesures correctives. Il devrait être en place avant le début des travaux de construction et être sujet à des modifications continues, au besoin.

Compte tenu des préoccupations exprimées par divers participants et de l'avertissement donné par Beak International, il importe d'approfondir les aspects techniques et les objectifs du modèle utilisé aux fins de la surveillance.

Recommandation 15

La commission recommande que l'on mette en uvre un programme de surveillance continue des concentrations de contaminants dans les aliments directement puisés dans la nature au Labrador septentrional. Ce programme général devrait faire appel principalement à la collaboration des gouvernements, de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu; la VBNC devrait pour sa part fournir un soutien d'aide technique et matériel. A titre d'autorité responsable, le ministère des Pêches et des Océans du Canada devrait désigner l'organisme qui serait chargé de la supervision du programme. Cet organisme devrait assumer la plus grande part du financement du programme et fournir les ressources scientifiques nécessaires. La direction du programme devrait toutefois être confiée au Conseil consultatif de l'environnement. Ce programme général a comme objectifs de donner suite aux préoccupations de la population du nord du Labrador et de réduire au minimum les perceptions erronées concernant les effets réels du projet sur l'environnement de la région. Ce programme devrait porter sur les effets cumulatifs et synergiques des contaminants de toutes sources et prévoir des dispositions concernant l'interprétation et la diffusion continue des résultats auprès de la population régionale. Il devrait intégrer entièrement les connaissances et l'expérience acquises grâce au Programme fédéral de lutte contre les contaminants dans le Nord et établir des relations de coopération avec ce programme. Le programme de surveillance devrait veiller à ce que l'on possède des données de base convenables sur les concentrations (de métaux et d'autres contaminants) dans un large spectre du biote et à différents endroits représentatifs de la région. Le programme doit également recueillir auprès des organismes publics et privés concernés toutes les données sur les contaminants qui touchent la région. Ces données devraient être disponibles avant le début des travaux de construction, sous réserve de l'examen et des recommandations du Conseil consultatif de l'environnement.

Deux questions demeurent imprécises et nécessitent un examen plus approfondi. L'une a trait à la mobilisation potentielle du mercure. Il s'agit plus particulièrement de définir les conditions d'une acidification d'une intensité et d'une ampleur telles qu'elle pourrait accentuer la mobilisation du mercure et, le cas échéant, de déterminer si d'autres facteurs pourraient faire contrepoids à cette tendance. L'autre aspect concerne le comportement des métaux dans l'environnement et les sédiments marins. Il est question plus précisément de déterminer si les métaux seraient plus facilement absorbés par les organismes marins que ne l'a prévu la VBNC. Ces questions devraient être étudiées de manière continue dans le cadre du programme de surveillance des effets environnementaux, mais il faudrait aussi réaliser des recherches ponctuelles axées sur ces questions.

Recommandation 16

La commission recommande qu'Environnement Canada et le ministère des Pêches et des Océans du Canada élaborent conjointement un énoncé de position relativement à la question du mercure et qu'ils conçoivent un programme de recherches visant à déterminer, en fonction des paramètres du projet, comment le mercure pourrait se mobiliser dans l'environnement. Advenant que l'on puisse clairement présumer de l'existence un lien entre le projet et la mobilisation du mercure à des niveaux éventuellement préjudiciables aux poissons, à la faune ou aux humains, Environnement Canada, le ministère des Pêches et des Océans du Canada, ainsi que la VBNC devaient élaborer et financer un programme de recherche conjoint en vue de déterminer des mesures de prévention ou d'atténuation.

La question du comportement des métaux dans le milieu marin est abordée la recommandation 27.

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8 Les poissons d'eau douce et leurs habitats

Les différentes modifications et les activités inhérentes au projet pourraient toucher les poissons et les habitats qu'ils fréquentent dans huit bassins hydrographiques. La VBNC a recueilli des données sur les conditions de base de ces bassins. En outre, les eaux communiquent presque à l'année longue entre les décharges des ruisseaux Reid, Kogluktokoluk et Ikadlivik. En fait, le ministère des Pêches et des Océans du Canada considère le ruisseau Reid comme un affluent du système hydrographique plus vaste que constitue le bassin des ruisseaux Kogluktokoluk et Ikadlivik. Par conséquent, la VBNC a aussi recueilli des données sur les conditions de base de ce neuvième bassin hydrographique (voir la carte à la page 69).

Le projet étant situé dans une zone péninsulaire de haut-relief, les huit bassins hydrographiques sont petits, couvrant de 10 à 170 kilomètres carrés chacun. Même si la productivité aquatique est faible dans la région de Landscape comparativement à la productivité dans les régions plus au sud, les écosystèmes aquatiques des deux paysages écologiques de cette région diffèrent sensiblement. Dans les hautes terres, le peu de nutriments disponibles, les débits intermittents et les fortes pentes limitent le nombre d'habitats et la productivité des poissons. Par contre, la productivité est relativement supérieure dans les cours d'eau et les rivières plus larges qui serpentent dans les lits de sable et de gravier profonds que l'on retrouve dans les vallées des terres basses, qui sont bien végétalisées et protégées. Le système hydrologique des ruisseaux Kogluktokoluk, Ikadlivik et Reid, avec son delta estuarien, constitue un vaste habitat de poissons, surtout pour l'omble chevalier (ou omble de l'Arctique), et il est reconnu comme une des régions écologiques les plus riches de la région de Landscape et de la partie septentrionale du Labrador.

Les études menées sur le terrain par la VBNC ont permis de relever la présence des espèces de poissons suivantes dans la zone de l'évaluation : l'omble chevalier, la truite mouchetée, la truite grise, le ménomini rond, l'épinoche à trois épines et l'épinoche à neuf épines.

La mine, l'usine de concentration, le complexe d'hébergement, les installations de stockage de mort-terrain et de stériles, ainsi que l'installation initiale de gestion des résidus (au lac Headwater) seraient tous situés dans le bassin hydrographique du ruisseau Reid, de même que les voies de transport et près de la moitié de la route d'accès principale du projet. La VBNC propose toutefois de détourner vers d'autres bassins la grande partie des eaux de drainage directement touchées par les activités du projet, pour en réduire les impacts sur le ruisseau Reid.

Le North Tailings Basin, installation destinée à la gestion des résidus produits à l'étape de l'exploitation souterraine, détruirait les habitats dans trois lacs et aurait une incidence sur trois autres bassins hydrographiques cause du détournement des ruisseaux, des infiltrations dans les digues de rétention ou de l'écoulement de l'eau à l'étape postérieure à la désaffectation. La construction des routes d'accès connexes et d'un pipeline pour les résidus aurait aussi des répercussions sur ces lacs et ces bassins.

La VBNC a évalué les effets possibles de la construction prévue dans le cadre du projet, des activités courantes et projetées, ainsi que des événements impondérables comme le déversement de matières dangereuses, les incendies, les bris de pipeline pour résidus ou effluents, les bris de barrages, de même que l'inondation ou le lessivage des routes. L'évaluation des effets environnementaux possibles sur les poissons et les habitats a porté sur les rubriques suivantes :

  • perte d'habitats, causée par les détournements de cours d'eau ou les baisses de niveaux d'eau dans ces cours d'eau, ainsi que par la conversion de lacs en installations de gestion des résidus;
  • perte de poissons, qui surviendrait au début de l'exploitation dans les installations de gestion des résidus;
  • modification des habitats, causée par différentes activités qui peuvent modifier les débits d'eau, modifier les caractéristiques des littoraux ou occasionner des déversements de solides en suspension, de métaux ou d'autres produits chimiques.

Une modélisation des contaminants a été effectuée en vue de prévoir l'absorption de contaminants dans trois organismes d'eau douce représentatifs : l'omble de l'Arctique, la truite mouchetée et un gastropode d'eau douce non spécifié (voir le chapitre 7, Contaminants dans l'environnement).

La VBNC propose les activités suivantes pour protéger le ruisseau Reid et les autres systèmes hydrographiques :

  • consolider les installations et réduire les zones de dérangement;
  • déverser les effluents traités des deux installations de résidus et de l'usine dans les eaux salées de l'anse à Edward et de la baie Kangeklualuk;
  • utiliser le plus possible de l'eau recyclée, ce qui réduirait les prélèvements d'eau;
  • récupérer et traiter les eaux de drainage du complexe minier, déversant en bout de ligne les effluents à l'extérieur du bassin du ruisseau Reid;
  • détourner de façon permanente les rejets de l'installation de gestion des résidus du lac Headwater par le bassin de la baie Throat à l'étape qui suivrait la désaffectation.

Le plan de protection de l'environnement élaboré par la société comprendra d'autres mesures d'atténuation, notamment :

  • des installations et des pratiques de contrôle de l'érosion et des sédiments;
  • des procédures visant la protection des poissons et des habitats de poissons pendant différentes activités telles que le nivelage des routes, le dynamitage, l'excavation, le dragage et le déglacement des pistes d'atterrissage, activités dont il faudrait fixer le calendrier de façon à ce qu'elles ne coïncident pas avec les périodes de vulnérabilité des poissons;
  • l'éducation et la formation du personnel;
  • une politique d'interdiction de la pêche pour les employés.

Outre les processus d'évaluation environnementale fédéral et provincial, il existe trois mesures législatives dans le cadre réglementaire visant la protection des poissons et des habitats de poissons. En vertu de la Loi sur les pêches, le ministère des Pêches et des Océans réglemente, dans les cours d'eau et dans leurs environs, toutes les activités qui pourraient avoir des effets sur les habitats des poissons. Le paragraphe 35(1) stipule qu'il est interdit d'accomplir un travail ou une opération qui entraînerait « la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson ». Cependant, en vertu du paragraphe 35(2), le ministère pourrait autoriser la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson pour des activités liées à la mise en uvre du projet.

En 1986, le ministère des Pêches et des Océans adoptait la politique pour la gestion des habitats du poisson, qui établissait le concept de la « perte nette nulle » comme principe directeur. Ce principe, qui vise maintenir une capacité de production des habitats du poisson, prévoit le remplacement, selon chaque cas, des habitats dont la perte est inévitable. Par conséquent, quand Pêches et Océans Canada autorise la destruction de l'habitat du poisson, le promoteur doit négocier un plan de compensation d'habitat avec ce ministère et signer une entente contractuelle ayant force obligatoire. Pour étudier les options en matière de compensation, le ministère se réfère à un ordre de préférence défini dans la Politique pour la gestion des habitats du poisson. Cet ordre se résume ainsi :

  1. éviter la perte des habitats, en modifiant le projet, en le relocalisant ou en atténuant ses effets;
  2. remplacer la capacité d'habitat perdue sur le site même du projet ou à proximité;
  3. remplacer, à l'extérieur du site, la capacité d'habitat perdue ou augmenter la productivité des habitats qui existent pour les stocks touchés;
  4. Lorsque aucune des méthodes de remplacement d'habitats indiquées ci-devant n'est techniquement réalisable, suppléer à la perte de l'habitat de cette ressource halieutique à l'aide de la production artificielle. (Le ministère des Pêches et des Océans indique qu'il ne faut envisager ce procédé qu'en de rares occasions).

En vertu de la Loi sur les pêches, les déversements liquides du projet doivent aussi respecter les exigences du Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux, dont l'application est administrée par Environnement Canada. En outre, il faut obtenir un permis en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables pour tout travail susceptible de nuire la navigation publique, une disposition qui touche les installations de gestion des résidus.

En vertu de la réglementation sur le contrôle environnemental des eaux et des égouts adoptée par la province de Terre-Neuve et du Labrador, le ministère de l'Environnement et du Travail de cette province réglemente les prélèvements d'eau et les diverses formes de construction dans les cours d'eau et les voies d'évacuation des eaux usées, de même qu'en périphérie de ceux-ci.

En 1995, la VBNC a entrepris des études sur les conditions de base, notamment sur le débit des cours d'eau, la bathymétrie des lacs, la qualité de l'eau et des sédiments, la productivité primaire, les macroinvertébrés benthiques, ainsi que les poissons et leurs habitats. Une partie de ce travail s'est poursuivie jusqu'en 1998 et la VBNC a fourni un rapport d'étapes pendant les audiences.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada et la VBNC n'ont pas encore fini de déterminer le nombre total d'habitats de poissons que le projet est susceptible de modifier, de déranger ou de détruire. Selon les prévisions de l'étude d'impact environnemental de la VBNC, le projet toucherait notamment les lacs où seraient logées les deux installations de gestion des résidus, ainsi que certains habitats des ruisseaux situés proximité de la mine à ciel ouvert et du South Sedimentation Pound. La VBNC ne considère pas toutefois qu'il s'agisse d'un effet résiduel, puisqu'elle remplacerait l'habitat conformément aux dispositions de l'entente sur la compensation des habitats de poissons. Dans d'autres zones où le projet pourrait réduire les débits d'eau, la VBNC s'engage à maintenir des débits minimums ou de remplacer l'habitat conformément aux dispositions de l'entente sur la compensation.

Des effets environnementaux résiduels négligeables ou mineurs sont prévus pour chacun des huit bassins hydrographiques, à l'exception des cas suivants :

  • d'éventuels accidents pourraient avoir des effets dont la gravité pourrait varier de négligeable à importante;
  • le nickel contenu dans l'eau déversée des deux installations de traitement des résidus après l'étape de désaffectation pourrait avoir un effet sublétal (modéré) sur les gastropodes du ruisseau du North Tailings Basin, en aval du barrage 2, tronçon pouvant s'étendre jusqu'au lac 57 inclusivement, alors que l'aluminium contenu dans cette eau pourrait produire un effet sublétal pour les ombles dans le même secteur du ruisseau du North Tailings Basin et dans le ruisseau de la baie Throat, au lac 64.

8.1 Effets sur l'omble

Les études ont principalement porté sur l'omble anadrome qui passe la majeure partie de l'année dans le système du ruisseau Reid. Cette espèce est plus grosse et beaucoup plus abondante que l'omble de fontaine qui vit dans certains lacs. Comme la VBNC l'a fait remarquer, l'omble de fontaine a constitué une importante source alimentaire locale pour de nombreuses générations et a fait l'objet d'une pêche commerciale importante depuis les années 1970.

Dans leur travail sur les conditions de base, les chercheurs de la VBNC se sont employés considérablement à étudier l'omble chevalier. Par exemple, ils se sont penchés sur les caractéristiques biologiques qui déterminent le taux de croissance et la production de l'espèce; ils ont effectué des études de radio mesure sur les poissons prélevés du ruisseau Reid et du ruisseau Ikadlivik, pour mieux connaître leur comportement migratoire; ils ont mené une enquête pour documenter les zones d'activités de frai dans le ruisseau Reid et ils ont fait fonctionner une barrière de comptage dans le ruisseau Reid. La VBNC a aussi tiré parti du travail exhaustif réalisé par Pêches et Océans Canada sur l'omble chevalier au Labrador.

Néanmoins, les connaissances relatives au stock d'omble de la baie Voisey ne sont encore que très élémentaires, selon Pêches et Océans Canada. Les seuls renseignements dont dispose le ministère sur les populations, outre les récentes études menées par la VBNC à l'aide de techniques de baguage et de comptage, sont les quantités débarquées que déclarent les pêcheurs commerciaux, quantités qui varient selon l'intensité des activités de pêche qui sont déployées. La VBNC est d'avis que le stock a baissé en deçà de la capacité naturelle de la zone en raison de la surpêche. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada s'interroge sur cette question et pense que l'omble est beaucoup plus abondant que ne le laissent croire les statistiques sur les prises. Les quantités débarquées ont diminué, mais le ministère doute qu'il faille en conclure que les stocks sont bas. Le ministère sait fort bien que les quantités de poissons de n'importe quel système fluvial peuvent fluctuer considérablement d'une année à l'autre.

Puisque la VBNC a trouvé des ombles dans les tronçons inférieurs du ruisseau du lac Camp, le ministère a recommandé que les effets du projet sur les ombles soient réévalués. Il se peut que les ombles fréquentent le ruisseau du lac Camp uniquement pendant les années de hautes eaux. Cependant, puisque les effets du projet seraient probablement plus prononcés dans le ruisseau du lac Camp que dans le ruisseau Reid, la commission est d'avis que la VBNC devrait fournir de plus amples renseignements sur l'importance du ruisseau du lac Camp pour les ombles et devrait faire tout ce qu'elle peut pour assurer que le projet ne nuira pas à l'omble si elle utilise ce ruisseau (voir la recommandation 17). La détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson ne devrait être autorisées qu'en dernier ressort.

Il semble que les principales zones contenant des habitats de frai et d'hivernage dans le ruisseau Reid se trouvent en amont de la décharge du ruisseau du lac Camp, alors que le projet toucherait surtout la qualité et la quantité de l'eau en aval. L'omble peut évoluer dans les parties en aval du ruisseau Reid à l'année longue; chacun des poissons ne passe toutefois que peu de temps à cet endroit, qui n'est qu'un lieu de passage. Il est donc crucial qu'un débit d'eau suffisant y soit maintenu pour que les ombles puissent se déplacer librement entre leurs habitats dans les tronçons supérieurs du ruisseau Reid, du ruisseau Ikadlivik et de l'estuaire de la baie Voisey.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada, la nation Innu et d'autres participants se sont interrogés sur la fiabilité des prévisions en matière de débits, lesquelles se sont fondées sur des observations hydrométriques effectuées sur place pendant une période relativement courte. La VBNC s'est engagée à poursuivre ces observations et à mettre à jour son plan de gestion des eaux en fonction des résultats. Des intervenants se sont aussi prononcés contre le recours à des valeurs moyennes pour les écoulements de surface, en se fondant sur le fait que les réductions de débits pouvaient se révéler davantage néfastes en saison sèche. La commission conclut que la VBNC devrait établir et étayer des exigences en matière de débits minimums, et démontrer comment son plan de gestion de l'eau assurera le maintien de ces débits en permanence, notamment durant les années de sécheresse. La commission aborde cette question dans la recommandation 17.

8.2 Perte d'habitat

Lors des audiences, la commission a entendu de longs débats concernant l'application au projet du principe de « perte nette nulle ». Les participants ont aussi beaucoup discuté des rapports qui existent entre le processus utilisé pour déterminer la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson, les résultats probables ou souhaitables de ce processus, ainsi que la détermination et le classement par ordre d'importance des effets sur l'habitat du poisson dans le cadre de l'étude d'impact environnemental. A Pêches et Océans Canada, la définition couramment employée pour la perturbation de l'habitat du poisson est « tout changement dans l'habitat du poisson qui réduit la capacité qu'a cet habitat de soutenir un ou des processus vitaux du poisson ».

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada définit l'habitat du poisson comme comportant des attributs physiques, chimiques et biologiques, mais il ne considère que les détériorations physiques pour déterminer s'il y a destruction de l'habitat du poisson. Les changements dans le débit de l'eau, ainsi que la sédimentation qui étouffe ou détériore physiquement par d'autres façons l'habitat du fond constituent notamment des détériorations physiques. Les détériorations chimiques sont réglementées en vertu de l'article 36 de la Loi sur les pêches, qui traite des substances délétères; l'application de cet article est administrée par Environnement Canada.

La VBNC prévoit que le projet détruirait ou perturberait l'habitat des eaux stagnantes dans le lac Headwater et dans le bassin des résidus Nord; l'habitat lotique dans le ruisseau du bassin des résidus Nord en aval des installations de stockage des résidus et dans l'affluent no 1 du bassin hydrologique du ruisseau Reid; l'habitat marin mésolittoral l'emplacement de l'installation portuaire.

Dans certains secteurs où le projet causerait des changements de débit, l'étude d'impact environnemental indique que les effets correspondraient aux écarts de débit qui sont naturellement possibles ou aux caractéristiques des niveaux d'eau des lacs. Ces effets ne constitueraient donc pas une perturbation de l'habitat du poisson, ni un effet résiduel. Cette conclusion suppose que, dans certains cas, il faudrait peut-être mettre en uvre des mesures d'atténuation pour assurer un débit minimal. L'étude d'impact environnemental n'indique pas comment ces débits minimaux seraient déterminés ou assurés. Dans une réponse à Pêches et Océans Canada, la VBNC reconnaît que de nombreuses préoccupations à propos de changements de débits et de leurs répercussions sur l'habitat du poisson « ne pourront être entièrement résolues qu'à l'étape des travaux de conception détaillée et que c'est ce moment-là qu'elle se penchera sur les changements de débits, au cas par cas ». Dans certaines situations, le volume, le choix du moment et la durée des changements dépendraient du projet définitif, du bilan hydrologique et des besoins en eau pour le traitement. Les mesures d'atténuation possibles comprendraient la réduction des besoins en eau ou l'utilisation d'autres sources d'approvisionnement, de même que la nécessité d'éviter les périodes vulnérables ou d'augmenter le débit pendant les périodes de sécheresse.

La VBNC a fait explicitement valoir que l'évaluation environnementale ne devrait pas s'engager dans la détermination de détérioration, de destruction ou de perturbation de l'habitat du poisson : « La détermination de détérioration, de destruction ou de perturbation de l'habitat du poisson est un processus distinct et toute tentative visant à résoudre les questions relatives la détermination et à la compensation dans le cadre du processus d'évaluation environnementale est déplacée et contraire aux directives reçues du ministère des Pêches et des Océans du Canada. » Néanmoins, la VBNC s'est plainte plusieurs reprises, pendant les audiences, des difficultés qu'elle éprouvait avec le processus de détermination de destruction de l'habitat du poisson car le ministère des Pêches et des Océans du Canada ne lui avait pas fourni de critères d'évaluation quantitative convenables.

La VBNC a déposé devant la commission son rapport d'évaluation quantitative de l'habitat, un rapport distinct de l'étude d'impact environnemental. On indiquait dans ce rapport que la prochaine étape du processus consisterait produire un rapport sur les choix qui s'offrent en matière de compensation pour les pertes d'habitat de poisson qui sont prévues. Un processus de consultation des parties intéressées suivrait le dépôt de ce dernier rapport.

Selon le ministère des Pêches et des Océans du Canada, la détermination de perturbation de l'habitat du poisson devrait faire partie intégrante du processus d'évaluation environnementale et ne devrait pas être reléguée une étape ultérieure de demande de permis. Le ministère a critiqué l'étude d'impact environnemental car, selon lui, la VBNC n'avait pas déterminé convenablement les effets possibles sur l'habitat. Il a maintenu qu'il avait fourni beaucoup de renseignements sur les critères d'évaluation quantitative et avait donné à la VBNC une liste de documents qui fournissent de plus amples renseignements sur la question. Néanmoins, Pêches et Océans Canada a indiqué qu'il n'avait pas encore établi de critères pour évaluer l'habitat des eaux stagnantes et l'habitat marin.

Dans ses recommandations à la commission, le ministère a indiqué qu'il souhaitait obtenir de plus amples renseignements relativement aux effets sur l'habitat du poisson qui seraient causés par les activités suivantes :

  • la construction et l'opération des bassins de résidus;
  • le prélèvement d'eau initial dans ces bassins;
  • les modifications de débit dans le ruisseau Reid, le North Tailings Basin, la baie Throat et dans les bassins hydrographiques de l'option 5;
  • les plans de détournement, puis de remise en place, de cours d'eau dans ces bassins hydrographiques;
  • la sédimentation dans le lac Camp;
  • la détermination et le maintien des débits minimaux.

Le genre de détails souhaités par Pêches et Océans Canada concernait l'utilisation du substrat, les embûches à la migration, l'empêchement de la migration, l'affouillement, les obstacles à la vitesse de passage, l'utilisation de l'habitat envisagée, les fluctuations de débit annuelles et les périodes vulnérables sur le plan biologique.

Un expert représentant la nation Innu a critiqué la quantité de données sur les conditions de base que la VBNC avait recueillies. Il a affirmé que l'étude d'impact environnemental sous-estimait le nombre total d'habitat que le projet toucherait. Il a aussi suggéré que les modifications causées par le projet pourraient aussi toucher l'habitat en amont dans certains cas. La VBNC a indiqué qu'elle avait étudié la possibilité de dégradation de l'habitat en amont qui, dans bon nombre de cas, était limité par des obstructions, de fortes pentes d'écoulement et des débits intermittents. La principale conclusion de la nation Innu était que la VBNC devrait examiner de nouveau les différentes façons de réaliser le projet pour voir s'il serait possible de réduire l'ampleur de ses effets sur l'habitat du poisson. (La commission examine différentes façons de traiter les résidus dans le chapitre 6, Gestion des résidus, des déchets rocheux et des eaux usées de la mine.

La commission convient que la détermination de la détérioration, de la destruction ou de la perturbation de l'habitat du poisson et la négociation d'ententes sur la compensation de l'habitat est en effet un processus distinct de l'évaluation environnementale, de la même façon que la négociation d'ententes sur les impacts et les avantages entre la VBNC et les groupes autochtones est un processus distinct. Mais la commission croit aussi que le processus visant à déterminer la destruction de l'habitat du poisson doit être envisagé pendant l'évaluation environnementale car, à l'instar des ententes sur les impacts et les avantages, il permettrait de déterminer des éléments importants du programme d'atténuation. Plus précisément, le processus de détermination d'une situation de destruction de l'habitat du poisson permettrait :

  • d'entreprendre, relativement à tous les effets physiques éventuels sur l'habitat, un examen plus détaillé qu'il n'est possible de faire pendant l'évaluation environnementale, en se servant des connaissances spécialisées de Pêches et Océans Canada, ainsi que de celles de l'équipe du projet, pour déterminer précisément les genres de mesures d'atténuation qui, en premier lieu, empêcheraient les effets de se produire (et par conséquent d'éviter une situation de destruction);
  • de fournir, pour l'habitat perdu, une compensation qui soit conforme l'ordre de préférence du ministère des Pêches et des Océans du Canada.

La commission convient avec la VBNC que certaines méthodes génériques d'atténuation sont bien établies, comme les méthodes de contrôle de la sédimentation sur les chantiers de construction et les méthodes de réduction des effets à l'aide de la conception et de la construction d'ouvrages pour la traverse des cours d'eau. D'autres méthodes, comme celles qui permettraient de maintenir des débits d'eau minimaux dans tous les systèmes hydrographiques d'eau douce qui seraient touchés, devraient être adaptées chaque emplacement.

La commission croit que Pêches et Océans Canada dispose à la fois des pouvoirs réglementaires et des ressources voulus pour assurer de façon rigoureuse l'examen et la détermination de la détérioration de l'habitat du poisson. Par conséquent, la principale préoccupation de la commission consiste à évaluer l'ensemble des effets probables du projet sur l'habitat, plutôt qu'à refaire le travail de Pêches et Océans Canada.

Pour la commission, la principale énigme - et, lors des audiences, le ministère des Pêches et des Océans du Canada a convenu que cela constituait en effet une énigme - est que personne ne connaît, à cette étape du projet, la façon dont la VBNC pourrait procéder pour la compensation. Est-ce que la société pourrait créer des habitats semblables ou accroître la capacité de production à proximité, pour le même stock de poissons? Ou serait-elle obligée de créer de nouveaux habitats à l'extérieur de la zone de projet et, dans pareil cas, quelles en seraient les conséquences pour les utilisateurs locaux de cette ressource? Ou bien, si ces solutions ne devaient pas s'appliquer, est-ce que la VBNC devrait payer une indemnité en argent que Pêches et Océans Canada utiliserait ailleurs. (Le promoteur du projet d'exploitation d'une mine de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest a été obligé de payer une indemnité de cette sorte; la commission reconnaît toutefois que le ministère considère qu'il s'agit d'une situation exceptionnelle qui constitue un précédent non souhaitable.)

Par conséquent, la commission en conclut que le but principal du processus de détermination de la déterioration de l'habitat du poisson devrait être de déterminer toutes les façons possibles d'éviter toute détérioration, destruction ou perturbation de l'habitat du poisson. Pour les besoins de l'évaluation, la VBNC a fourni suffisamment de renseignements sur les conditions de base pour donner une idée de l'importance générale potentielle des effets sur l'habitat. Toutefois, dans le cadre du processus de détermination de la détérioration de l'habitat du poisson, la VBNC a besoin de donner de plus amples renseignements sur la façon dont elle se propose d'éviter les effets néfastes pour l'habitat du poisson, surtout en maintenant des débits minimaux. Ainsi, la VBNC doit déterminer les débits nécessaires aux différentes espèces, dans diverses parties du système hydrologique et à différentes périodes de l'année, et la façon dont elle peut assurer ces débits.

Recommandation 17

La commission recommande que, avant que Pêches et Océans Canada autorise le projet en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, la VBNC prépare un rapport sur la protection de l'habitat du poisson relativement aux éléments de prévention et de protection qui sont proposés dans la conception du projet et dans le plan de protection de l'environnement. Ce rapport devrait aborder les aspects suivants :

  • l'atténuation des effets découlant des changements de débit pendant la construction, les périodes d'évacuation de l'eau, l'exploitation et la désaffectation;
  • les débits minimaux (et, s'il y a lieu, maximaux) à maintenir, y compris des renseignements sur la façon dont ces débits ont été déterminés;
  • la provenance de l'eau utilisée pour maintenir les débits, de même que les mécanismes de surveillance requis pour cette mesure d'atténuation.
  • la mesure dans laquelle l'omble utilise l'habitat que fournit le ruisseau du lac Camp;
  • les façons dont le projet pourrait nuire à cette utilisation et, si nécessaire, des détails sur toute autre mesure d'atténuation proposée pour assurer qu'aucun effet important n'en résultera.
  • un programme convenable de surveillance des effets environnementaux.

La commission n'a entendu aucune preuve démontrant que l'habitat susceptible d'être perdu était particulièrement productif comparé à d'autres habitats de la région, ou qu'il s'agissait d'un endroit important pour la pêche. Cependant, comme le public n'a pas eu l'occasion de présenter à la commission ses commentaires sur les résultats du processus de détermination d'une détérioration de l'habitat du poisson (c'est-à-dire, en quoi consisterait le plan de compensation), le processus devrait rester aussi ouvert que possible.

Recommandation 18

La commission recommande que Pêches et Océans Canada donne à l'Association des Inuit du Labrador, à la nation Innu et au grand public suffisamment de temps pour leur permettre d'étudier le projet d'entente sur la compensation de l'habitat du poisson et de présenter des commentaires à ce sujet.

Puisqu'une détérioration de l'habitat du poisson est déterminée en se fondant sur des prévisions et que la compensation est négociée en s'appuyant sur les mêmes fondements, la commission a demandé s'il arrivait que des ententes de compensation soient revues si la surveillance des effets environnementaux révélait une perte d'habitat imprévue. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a convenu que cela était théoriquement possible, bien qu'il ne puisse citer un précédent.

La commission croit que le programme de surveillance des effets environnementaux devrait évaluer l'efficacité des mesures d'atténuation destinées à protéger l'habitat du poisson. L'un des buts de cet examen devrait être de veiller ce que la VBNC maintienne des débits minimaux ou qu'elle applique des mesures correctives à cette fin.

La commission approuve pleinement les objectifs contenus dans l'ordre de préférence exposé dans la politique sur la protection de l'habitat du ministère des Pêches et des Océans, mais elle n'a aucun moyen d'évaluer s'il serait possible d'atténuer les effets résiduels en remplaçant l'habitat dans la zone du projet ou à proximité. La commission ne considère pas qu'une indemnité en argent payée au ministère des Pêches et des Océans du Canada, comme dans le cas du projet d'exploitation d'une mine de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest, soit une solution de rechange acceptable.

La VBNC devra manifestement obtenir des autorisations de perturbation de l'habitat du poisson si le projet doit aller de l'avant, mais la commission est, avec d'autres intervenants, préoccupée quant à la possibilité de perte ou de détérioration continue de l'habitat si la VBNC n'était pas en mesure de maintenir les débits requis. La commission n'est pas convaincue que la VBNC serait en mesure d'atténuer convenablement les nouveaux effets résiduels en remplaçant l'habitat. Par conséquent, la commission croit que les autorisations de perturbation de l'habitat du poisson ne devraient être accordées qu'une seule fois, au début du projet, et qu'elles devraient être limitées à la perturbation de l'habitat du poisson absolument inévitable. Par la suite, la VBNC devrait être obligée de faire tout ce qu'elle peut pour protéger tous les autres habitats.

Recommandation 19

La commission recommande que Pêches et Océans Canada indique à la VBNC qu'il n'acceptera par la suite aucune autre demande d'autorisation de perturbation de l'habitat du poisson dans le cadre du projet. Le programme de surveillance des effets environnementaux globaux, présenté dans le rapport de la VBNC sur la protection de l'habitat du poisson (voir la recommandation 18), devrait comprendre une composante relative à la surveillance, qui viserait à vérifier la justesse des prévisions concernant les effets prévus du projet sur l'habitat du poisson et à évaluer l'efficacité des mesures d'atténuation. Si, par la suite, les résultats de la surveillance indiquaient que les changements du débit ont détruit ou détérioré d'autres habitats, il devrait incomber à la VBNC de restaurer l'habitat le plus rapidement possible.

La commission en conclut que l'évaluation environnementale se serait déroulée plus en douceur si le processus de détermination d'une perturbation de l'habitat du poisson avait été réalisé plus en profondeur et si la VBNC avait été en mesure de présenter un examen des solutions possibles en matière de compensation pour la perte d'habitat. Le différend qui a opposé Pêches et Océans Canada et la VBNC relativement à la clarté des directives concernant l'identification et le classement des habitats semble avoir causé ce retard en grande partie.

Recommandation 20

La commission recommande que Pêches et Océans Canada élabore un guide du promoteur relativement à la détermination d'une perturbation de l'habitat du poisson et à l'élaboration des choix possibles en matière de compensation pour la perte d'habitat du poisson; ce guide devrait indiquer clairement la marche à suivre, les méthodes à utiliser et les critères selon lesquels les travaux du promoteur seront jugés. Pêches et Océans Canada devrait établir dès que possible des critères concernant les habitats en eaux stagnantes et en eaux marines, et les inclure dans ce guide.

Le ministère des Pêches et des Océans Canada est préoccupé par la possibilité de perte d'habitat dans le lac Camp par suite de la sédimentation résultant du transport de la poussière en suspension dans l'air qui serait produite par la mine à ciel ouvert et les chemins avoisinants. La commission croit que l'on devrait faire tout ce qui est possible pour éviter qu'une autorisation de détérioration, de destruction ou de perturbation de l'habitat du poisson soit accordée pour le lac Camp, surtout si cette autorisation, assortie d'une compensation, incitait la VBNC à relâcher ses activités de protection de l'environnement à cet endroit qui constitue une composante importante de l'ensemble du système hydrographique du ruisseau Reid.

Recommandation 21

La commission recommande que la VBNC et Pêches et Océans Canada examinent ensemble toutes les sources possibles et les voies d'accès de sédimentation, et les mesures d'atténuation actuellement proposées relativement au lac Camp, pour éviter ou réduire au minimum dans la mesure du possible l'acheminement de sédiments à cet endroit, pour éviter toute perte d'habitat du poisson.

8.3 Dynamitage

Un vaste programme de dynamitage s'échelonnera sur de nombreuses années. Pêches et Océans Canada s'inquiète des effets possibles de ce dynamitage, notamment :

  • des effets des ondes de choc et des vibrations sur les poissons, les ufs de poisson et les larves;
  • des effets des résidus de dynamitage au nitrate d'ammonium et des effets de résidus de mazout sur les eaux réceptrices;
  • des effets du dynamitage sur le régime des eaux souterraines et sur la pénétration souterraine des contaminants.

La VBNC s'est engagée à effectuer une surveillance des résidus de dynamitage et à installer des puits de surveillance des eaux souterraines autour de la mine à ciel ouvert.

La commission n'a pas obtenu de preuves convaincantes à l'effet que le dynamitage pourrait provoquer une fragmentation du roc plus importante que prévue et que le poisson pourrait être touché, étant donné la distance entre la mine à ciel ouvert et l'habitat halieutique le plus près. La commission estime donc que les préoccupations du ministère des Pêches et des Océans du Canada devraient faire l'objet, dans le cadre du processus d'élaboration du programme de surveillance des effets, d'un examen plus approfondi qui permettra de déterminer si une surveillance plus poussée est justifiée.

Recommandation 22

La commission recommande que, dans le cadre du plan de protection de l'environnement, la VBNC élabore des procédures de dynamitage conformes aux directives de Pêches et Océans Canada concernant la protection du poisson et de son habitat.

8.4 Effets combinés du projet sur le ruisseau Reid

Durant le processus d'examen, les participants ont fait valoir leurs préoccupations concernant les effets combinés du projet sur le poisson d'eau douce et son habitat dans le système du ruisseau Reid, ce système étant destiné à devenir le milieu récepteur de nombreuses émissions et modifications. Dans le document « renseignements supplémentaires », la VBNC a présenté un résumé des effets combinés sur le ruisseau Reid pour chacune des étapes du projet : réduction du débit, retombée de résidus de dynamitage et accumulation de sédiments durant la construction; réduction du débit et accumulation de sédiments au cours des opérations; réduction du débit et rejet de sédiments de beaucoup moindre importance durant et après la désaffectation. Comme l'on prévoit que chacune de ces modifications sera de faible importance, la VBNC estime que l'effet global sur l'environnement serait négligeable ou mineur.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada reconnaît les efforts de la VBNC pour éviter les répercussions sur le ruisseau Reid, mais indique dans son mémoire présenté devant la commission que si l'« on considère l'infrastructure du projet dans son ensemble, on peut difficilement accepter qu'il n'y aura pas d'effets sur le système ou d'effets possibles sur l'environnement . Le ministère des Pêches et des Océans n'a pas fourni d'autres hypothèses concernant les effets résiduels, mais a indiqué, sans formuler de recommandations spécifiques, que la VBNC devrait recourir à toutes les mesures d'atténuation possibles.

L'Association des Inuit du Labrador recommande que la VBNC assume que les effets combinés sur le ruisseau Reid seront plus importants que les effets individuels prévus, et qu'elle opte pour des mesures de prévention ou d'atténuation plus rigoureuses. L'Association mentionne que si l'on attend que le programme de surveillance des effets environnementaux décèle un effet, il sera déjà trop tard.

La commission reconnaît que le bassin hydrographique du ruisseau Reid est une zone très vulnérable en raison de sa productivité ainsi que de sa signification au niveau socioculturel. La VBNC n'a toutefois d'autre choix que de procéder à l'extraction du dépôt de nickel à l'endroit même où il se trouve. La commission est impressionnée par les efforts systématiques déployés par la VBNC durant la conception du projet pour réduire au minimum les effets sur le système du ruisseau Reid. La commission a examiné les arguments présentés contre l'utilisation du lac Headwater pour l'entreposage des résidus et en a conclu que les inconvénients de cet emplacement sont contrebalancés par sa grande capacité de confinement et par le fait que les eaux de drainage peuvent être déviées en permanence à l'extérieur du bassin hydrographique du ruisseau Reid. Le chapitre 6 présente de plus amples renseignements sur les solutions de remplacement qui ont été examinées par la commission.

La commission s'entend toutefois avec le ministère des Pêches et des Océans pour dire qu'il existe encore une certaine incertitude quant à l'effet combiné d'un certain nombre d'agents de stress. La même incertitude prévaut également quant aux effets prévus, étant donné la nature de l'interaction du projet avec l'écosystème du ruisseau Reid. Le projet pourrait réduire et modifier l'écoulement de surface et l'écoulement souterrain de maintes manières, produire des particules en suspension dans l'air et dans l'eau provenant de nombreuses sources et causer des déversements plus ou moins importants dans diverses parties de la zone de drainage.

La commission estime que cette incertitude n'est pas si importante et que les répercussions possibles du projet ne sont pas non plus assez dévastatrices pour empêcher l'approbation du projet. Cependant, la commission conclut que la VBNC devrait pousser plus loin la démarche fondée sur la prudence qu'elle a suivie jusqu'à maintenant. Lors des audiences, la VBNC s'est d'ailleurs engagée à le faire. Les recommandations formulées aux chapitres 5 et 6, qui traitent de divers aspects liés à la gestion de la qualité de l'air et de l'eau, abordent cette question.

En outre, la commission estime que d'autres mesures d'évitement et d'atténuation devraient être envisagées et qu'on devrait en présenter les grandes lignes dans un document distinct axé sur le bassin hydrographique du ruisseau Reid.

Recommandation 23

La commission recommande que la VBNC élabore, dans le cadre de son système de gestion de l'environnement, un plan de protection de l'environnement visant le ruisseau Reid et comprenant ce qui suit, au besoin :

  • modification de la principale voie d'accès pour réduire le plus possible les répercussions sur le ruisseau Reid;
  • conception et construction de traverses de cours d'eau appropriées sur les affluents;
  • procédures de gestion spécifiques de la circulation pour certains emplacements déterminants le long de la route;
  • captage des infiltrations au pied du barrage H2;
  • mesures d'atténuation additionnelles pour améliorer la qualité de l'eau quittant le lac Camp, au besoin (par exemple, rétention d'eau additionnelle ou aménagement d'un marais artificiel).

8.5 Surveillance et renseignements sur les conditions de base de l'environnement

La VBNC s'est engagée à élaborer un programme de surveillance des effets environnementaux en vue d'établir des rapports entre le projet et les composantes valorisées de l'écosystème et ce, en se fondant sur les mêmes critères qu'elle avait employés pour déterminer l'ordre d'importance des effets sur ces composantes. Trois questions principales ont été soulevées par le ministère des Pêches et des Océans du Canada concernant la surveillance du poisson d'eau douce et de son habitat. Dans les trois cas, le ministère a critiqué le manque d'information recueillie sur les conditions de base. Cependant, cette critique s'articule principalement autour du besoin d'obtenir des renseignements pertinents à l'appui des efforts de surveillance futurs, plutôt que pour répondre aux préoccupations concernant la validité des prévisions présentées dans l'étude d'impact environnemental.

La VBNC a échantillonné de la biomasse de production primaire, de plancton et de zooplancton sur une période de deux ans pour déterminer la productivité primaire de sept lacs représentatifs de la zone étudiée. Pêches et Océans Canada souhaitait que la VBNC élargisse son programme d'échantillonnage pour tenir compte des fluctuations saisonnières en matière d'abondance, puis pour comparer les résultats aux variables environnementales, de manière ce qu'elle élabore son programme de surveillance en se fondant sur les renseignements relatifs aux conditions de base qui seraient recueillis pendant une période prolongée. Le ministère recommande également que la VBNC modélise les effets du projet sur des espèces de phytoplancton et de zooplancton.

La VBNC a rétorqué que les espèces de phytoplancton sont de piètres indicateurs du changement environnemental, précisément en raison de leur forte variabilité naturelle dans le temps. La VBNC a aussi fait remarquer qu'en comparant ses prévisions sur la qualité future de l'eau aux directives sur la qualité de l'eau, qui sont établies en fonction d'effets chroniques et aigus, la VBNC a tenu compte de certains aspects concernant l'impact du projet sur la productivité primaire.

De façon similaire, Pêches et Océans Canada souhaitait qu'on élargisse le programme d'échantillonnage des macroinvertébrés benthiques, pour que l'on puisse confirmer les estimations concernant la diversité. Le ministère voulait aussi obtenir d'autres modélisations pour une ou plusieurs espèces représentatives. La VBNC a indiqué que son objectif était de décrire la biodiversité, la composition des espèces et leur abondance relative et non de mener une étude définitive sur les macroinvertébrés benthiques dans la région.

Un certain nombre d'intervenants ont indiqué que la surveillance devait accorder autant sinon plus d'importance aux effets possibles sur les composantes de base de l'écosystème qu'elle n'en accorde aux effets sur des espèces supérieures. Cette démarche est attrayante parce qu'une telle surveillance peut assurer une détection précoce des problèmes. Cependant, la commission comprend aussi les préoccupations de l'industrie minière qui veut une surveillance des effets sur l'environnement qui soit pratique, rentable et axée sur le lien entre les effets observés et les effets attribuables au projet.

Le Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie a présenté des renseignements à la commission sur le programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique, une initiative conjointe du gouvernement et de l'industrie minière qui a pour but de mettre à l'essai des méthodes d'évaluation de l'effet des effluents sur le biote en milieu aquatique. Comme il était indiqué dans la présentation, « l'uniformisation des techniques de surveillance biologique est difficile en raison principalement du nombre considérable de techniques disponibles. Les classes possibles d'organismes englobent le poisson, le benthos, le zooplancton, le phytoplancton, les macrophytes et les bactéries. De plus, chacune de ces classes peut être associée aux niveaux suivants : intracellulaire, tissulaire, organisme, population et communauté ».

Le programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique est structuré selon un cadre de surveillance qui comporte quatre étapes. Il doit permettre de répondre aux questions suivantes.

  • Des contaminants pénètrent-ils dans l'écosystème? Si oui, selon quels niveaux d'exposition?
  • Les contaminants sont-ils biodisponibles - autrement dit, s'accumulent-ils dans les organismes?
  • Ces contaminants produisent-il un effet mesurable?
  • L'exposition, la biodisponibilité et l'effet peuvent-ils être liés pour permettre d'en identifier la cause?

Les résultats et les recommandations du programme serviront probablement de fondement aux nouvelles exigences en matière de surveillance des effets environnementaux qui seront intégrées à la nouvelle version du Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux.

La commission comprend que la majeure partie des recherches actuelles sur la surveillance des divers effluents de l'industrie, dans les eaux douces ou marines, ont porté sur les macroinvertébrés benthiques plutôt que sur le plancton ou les algues. La commission en conclut qu'il n'est pas clair actuellement si la surveillance des niveaux trophiques inférieurs est pratique ou si une telle surveillance discernerait des effets qui pourraient être clairement attribués au projet. La surveillance devrait cependant assurer une détection précoce des effets sur la chaîne alimentaire. Les résultats et les recommandations du programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique fourniront sans doute une orientation précieuse à cet égard, quoique qu'il soit peut-être nécessaire de les adapter à la situation de la partie septentrionale du Labrador.

Recommandation 24

La commission recommande que la VBNC élabore des études sur les techniques permettant la surveillance des effets des contaminants en eau douce, de concert avec Pêches et Océans Canada, Environnement Canada et d'autres détenteurs d'intérêt, en tenant compte des résultats obtenus dans le cadre du Programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique. Pour assurer une détection précoce des effets, il faudra examiner avec soin la possibilité d'effectuer la surveillance au moins en ce qui concerne les macroinvertébrés benthiques, sinon à un niveau trophique inférieur, sous réserve que l'on puisse raisonnablement s'assurer que le programme sera capable de fournir des renseignements scientifiquement valables sur des rapports précis. Des renseignements supplémentaires sur les conditions de base ne devraient être recueillis que s'ils sont nécessaires pour appuyer l'élément de surveillance sélectionné. La VBNC devrait aussi s'engager à collaborer à toute recherche menée dans le cadre du suivi du programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique, en fournissant des renseignements issus de la surveillance du projet, en vue d'appuyer la réalisation d'une étude de cas.

Pour ce qui est de la surveillance des effets possibles sur l'omble chevalier, la VBNC et Pêches et Océans Canada ont préconisé des approches différentes. Les deux parties ont convenu que les ruisseaux Kogluktokoluk, Ikadlivik et Reid fonctionnaient jusqu'à un certain point comme un seul système. Les renseignements recueillis lors de la surveillance des conditions de base réalisée par la VBNC a indiqué que les ombles peuvent frayer en grand nombre dans le ruisseau Reid, mais qu'ils hivernent dans le ruisseau Ikadlivik, probablement en raison d'un manque d'habitat de concentration hivernale dans le ruisseau Reid et de la difficulté à remonter les chutes à la décharge du lac Reid. Un plus petit pourcentage des ombles pénètre dans le ruisseau Reid, puis retournent à la fois frayer et hiverner dans le ruisseau Ikadlivik.

Selon le ministère des Pêches et des Océans du Canada, le projet constitue une intervention dans un écosystème aquatique mal compris. Le ministère estime donc que si la VBNC en vient à valider ses prévisions à l'effet que le projet ne touchera pas de façon importante les ombles dans l'écosystème du ruisseau Reid, elle devra à tout le moins surveiller également cette population dans les ruisseaux Kogluktokoluk et Ikadlivik. Les effets sur la production juvénile dans le ruisseau Reid pourraient avoir une incidence sur l'utilisation de l'habitat dans d'autres parties de l'écosystème. Inversement, tout effet nocif sur le dénombrement dans le ruisseau Reid pourrait être masqué si la population dans son ensemble venait à augmenter.

La VBNC, en revanche, propose de se concentrer sur le ruisseau Reid, sur les voies de pénétration par lesquelles le projet peut avoir une incidence sur le ruisseau Reid, sur la surveillance des indicateurs susceptibles d'entraîner une détection précoce des changements importants à l'habitat de l'omble, ainsi que sur l'application de mesures d'atténuation à l'égard de tels changements. La VBNC dit que la comparaison de tout changement dans la population du ruisseau Reid avec dénombrement de la population globale des écosystèmes combinés rendra les résultats moins précis.

La commission admet le mérite des deux démarches. D'un côté, la commission est d'accord avec la VBNC pour dire que la surveillance devrait être « simple, pratique et réalisable » et qu'elle devrait servir de système de détection précoce en vue du déclenchement des mesures nécessaires à la prévention des effets nuisibles. Cela suggère que la surveillance des effets devrait être principalement axée sur le ruisseau Reid et sur ses affluents. D'un autre côté, la commission comprend les préoccupations de Pêches et Océans Canada concernant les répercussions d'un projet minier situé à proximité d'un système fluvial à la fois productif et incompris. Cela signifie que Pêches et Océans Canada et la VBNC devraient tenter de mieux comprendre l'omble chevalier qui vit dans le système Kogluktokoluk, Ikadlivik et Reid, tout en intégrant les connaissances autochtones au processus.

La commission n'est pas en mesure de déterminer quels sont les types d'étude qu'il conviendrait de mener. Cela devrait être déterminé dans le cadre d'un processus mené en collaboration, auquel participeraient l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu.

La commission est d'avis que la VBNC doit être responsable de la surveillance des effets dans le système du ruisseau Reid, tandis que Pêches et Océans Canada doit se charger de la gestion du plus vaste système que constitue le bassin des ruisseaux Kogluktokuluk, Ikadlivik et Reid. Cependant, comme le projet modifiera considérablement le bassin hydrographique du ruisseau Reid, la commission croit que la VBNC devrait contribuer à l'effort de surveillance élargie, ce qui pourrait comprendre un appui en nature.

Si la surveillance des effets effectuée par la VBNC dans le ruisseau Reid indique un écart important par rapport aux conditions prévues, la VBNC devrait, au besoin, élargir l'étendue de sa surveillance pour inclure d'autres composantes du système.

Recommandation 25

La commission recommande que la VBNC effectue une surveillance hydrométrique, ainsi qu'une surveillance de la qualité de l'eau et de la population halieutique dans le système du ruisseau Reid; que Pêches et Océans Canada entreprenne des études pertinentes pour accroître les connaissances relatives au poisson et à son habitat dans le vaste système élargi que constitue le bassin des ruisseaux Kogluktokoluk, Ikadlivik et Reid, de concert avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu; que la VBNC contribue de façon importante à ces études en fournissant des renseignements et d'autres ressources.

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9 Effets d'origine terrestre sur l'environnement marin

En raison de la complexité du littoral dans les environs de l'aménagement projeté, l'exploitation minière (le projet) pourrait entraîner des effets environnementaux dans cinq baies différentes, quoique la plus grande concentration d'interactions se produirait dans la baie Anaktalak. De plus, les navires transportant le minerai longeraient un couloir qui sort de cette baie, contourne l'extrémité de l'île Paul, puis se jette dans la mer du Labrador.

Le présent chapitre porte sur les effets des rejets du projet dans l'environnement et les influences d'origine terrestre sur le milieu marin. Le chapitre suivant portera sur le transport du minerai.

Dans son étude d'impact environnemental du projet, la VBNC signalait que quatre des baies étaient formées d'un ou de plusieurs bassins séparés par des rebords ou seuils peu profonds. Des sédiments à grain fin se sont accumulés dans les parties les plus profondes qui sont recouvertes d'eau froide en permanence. Les courants sont généralement faibles, et les sédiments des zones plus profondes sont déplacés principalement par les tempêtes et les marées. La composition chimique de l'eau est à peu près la même dans les cinq baies, sauf la baie Voisey où l'on observe des caractéristiques différentes à cause de l'arrivée d'un volume d'eau douce plus important. Les concentrations de métaux et de substances nutritives sont habituellement très basses. Les glaces de mer, qui constituent des habitats d'algues et de zooplancton et qui servent comme mécanisme d'affouillement, remplissent une fonction importante dans l'écologie des bas-fonds côtiers. Selon la VBNC, le secteur des cinq baies n'abrite aucun habitat unique lorsqu'il est envisagé dans le contexte de la zone septentrionale du Labrador.

L'apport de substances nutritives provenant des nombreux ruisseaux et autres cours d'eau, ainsi que du courant du Labrador près du littoral aide à rendre les eaux côtières relativement productives. Le phytoplancton et les algues constituent le fondement de la chaîne alimentaire marine, qui nourrit toute une gamme de zooplancton et d'invertébrés benthiques tels que la crevette et le pétoncle, ainsi qu'un éventail de poissons comme l'omble chevalier, qui vit toute l'année dans les baies, les ruisseaux et les lacs de la région, la morue ogac, ainsi que le saumon de l'Atlantique, dont la route de migration passe par là. Parmi les mammifères marins du secteur, on retrouve l'ours polaire et différentes espèces de phoques et de baleines.

Dans la baie Anaktalak, la VBNC construirait des installations portuaires d'une superficie d'environ 70 hectares. Elles comprendraient un quai temporaire et un quai permanent de chargement, des installations de stockage pour le minerai concentré et le combustible, un centre de triage et des installations d'entreposage du matériel. Les deux quais nécessiteraient du remplissage, et le ruissellement des eaux depuis l'emplacement du port serait une autre source de charge sédimentaire et d'arrivée de matières chimiques et de métaux provenant des pertes fugitives de minerai concentré et d'hydrocarbures pendant les opérations de chargement et de déchargement. La baie recevrait également une charge sédimentaire découlant des activités du projet par le ruisseau Little Reid.

La VBNC signale que les eaux traitées de l'usine de concentration, du bassin de résidus du lac Headwater et des autres emplacements de gestion des eaux de la mine seraient évacuées dans l'anse à Edward à une profondeur de 50 mètres au moyen d'un diffuseur de 160 mètres de long.

Les effets conjugués dans la baie Anaktalak comprendraient donc la sédimentation, l'accumulation de métaux dans les sédiments et le biote marin, une charge polluante de minerai concentré et d'hydrocarbures provenant de pertes chroniques, l'altération de la couverture de glace et la perte ou la dégradation des habitats de poisson situés dans les zones mésolittorales et infralittorales.

Dans la baie Throat, les effets du projet à l'étape de l'exploitation comprendraient l'évacuation d'eaux contenant des métaux dissous et provenant des infiltrations de la digue aux installations du bassin de résidus du lac Headwater. A l'étape postérieure à la désaffectation, lorsqu'il ne sera plus nécessaire de traiter les eaux du lac Headwater, l'excédent d'eau s'écoulera dans la baie Throat.

La baie Voisey reçoit les eaux de drainage du ruisseau Reid, qui pourrait subir une vaste gamme d'effets en raison des installations et des activités du projet, ainsi que les eaux des bassins hydrographiques de la zone sud où est aménagée la piste d'atterrissage.

Une fois les travaux souterrains commencés, la baie Kangeklukuluk recevra les eaux d'infiltration de la digue aux installations du North Tailings Basin, et la baie Kangeklualuk recevra à la fois les eaux d'infiltration de la digue et l'excédent d'eau du North Tailings Basin. Ces eaux seront traitées s'il y a lieu.

En ce qui concerne les risques possibles d'accident, la VBNC a mentionné les déversements de minerai concentré ou d'hydrocarbures au quai de chargement, qui toucheraient la baie Anaktalak (voir le chapitre 10, Milieu marin : Transport maritime), ou le bris d'une digue à rejets, lesquels pourraient nuire aux baies Kangeklualuk, Kangeklukuluk ou Throat.

La mesure d'atténuation la plus importante proposée par la VBNC pour le milieu marin tient probablement à la décision de situer les installations portuaires et le diffuseur d'effluents dans la baie Anaktalak plutôt que dans la baie Voisey, plus proche, pour empêcher les effets nuisibles sur cet environnement estuarien productif sur le plan biologique. La VBNC recueillerait également les eaux de drainage du port dans un étang de décantation et mettrait à exécution un programme visant à maîtriser les rejets provenant de tous les navires pendant qu'ils sont à quai. Les autres mesures d'atténuation pertinentes ont été décrites dans les chapitres précédents.

Dans ses prévisions relatives aux effets, la VBNC a mentionné la sédimentation, l'accumulation de métaux, l'eutrophisation, de même que l'altération et la perte d'habitats dans la baie Anaktalak; la sédimentation à court terme et la modification de la salinité à cause de la vidange du North Tailings Basin, et l'accumulation à long terme de métaux dans la baie Kangeklualuk; l'accumulation de métaux dans les baies Kangeklukuluk, Throat et Voisey. La société s'est attachée à prévoir les effets des accidents possibles tous ces endroits.

En cas de destruction d'habitats à cause des travaux de remplissage à l'emplacement du port, la VBNC négocierait une compensation de l'habitat avec le ministère des Pêches et des Océans du Canada; on considérerait ensuite que les travaux de remplissage n'ont pas d'effets résiduels. Ailleurs, l'altération des habitats est jugée négligeable en raison du taux relativement faible de sédimentation, de la vaste dissémination des sédiments et de la prévision selon laquelle les sédiments à grain fin finiraient dans les zones les plus profondes du bassin.

Pendant l'exploitation de la mine, les effets de l'accumulation de métaux dans l'eau, les sédiments et les biotes marins de la baie Anaktalak atteindraient leur niveau maximal dans les cinq premières années. Ils resteraient cependant sous le seuil des concentrations liées à des effets chroniques sur les animaux aquatiques, et ils sont jugés mineurs, comme le sont les effets de l'évacuation des effluents traités dans la baie Kangeklualuk, où les effets atteindraient leur niveau maximal plus lentement. D'après les prévisions, les effets de l'accumulation de métaux provenant de l'infiltration et du ruissellement à l'étape de la désaffectation et à l'étape postérieure, devraient atteindre dans les baies Kangeklualuk, Kangeklukuluk, Throat et Voisey leur niveau maximal pendant une période se situant entre 50 et 75 ans après la désaffectation, selon le métal en cause et son cheminement dans l'écosystème. Ces effets sont estimés négligeables.

9.1 Habitat des poissons marins

Les paragraphes 35(1) et (2) de la Loi sur les pêches s'applique aux habitats des poissons d'eau de mer comme à ceux des poissons d'eau douce. Il s'ensuit donc que tout acte causant « la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson » ne peut être posé sans l'autorisation du ministère des Pêches et des Océans du Canada, ce qui implique la négociation d'un plan de compensation pour garantir qu'il n'y aura aucune perte nette de capacité en ce qui concerne les habitats du poisson.

Le débat entourant la quantification des pertes éventuelles d'habitats du poisson s'étend à l'environnement marin tout comme à l'environnement d'eau douce (voir la section 8.2). Dans son rapport sur la quantification des habitats, un document distinct de l'étude d'impact environnemental, la VBNC déclarait s'attendre à ce que la construction du port détruise 20 000 mètres carrés d'habitats mésolittoraux qui feraient l'objet d'ententes de compensation des habitats négociées. La VBNC exprimait également des préoccupations relativement à ce qu'elle percevait comme une absence de critères pouvant servir à quantifier les habitats marins et à déterminer les occurrences de détérioration, de destruction ou de perturbation de l'habitat du poisson.

Le ministère des Pêches et Océans du Canada a reconnu qu'il était encore élaborer des directives officielles permettant de déterminer en quoi consiste la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson en milieu marin, et que les méthodes utilisables en cette matière ne sont pas aussi bien définies pour le milieu marin que pour l'environnement d'eau douce. Les critères existants se rattachent habituellement à un emplacement particulier et visent des questions touchant des espèces et des habitats qui revêtent une importance locale. Pêches et Océans Canada soutient cependant que les renseignements nécessaires au processus visant déterminer s'il y a détérioration, destruction ou perturbation de l'habitat du poisson en milieu marin sont également requis pour la préparation de l'évaluation environnementale.

L'Association des Inuit du Labrador a demandé si le processus visant déterminer s'il y a détérioration, destruction ou perturbation des habitats tenait compte des effets sur les glaces de mer. Pêches et Océans Canada a répondu n'avoir encore aucune politique à ce sujet.

De façon générale, la commission estime que les questions propres à la détérioration, à la destruction ou à la perturbation des habitats sont plus simples dans le cas du milieu marin que dans celui de l'environnement d'eau douce. La cause principale de ces conséquences néfastes serait probablement la suppression de l'habitat à cause de l'aménagement du port et de l'installation du diffuseur sur le plancher océanique, qui s'accompagneraient vraisemblablement d'une certaine sédimentation dans le voisinage immédiat. Les résultats des essais pilotes de l'usine de la VBNC semblent indiquer que la société serait en mesure de réaliser des taux peu élevés d'émission de particules solides en suspension, c'est-à-dire, des taux équivalant environ au cinquième de la limite permise par le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux. Pêches et Océans Canada a déclaré ne pas s'attendre à ce que les rejets d'effluents entraînent l'étouffement physique du benthos. Les altérations chimiques ne sont pas incluses au processus de détermination de ce qui constitue une détérioration, une destruction ou une perturbation des habitats.

La commission admet que les glaces de mer constituent un élément important de tout l'ensemble de l'habitat marin, tant pour la productivité primaire que pour les mammifères marins. La commission reconnaît la difficulté possible d'inclure les glaces de mer au processus visant à déterminer s'il y a détérioration, destruction ou perturbation des habitats, mais elle est d'accord avec l'Association des Inuit du Labrador pour affirmer que l'absence de protection réglementaire des glaces de mer représente une grave lacune. C'est là une des questions que l'Association veut traiter avec Pêches et Océans Canada en proposant l'adoption d'un plan de gestion marine (voir le chapitre 17, Gestion de l'environnement).

La commission n'a reçu aucun renseignement sur le genre d'options à envisager pour compenser la perte des habitats de poisson de mer. Elle est donc incapable d'exprimer des commentaires sur cet aspect de la question.

Tout comme pour l'environnement d'eau douce, la commission juge que le but premier du processus visant à déterminer s'il y a détérioration, destruction ou perturbation des habitats du milieu marin est de permettre de définir tous les moyens possibles d'éviter ces effets néfastes. La commission croit aussi qu'un examen des options à envisager pour compenser les pertes d'habitat aurait rehaussé le processus d'évaluation environnementale. Les recommandations 18 et 20 s'appliquent donc au milieu marin aussi bien qu'à l'environnement d'eau douce.

9.2 Modélisation de la dilution

En ce qui concerne les émissions du diffuseur dans les baies Anaktalak et Kangeklualuk, la VBNC s'est servi d'un modèle numérique (Princeton Ocean Model), fondé sur des données concernant la température, la salinité, le vecteur vent, l'élévation en surface et la bathymétrie, pour calculer l'étendue dans l'espace et le taux de dilution du panache d'effluents. La société a exécuté chacun des modèles pour des conditions hivernales non stratifiées de tranches d'eau et pour des conditions estivales stratifiées, trois étapes de la vie du projet. Les résultats obtenus à l'aide de ce modèle ont ensuite servi à déterminer la zone d'influence à prévoir, le taux de sédimentation et les changements qui adviendraient à la qualité de la tranche d'eau au sein de cette zone. Lorsque le panache a atteint un taux de dilution de 1 000 : 1, on a jugé que ce taux correspondait aux conditions ambiantes de qualité de l'eau.

Les paramètres d'entrée utilisés par le modèle étaient les caractéristiques des effluents telles que prévues par un consultant en fonction du rendement observé dans des usines de traitement semblables situées ailleurs, et non pas les émissions maximales définies selon la limite permise par le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a critiqué l'absence de toute documentation d'appui qu'aurait pu fournir la VBNC, surtout pour ce qui est de la vitesse de décantation des matières en suspension. Le ministère a également recommandé que la modélisation tienne compte du forçage causé par les variations saisonnières de stratification, les changements saisonniers dans la circulation estuarienne, les taux de renouvellement de l'eau des fjords et les tempêtes à haute fréquence. A long terme, certaines de ces variations entraîneraient une dilution et une dissémination plus étendue des contaminants, mais le ministère des Pêches et des Océans du Canada craint qu'elles puissent avoir des effets différents à court terme.

La commission remarque que la VBNC, en utilisant le modèle de Princeton, ne s'est pas servi d'un scénario fondé sur la pire éventualité, ce qui reste défendable. Dans un rapport d'information déposé en même temps que l'étude d'impact environnemental, la société prédisait que les effluents du projet contiendraient des quantités de contaminants considérablement inférieures à celles qui sont autorisées en vertu du Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux. Les essais menées par la suite échelle pilote, tel que décrit dans un rapport ultérieur, ont semblé indiquer que la station de traitement d'eau proposée pour le projet pourrait donner des résultats encore meilleurs; la commission observe toutefois que l'exploitation à plein rendement dans des conditions variables ne peut pas toujours produire les mêmes résultats que les installations utilisées pour les essais pilotes.

La commission constate que les concentrations de métaux dans la tranche d'eau de l'anse à Edward sont prévues comme devant être à au moins deux ordres de grandeur en dessous des critères de l'Environmental Protection Agency des États-Unis concernant la protection contre les effets chroniques. La commission reconnaît que de nombreuses influences pourraient agir sur la taille et le comportement du panache d'effluents, mais elle ajoute qu'on ne lui a présenté aucun scénario indiquant que le projet dépasserait les directives de l'Environmental Protection Agency. Il serait possible aussi de vérifier les prévisions relatives à la qualité de l'eau à différents moments de l'année et sous différents phénomènes météorologiques pendant la première année d'exploitation du projet, pour que des mesures d'atténuation puissent être prises au plus tôt en cas de besoin. La VBNC serait tenue de surveiller les caractéristiques des effluents, et elle s'est engagée contrôler la qualité de l'eau dans la zone d'influence entourant le diffuseur. La commission en conclut donc qu'il n'est pas nécessaire de procéder à d'autres modélisations pour l'instant.

Les représentants du ministère des Pêches et des Océans du Canada ont proposé, en vue de réduire l'empreinte du projet, que la VBNC remette en question sa décision de placer un diffuseur dans la baie de Kangeklualuk lors de l'aménagement du North Tailings Basin, et envisage plutôt de traiter l'excédent d'eau à son usine principale de broyage et de l'évacuer ensuite dans l'anse à Edward. Comme on l'a vu au chapitre 6, la commission note que le North Tailings Basin ne sera peut-être pas nécessaire. S'il l'est, la commission est d'accord avec la suggestion de Pêches et Océans Canada visant une réévaluation du besoin en ce qui concerne un deuxième diffuseur. Cette réévaluation devrait s'effectuer en consultation avec les utilisateurs des ressources de la baie Anaktalak, par l'entremise de l'Association des Inuit du Labrador, dans le contexte des effets environnementaux constatés dans l'anse à Edward pendant les premières années d'exploitation de la mine.

Recommandation 26

La commission recommande, si le North Tailings Basin se révèle nécessaire pendant l'étape de l'exploitation souterraine, que la VBNC, avant même que soit autorisée la construction de ce bassin, prépare un rapport analysant les avantages et les inconvénients environnementaux de regrouper les émissions d'effluents dans l'anse à Edward plutôt que de construire un deuxième diffuseur dans la baie Kangeklualuk. Le rapport en question devrait examiner les effets de la conformité à la réglementation et de la surveillance des effets effectuée pour le diffuseur existant de l'anse à Edward, et il serait soumis à l'examen et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement.

9.3 Les effets écotoxicologiques et le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux

Le rejet d'effluents traités provenant des diffuseurs dans les baies Anaktalak et Kangeklualuk relève du Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux, qui fait partie de la Loi sur les pêches et est appliqué par Environnement Canada pour le compte du ministère des Pêches et des Océans du Canada. Ce règlement, qui indique exactement les concentrations maximales d'émissions pour huit paramètres dont le cuivre, le nickel, la totalité des matières en suspension et le pH, fait actuellement l'objet d'une révision. Le nouveau règlement sera probablement en vigueur avant le démarrage du projet. Il comprendra des obligations en matière de surveillance des effets environnementaux, ainsi que des dispositions mises à jour concernant les exigences propres à un emplacement si de telles dispositions sont nécessaires à la protection des environnements aquatiques récepteurs.

Lors des audiences, les participants ont discuté des effets écotoxicologiques des rejets du projet, en s'attachant surtout à l'état actuel des connaissances au sujet de ces effets dans un environnement marin, en rapport avec les prévisions contenues dans l'étude d'impact environnemental, avec les limites d'émissions indiquées par le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux et avec les exigences en matière de surveillance. Les recherches se sont poursuivies sur le cheminement des métaux dans un environnement d'eau douce, et il s'est acquis plus d'expérience en ce qui a trait aux effluents des mines dans l'eau douce. Tout indique que l'aménagement minier de la VBNC serait le premier à évacuer les effluents d'une usine de traitement du nickel, du cuivre et du cobalt dans les eaux côtières.

Les métaux se comportent différemment en milieu marin en raison de la présence du sel, de niveaux de pH différents et d'autres variations. Ces facteurs peuvent influer sur la façon dont les métaux se différencient, sur la mesure dans laquelle ils deviennent ou restent dissous dans la tranche d'eau, et sur leur tendance à se lier aux particules. Un des exemples, donné par le ministère des Pêches et des Océans du Canada comme source de préoccupation, est le fait que le taux de floculation peut être supérieur dans un milieu marin. Les métaux seraient ainsi éliminés de la tranche d'eau, mais lorsque les particules de floc tombent au fond, elles peuvent devenir des aliments attirants pour les animaux de la couche benthique.

Les représentants d'Environnement Canada ont déclaré à la commission que les normes actuelles du Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux étaient fondées sur la meilleure technologie disponible et confrontées des preuves et à des données tirées de situations en eau douce. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a souligné aussi le manque de recherches sur un certain nombre de sujets pertinents dans ce domaine, y compris les effets toxiques chroniques des effluents conjugués du nickel, du cuivre et du cobalt sur les biotes marins, de même que les effets des particules métalliques sur le milieu marin. Le ministère a également soulevé des questions relativement aux effets possibles des produits chimiques utilisés dans les procédés de concentration, surtout en conjugaison avec les métaux présents dans les effluents. Il a aussi laissé entendre que le projet aurait des effets écotoxicologiques au-delà de la zone de dilution à 1 000 : 1.

Pour amoindrir ce qu'il percevait comme une incertitude grave, le ministère des Pêches et des Océans du Canada a proposé que la VBNC procède à certains essais de toxicité à court terme pour les organismes types qui vivent habituellement dans le milieu marin, y compris l'omble chevalier pendant son cycle marin. Le ministère a aussi recommandé que l'on ait recours la surveillance de la pathologie des organismes, plutôt qu'à la mesure de la charge corporelle, et ce pour deux raisons : la surveillance de la pathologie d'organe peut faire apparaître les effets conjugués de différents contaminants et elle saisit aussi l'effet du phénomène d'« attaque à la sauvette », c'est-à-dire, lorsqu'un contaminant crée un problème mais ne reste pas dans l'animal. Pêches et Océans Canada soutient que la pathologie d'organe constituerait un mécanisme efficace d'alerte rapide. Il serait possible de déceler les effets nuisibles en ce qui concerne l'individu bien avant qu'ils aient le temps d'agir en ce qui concerne la population.

Dans sa réponse, la VBNC a souligné que ses prévisions fondées sur la modélisation indiquent clairement que le projet devrait sans peine respecter les directives élaborées par les gouvernements (des États-Unis et du Canada) concernant la qualité de l'eau et des sédiments en vue de protéger les biotes marins. Le projet pilote de traitement des effluents renforce les prévisions contenues dans l'étude d'impact environnemental, en démontrant que la VBNC devrait être en mesure de réaliser un niveau élevé de traitement pendant tout le cycle de vie du projet et de produire un effluent contenant un taux beaucoup plus faible de contaminants que celui permis par les normes actuelles du Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux. Si la surveillance révélait un problème, la VBNC pourrait envisager un certain nombre de possibilités, par exemple, le recours à des produits chimiques de substitution, la modification des modes d'exploitation ou certains changements apportés au traitement. La VBNC n'était pas d'accord avec la position du ministère des Pêches et des Océans du Canada relativement l'utilisation de la pathologie des organismes pour surveiller les effets écotoxicologiques, soutenant que ce procédé de contrôle n'est pas un moyen sûr de relier causes et effets. La compagnie a également fait valoir que des processus tels que ceux du programme d'évaluation des techniques de mesure d'impact en milieu aquatique et du Programme d'évaluation des effets de l'exploitation minière des métaux sur le milieu aquatique convenaient mieux à l'évaluation de critères et de directives concernant la qualité environnementale, qu'aux évaluations environnementales portant sur des milieux particuliers.

Dans cette analyse des effets écotoxicologiques, la commission relève trois questions principales :

  • Quelle est l'ampleur des connaissances qu'il reste à acquérir relativement aux effets des effluents de nickel, de cuivre et de cobalt sur le milieu marin?
  • La conformité du projet au Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux offrirait-elle une protection environnementale adéquate?
  • Quel genre de surveillance faudrait-il mettre en place pour confirmer le degré et l'étendue des effets toxicologiques?

La commission ne croit pas que les lacunes sur le plan des connaissances soient assez critiques pour empêcher la mise en uvre de ce volet du projet. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada n'a pas mis en doute cette conclusion; de fait, le ministère a recommandé que la VBNC envisage d'accroître le chargement d'effluents dans l'anse à Edward en y rejetant, plutôt que dans la baie Kangeklualuk, les eaux traitées du North Tailings Basin (voir la recommandation 27 plus haut). Néanmoins, la commission en vient à la conclusion que des recherches plus poussées sur les effets écotoxicologiques produits sur les biotes marins par les effluents des aménagements miniers, notamment les effluents de nickel, de cuivre et de cobalt, rendraient service à toutes les parties, y compris les utilisateurs des ressources, Pêches et Océans Canada, Environnement Canada, la VBNC et le secteur minier en général. La commission est également d'avis que la VBNC a la responsabilité de prendre part à ces recherches, puisqu'elle se servirait de la baie Anaktalak et peut-être de la baie Kangeklualuk comme éléments de son système de gestion des eaux usées pendant plus de 20 ans.

Recommandation 27

La commission recommande que Pêches et Océans Canada, Environnement Canada, le Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie, et la VBNC, en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu et dans le cadre de partenariats de surveillance, mettent sur pied un programme de recherches dont le projet d'exploitation minière et d'usine de concentration de la baie Voisey constituera la principale étude de cas, pour accroître le niveau des connaissances au sujet des effets des effluents de nickel, de cuivre et de cobalt sur le milieu marin, tout particulièrement en ce qui concerne les normes d'évacuation des effluents, les mesures d'atténuation, ainsi que les méthodes et procédés de surveillance.

La commission reconnaît que la VBNC espère et prévoit produire un effluent au taux de contaminants beaucoup plus faible que celui permis par les normes actuellement prévues dans le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux, ce qui semble indiquer que le critère de la meilleure technologie disponible a peut-être évolué. Il ne serait pas déraisonnable de présumer que ce critère pourra changer de nouveau pendant le cycle de vie du projet. La commission encourage la VBNC à mettre en pratique sa propre politique de gestion environnementale visant l'amélioration continue de toutes les activités du projet qui influent sur la qualité des effluents.

La commission ne sait pas exactement quelles normes seraient en vigueur lorsque l'exploitation du projet commencera, ni la mesure dans laquelle les activités d'exploitation seraient adaptées au milieu marin. La commission n'est pas non plus dans une position qui lui permet de recommander des critères propres à l'emplacement du projet. En outre, les critères en matière de mesure au point de rejet, par exemple, ceux du Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux ou ceux du ministère de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve, n'abordent pas directement la question de la charge totale d'effluents, qui est tout spécialement pertinente dans le cas de contaminants qui ne sont pas biodégradables.

La commission constate que le projet évacuerait des effluents dans des eaux vierges; il faudrait donc que tout soit mis en uvre pour réduire au minimum la quantité de contaminants persistants qui sont introduits dans le système, de la même façon que les Objectifs canadiens de qualité de l'air ambiant visent l'application d'une norme supérieure de préservation dans les bassins atmosphériques vierges. C'est pourquoi, de l'avis de la commission, la meilleure façon de protéger le milieu marin serait de consentir des efforts incessants pendant toute la vie du projet, pour réduire les polluants à la source, soit à l'aide de stratégies de production plus propres ou en se conformant à des normes supérieures d'exploitation dans toutes les installations de traitement et en adoptant des technologies perfectionnées dès qu'elles deviennent utilisables. Ces efforts devraient se conjuguer à un programme efficace de surveillance des effets, lié à des seuils de tolérance prudents qui déclencheraient des mesures correctives au besoin.

Recommandation 28

La commission recommande que la VBNC s'engage fermement, au moyen de son plan de protection de l'environnement, à réduire la charge totale de polluants évacués, en adoptant une ligne de conduite en matière d'amélioration permanente, et que la société travaille de concert avec Environnement Canada à élaborer des politiques et des méthodes qui lui permettront :

  • de perfectionner les procédés de concentration en vue de réduire les polluants à la source;
  • de veiller à ce que ses installations de traitement fonctionnent selon les normes d'efficacité les plus élevées, en mettant en uvre un programme d'entretien préventif et d'autres mesures pertinentes;
  • de modifier les technologies de traitement en vue de les améliorer lorsque le besoin s'en fait sentir.

La VBNC devrait rendre des comptes périodiquement au Conseil consultatif de l'environnement au sujet des résultats de son programme de prévention de la pollution.

Recommandation 29

La commission recommande que la VBNC soit tenue d'inclure les éléments ci-après à son programme de suivi :

  • un programme de surveillance de la qualité de l'eau et des sédiments en milieu marin, lequel comprendra des critères de seuil de tolérance qui seront liés aux directives actuelles concernant la qualité de l'eau et des sédiments (le niveau des seuils devrait être fixé à un niveau permettant une alerte suffisamment rapide);
  • des mesures d'atténuation obligatoires si les seuils fixés sont dépassés;
  • des travaux de recherche conçus pour déceler tout effet nuisible sur la santé des biotes marins, travaux qui seraient suivis d'une révision des critères de seuil, le cas échéant.

9.4 Connaissances des conditions de base nécessaires la surveillance

Pendant l'exercice 1995-1996, la VBNC a réalisé des études sur les conditions de base, centrées sur le système des cinq baies, pour recueillir des données sur l'océanographie physique, l'état des glaces dans la baie Anaktalak, la composition chimique de l'eau de mer, le phytoplancton et le zooplancton, la géomorphologie côtière, la qualité des sédiments, l'état des zones mésolittorales et infralittorales, les peuplements de poissons et les profils chimiques des poissons et des coquillages. La société s'est également servi d'un certain nombre d'études exécutées par le ministère des Pêches et des Océans du Canada, en particulier sur l'omble chevalier.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada et l'Association des Inuit du Labrador ont tous deux exprimé des inquiétudes au sujet du niveau des connaissances sur les conditions de base relatives au milieu marin présentées dans l'étude d'impact environnemental et dans d'autres documents d'appui. Dans les deux cas, les parties se sont surtout efforcées de faire valoir ces inquiétudes comme des problèmes pouvant être réglés à l'aide de la conception et de la mise en uvre du programme de surveillance. Il faut recueillir davantage de renseignements sur les conditions de base, afin que l'on sache ce qu'il faut observer pour s'assurer que le projet n'a eu aucun effet préjudiciable ou pour déceler les signes avant-coureurs de problèmes éventuels.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a fait remarquer que la VBNC avait rassemblé suffisamment de données sur l'océanographie physique de la région, mais qu'elle ne les avait pas analysées en vue d'obtenir un aperçu général des processus physiques qui contrôlent la dynamique du milieu marin dans les baies côtières. Parmi les points particuliers relevés par le ministère, on retrouve :

  • la nécessité de comprendre comment les voies de circulation de l'eau de fond influera sur la dissémination des contaminants (la baie Anaktalak est en réalité un fjord dont la vidange des eaux profondes se fait de façon limitée);
  • la nécessité de consulter les écrits récents sur la partie côtière du courant du Labrador pour mieux comprendre comment les glaces se déplacent et les échanges de masse d'eau entre la zone côtière et la zone du large;
  • le manque de renseignements actuels sur les banquises de la région.

Pour ce qui est de la composante de l'étude d'impact environnemental qui traite d'océanographie biologique, le ministère des Pêches et des Océans du Canada s'inquiétait du fait que l'échantillonnage soit restreint sur les plans saisonnier et géographique; le ministère estimait qu'une analyse écologique s'imposait pour relier entre elles les données biologiques, chimiques et physiques en vue de repérer les changements possibles, surtout ceux qui adviennent au réseau trophique inférieur. Une des préoccupations particulières du ministère était de savoir comment les modifications apportées la couverture de glace de la baie Anaktalak influeraient sur différentes espèces telles que le pétoncle, la moule, la palourde et l'oursin à leur état larvaire. Une autre inquiétude visait l'absence d'échantillonnage des proliférations phytoplanctoniques printanières, puisque le printemps est la saison la plus importante de l'année en ce qui concerne la productivité primaire.

Dans les mémoires qu'il a présentés à la commission, le ministère des Pêches et Océans du Canada décrit l'habitat marin de la zone d'évaluation comme étant productif et dynamique; il a également recommandé que la VBNC élabore un aperçu général de la dynamique de l'écosystème marin subarctique dans le secteur du projet, en y incluant les baies côtières et l'archipel côtier. Le ministère soutenait qu'un aperçu de ce genre est d'« une importance fondamentale pour le processus d'évaluation » et d'« un intérêt tout particulier pour le ministère dans l'optique de la partie de son mandat qui vise les océans ».

L'Association des Inuit du Labrador, par la voix de ses experts Inuit, a fait part à la commission de ses connaissances des divers processus et ressources de la baie Anaktalak, des connaissances fondées sur de longues années d'observation personnelle, de même que sur les déplacements et l'utilisation des ressources dans la région pendant de nombreuses générations. Ces spécialistes ont aussi décrit la baie Anaktalak comme étant très dynamique et ils ont parlé de l'interaction des vents, des marées, des masses d'eau, des glaces, des poissons et des mammifères marins; des divers aspects de la chaîne alimentaire; des possibilités de pêche aux coquillages; de l'habitat des mammifères marins et de la sauvagine. A l'instar du ministère des Pêches et des Océans du Canada, l'Association des Inuit du Labrador a affirmé le besoin de comprendre de façon plus exhaustive les processus écologiques qui sont à l' uvre dans le milieu marin; elle a ajouté que ces études, qui devraient intégrer les connaissances autochtones, devraient être menées en collaboration avec les Autochtones. L'Association des Inuit du Labrador a inscrit cette question dans le contexte de sa recommandation la commission relativement à l'élaboration d'un plan de gestion marine en vertu du mandat prévu par la Loi sur les océans.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a mis en doute les estimations de la VBNC quant à l'abondance de coquillages dans la baie Anaktalak, ainsi que l'évaluation faite par la société relativement aux possibilités de pêche commerciale dans les bancs de coquillages. La société a réalisé certaines recherches dans l'anse à Edward et a ensuite extrapolé à partir des résultats obtenus pour évaluer la baie entière, en se fondant sur des projections de densité pour trois types d'habitat, soit l'habitat estuarien, les barrières de blocs rocheux et les substrats rocheux. La VBNC en a conclu que « les stocks de coquillages de la baie Anaktalak n'ont pas la capacité de soutenir une pêche commerciale », un jugement fondé sur des densités limitées estimatives et sur des taux de croissance faibles. Pêches et Océans Canada a réagi en mentionnant un certain nombre de pêches viables situées ailleurs et exploitant des espèces à longue durée de vie et à croissance lente.

L'Association des Inuit du Labrador a insisté sur l'importance de la baie Anaktalak pour la cueillette domestique des coquillages. Elle a également manifesté son intérêt à diversifier ses pêches commerciales en explorant les possibilités offertes par la baie Anaktalak. L'Association craint que la conversion de l'anse à Edward en emplacement industriel ne fasse disparaître ces possibilités. Cette inquiétude se fonde en partie sur les observations de l'Association, qui ont révélé l'altération des coquillages dans le port de Nain.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a dit trouver « extrêmement superficiels » les renseignements sur les poissons des eaux marines présentés dans l'étude d'impact environnemental; le ministère a ensuite signalé plusieurs domaines pour lesquels les données sont insuffisantes, notamment : la variabilité saisonnière, les plages de frai du capelan, les espèces pélagiques et les effets du projet sur les ombles chevaliers à l'étape marine de leur cycle de vie. Pêches et Océans Canada a aussi critiqué l'évaluation des stocks d'omble chevalier effectuée par la VBNC, en concluant que, peu importe la source de renseignements, « les données sur la véritable abondance de l'omble sont incertaines ».

Dans sa réponse, la VBNC a soutenu ce qui suit :

  • son programme sur les conditions de base a contribué de façon importante au corpus de connaissances scientifiques au sujet de la côte septentrionale du Labrador;
  • la société a concentré ses études sur le secteur des cinq baies pour éviter de « diluer » la détermination des effets;
  • les données recueillies suffisaient à appuyer les prévisions des effets et elles allaient être enrichies grâce à une surveillance permanente tout au long de la vie du projet;
  • les études de la société intégraient des renseignements de nature physique, chimique et biologique, tout en déterminant et en évaluant les effets environnementaux, et la VBNC a déjà tenu compte d'un bon nombre des préoccupations du ministère des Pêches et des Océans du Canada.

La VBNC s'est également engagée :

  • prélever des échantillons de paramètres chimiques de l'eau pendant les étapes de construction et d'exploitation du projet, pour vérifier les prévisions concernant la dilution des effluents;
  • mettre à jour les connaissances relatives aux processus océanographiques physiques du secteur au fur et à mesure que l'information devient accessible;
  • mettre à jour la base de données sur l'état des glaces dans le cadre d'un programme proposé de recherches conjointes faisant appel à la participation et aux connaissances locales;
  • avoir recours aux données pertinentes d'estimation des stocks de poisson si Pêches et Océans Canada recueille éventuellement des données de ce genre;
  • intégrer les poissons et les habitats marins au programme de surveillance des effets environnementaux; ce travail pourrait comprendre le prélèvement d'échantillons d'eau, ainsi que l'étude de la composition chimique et du mode de dépôt de sédiments, de même que l'examen de l'endofaune benthique;
  • examiner la base actuelle de connaissances en concevant le programme de surveillance des effets environnementaux, pour déterminer les liens et de sélectionner des cibles et des paramètres de surveillance.

En général, la commission croit que les données de base qui ont été recueillies par la VBNC sont suffisantes pour répondre aux objectifs de l'évaluation environnementale. Les prévisions de la société visent principalement les zones, les récepteurs et le cheminement susceptibles de manifester les changements les plus marqués sous l'effet du projet. La commission est d'avis qu'il est raisonnable de supposer que tous les problèmes éventuels, y compris la bioaccumulation des métaux, apparaîtront d'abord et surtout dans l'anse à Edward, par exemple, plutôt que de « sauter par-dessus » l'anse pour se manifester ailleurs dans la baie Anaktalak. Par conséquent, la protection de l'anse à Edward devrait assurer aussi la protection de la baie Anaktalak. Toutefois, la commission reconnaît le besoin éventuel de recueillir d'autres renseignements de base en vue d'appuyer le programme de surveillance, selon les indicateurs choisis.

La commission comprend également les craintes du ministère des Pêches et des Océans du Canada selon lesquelles le projet serait probablement l'origine de changements et d'effets dans l'écosystème marin existant, répercussions qui se produiront sous de nombreuses formes subtiles et complexes. Le projet proposé serait la première intrusion industrielle de grande envergure sur la côte du Labrador, un secteur au sujet duquel il existe certainement une mine de connaissances autochtones, mais très peu de connaissances scientifiques. La commission convient avec l'Association des Inuit du Labrador et le ministère des Pêches et des Océans du Canada que des travaux de recherche permanents, et non pas la collecte de données supplémentaires, constituent le moyen d'en arriver à une description davantage intégrée des processus écologiques marins, surtout dans un contexte régional. Une description et une compréhension de ce genre pourraient aider à mieux saisir les effets éventuels du projet et à rehausser les décisions à prendre relativement au projet et à la gestion des ressources. La VBNC s'est engagée collaborer avec l'Association des Inuit du Labrador à l'élaboration de connaissances intégrées des processus qui s'opèrent dans la baie Anaktalak, en mettant en uvre un programme de surveillance mené en partenariat. Les recommandations du chapitre 17, intitulé Gestion environnementale, abordent aussi la nécessité d'établir un processus de planification de la gestion marine, de concert avec le ministère des Pêches et des Océans du Canada.

La commission croit que la VBNC a tort de rejeter du revers de la main les possibilités de pêche commerciale aux coquillages dans la baie Anaktalak en se fondant sur les données disponibles actuellement. Par ailleurs, la commission convient que la responsabilité d'effectuer des évaluations détaillées des stocks dans un secteur dépassant l'anse à Edward (c'est-à-dire, le secteur de la baie d'Anaktalak) relève véritablement du ministère des Pêches et des Océans du Canada. La VBNC doit se charger de déterminer les espèces et les densités de coquillages uniquement dans la zone où le projet entrera en interaction avec le récepteur. Les effets possibles du projet sur la pêche aux coquillages appartiennent aux trois catégories suivantes :

  • la contamination ou l'altération effective des animaux;
  • les conflits d'espace dans la zone du port;
  • les effets perçus (il peut se révéler difficile de commercialiser des produits provenant d'une région perçue comme un emplacement industriel, et les pêcheurs pourraient tout simplement éviter la zone du projet).

Les effets du projet sur les activités d'exploitation de la faune font l'objet du chapitre 14, Utilisation des terres par les Autochtones.

La commission est d'avis que la VBNC, en étudiant l'anse à Edward (là où les risques de contamination, d'altération ou de conflits d'espace sont les plus grands), a rassemblé la quantité de renseignements nécessaire l'évaluation environnementale. En revanche, la commission croit aussi que la société devrait assumer également la responsabilité de surveiller les effets pour en vérifier l'ampleur sur les coquillages autour des installations du projet, et qu'elle devrait indemniser les utilisateurs des ressources, le cas échéant (voir le chapitre 14, Utilisation des terres par les Autochtones).

Recommandation 30

La commission recommande que la VBNC de surveille les coquillages pour y détecter la présence de métaux, de contamination bactérienne ou d'altération sous l'effet des hydrocarbures, pour déterminer la mesure dans laquelle la zone est touchée par le projet et de voir s'il y a lieu d'indemniser les utilisateurs des ressources.

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10 Milieu marin : transport maritime

La VBNC propose de transporter approximativement 1 250 000 tonnes de concentrés de nickel, de cuivre et de cobalt et quelque 150 000 tonnes de concentré de cuivre chaque année. La majeure partie des concentrés de nickel, de cuivre et de cobalt et la totalité du concentré de cuivre seraient transportées durant la saison « d'eau libre », la période pendant laquelle il n'y a pas de banquise côtière. La VBNC a proposé d'acheminer jusqu'à neuf cargaisons en zone de banquise côtière pendant la période s'étendant de janvier à mars, permettant à la glace initiale d'atteindre 20 cm d'épaisseur avant le début du brisage des glaces, et de cesser les activités de transport durant avril et mai.

Les navires utilisés pour le transport des concentrés de nickel, de cuivre et de cobalt auraient une capacité d'environ 25 000 tonnes. Ils battraient pavillon canadien et leur équipage serait canadien parce que la destination finale serait un port du Canada. Ces navires seraient conformes aux normes de conception répondant à la catégorie arctique canadienne 3 ou l'équivalent. La VBNC propose d'acheminer les concentrés de cuivre vers des destinations indéterminées, à bord de navires acquis sur le marché libre, mais dont le tonnage pourrait être supérieur.

La VBNC prévoit également utiliser les navires de concentrés pour ramener la plupart des approvisionnements en vrac qui seront nécessaires aux opérations. Le mazout serait transporté dans des soutes spéciales à bord des navires, et cette cargaison de retour pèserait 5 000 tonnes tout au plus. La VBNC s'est engagée à ne pas transporter de mazout durant la saison d'expédition dans la banquise côtière. Il faudrait au moins 20 voyages pour livrer les réserves annuelles en mazout au plus fort des activités. Il est possible qu'une livraison de mazout se fasse à chaque voyage de retour, sauf lors des expéditions hivernales. D'autres approvisionnements en vrac feraient partie de la cargaison de retour, dans des conteneurs spécialement conçus pour en permettre le déchargement rapide et sécuritaire à l'anse à Edward.

Les préoccupations des collectivités les plus rapprochées et des collectivités vivant plus loin sur la côte étaient vives à l'égard du régime de transport. De nombreux auteurs de mémoires considéraient les routes maritimes, en particulier le transport dans la banquise côtière, comme un élargissement de l'empreinte du projet jusqu'à un point situé au-delà des îles Hens and Chickens. Les éléments suivants ont soulevé le plus de préoccupations :

  • la perturbation des parcours de déplacement, qui serait attribuable au transport dans la banquise côtière, notamment les dangers pour les usagers de la glace qui résulteraient autant du chenal de navigation que des nouvelles fissures créées dans la glace en des endroits imprévisibles partir du chenal, ou même à distance par suite de l'action des vents et des courants sur la glace adjacente;
  • la perturbation des mammifères marins, en particulier des phoques en période de mise bas, engendrée par le bruit et le brisage de glaces par les navires de transport;
  • les déversements éventuels d'hydrocarbures et de concentrés le long de la route maritime;
  • la perturbation des oiseaux nicheurs et des mammifères marins à l'intérieur de la région de Landscape, en raison du trafic maritime en période d'eau libre;
  • les incidences écologiques sur la faune et la flore marines qui seraient attribuables à des déversements chroniques ainsi qu'à l'activité portuaire l'anse à Edward et dans les parties voisines de la baie Anaktalak, proximité du projet;
  • la perturbation de l'exploitation des ressources fauniques;
  • l'interférence avec la pêche en mer ou les aires de couvaison fertiles, comme les îles Gannet au large de Cartwright, causée par les effets du transport qui se font sentir depuis la banquise à la dérive jusqu'au sud le long de la côte, selon la route maritime choisie pour la destination finale des concentrés.

En outre, l'Association des Inuit du Labrador compte faire adopter, en s'appuyant sur la Loi sur les océans et sur les négociations relatives aux revendications territoriales, un plan de gestion marine pour les secteurs touchés par le transport. Ce plan protégerait l'environnement marin, les droits d'exploitation des ressources marines que détiennent les Inuit, ainsi que leurs intérêts en matière de gestion. L'Association des Inuit du Labrador a indiqué que le démarrage des activités de transport avant la conclusion des négociations causerait un préjudice au plan de gestion marine, aux négociations concernant les revendications territoriales, de même qu'aux droits d'exploitation des ressources marines.

Le présent chapitre examine la plupart de ces préoccupations, mais d'autres effets éventuels du transport sont traités plus en détail au chapitre 11 : Mammifères marins et au chapitre 13 : Oiseaux.

10.1 Régime de réglementation

La nature internationale du transport et les nombreux traités et conventions dont le Canada est signataire rendent la réglementation du transport fort complexe. Fondamentalement, Transports Canada réglemente, inspecte et applique les procédures relatives aux navires, à l'équipement et aux équipages, conformément à la Loi sur la marine marchande du Canada ainsi qu'aux lois et codes connexes. En vertu de la Loi sur les océans, la Garde côtière canadienne, une direction générale du ministère des Pêches et des Océans du Canada, fournit et maintient des aides à la navigation qui sont destinés au transport commercial par voie maritime et à la navigation de plaisance. Elle voit à l'application sur l'eau d'un bon nombre de règlements et elle fournit des services en matière de brisage des glaces. En vertu de la Loi sur les océans, le Service hydrographique du Canada a pour tâche de mesurer et de décrire les caractéristiques topographiques des voies navigables du Canada et de leurs territoires limitrophes et de mettre ces renseignements à la disposition des navigateurs sous la forme qui convient le mieux ». Enfin, conformément à la Loi sur le pilotage, l'Administration de pilotage de l'Atlantique fournit les services de navigateurs compétents pour assister les navires qui entrent dans un port, lorsque c'est nécessaire.

Il y a des années, le Canada a reconnu la nature unique de sa vaste étendue d'eaux arctiques et l'importance d'y exercer une juridiction. La Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques comprend des règles spéciales concernant les expéditions maritimes dans les eaux au Nord du 60° de latitude. Cette loi n'en restreigne pas l'accès, mais elle contrôle la capacité des navires à se déplacer en régime de glaces dans cette zone et la période à laquelle ils peuvent le faire. A l'origine, la loi restreignait l'accès à ces eaux uniquement en fonction de la saison. De nos jours, les navires peuvent relever les conditions de la glace bien avant d'y pénétrer. C'est pourquoi, conformément au Système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique (SRGNA), une nouvelle technique réglementaire établit le droit d'accès en fonction du pourcentage de surface glacée qu'un navire croisera. En outre, la loi n'autorise absolument aucun rejet de déchets d'hydrocarbures, alors qu'une limite de 15 milligrammes par litre est permise ailleurs. L'application des dispositions de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques dans le Nord du Labrador constitue une question litigieuse qui oppose le gouvernement du Canada et l'Association des Inuit du Labrador.

L'Association des Inuit du Labrador, la Garde côtière canadienne et Transports Canada ont tous trois fait part de préoccupations relativement au fait que les conditions de navigation sur la côte du Labrador sont aussi difficiles que celles qui s'appliquent au « Nord du 60° », sans pour autant faire l'objet d'une réglementation aussi stricte. En fait, la commission constate qu'on pourrait faire valoir que les vastes étendues de banquises côtières entourant les nombreuses îles au large des côtes, les glaces dérivantes à poussée dynamique et rapide qu'entraîne le courant du Labrador, ainsi que des conditions météorologiques plus variables pourraient rendre cette zone plus dangereuse pour la navigation. Transports Canada a recommandé que le Système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique s'applique à cette zone. La VBNC a objecté que l'application généralisée de ce système ne serait pas avantageuse, parce qu'elle toucherait d'autres usagers de la zone, comme les navires côtiers de ravitaillement, les navires de livraison de carburant et les navires transportant des pierres d'échantillon depuis Ten Mile Bay. La société minière a convenu d'intégrer dans son plan de gestion du transport les aspects du système qu'il conviendrait d'appliquer.

La commission appuie la démarche de la VBNC. De fait, le Système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique semble être en grande partie facultatif et la mise en uvre d'une application réglementaire prendrait sans doute beaucoup de temps. Les concentrés de nickel, de cuivre et de cobalt seraient acheminés à bord de navires battant pavillon canadien et dont l'équipage serait canadien, conformément à la Loi sur le commerce côtier. Pour satisfaire aux exigences qu'entraîne le prolongement de la saison de navigation, les navires seraient construits de manière à répondre aux normes les plus élevées du Système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique, et la VBNC s'est engagée à les pourvoir des techniques les plus récentes en matière d'aide à la navigation. La commission estime qu'il est nécessaire de prévoir des mesures supplémentaires de contrôle, pour s'assurer du maintien des conditions propres à garantir un passage sécuritaire aux « navires auxiliaires » affrétés sur le marché libre qui pénètrent en eaux canadiennes jugées dangereuses avec un chargement de concentrés de cuivre. Un plan bien conçu relativement à la gestion marine permettrait de faire en sorte que de tels navires répondent aux normes exigées en matière de construction et de navigation.

Recommandation 31

La commission recommande que les navires construits ou affrétés par la VBNC pour le transport des concentrés de nickel, de cuivre et de cobalt soient conçus conformément aux normes de la catégorie arctique canadienne 3, ou soumis à des essais pour en vérifier la conformité, pour garantir que de tels navires puissent se déplacer en toute sécurité dans les pires conditions éventuelles de glace.

Recommandation 32

La commission recommande que la VBNC intègre les procédures du Système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique dans son plan de gestion du transport maritime, pour assurer le passage sécuritaire des minéraliers ou des navires affrétés pour le transport de concentrés. La VBNC devrait appliquer ces procédures en consultation avec les organismes de réglementation et avec l'Association des Inuit du Labrador, dans le cadre d'une entente bilatérale sur le transport (voir la recommandation 97).

10.2 Transport maritime hivernal

10.2.1 Proposition de la VBNC

La VBNC a indiqué que, bien qu'elle préfère le transport à longueur d'année, elle adopterait une « saison de transport prolongée » en raison des préoccupations des résidents de la région. Le plan prévoit l'abandon de toute activité de transport à compter du début de la prise des glaces et jusqu'à ce qu'elles atteignent une épaisseur de 20 cm, pour que la banquise côtière puisse se stabiliser avant le brisage des glaces. Un chenal d'environ trois fois la largeur d'un minéralier serait alors établi pour les neufs passages aller-retour. L'étude d'impact environnemental indiquait qu'il suffirait de quelques heures pour que le couloir regèle suffisamment et qu'une motoneige puisse y traverser en toute sécurité. En outre, grâce au flot de retour, le brise-glace pourrait former des ponts de glace d'un côté à l'autre du chenal de navigation, une procédure que le NM Arctic utilise à Nanisivik et à Raglan en pénétrant dans un régime de banquise côtière.

Les neufs passages se dérouleraient de janvier à mars. En avril et en mai, le transport cesserait de nouveau en raison de la mise bas éventuelle des phoques annelés et du fait que l'utilisation de la banquise est à son maximum durant cette période où les jours rallongent, où la température s'adoucit et où les déplacements en vue de la chasse et à d'autres fins se font plus nombreux.

La VBNC prévoit que les minéraliers auraient besoin des services d'un brise-glace lors de la navigation dans la banquise, mais non en régime de banquise côtière. Le brise-glace attendrait sans doute que le navire de concentrés soit chargé et reprenne le chenal. On estime à 12 heures la durée du parcours depuis la lisière de la banquise côtière jusqu'à l'anse à Edward et à environ 36 heures la durée du chargement.

La Garde côtière canadienne s'inquiète que les ressources ne soient pas disponibles pour répondre à ce besoin. Il faudrait entre un jour et demi et deux jours à un brise-glace de la Garde côtière canadienne pour répondre une demande d'aide aux îles Hens and Chickens et celui-ci pourrait difficilement se permettre d'attendre le retour du navire transporteur. Certains participants ont laissé entendre que ce service pourrait être fourni selon le principe du recouvrement des coûts et qu'il se pourrait que les services d'un brise-glace du secteur privé soient disponibles.

10.2.2 Sécurité des utilisateurs de la glace

Très peu de questions ont suscité autant de préoccupations que la proposition de la VBNC concernant le transport hivernal à travers la banquise côtière. Pour les résidents de Nain, cette glace sert de voie de déplacement pour la chasse, la pêche et le ramassage de bois, ainsi que pour accéder à leur habitation et rendre visite aux communautés Inuit du sud. Bien que les préoccupations des résidents de Nain aient été les plus vives, les résidents de Utshimassits et des collectivités côtières situées aussi au sud que Cartwright ont signalé qu'ils utilisaient depuis toujours la banquise côtière pour avoir accès aux territoires de chasse au caribou l'intérieur des terres, allant aussi au nord que Nain.

Les préoccupations portaient principalement sur les dangers qu'encourraient les utilisateurs de la glace à cause du transport hivernal. A Nain, des participants aux audiences ont décrit leur expérience durant une période où les brise-glace prolongeaient la saison de transport pour amener du ravitaillement à la municipalité. A Rigolet, des participants ont signalé comment le voyage d'essai d'un brise-glace au lac Melville avait perturbé les voies de déplacement traditionnelles et avait rendu les déplacements sur glace de mer imprévisibles. La commission constate que dans ces cas, les brise-glace ouvraient le passage à d'autres navires, et que l'expérience avec les minéraliers pourrait être différente.

Les dangers éventuels suivants ont été examinés :

  • Étant donné les conditions locales qui pourraient provoquer des températures plus douces durant le dégel hivernal et des marées rapides dans la zone des îles, la glace pourrait ne pas regeler aussi rapidement qu'on le prévoit et cela pourrait prendre jusqu'à deux jours avant qu'on puisse y circuler en toute sécurité. La VBNC concède que, compte tenu du climat variable, le mois de janvier pourrait être la période la plus défavorable au regel de la glace durant la saison de transport proposée.
  • Le brise-glace traverserait de larges crevasses de pression, qui pourraient libérer de gros radeaux de glace de mer. Les crevasses qui partiraient du chenal de transport pourraient s'étendre sur de longues distances, jusqu'au littoral.
  • Le brisage de la glace pourrait rendre la glace près du rivage plus dangereuse et la fermeture de la route maritime pourrait créer une zone d'eau libre au littoral, en particulier autour des pertuis de l'île Paul, ou autour des crevasses naturelles et des rapides.

La VBNC a proposé des mesures d'atténuation pour régler les problèmes liés à la sécurité. Elle s'est engagée à informer tous les résidents des collectivités, par radio ou en personne, lorsqu'un navire serait sur le point d'entrer dans le chenal de navigation. En réponse aux personnes qui s'inquiètent du fait que des chasseurs pourraient se trouver dans les terres durant deux ou trois jours et ne pas être au courant du passage du brise-glace, la VBNC a indiqué que des patrouilleurs en motoneige circuleraient le long du chenal pour le baliser et pour baliser la voie qui mènerait aux ponts de neige. Les balises ne seraient retirées que lorsque la voie serait de nouveau sécuritaire.

En réponse aux préoccupations relatives au fait que les chasseurs puissent ne pas voir les marqueurs ou le chenal, en particulier durant les tempêtes, la VBNC a indiqué que le calendrier de transport serait assez souple pour permettre aux navires d'attendre à l'extérieur de la zone de glace jusqu'à ce qu'il soit sécuritaire de s'y déplacer. Lors des audiences tenues à Nain, la VBNC a également promis qu'elle n'entreprendrait pas de transport hivernal si celui-ci ne pouvait être effectué en toute sécurité.

10.2.3 Exigence concernant le transport hivernal

L'Association des Inuit du Labrador a indiqué à la commission qu'elle doutait de la nécessité de transporter les concentrés en hiver. Elle se demandait si la véritable question relevait de véritables problèmes techniques liés au stockage des concentrés, comme l'a indiqué la VBNC, ou s'il ne s'agissait pas plutôt de questions économiques. La VBNC a décrit les incidences économiques de la prolongation de la durée de stockage, y compris les implications financières des retards que subirait le traitement des concentrés, les coûts d'amortissement de l'agrandissement des installations de stockage, de même que les coûts supplémentaires pour des conteneurs et des installations de stockage pour les approvisionnements opérationnels.

Durant les audiences, la commission a demandé des renseignements supplémentaires sur les problèmes liés au stockage des concentrés. La réponse de la VBNC portait notamment sur les points suivants :

  • Les concentrés s'oxyderaient durant le stockage. Au cours d'essais menés en laboratoire, des amas de concentrés se sont oxydés complètement en deux semaines. Il est difficile de mettre les résultats de ces essais l'échelle d'un gros amas de stockage dans un entrepôt, puisqu'il pourrait y avoir moins d'oxygène au c ur de l'amas. L'oxydation qui en résulterait formerait un agglomérat qui poserait des problèmes lors du chargement des concentrés.
  • Les concentrés pourraient aussi se tasser durant le stockage. Le résidu de carbonate de calcium, utilisé pour le réglage du pH durant la concentration, pourrait réagir avec les concentrés; le gypse qui en résulterait (sulfate de calcium) serait responsable du tassement.

La VBNC a indiqué qu'elle s'engage à résoudre tout problème causé durant le stockage jusqu'à une période de deux mois, bien qu'elle ne sache pas pleinement ce qu'il adviendrait des concentrés en stockage. En réponse la question concernant sa décision de maintenir un contenu de cinq pour cent d'humidité au lieu de sécher les concentrés, comme c'est fait à Raglan, la VBNC a expliqué que les caractéristiques des concentrés justifierait cette méthode. La commission constate que le processus utilisé à Raglan a également éprouvé des problèmes. Le premier incident s'est produit lorsqu'une oxydation rapide a provoqué des problèmes de manutention, et le second impliquait un déversement de concentrés secs attribuable au bris d'une conduite durant le chargement. Le fait de maintenir un taux d'humidité plus élevé dans les concentrés préviendrait ces deux genres d'incidents.

La VBNC a pris les engagements supplémentaires suivants en ce qui a trait au transport hivernal :

  • Le calendrier du transport hivernal ne serait pas modifié par la destination des concentrés, compte tenu de l'ajout de navires supplémentaires pour transporter les concentrés de nickel, de cuivre et de cobalt pour respecter le calendrier.
  • Il n'existe pas de plans pour le transport hivernal durant la construction des installations, même si l'approbation du projet était accordée en hiver. C'est uniquement en situation d'urgence, comme lors d'une défaillance majeure de l'équipement, que la VBNC serait forcée de transporter des marchandises en hiver, et seulement lorsque la société minière aura conclu un protocole avec l'Association des Inuit du Labrador et les autorités responsables.

10.2.4 Approbation du transport hivernal

La commission constate que la VBNC n'a pas besoin d'approbation réglementaire pour le transport hivernal. Des concentrés sont maintenant expédiés à partir de Raglan durant l'hiver. La première expédition a eu lieu en février et en mars 1998, et d'autres changements sont prévus. La société Falconbridge compte suspendre le transport durant les périodes de chasse ou de mise bas des phoques, périodes qu'elle déterminera en consultation avec les groupes autochtones de la région.

L'Association des Inuit du Labrador a insisté pour qu'on n'amorce aucun transport hivernal sans son consentement. L'Association a mené des négociations avec la VBNC pour élaborer un processus cadre en vue de négocier une entente et un protocole en matière de transport, à titre de composante des ententes sur les impacts et les avantages (voir le chapitre 17). L'entente déterminerait si le transport hivernal serait utilisé ou non, et à quelles conditions, le cas échéant. L'Association des Inuit du Labrador a indiqué qu'une entente sur le transport est la seule option acceptable pour donner suite à l'opposition des Inuit au transport hivernal. Durant les audiences, la VBNC et l'Association des Inuit du Labrador ont souligné qu'une telle entente pourrait être conclue à l'extérieur du cadre d'une entente sur les impacts et les avantages. Les Inuit ont besoin de temps et ils doivent être assurés de la sécurité du transport hivernal. Certains participants ont suggéré, comme première étape, que la VBNC permette à des représentants de l'Association des Inuit du Labrador d'observer le NM Arctic qui se déplace dans les glaces vers Raglan pour y charger des concentrés. Cela leur permettrait de mieux comprendre le comportement des chenaux de navigation et des ponts de glace.

Conclusions et recommandations

La commission reconnaît l'importance de la banquise côtière pour les Inuit, qui s'en servent pour la tenue d'activités traditionnelles, ainsi que leurs préoccupations concernant l'interférence et les dangers éventuels qui sont liés au transport hivernal. La VBNC a indiqué qu'elle avait besoin de la souplesse que confère la prolongation de la saison de transport pour prévoir adéquatement une exploitation minière viable et avantageuse sur le plan économique, en particulier durant l'étape de l'exploitation souterraine.

D'abord, la commission reconnaît que la VBNC ne peut prévoir avec précision, avant le démarrage effectif de l'exploitation, le comportement des concentrés stockés. En raison de son engagement à ne pas effectuer de transport en avril et mai, elle présume toutefois qu'elle pourra résoudre tous les problèmes liés au stockage pendant une période maximale de deux mois. Par conséquent, si l'on rejetait le transport hivernal, les installations de stockage seraient vides au terme de la période d'exploitation, soit avant la fin de décembre environ, et il faudrait cesser les opérations jusqu'au début d'avril.

La VBNC a indiqué que, durant la période de démarrage d'une durée approximative de deux à trois ans, le taux de production de l'usine serait « équivalent six mois d'exploitation. Bien que la production puisse se prolonger au-delà de six mois à un taux quelque peu inférieur à la capacité de l'usine, il est peu probable qu'elle nécessite plus de neuf mois et un arrêt des activités serait possible. Bien que la commission ait exprimé précédemment des préoccupations quant à ce taux de production durant une période si courte, la VBNC prévoit produire 20 000 tonnes par jour (tpj) pendant une période équivalente de neuf mois pour la vie restante du gisement Ovoid. Si tout se déroule bien et que la production peut se faire en neuf mois, un arrêt serait encore possible. Toutefois, des problèmes d'exploitation ou l'utilisation de minerais à teneur plus faible provenant de l'exploitation souterraine pourraient forcer la VBNC à prolonger cette période. Les exigences en matière de transport pourraient toutefois être inférieures à neuf voyages. Selon les plans actuels concernant l'exploitation souterraine, il faudrait que l'usine soit en opération toute l'année et que la société minière ait recours au transport hivernal s'il advenait que la VBNC n'arrive pas résoudre les problèmes de stockage.

En examinant les motifs économiques qui justifient le transport hivernal, la commission constate que l'effet sur les mouvements de trésorerie qu'entraînerait le report de l'approvisionnement en concentrés serait plus important au début des activités. Les coûts supplémentaires qui résulteraient du stockage des concentrés et les approvisionnements opérationnels seraient principalement compensés par l'accroissement de la production durant les quatre années de la phase d'exploitation maximale du gisement Ovoid.

En se fondant toutefois sur un principe de prudence, la commission n'est pas prête à recommander que le transport hivernal soit interdit, puisqu'il est encore temps d'étudier le comportement des concentrés et la viabilité du transport hivernal. La VBNC ne prévoit pas recourir au transport hivernal au cours des quatre ans qui suivront le début du projet, et le transport hivernal pourrait ne pas être essentiel aux opérations avant quelque temps encore. La commission conclut que cette période permettrait à la VBNC de déterminer les problèmes et de trouver des solutions qui satisferaient toutes les parties intéressées.

Recommandation 33

La commission recommande que la VBNC élabore, de concert avec l'Association des Inuit du Labrador et les organismes de réglementation, un programme visant à explorer la nécessité et la viabilité du transport hivernal dans la banquise côtière. Ce programme devrait englober les activités suivantes :

  • des recherches supplémentaires sur le comportement des concentrés, ainsi que des mesures pour rallonger la durée de stockage au fur et mesure de la disponibilité des volumes opérationnels de concentrés;
  • une étude supplémentaire sur le comportement du chenal de navigation en régime de glaces, en fonction de l'expérience de l'exploitation à Raglan;
  • des voyages d'essai entrepris par des minéraliers durant les premières années d'exploitation, dans diverses conditions hivernales, pour examiner le comportement réel de la banquise côtière et évaluer la sécurité d'une telle opération.

Recommandation 34

La commission recommande que la VBNC effectue d'autres études par modélisation sur les limites de rendement des types de navires que l'on pressent pour évoluer en régime de glaces. Elle recommande également une évaluation plus poussée des limites de leur rendement en régime de glaces, y compris la puissance maximale sur l'arbre, le renforcement de la coque, les risques d'ingestion de glace et la capacité à naviguer dans des conditions de ballast, presque en tirant d'eau du déplacement en charge.

Recommandation 35

La commission recommande que la VBNC intègre les éléments suivants au plan de gestion du transport maritime, pour assurer la sécurité des navires qui se déplacent en zones de banquise côtière ou de banquise :

  • mettre sur pied un centre de coordination spécialisé qui se chargera de l'ensemble des opérations de transport vers et depuis la zone du projet, et à toutes les étapes du projet;
  • examiner et rectifier les plans de transport avant le début de la saison des glaces pour tenir compte de la disponibilité des brise-glace et des conditions des glaces;
  • avant d'autoriser les navires à entrer en zone de banquise, s'assurer qu'ils disposent de la résistance et de la puissance suffisantes pour naviguer en régime de glaces, que les équipages sont qualifiés pour naviguer dans ces zones et que l'aide d'un brise-glace est promptement disponible, pour que les navires ne soient pas clavés dans les glaces et entraînés dans une zone qui n'est pas sur les cartes;
  • fournir un système d'information sur les régimes de glaces, dont les renseignements couvriraient une aire s'étendant jusqu'aux limites des banquises le long de la route maritime prévue pour les navires;
  • établir des protocoles visant à assurer que les capitaines de brise-glace et les capitaines de minéralier s'entendent parfaitement sur les procédures suivre durant la période d'escorte, avant que le navire n'entre en zone de glaces.

10.3 Préoccupations relatives à l'acheminement par bateau

La VBNC fait observer que le choix d'une route de navigation tient compte essentiellement des facteurs déterminants tels des renseignements hydrographiques disponibles, la nécessité de ne pas négocier des virages difficiles ou des passages près de hauts-fonds dangereux et de l'endroit où se trouvent les aires écologiques importantes, telles les aires de mise bas du phoque ou les colonies de nidification. La commission constate que ces trois facteurs ont sérieusement limité les possibilités en ce qui a trait à la route vers l'anse à Edward.

10.3.1 Renseignements hydrographiques

La figure 10.1 montre la route maritime envisagée : des îles Hens and Chickens jusqu'à l'île Whale, la route est essentiellement celle qui est suivie traditionnellement vers Nain. Elle s'appuie sur des renseignements hydrographiques disponibles sur la région. La commission constate que l'information hydrographique concernant la côte du Labrador est, au mieux, grossièrement médiocre. Comme l'a indiqué le ministère des Pêches et des Océans du Canada, des 49 cartes de la côte du Labrador, 18 s'appuient sur des sources de la marine britannique et de la France qui date du début du siècle, 24 sur des sources américaines qui datent des années 1940 et 1950, et cinq sont fondées sur des sources allemandes.

Pour pallier à ce problème, la VBNC a commandé des relevés hydrographiques une entreprise privée et, de concert avec le Service hydrographique du Canada, a dressé des cartes sur la route proposée vers l'anse à Edward. Le Service hydrographique suggère de trouver de meilleures sources pour ces cartes (5051 et 5052), pour satisfaire aux normes modernes en matière de relevé hydrographique et de tirant d'eau requis sur les navires que l'on envisage d'utiliser. Bien que les cartes actuelles ne posent aucun problème connu pour le moment, il serait préférable d'attendre que les améliorations suggérées leur aient été apportées avant de les considérer comme entièrement fiables. La VBNC convient qu'il faut procéder ainsi.

Il n'en demeure pas moins que le tracé comprend un nombre immense de zones grises » pour lesquelles il n'existe aucun relevé hydrographique. Le Service hydrographique du Canada propose que l'on fasse d'autres relevés des régions avoisinantes dans l'intérêt de la sécurité des navires, de l'intervention environnementale, des opérations de recherche et de sauvetage, ainsi que du déglaçage. La VBNC en convient, mais considère que la responsabilité d'établir ces relevés incombe au Service hydrographique du Canada.

10.3.2 Autres routes possibles

Environnement Canada et d'autres participants ont affirmé que la VBNC devrait examiner d'autres possibilités en ce qui concerne le segment oriental de la route proposée: entre l'île Whale et la partie méridionale de l'île Paul, il y a beaucoup de virages et on croise d'important parcours de chasse entre Nain et le Sina (banquise côtière). Aucun tracé ne contourne entièrement les sites écologiques ou les parcours de chasse, mais certaines routes de remplacement sont possibles dans la mesure où la température et les concentrations de mammifères marins ou d'oiseaux le permettent et que les perturbations ne sont pas concentrées à un endroit en particulier.

Il y a également des problèmes de tracé pour ces routes de remplacement. La VBNC a indiqué qu'elle examinait actuellement une autre route, qui est plus directe, mais qu'on en est encore aux travaux hydrographiques préliminaires.

10.3.3 Pilotage et navigation

La route que l'on propose vers l'anse à Edward est étroite à certains endroits et oblige à négocier plusieurs virages. Transports Canada a étudié cette route et a observé qu'elle ne pourrait être empruntée qu'à la condition d'avoir installé des aides à la navigation modernes. Il s'est également demandé si un navire menacé par la banquise ne serait pas projeté sur la roche, les hauts-fonds et les îlots. A son avis, il faudrait faire appel aux services de personnes qui connaissent bien les lieux pour effectuer les man uvres à l'entrée de l'anse à Edward. La VBNC affirme qu'elle ajoutera des conseillers locaux à son équipe de gestion maritime.

L'Administration de pilotage de l'Atlantique décidera si ce corridor de transport doit être considéré comme une zone obligatoire ou non de pilotage, lorsque la VBNC lui aura fourni l'information précise sur les navires qui seront en fin de compte utilisés. La décision de l'Administration de pilotage de l'Atlantique est motivée uniquement par des considérations liées à la sécurité. La commission croit savoir que le capitaine d'un navire battant pavillon canadien qui emprunte régulièrement une route donnée peut être autorisé à agir à titre de pilote. Les navires affrétés sur le marché libre obtiennent un pilote sur demande auprès de l'Administration de pilotage.

10.3.4 Communications et aides électroniques à la navigation

L'évaluation des routes maritimes réalisée par Transports Canada insiste beaucoup sur l'importance des aides à la navigation pour assurer la sécurité des navires. La Garde côtière canadienne a fourni une liste des instruments qui doivent être installés avant que ne commence le transport des concentrés; elle a recommandé que la VBNC négocie avec elle la fourniture de ces instruments. La VBNC affirme qu'on ne devrait pas demander à un utilisateur de la route de fournir à lui seul ces instruments et que la responsabilité en matière de la sécurité sur l'eau incombe à la Garde côtière canadienne.

La Garde côtière canadienne indique que des aides terrestres à la navigation devraient aussi être installés localement, pour compléter les instruments électroniques modernes d'aide à la navigation. Elle propose que tous les navires soient équipés d'un système électronique de visualisation des cartes marines (SEVCM) et la VBNC en convient. La Garde côtière canadienne suggère également l'emploi d'un système numérique de positionnement à l'échelle du globe et affirme que celui qui a été installé à Rigolet devrait réussir à couvrir toute la région touchée par le projet. Parmi les changements apportés à la réglementation intérieure en matière de transport par eau, signalons l'installation obligatoire du système de détresse maritime et de sécurité à l'échelle du globe, le GMDSS, à compter du 1er février 1999.

Conclusions et recommandations

La commission en vient à la conclusion que, bien que la VBNC, Transports Canada et la Garde côtière canadienne aient tous déclaré que les navires de la taille proposée pourront circuler en toute sécurité jusqu'à l'anse Edward, il faudra mettre en place des dispositifs et des mesures de sécurité, pour éviter les accidents. Des relevés hydrographiques adéquats et modernes constitueraient un facteur important. Il serait également crucial de fournir des aides électroniques et fixes à la navigation, ainsi que de s'assurer que tous les navires éventuellement en service puissent les utiliser. La connaissance des lieux devrait faire partie des plans d'approche et les navires affrétés sur le marché libre devraient avoir des pilotes à leur disposition.

On se demande qui assumera le coût de l'amélioration des cartes, ainsi que des aides à la navigation et de leur entretien. La commission a la ferme conviction qu'il conviendrait de demander au Canada d'assumer la majeure partie des coûts, étant donné la mauvaise qualité des services maritimes assurés jusqu'à présent sur la côte du Labrador. Cette région pourrait en effet profiter d'autres projets de développement économique, en particulier d'un trafic maritime plus intense dû à l'écotourisme et la création d'un parc national. On devrait obliger la VBNC à financer les infrastructures directement liées aux dernières voies d'accès à la baie Anaktalak et à l'anse à Edward. La commission propose que le gouvernement fédéral envisage la possibilité d'établir une politique de partage des coûts selon le principe suivant : plus la voie d'accès ne sert spécifiquement qu'à un seul utilisateur, plus le montant qu'il devra débourser est élevé.

Recommandation 36

La commission recommande que le Service hydrographique du Canada effectue le relevé d'autres régions avoisinant la route envisagée, et ce au profit de la sécurité des navires, de l'intervention environnementale, des opérations de recherche et de sauvetage, ainsi que du déglaçage.

Recommandation 37

La commission recommande que la VBNC, de concert avec Pêches et Océans Canada et avec l'Association des Inuit du Labrador, examine d'autres voies d'accès possibles à la baie Anaktalak et que les relevés hydrographiques et le tracé ultérieur de ces routes, selon les normes actuelles du Service hydrographique du Canada, soient effectués dans les trois prochaines années.

Recommandation 38

La commission recommande que l'Administration de pilotage de l'Atlantique déclare le pilotage obligatoire dans la zone de l'anse à Edward, pour que les navires n'arborant pas pavillon canadien qui sont affrétés sur le marché libre soient obligés de se faire assister par un pilote possédant les connaissances nécessaires des lieux.

Recommandation 39

La commission recommande que la VBNC fasse installer, avant de commencer ses activités de transport maritime, les meilleures aides à la navigation électroniques et fixes qui soit, y compris un marimètre fixe, pour assurer une localisation précise des navires le long de la route maritime.

10.4 Fuites chroniques et déversements accidentels

10.4.1 Eau de ballast

Des participants ont exprimé des préoccupations relativement à la régulation de l'eau de ballast et du déballastage pendant les opérations de chargement l'anse à Edward.

L'étude d'impact environnemental de la VBNC mentionne la nécessité d'instaurer un programme de régulation de l'eau de ballast, pour réduire les risques que pose l'introduction d'espèces allogènes dans la baie Anaktalak. L'entreprise s'est engagée à intégrer un tel programme à son système de gestion de l'environnement. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada convient également de la nécessité d'un tel programme; il énumère diverses mesures d'atténuation, par exemple le traitement de l'eau avant de remplir ou de vider l'eau de ballast et le changement d'eau en pleine mer. Il signale que le programme devrait gérer les divers risques liés aux différents endroits de chargement et aux questions de sécurité maritime. L'eau de ballast ne fait pas, actuellement, l'objet d'une réglementation par le ministère, mais la question est jugée comme étant de première importance dans la nouvelle Loi sur les océans. Certains ports canadiens ont trouvé d'autres façons d'appliquer des mesures de contrôle de l'eau de ballast.

10.4.2 Contrôles au moment du chargement du fret

Des participants ont aussi manifesté des inquiétudes en ce qui concerne la sécurité des cargaisons de concentrés. Il importe que la teneur en eau des cargaisons de matières aussi fines que le minerai concentré soit surveillée de près, car une liquéfaction pourrait entraîner des dommages la structure du navire ou des problèmes de stabilité. La teneur en eau doit être vérifiée pour s'assurer qu'elle reste dans les limites établies aux fins du transport, sinon la cargaison doit être placée à bord de navires spécialement aménagés. La vérification incombe à l'expéditeur, mais la sécurité de la cargaison relève de la responsabilité du gardien du port. On n'est pas obligé d'avoir un gardien du port pour le fret intérieur, mais la commission croit savoir que les capitaines canadiens peuvent agir ce titre dans de tels cas. Le temps nous permettra de comprendre davantage les problèmes liés à l'oxydation des concentrés, mais, là encore, la commission croit savoir que les minéraliers ont à leur bord des systèmes de saturation en azote pour éviter les problèmes.

10.4.3 Déversements de minerai concentré

Des participants ont indiqué qu'ils étaient préoccupés par les effets sur l'environnement d'un déversement de concentrés, que ce soit sous la forme d'une fuite chronique durant le chargement à l'anse à Edward ou la suite d'un accident. La commission fait remarquer qu'une fuite importante de minerai concentré n'est possible que s'il advient une rupture catastrophique d'un minéralier.

La VBNC a réalisé deux études par modélisation sur une fuite de 25 000 tonnes de minerai concentré, dans un cas au quai de l'anse à Edward, dans l'autre à la pointe est de l'île Paul. Dans l'anse à Edward, on s'attend ce que la faiblesse du courant fasse caler le minerai sur place et que seulement un pour cent se disperse au-delà de la zone immédiate au bout de huit semaines. Lors d'un déversement aussi circonscrit, une grande partie du minerai serait vraisemblablement récupérée, mais il y aurait étouffement et contamination à long terme des organismes locaux.

Pour l'essai concernant l'extrémité de l'île Paul, on a appliqué un courant de fond de 0,25 m/sec. On prévoit que le fragment grossier (45 pour cent du concentré) reste à moins de 30 km du lieu de déversement, mais que la partie fine se disperse au-delà de cette limite. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada soutient qu'on a utilisé des hypothèses trop simplistes, en particulier pour ce dernier essai, étant donné la nature dynamique du milieu marin le long de la route maritime.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada redoute également que les concentrations en métal restent très élevées pendant de longues périodes, causant des effets liés à la toxicité qui seraient pire que l'étouffement du milieu naturel. Un fort coefficient de toxicité dans la zone touchée par un déversement aurait un impact sur une grande échelle dans un milieu haute énergie et les sédiments contaminés pourraient également toucher la colonisation et la reconstitution de l'habitat. Le ministère pense que les effets seraient pires que ne l'indique l'étude d'impact environnemental. L'expérience acquise lors du nettoyage de déblais de dragage contaminés indique que les méthodes de récupération libèrent souvent des quantités encore plus grandes de contaminants dans le milieu environnant.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada recommande l'élargissement des essais par modélisation, pour évaluer les effets de déversements dans des zones situées le long de la route où les caractères physiques de l'océan entraîneraient une dispersion plus large des concentrés qui seraient déversés. Les effets de tels incidents sur les organismes marins de la zone devraient être étudiés.

La VBNC a accordé une très grande importance à la prévention des déversements de minerai concentré, à la protection de l'environnement, à la conception technique et aux inspections, de même qu'à la formation et aux méthodes de travail.

La commission en conclut que le rejet chronique de minerai concentré dans l'anse à Edward sera vraisemblablement le principal problème. La conception du système de chargement et un contrôle strict de la poussière sont les seuls moyens d'écarter un tel risque. Le minerai concentré serait maintenu à un pourcentage d'humidité de cinq pour cent, mais il s'assécherait pendant l'oxydation. La commission relève que le genre de déversement tous azimuts » qu'il y a eu récemment à Raglan a peu de chances de se produire, mais il serait de bon aloi de donner une formation et de faire preuve d'attention pendant le chargement.

10.4.4 Déversements d'hydrocarbures

Tous les navires et les quais doivent avoir un Plan d'urgence en cas de pollution par les hydrocarbures, approuvé conformément à la réglementation s'appliquant à la Loi sur la marine marchande du Canada, comme mesure d'urgence en cas d'accident. La Garde côtière canadienne a approuvé l'installation temporaire actuelle de manutention des hydrocarbures à l'anse à Edward, mais un autre certificat devra être délivré si cette installation devient permanente. Le plan concernant les navires, désigné sous le nom de Plan d'urgence de bord contre la pollution par les hydrocarbures est un document propre à chaque navire et doit également être approuvé par la Garde côtière canadienne. Les propriétaires de navire et de quai doivent également détenir un contrat avec un organisme d'intervention agréé capable de faire face un déversement majeur. Dans l'Est du Canada, le Labrador y compris, il s'agit de la Société d'intervention maritime de l'Est du Canada, dont le siège social est à St. John's. Les navires qui se trouvent dans les eaux canadiennes ne sont pas tenus d'avoir à leur bord du matériel de retenue et de nettoyage.

La Garde côtière canadienne possède un dépôt en cas de déversement d'hydrocarbures, d'une capacité de 10 000 tonnes et indépendant des installations de la Société d'intervention maritime de l'Est du Canada, à St. John's. Ce dépôt lui permet d'intervenir sur le littoral et en mer. Elle possède en outre un petit dépôt de 150 tonnes à Goose Bay. Le centre de secours de la Garde côtière canadienne n'intervient que s'il s'agit d'un déversement mystérieux ou que l'organisme d'intervention du secteur privé ne répond pas efficacement. Si un pollueur refuse d'intervenir ou n'est pas en mesure de le faire, la Garde côtière canadienne se chargera du nettoyage et verra à en récupérer les coûts.

La VBNC soutient que le risque d'accidents maritimes est faible compte tenu de l'accent qu'elle a mis sur les mesures de sécurité et d'intervention en cas d'urgence. Bien qu'elle ne l'ait pas quantifiée, elle qualifie de très faible la probabilité qu'un déversement majeur de produits pétroliers se produise par suite des dommages causés à un navire dans les glaces ou en eaux libres. On estime qu'un déversement mineur de moins de quatre tonnes risque de se produire à tous les 29 ans pendant les opérations de chargement ou de déchargement d'hydrocarbures sur un navire.

La VBNC a présenté les résultats de ses études par modélisation, portant sur deux cas de déversement qualifiés de pire des scénarios crédibles. L'un concerne les environs de l'anse à Edward, et l'autre, une zone à l'Est de l'île Paul. Dans les deux cas, la VBNC a modélisé un événement durant lequel 400 tonnes d'hydrocarbures se déverseraient dans les eaux libres en juillet et un autre durant lequel 200 tonnes d'hydrocarbures se déverseraient sur la banquise côtière en mars. Elle a aussi étudié le comportement d'un déversement de 200 tonnes d'hydrocarbures dans la banquise autour de l'île Whale.

Les hydrocarbures déversés en eaux libres à l'anse à Edward resteraient emprisonnés dans les limites de la baie Anaktalak. Leur vitesse de dispersion vers l'est et vers l'ouest dépendrait du régime des marées au moment de l'événement. La VBNC estime à seulement un pour cent la probabilité que les hydrocarbures atteignent l'embouchure de la baie Anaktalak à l'intérieur de cinq jours. La modélisation d'un déversement de même envergure au large de la côte sud-est de l'île Paul limite à cinq pour cent la probabilité que la nappe ne s'étende sur plus de huit kilomètres sur l'axe est-ouest le long de la côte sud-est après cinq jours et à un pour cent la probabilité qu'elle s'étende vers l'ouest jusque dans la baie Anaktalak, ou vers l'est ou le sud-est sur une distance de peut-être 25 kilomètres, durant le même intervalle de temps.

En eaux libres, de 10 à 15 pour cent du diesel dispersé s'évaporerait rapidement. Si une tempête sévissait au large des îles, la turbulence romprait la nappe en particules, qui seraient entraînées dans la tranche d'eau. Dans des eaux plus protégées, la majeure partie des polluants resterait l'intérieur des chenaux et entre les îles, où il serait moins probable que les polluants déversés soient entraînés dans la tranche d'eau.

Les déversements qui surviendraient à ces endroits en mars, dans la banquise côtière, resteraient plus confinés parce que les polluants se comporteraient différemment sous la glace et ne seraient pas transportés par le vent. L'étude d'un scénario de déversement d'hydrocarbures de 200 tonnes dans les banquises aux abords de l'île Whale indique que le combustible se solidifierait et serait brisé en particules qui se disperseraient et s'incorporeraient graduellement dans la glace où elles seraient transportées vers le sud. Après trois semaines, ayant peut-être atteint les environs de l'île Belle, les hydrocarbures encore captifs dans la glace, se retrouveraient totalement dispersés dans la tranche d'eau à la fonte des glaces.

Voici les mesures d'atténuation que propose la VBNC :

Le Plan de gestion marine de la VBNC prévoit que les navires seraient dotés d'un système de gestion de la qualité qui comprendrait un éventail complet de manuels de navigation, conformes au Code international de gestion de la sécurité qui décriraient les pratiques et procédures habituelles et d'urgence. Les manuels de procédure encadrent le personnel à bord et sur terre en lui fournissant des directives concernant la bonne marche des opérations et la capacité d'intervention prévue. Le Plan d'urgence de bord contre la pollution par les hydrocarbures, susmentionné, figure parmi les procédures obligatoires.

En vertu de son certificat d'agrément, la Société d'intervention maritime de l'Est du Canada possède une capacité d'intervention de 10 000 tonnes, la capacité de son dépôt le plus près, situé à St. John's, étant évaluée 2 500 tonnes. Du matériel supplémentaire peut être transporté au besoin depuis d'autres emplacements situés sur la côte est. La Loi sur la marine marchande du Canada accorde aux organismes d'intervention 72 heures tout au plus pour répondre aux clients éloignés. On a suggéré, lors des audiences, de réduire ce délai à moins de 12 heures lorsque les conditions sont favorables. La VBNC a manifesté son intention d'inclure une clause dans tous ses contrats de transport selon laquelle elle pourrait mettre en uvre une intervention d'urgence si un exploitant de navire ne le faisait pas lui-même.

La VBNC prévoit disposer de 800 mètres de barrières flottantes à l'anse Edward (stationné à terre), qu'elle pourra mobiliser rapidement, en plus de celles que possède la Société d'intervention maritime de l'Est du Canada. Les barrières pourraient être déployées pour contenir les déversements en eaux libres qui menaceraient des zones vulnérables particulières. La VBNC a indiqué que les renseignements recueillis lors de relevés effectués sur une bande littorale de 780 km adjacente à l'emplacement du projet pourraient être intégrés à la planification d'urgence. Les dispersants chimiques ne sont pas considérés comme étant efficaces, ce qui en exclurait probablement l'emploi. La VBNC qualifie les effets résiduels d'un déversement accidentel d'hydrocarbures comme étant moyens (importants) dans certains cas.

Selon le ministère des Pêches et des Océans du Canada, le risque de déversement a été sous-estimé dans l'étude d'impact environnemental, et les modélisations des déversements n'ont pas été faites de façon exhaustive, ni selon les pires scénarios envisageables. Le modèle de l'île Paul utilise des mesures de courant minimales, contraires à la dynamique et à la complexité des mouvements d'eau et de la bathymétrie de la région. Les modèles portant sur l'anse à Edward se fondent sur l'hypothèse voulant que les courants nets à l'extérieur de l'anse soient nuls. Les effets du déplacement et de la fonte des glaces sur la dispersion des polluants n'ont pas été pris en compte dans les scénarios; les conséquences d'une perte totale de 5 000 tonnes survenant en eaux libres dans la baie Anaktalak et celles d'un événement majeur survenant en hiver n'ont pas, elles non plus, été étudiées.

La Garde côtière canadienne a indiqué à la commission que la planification d'urgence concernerait chacune des parties ayant des responsabilités légales : la VBNC, l'armateur, l'exploitant du port et l'organisme d'intervention. Aux fins de l'intervention tactique et de l'établissement des priorités, la planification d'urgence pourrait se faire avec les parties intéressées, au sein de comités consultatifs. La Garde côtière canadienne gère une base de données cartographiques des zones vulnérables sur le littoral, y compris les habitats fauniques et les zones de pêche, qui lui sert d'outil pour assurer la protection et le nettoyage du littoral.

Voici ce qu'a recommandé le ministère des Pêches et des Océans du Canada :

  • que la VBNC effectue de meilleures études par modélisation, relativement aux scénarios de déversement d'hydrocarbures, en tenant compte de la banquise comme habitat pour les mammifères marins et de la saisonnalité, et en évaluant mieux les effets de ce type d'événements sur les mammifères marins (voir également le chapitre 11, Mammifères marins);
  • que les plans d'urgence contre la pollution par les hydrocarbures (PUCPH) soient soumis à l'examen de la Garde côtière canadienne lorsque la nouvelle installation de manutention d'hydrocarbures sera construite;
  • que les navires aient à leur bord un minimum d'équipement d'intervention en cas de déversements d'hydrocarbures, tels que barrières flottantes, récupérateurs, sorbants et dispositifs de stockage;
  • que la VBNC ait un navire de soutien à l'anse à Edward, prêt à intervenir en cas d'incidents mineurs survenant au quai ou le long de la route maritime, et qui pourrait servir à l'entretien des aides à la navigation (la Garde côtière canadienne envisage une petite embarcation de travail capable de déployer des barrières flottantes et des récupérateurs dans les eaux côtières, de transporter des techniciens jusqu'aux aides à la navigation situées le long de la route maritime et de convenir à d'autres tâches normalement associées à une opération en mer; le navire pourrait en outre participer aux opérations de recherche et de sauvetage de la Garde côtière canadienne à titre de membre de la flotte auxiliaire de la Garde côtière).

La pertinence des pires des scénarios en ce qui concerne les quantités probables déversées, ainsi que le moment et le lieu des déversements envisagés, a été soulevée par l'Association des Inuit du Labrador. Elle a aussi souligné l'absence d'estimations de probabilité quantitative du risque encouru. On y critique également les modèles de dispersion et de devenir de la nappe utilisés, qui ne tenait suffisamment compte du rôle des courants et des glaces. On y signale également que la VBNC a omis d'étudier les effets cumulatifs des rejets d'hydrocarbures dans la baie Anaktalak, qui découlerait du transport effectué dans le cadre du projet. L'Association a recommandé que ces lacunes soient comblées et qu'un navire capable d'intervenir en moins de 12 heures soit disponible.

La VBNC a qualifié « d'invraisemblable » le pire des scénarios impliquant 5 000 tonnes, parce qu'il suppose le rejet quasi instantané de la totalité de la cargaison d'hydrocarbures à bord du navire, alors que, dans les pires événements observés, les rejets représentent rarement plus de 20 pour cent de la cargaison. La VBNC estime que l'étude des probabilités d'événements rares par modèles formels ne donne pas de résultats très précis et ne peut fournir d'outils d'intervention efficaces. Elle a cependant décidé de poursuivre son étude des scénarios de déversement d'hydrocarbures dans le cadre de sa planification d'urgence et de la mise en uvre de son Plan d'urgence contre la pollution par les hydrocarbures. La VBNC a convenu de la nécessité d'avoir de l'équipement d'intervention à proximité, mais estime qu'il est préférable de le localiser dans l'anse à Edward plutôt qu'à bord d'un navire. Elle a accepté de mobiliser un navire de travail dans l'anse à Edward. L'examen du Plan d'urgence par la Garde côtière canadienne est prévu par une réglementation et la VBNC entend s'y conformer.

Conclusions et recommandations

La commission estime que l'adoption par la VBNC de mesures de sécurité et de planification d'urgence constitue le meilleur moyen de réduire au minimum le risque d'accidents marins. Selon la société minière, il est peu probable qu'un déversement de concentrés ou d'hydrocarbures soit causé par un incident impliquant un navire, si des aides appropriées à la navigation, des systèmes de prévision de l'état des glaces et des conditions météorologiques, ainsi que des procédures d'exploitation et d'urgence efficaces sont mis en place et maintenus convenablement.

La commission en conclut que les pertes de concentrés au quai de chargement pourraient causer des effets localisés si des mesures adéquates de manutention et de lutte contre la poussière ne sont pas appliquées. Il faudrait que la VBNC assure une surveillance des opérations de chargement et modifie la procédure pour remédier à tout problème qui serait éventuellement décelé.

Recommandation 40

La commission recommande que la VBNC intègre les procédures de chargement et les mesures de contrôle des concentrés dans le Plan de gestion du transport maritime élaboré en consultation avec Transports Canada. La VBNC doit fournir les services d'un gardien de port au besoin, notamment lorsqu'elle procède au chargement des concentrés de cuivre à bord de navires n'arborant pas pavillon canadien. La VBNC doit aussi surveiller les opérations de manutention des concentrés sur les quais et prendre les mesures correctives qui s'imposent si elle observe des fuites répétées de concentrés.

La commission convient de la nécessité de mettre en place un programme de gestion de l'eau de ballast et d'inclure, dans tous les contrats de transport, une clause obligeant l'entrepreneur à s'y conformer. La prudence est de mise parce que l'atténuation des effets négatifs peut s'avérer impossible une fois l'espèce allogène introduite. Le programme doit donc viser à ce qu'aucun navire ne rejette dans la baie Anaktalak une eau de ballast non décontaminée provenant de l'extérieur d'une zone écologique régionale bien définie.

Recommandation 41

La commission recommande que, avant que ne s'amorcent les opérations de transport effectuées dans le cadre du projet, la VBNC soit tenue d'élaborer un programme de gestion de l'eau de ballast, en consultation avec Pêches et Océans Canada. Le programme doit viser à protéger l'intégrité écologique des eaux marines adjacentes à l'emplacement du projet. Les exigences prévues dans le programme doivent être intégrées à tous les contrats de transport, qui doivent en outre être assortis d'amendes en cas de non-conformité.

La commission souligne que le tonnage d'hydrocarbures que le promoteur propose de faire transporter par navire est certainement plus élevé que celui qui est actuellement transporté le long de la côte du Labrador. Les cargaisons sont par ailleurs beaucoup plus petites que celles acheminées par les gros pétroliers impliqués dans les marées noires les plus dévastatrices et les produits transportés se disperseraient plus facilement. Les estimations de probabilité formelles ont une utilité limitée, mais la prudence commande d'élaborer un plan d'intervention en présumant qu'un déversement important d'hydrocarbures surviendra à un moment ou à un autre du projet. La poursuite des travaux de modélisation devrait s'imposer pour intégrer les divers facteurs dégagés par les participants à la planification des interventions en cas d'urgence. Outre les gains que la VBNC pourra réaliser au chapitre de la planification d'urgence, la commission estime que la société minière pourra renseigner davantage la population sur la probabilité, l'importance et les conséquences d'une catastrophe en élaborant les pires scénarios et en les étudiant par modélisation.

La planification d'urgence doit porter sur le pire des scénarios « crédible ». La planification intégrée du déploiement des barrières flottantes, de la récupération de la nappe de pétrole et du nettoyage des côtes suppose l'existence d'un plan d'intervention qui détermine les endroits sur le littoral et les types de rivage qu'il faut protéger en priorité (en partie suivant les relevés des zones vulnérables existants), ainsi que les méthodes de nettoyage à utiliser selon les modalités convenues. Ce plan doit s'appuyer, en partie du moins, sur les relevés des zones vulnérables existants et sur les ententes établissant les méthodes de nettoyage à utiliser. En plus des parties juridiquement responsables, la formulation du plan doit faire intervenir les collectivités et les intérêts économiques susceptibles d'être touchés. Le Conseil consultatif de l'environnement pourrait encadrer les efforts continus de planification et d'intervention réalisés par toutes les parties concernées.

Recommandation 42

La commission recommande que la VBNC mette en oeuvre les mesures de sécurité et d'intervention d'urgence qu'elle a proposées relativement aux déversements d'hydrocarbures.

Recommandation 43

La commission recommande que la VBNC et Pêches et Océans Canada s'entendent sur le pire des scénarios crédible pour un déversement d'hydrocarbures, partir duquel toutes les parties responsables pourraient formuler leur plan d'urgence en cas de déversement. Dans le cadre du volet du projet relatif au transport maritime, il faudrait prévoir la mise en place de l'équipement d'intervention, l'examen et la mise à jour des plans d'intervention, ainsi que le maintien et la mise à l'essai des mesures d'urgence, conformément au plan établi. La VBNC et l'Association des Inuit du Labrador doivent également inclure un volet relatif à la planification d'urgence dans l'entente bilatérale de transport maritime que l'on négocie actuellement. La VBNC doit poursuivre ses travaux d'élaboration de scénarios de déversements d'hydrocarbures et les études sur le devenir de la nappe en cas de déversement; elle doit en outre tenir compte, comme il convient, des préoccupations soulevées par Pêches et Océans Canada et par le public dans ses efforts continus de planification d'urgence. Les plans d'intervention d'urgence doivent comporter des dispositions précises concernant la surveillance des effets et l'évaluation de l'efficacité des mesures d'intervention, qui seraient mises en uvre si un déversement majeur se produisait. La VBNC doit s'assurer que les exploitants de navire qui sont à son service connaissent ces dispositions et sont prêts les mettre en application.

On a indiqué à la commission que les mesures de retenue et de récupération des produits déversés s'avéreraient inefficaces si un déversement se produisait durant une tempête (c'est-à-dire, en présence de vagues dépassant trois mètres). Dans ce contexte, la planification d'urgence et une capacité d'intervention rapide depuis une base côtière constitueraient les principales stratégies pour réduire les effets du déversement au minimum. Le principal centre d'intervention le plus proche est toutefois à au moins 12 heures de distance lorsque les conditions sont favorables et il y aurait relativement peu d'équipement stationné à terre dans l'anse à Edward. Il est fort possible qu'un événement se produise durant une période de noirceur, de brouillard ou de mauvais temps. Il est donc souhaitable de doter les navires d'une meilleure capacité d'intervention de première ligne, même si la retenue et la récupération rapides des produits déversés pourraient s'avérer difficile lorsque les conditions sont défavorables.

Recommandation 44

La commission recommande que la VBNC oblige les navires transportant des combustibles vers le complexe minier à avoir de l'équipement d'intervention leur bord, notamment des barrières flottantes, des récupérateurs, des sorbants et des dispositifs de stockage.

Recommandation 45

La commission recommande que la VBNC garde un navire de soutien dans l'anse à Edward pour intervenir en cas d'incidents mineurs, aider à l'accostage, entretenir des aides à la navigation et servir d'intervenant de première ligne si un déversement majeur d'hydrocarbures se produit sur la route maritime.

Il faut qu'une stratégie et un plan complets de nettoyage depuis la rive soient élaborés avant que ne commencent les opérations de transport maritime. La commission estime que la vulnérabilité de la baie Voisey un déversement d'hydrocarbures le long de la route maritime proposée est faible. La présence des estuaires et des laisses de vase, dans lesquels les hydrocarbures peuvent persister longtemps sous forme toxique, confère la région une vulnérabilité particulière dont il faudra tenir compte dans la planification d'urgence.

Recommandation 46

La commission recommande que la Garde côtière canadienne, avec la collaboration et le concours de la VBNC, et en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador, effectue une mise à jour des cartes des zones vulnérables existantes et complète les relevés des types de rivage, des habitats côtiers d'importance, des zones de pêche déterminantes et d'autres zones d'importance locale, avant de planifier de façon concertée les stratégies et les priorités d'intervention.

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11 Mammifères marins

L'évaluation de la VBNC porte essentiellement sur les mammifères marins désignés comme composantes valorisées de l'écosystème. Se trouvant à l'extrémité de la chaîne alimentaire, le phoque est considéré comme un indicateur de l'intégrité écologique de la région de Landscape. Le phoque du Groenland, le phoque annelé, le phoque commun et le phoque barbu ont tous été désignés composantes valorisées de l'écosystème. Le phoque du Groenland et le phoque annelé ont une valeur culturelle et ils constituent un aliment important pour les habitants; ils ont également une valeur marchande. Le petit rorqual est la baleine la plus commune de la région. Le bélouga et l'ours polaire sont des espèces ayant un statut spécial de conservation qui leur a été conféré par le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada. La route maritime proposée traverse l'aire d'activités de tous ces mammifères marins.

En vertu de la Loi sur les pêches, le ministère des Pêches et des Océans du Canada est responsable de la gestion des mammifères marins. Aucune disposition ne prévoit la surveillance de la conformité des activités proposées du projet pour déterminer leurs répercussions sur les mammifères marins.

La Loi sur la protection de la faune confère à la Direction générale des forêts et de la faune de la province les responsabilités liées à la gestion des ours polaires. Aucune disposition ne prévoit la surveillance de la conformité des activités proposées du projet pour déterminer leurs répercussions sur les ours polaires.

11.1 Phoques et baleines

11.1.1 Évaluation de la VBNC

La VBNC a mené de nombreuses études sur les mammifères marins; elle a notamment étudié, au printemps, les aires de mise bas des phoques, dans le voisinage de la route maritime, ainsi que dans les baies intérieures et les îles situées à proximité de l'emplacement du projet. La société minière a modélisé les bruits sous-marins pour évaluer les effets éventuels du transport sur les phoques annelés.

Pendant l'été, la population de phoques du Groenland est nombreuse le long de la route maritime, mais elle ne l'est pas dans la région de Landscape pendant la période des glaces. Seule une faible partie de la population du Nord-Ouest de l'Atlantique se trouve dans cette région, quelle que soit la période de l'année. Les phoques annelés, également abondants le long de la route maritime, sont présents dans la région de Landscape à longueur d'année. Les études menées au printemps indiquent que les phoques annelés sont particulièrement abondants à l'est de la baie Voisey et au sud de la route maritime, une zone que l'on croit être une vaste aire de reproduction. La VBNC a constaté de fortes densités le long de la route maritime à proximité de la lisière des glaces et des densités plus faibles dans les baies. Les phoques annelés pratiquent des trous d'air dans les banquises et se rassemblent le long des lisières des glaces. Les polynies, les lisières des bancs de glace et les chenaux dans la glace constituent leur principal habitat. Durant la saison des eaux libres, les phoques annelés vont se nourrir dans les baies.

Les phoques barbus et les phoques communs vivent toute l'année dans la région de Landscape. Les phoques barbus se nourrissent sur les fonds et sont peu nombreux dans les eaux libres et les zones partiellement recouvertes de glace. Les phoques communs se nourrissent de poissons et ne migrent pas; on pense qu'ils hivernent là où les courants empêchent la formation de glace. La mise bas aurait vraisemblablement lieu en juin près du littoral.

Les petits rorquals sont migrateurs et vivent rarement dans la région de Landscape en hiver. Ils se nourrissent de poissons et de crustacés près des côtes. Au printemps, les bélougas apparaissent sporadiquement le long du littoral nord du Labrador, jusqu'à Makkovik au sud, surtout aux lisières des banquises côtières. Ils appartiennent à au moins deux populations distinctes, celle de la baie d'Ungava et celle du sud-est de l'Ile de Baffin et de la baie Cumberland, dont les parcours ont été choisis par la VBNC comme zone d'évaluation du petit rorqual. Le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada classe ces deux mammifères parmi les espèces menacées de disparition.

Selon la VBNC, les effets éventuels du projet sur les mammifères marins seront tels que décrits ci-après.

Bruit

La circulation maritime, les aéronefs et les travaux de construction l'emplacement portuaire sont les principales sources de bruit. La modélisation réalisée par la VBNC indique que les phoques annelés sont capables de détecter le bruit dans l'eau à une distance de plusieurs dizaines de kilomètres de la source. Les phoques éprouvent parfois une diminution temporaire de la sensibilité auditive à moins de 100 mètres d'un navire naviguant dans les glaces; à une distance de 500 à 700 mètres du navire, ils adoptent un comportement d'évitement. L'étude d'impact environnemental indique une réaction similaire chez les baleines, sans toutefois en préciser les raisons ni les espèces qui réagissent ainsi. L'étude ajoute cependant que chez les bélougas, le comportement d'évitement peut se manifester des dizaines de kilomètres des voies de circulation des grands navires. La VBNC distingue deux effets éventuels du trafic maritime sur les phoques et les baleines : réaction temporaire de déplacement et réception amoindrie des signaux en raison des effets de masque. Les répercussions du bruit des aéronefs dans le milieu marin sont hautement locales et passagères; toutefois, lorsque les appareils volent à des altitudes inférieures à 500 mètres, on rapporte des réactions de sursaut et d'évitement chez les phoques qui se trouvent à la surface de la banquise ou de l'eau, ou encore sur les plages. Les phoques et les baleines resteront vraisemblablement moins longtemps dans l'anse à Edward ou l'éviteront carrément, surtout durant les travaux de construction. La VBNC prévoit que seul un faible pourcentage de ces populations sera temporairement touché par le bruit et ce, dans les zones non vulnérables.

Perturbation des glaces

L'expérience acquise à d'autres endroits laisse à penser que les phoques sont parfois attirés vers les sillons tracés dans les glaces par les navires ou qu'ils les évitent. Le projet risque de chasser les phoques de l'anse Edward pendant l'hiver. Les collisions mortelles pourraient se produire seulement si les phoques ne pouvaient plus fuir. Ce qui est peu probable, car les phoques sont souples et pratiquent plusieurs trous dans la glace. Ils risquent d'être plus vulnérables durant la mise bas, mais selon la VBNC, il n'y a pas de trafic maritime durant cette période. Le risque que la navigation provoque l'effondrement des charnières de glace est faible et, le cas échéant, cela ne toucherait qu'un infime pourcentage des mammifères marins.

Durant la saison hivernale, les baleines ne fréquentent pas la région de Landscape; elles ne seraient donc pas dérangées par la circulation maritime.

Accidents

Les déversements d'hydrocarbures constituent le seul risque d'accident susceptible de nuire aux phoques et aux baleines. Les mammifères risqueraient d'être touchés directement par les hydrocarbures ou de se nourrir de proies mazoutées. La majorité réussirait cependant à éviter la nappe de pétrole. Les plus vulnérables sont les phoques communs parce qu'ils ont l'habitude de se tenir le long du littoral et celui-ci risque d'être souillé par le pétrole. Les phoques annelés seraient vulnérables durant la mise bas, mais la VBNC affirme qu'il n'y a pas de navigation durant cette période. Les phoques et les baleines peuvent tolérer l'ingestion de faibles quantités de pétrole parce qu'ils arrivent à métaboliser les hydrocarbures et, dans le cas des baleines, parce que leurs fanons ne sont pas endommagés. Même si la nappe de pétrole touchait un certain nombre de phoques ou de baleines, les répercussions ne seraient donc pas mortelles et seule une petite partie d'entre eux en souffrirait.

Un déversement de concentrés exposerait les mammifères marins aux concentrations élevées de nickel et de cuivre présentes dans les espèces-proies; cependant, la VBNC affirme que, en se fondant sur leur capacité de réguler leurs propres concentrations de ces métaux, les mammifères marins n'en souffriraient pas.

En s'appuyant sur la modélisation des contaminants (voir le chapitre 7), la VBNC affirme que la bioaccumulation de métaux chez les mammifères marins ne produirait aucun effet néfaste.

La VBNC propose les mesures d'atténuation suivantes :

  • prévoir des mesures d'atténuation des effets sur la rupture des glaces, ainsi qu'un calendrier de navigation restreint;
  • contrôler le trafic maritime et prévoir des aides à la navigation le long de la route maritime pour assurer la sécurité de la navigation et réduire le risque d'accidents susceptibles d'avoir un impact sur les mammifères marins;
  • mener des études pour détecter la présence de mammifères marins avant de procéder au dynamitage du chantier portuaire;
  • former le personnel du site pour qu'il soit en mesure de gérer les rencontres avec les mammifères de manière à atténuer les perturbations;
  • élaborer des plans d'urgence en cas de déversement d'hydrocarbures.

Selon la VBNC, les activités de construction et d'exploitation, de même que les accidents n'auront guère d'effets résiduels sur les phoques et les baleines, et la désaffectation des installations aura une incidence négligeable. La société minière prévoit en outre que les effets résiduels sur les bélougas seront négligeables durant toutes les phases du projet.

11.1.2 Préoccupations du gouvernement et du public

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a formulé des réserves quant à l'ampleur de l'étude et à la méthode choisie par la VBNC et quant la validité de son évaluation et de ses prévisions. Il laisse entendre que la taille de la zone d'évaluation est insuffisante puisqu'elle ne couvre pas la banquise au large des îles, qui constitue un important habitat pour certaines espèces, dont les phoques barbus. Le ministère s'interroge sur la pertinence de mesurer l'importance de l'impact en se fondant sur les effets qui seraient causés sur les niveaux de population. Le ministère accepte les chiffres avancés à cet égard dans l'étude d'impact environnemental, mais il soutient que de graves problèmes pourraient se poser à l'échelle régionale, comme l'épuisement ou l'évitement localisé.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a déploré le manque de renseignements au sujet des mammifères marins; à son avis, cette information est nécessaire pour établir un point de référence ou une base d'analyse; l'incertitude pose donc un grave problème sur lequel la VBNC ne s'est pas suffisamment penchée avant de formuler ses prévisions. Cette lacune en matière de renseignements de base concerne l'absence de certaines données sur les populations : définition, abondance, structure, dynamique et besoins cruciaux pour leur évolution biologique, surtout en ce qui concerne les phoques annelés qui y vivent en permanence et qui seront éventuellement les plus exposés aux perturbations causées par le projet. Même si la société minière prévoit que le projet n'aura qu'un impact négligeable, le ministère des Pêches et des Océans du Canada craint que l'intensification de l'activité industrielle dans la région ne soit néfaste à long terme et déplore que le processus d'évaluation environnementale ne propose aucun moyen efficace pour régler ce problème.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a reconnu le fait que la VBNC avait effectué un travail de recherche considérable, mais il a maintenu qu'elle n'a pas interprété les résultats dans leur contexte. A son avis, la société minière n'a pas approfondi ses recherches sur les endroits de productivité potentielle qui pourraient être névralgiques, telles les lisières des banquises cotières et les banquises aux abords des eaux libres et les incidences de la navigation sur la chaîne alimentaire marine et l'habitat des mammifères.

En ce qui concerne le bruit, le ministère des Pêches et des Océans du Canada a fait remarquer que la VBNC a seulement modélisé le bruit produit par un minéralier naviguant dans la banquise côtière et non pas les effets de cavitation provoqués par un brise-glace, ni par la navigation dans les banquises. Le ministère ne conteste pas la pertinence, ni les résultats de la modélisation, mais il signale les nombreuses incertitudes quant la manière dont les mammifères marins réagissent aux bruits sous-marins causés par la navigation. L'incertitude concerne également le lien entre la réaction à court terme des mammifères et leur bien-être à long terme, leur degré d'adaptation et d'accoutumance, les fonctions de la vocalisation et, par conséquent, les effets de masque. Le ministère ajoute qu'il est nécessaire d'étudier les perturbations pour évaluer les effets à long terme du bruit et établir si les réactions temporaires de sursaut et de déplacement perturbent les habitudes alimentaires et reproductrices. Il est également nécessaire, à son avis, d'évaluer en particulier les incidences du bruit dans l'anse à Edward.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a aussi fait remarquer que les effets, à l'échelle régionale, d'un déversement d'hydrocarbures sur les mammifères marins et leur habitat pourraient se révéler plus graves que ne le prévoit la VBNC, mais il n'a pas fourni d'explications à cet égard. Le ministère ajoute que la modélisation des déversements de concentrés effectuée par la VBNC ne tenait pas compte des endroits où pourrait se produire la pire dispersion de concentrés et qu'elle ne reproduisait donc pas le pire des scénarios. Il a aussi indiqué que la VBNC n'avait pas bien évalué les effets toxiques d'événements répétitifs, mais non catastrophiques.

De l'avis du ministère des Pêches et des Océans du Canada, la VBNC doit s'engager à mettre en uvre des stratégies de navigation visant à atténuer les effets sur l'environnement, notamment à établir des calendriers de navigation souple qui tiendraient compte de la variabilité, d'une année l'autre, des conditions des glaces et des besoins conséquents des mammifères marins. Le ministère signale la nécessité de mettre en uvre un programme de surveillance des mammifères marins; ce programme doit être bien planifié, rentable et reposer sur des hypothèses. Le ministère recommande en particulier d'approfondir les études, pour atteindre les objectifs suivants :

  • fournir un vaste aperçu de la dynamique de l'écosystème marin subarctique et des besoins cruciaux pour l'évolution biologique des mammifères marins, sur le littoral nord du Labrador;
  • vérifier les prévisions relatives au bruit;
  • évaluer les incidences de la navigation sur l'intégrité physique des habitats des banquises côtières;
  • évaluer l'importance des lisières des banquises côtières et de la banquise comme aires d'alimentation des mammifères;
  • améliorer la modélisation des déversements d'hydrocarbures en mettant l'accent sur les répercussions sur les mammifères marins, du scénario de déversement sur les banquises prévu par la VBNC;
  • évaluer les effets cumulatifs de la navigation sur les mammifères marins.

Les experts Inuit représentant l'Association des Inuit du Labrador se demandent si la VBNC comprend bien la dynamique et la complexité de l'environnement marin. Ils ont fait remarquer que toute la baie Anaktalak est un habitat pour les phoques annelés, les phoques du Groenland, les phoques barbus, les phoques communs et les phoques gris. Ils ont indiqué qu'en général, les phoques barbus sont plus abondants dans cette zone que ne le laisse entendre l'étude d'impact environnemental. Pendant la période des eaux libres, le petit rorqual, le bélouga, le rorqual à bosse et le narval fréquentent la baie Anaktalak; selon les experts, l'étude d'impact environnemental n'a pas accordé suffisamment d'importance à ce fait. Pendant l'hiver, les phoques annelés fréquentent davantage la baie Anaktalak lorsque le sina est proche du littoral et les experts de l'Association des Inuit du Labrador craignent que la décharge d'effluents plus chauds ne réduise la couverture de glace. Tout en confirmant que la navigation aura des répercussions néfastes sur la banquise côtière, ils ont laissé entendre que la dérive et la saltation de particules de poussière pourraient également provoquer la désintégration précoce des glaces au printemps, ce qui accroîtrait l'absorption des rayons solaires. Ils ont ajouté que le calendrier de navigation proposé pourrait forcer les mères à abandonner leurs petits, puisque que les phoques mettent bas entre la fin de février et le début d'avril, ce qui multiplierait les risques de collision et de mortalité. Le problème est particulièrement grave au large des côtes sud et est de l'île Paul qui sont, au printemps, les principales aires de chasses aux phoques et qui sont facilement accessibles à partir de Nain.

L'Association des Inuit du Labrador a soutenu que toutes les parties doivent bien comprendre ces questions pour élaborer des mesures d'atténuation pertinentes et efficaces.

Dans sa réponse, la VBNC a fait valoir que son évaluation des populations de mammifères marins se limite à la région de Landscape et qu'elle ne porte pas sur l'ensemble de leur parcours. Le parcours de la plupart des populations est beaucoup plus vaste que la région de Landscape et aucune population n'est confinée à cette région ou aux éventuelles zones d'influence du projet. La VBNC croit donc que ses prévisions pèchent par prudence. Elles tiennent également compte d'un facteur d'incertitude, conformément aux critères établis par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale.

Selon la VBNC, il n'est pas nécessaire d'approfondir la recherche concernant les répercussions sur les banquises parce qu'à son avis, celles-ci se trouvent à l'extérieur de la zone d'évaluation et que la navigation n'aurait qu'un effet négligeable à cet égard.

La VBNC a indiqué que le niveau de bruit causé par le brise-glace accompagnant un minéralier ne serait pas très élevé, sauf durant certaines activités génératrices de bruits de cavitation. La société minière a fait remarquer qu'elle n'a pas besoin de raffiner sa modélisation du bruit et qu'il serait préférable de se concentrer sur les véritables effets du bruit sur les mammifères, particulièrement sur les phoques. Elle est donc favorable la conduite d'une étude plus poussée sur la réaction des phoques annelés la navigation hivernale et propose de mener cette étude dans le cadre des activités de surveillance. La VBNC a indiqué que les phoques s'adaptent et, par conséquent, s'habituent au bruit; ils peuvent faire la différence entre un bruit menaçant et un bruit inoffensif et ils ne sont pas dérangés par certains bruits comme celui des glaces en mouvement. Selon la VBNC, rien ne justifie la poursuite des études dans l'anse à Edward, surtout en ce qui concerne le bruit des aéronefs dont l'incidence, à cet égard, est négligeable. La société minière a indiqué qu'elle avait étudié aussi les effets cumulatifs de la navigation sur les mammifères marins, à la demande de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, et qu'il ne serait pas utile de se pencher sur les autres effets.

Conclusions et recommandations

La commission est d'avis que le statut des populations de la plupart des espèces de mammifères marins, leur évolution biologique et leurs besoins en matière d'habitat dans la région de Landscape sont mal compris, en particulier l'importance globale de la zone d'évaluation pour les populations de mammifères marins. En outre, elle apprécie la vaste recherche de base entreprise par la VBNC sur les mammifères marins dans la zone d'évaluation, études dont les résultats ont permis d'étendre la base de connaissances.

La commission est d'avis que la responsabilité des recherches fondamentales régionales qui sont requises pour établir le cadre des études d'évaluation de la VBNC ne devrait pas incomber au seul promoteur. Le gouvernement a une obligation à cet égard et il devrait fournir au ministère des Pêches et des Océans du Canada les ressources nécessaires pour effectuer régulièrement des recherches. La commission convient que les études recommandées par Pêches et Océans Canada permettraient de recueillir des données sur les conditions de base, mais elle estime que la plupart d'entre elles relèvent de la responsabilité du ministère en sa qualité de responsable de la gestion des océans canadiens, des poissons et des ressources de mammifères marins. Elle admet que les budgets alloués aux organismes gouvernementaux chargés de la gestion environnementale, notamment Pêches et Océans Canada, ont été considérablement réduits ces dernières années. Néanmoins, s'il est dans l'intérêt public de limiter l'exploitation des ressources, il y a donc une obligation publique de s'assurer que les recherches nécessaires pour assurer la viabilité de l'environnement seront effectuées comme il convient. Il n'est ni raisonnable, ni productif de confier ce fardeau au premier promoteur dans la région.

Recommandation 47

La commission recommande que le ministère des Pêches et des Océans du Canada finance, dirige ou parraine de nouvelles études sur les mammifères marins dans le but d'approfondir les connaissances relatives aux effets cumulatifs et ponctuels du projet, et recommande que le Canada alloue ce ministère les ressources requises à cette fin. Ces études devraient comprendre des recherches régionales et des études générales sur les effets du bruit et des glaces. L'Association des Inuit du Labrador devrait participer à l'élaboration et à la réalisation de ces études qui devront être soumises à l'examen du Conseil consultatif de l'environnement et faire l'objet de ses recommandations.

La VBNC devrait être responsable de la surveillance des effets causés par le projet, tel que mentionné au chapitre 17.

La navigation hivernale est une activité récente dans la région et le projet accroîtrait considérablement le rythme de la navigation en eau libre. Cependant, c'est loin d'être une activité nouvelle dans les autres régions de l'Arctique. La commission n'est pas convaincue que la navigation hivernale ou la navigation en eau libre dans les autres régions, au même rythme que celui prévu dans le cadre de ce projet et en conformité avec les règlements et les normes de sécurité en vigueur, entraîne réellement des répercussions constantes et néfastes sur les populations de mammifères marins. La commission est d'avis que ce projet ne nuirait pas de manière significative aux populations de mammifères marins; elle croit toutefois que l'accroissement de la navigation à diverses fins pourrait avoir d'importantes répercussions à long terme. Voilà pourquoi la société ne doit pas négliger la surveillance à long terme, même si elle prévoit des répercussions mineures ou négligeables. Il serait nécessaire de poursuivre les études et d'établir une surveillance continue, non seulement pour adapter la gestion du projet en conséquence, mais aussi pour mieux comprendre les effets que l'intensification des activités pourrait produire à long terme.

L'étude d'impact environnemental est suffisamment documentée pour permettre son examen aux audiences, mais les activités futures de surveillance requièrent que l'on approfondisse la recherche sur les conditions de base. La société a heureusement tout le temps voulu pour effectuer ces études et des essais avant le début prévu de la navigation hivernale. Elle doit donc se mettre la tâche et ses travaux s'inscriraient dans le cadre de l'entente de navigation (voir la recommandation 97). Il est primordial d'adopter une approche coopérative à laquelle participerait le Conseil consultatif de l'environnement.

La commission convient de la nécessité d'étudier plus en profondeur les effets du bruit sur les mammifères marins. Elle constate que les réactions probables des mammifères marins au bruit n'ont même pas été clairement précisées, sans parler de l'interprétation des réactions à l'échelle des individus ou des populations. Il n'a pas été établi clairement si les mammifères marins ont une capacité d'adaptation suffisamment grande au bruit, soit par l'adoption d'un comportement compensateur ou par l'accoutumance, aux niveaux susceptibles d'être générés par le projet. Il y aurait lieu d'approfondir les études en les axant sur les effets à long terme et sur les répercussions sur le niveau des populations, ainsi que de chercher savoir si les effets engendrent un stress ou une perturbation susceptibles de nuire à l'évolution biologique des mammifères. En outre, rien ne prouve qu'il pourrait y avoir des effets nuisibles sur le niveau des populations ou que les effets cumulatifs du bruit risqueraient de nuire à la santé ou au fonctionnement des animaux. Le bruit serait temporaire et occasionnel et seul un petit nombre d'individus en souffriraient puisque les effets néfastes se feraient sentir à proximité de la source seulement. La commission est d'avis que la VBNC devrait mener les études appropriées sur divers aspects de la navigation, quoi qu'elle ne soit pas tenue de les finaliser avant le début de la saison de navigation.

La commission est d'avis que la navigation hivernale risque de compromettre l'intégrité physique des banquises côtières. Il n'a toutefois pas été clairement démontré que cela aurait des effets néfastes importants sur les mammifères marins. Comme l'ont fait remarquer des participants Inuit, la couche de glace qui borde la route maritime risque de s'effondrer sur des phoques, et des tanières de phoques pourraient s'effondrer, mais les collisions directes impliquant des phoques adultes semblent peu probables. Cependant, comme la période de mise bas des phoques annelés n'est pas clairement établie, il est nécessaire de poursuivre les études pour éliminer le risque d'effets néfastes. Pendant l'hiver, même si les phoques annelés sont très peu nombreux le long de la route maritime proposée, celle-ci pourrait devenir un habitat dangereux pour eux durant cette période. La commission signale que la route de navigation traverse certaines parties de l'habitat des phoques annelés auxquelles les résidents de Nain peuvent accéder le plus facilement et, à son avis, il faudra absolument prendre des mesures pour éviter ces zones durant certaines périodes et, à d'autres moments, pour minimiser les effets de la circulation maritime (voir la recommandation 39).

Recommandation 48

La commission recommande que la VBNC détermine, en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador, les périodes de mise bas des phoques annelés dans les zones situées à proximité de la route maritime, avant le début des activités de navigation hivernale.

La commission est d'avis que les phoques et les baleines éviteront vraisemblablement les nappes d'hydrocarbures et elle fait remarquer que ces mammifères sont capables de tolérer une certaine quantité de pétrole. Les conséquences mortelles, le cas échéant, ne toucheraient qu'une partie négligeable des populations. La commission ne voit pas très bien l'utilité d'effectuer des études ou d'établir des scénarios de modélisation relativement à l'impact des déversements sur les mammifères marins; la société minière doit toutefois mettre en place un plan d'urgence en cas de déversement pour étudier promptement les répercussions et l'efficacité des mesures d'intervention (voir la recommandation 43).

La commission convient que le rejet de métaux dans l'environnement à la suite des activités du projet ne nuira vraisemblablement pas aux mammifères marins, étant donné surtout qu'un faible nombre d'individus seront présents dans la zone suffisamment longtemps pour être soumis à des niveaux nocifs d'exposition. Il y aura toutefois lieu de surveiller les concentrations de métaux dans les mammifères marins, dans le cadre du vaste programme de surveillance élargi qui est recommandé au chapitre 7.

11.2 Ours polaires

11.2.1 Évaluation de la VBNC

La VBNC n'a effectué aucune étude spéciale sur les ours polaires; elle a toutefois fait certaines observations pendant la conduite d'autres activités d'exploration et missions scientifiques.

Les ours polaires du littoral du Labrador appartiennent à la population du détroit de Davis, dont l'aire d'activités a servi de zone d'évaluation. Selon la VBNC, cette population est évaluée à 1 200 individus, mais seul un faible pourcentage d'entre eux se trouvent au Labrador au même moment, généralement entre les mois de mars et d'août. Les ours dérivent sur les banquises avant de rejoindre la côte pour se diriger vers le nord. On a observé des mises bas à l'est de l'île Paul, à proximité de la route maritime proposée. Les ours polaires se nourrissent dans la région de Landscape, surtout de phoques. Selon la classification du Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada, cette espèce est menacée, mais le Comité considère que la population du détroit de Davis est stable. La VBNC n'a fait état d'aucun contact entre les ours et les humains durant ses activités d'exploration.

Selon la VBNC, les effets éventuels du projet sur les ours polaires sont les suivants :

  • modification physique ou perte de l'habitat due à la perturbation des phoques ou de leur habitat par la navigation hivernale;
  • perturbations dues au bruit, aux activités du projet et à la présence humaine (l'expérience de la VBNC dans d'autres régions lui a permis d'observer deux réactions chez ces animaux, l'évitement ou l'accoutumance; la société laisse entendre que le projet attirerait les animaux, même s'ils auront peut-être tendance à éviter temporairement les brise-glace);
  • multiplication des contacts entre humains et ours polaires, puisque ces derniers risquent d'être attirés vers les établissements humains;
  • dans l'éventualité d'un déversement d'hydrocarbures en mer, mort de certains individus causée par contact direct avec des oiseaux, des poissons ou des phoques mazoutés ou par ingestion de ces proies.
  • Les résultats de la modélisation des contaminants (chapitre 7) indiquent que la bioaccumulation de métaux dans les mammifères marins ne serait pas néfaste.
  • La VBNC propose les mesures d'atténuation suivantes :
  • mise en uvre d'un plan d'urgence en cas de déversement d'hydrocarbures;
  • élaboration d'un plan de déplacement des ours polaires pour assurer la sécurité des humains et la sécurité des animaux en cas de déversement d'hydrocarbures (la VBNC a fait savoir qu'elle est prête à financer ce programme).

La VBNC prévoit que les effets résiduels des déversements d'hydrocarbures seraient mineurs (sans gravité) et que tous les autres effets seraient négligeables.

11.2.2 Préoccupations du public

L'Association des Inuit du Labrador n'a pas fait valoir que la navigation hivernale aurait des effets néfastes sur le niveau des populations, mais elle a indiqué qu'elle s'inquiète des effets localisés de la navigation sur les ours et leur habitat le long de la route maritime. Ces effets localisés seraient dus, selon l'Association, à la perturbation ou au déplacement des phoques du voisinage, aux déversements catastrophiques ou chroniques d'hydrocarbures et à l'accroissement de la présence humaine (dû aux activités d'exploration de la région de Kiglapait ainsi qu'aux activités de transport); on pourrait avoir à abattre des ours qui poseraient problème. En particulier, l'Association des Inuit du Labrador observe que les ours pourraient sortir de leur tanière durant la période de rupture des glaces. Le chapitre 14 porte sur les préoccupations découlant de la perte de possibilités relativement l'exploitation des ressources fauniques. En outre, l'Association des Inuit du Labrador constate que même si la gestion des ours polaires relève de la législation provinciale sur la faune, la juridiction au large des côtes n'est pas clairement définie. Le plus grave, peut-être, c'est qu'il n'y a aucune autorité qui est responsable de l'application de la loi. L'Association des Inuit du Labrador recommande de définir une zone de gestion de l'ours polaire dans le Nord du Labrador, qui engloberait la route maritime, et d'établir des mesures de protection, de surveillance et de compensation de l'habitat.

Conclusions and recommandations

La commission constate que le rapport d'étape produit par le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada relativement aux ours polaires fait état d'une population de 1 400 individus dans le détroit de Davis; à son avis, ce rapport est dépassé, il est de qualité médiocre et souffre d'un certain degré de partialité. Il n'est pas certain que la population soit stable pour le moment, malgré les indications voulant qu'elle soit en hausse et qu'elle ne souffre pas des niveaux de captures actuels. La commission partage l'avis de la VBNC prévoyant que les activités du projet, autres que les déversements d'hydrocarbures, auront un effet négligeable sur les niveaux de population des ours polaires, à condition que la société minière applique des mesures d'atténuation et respecte les plans pertinents concernant la protection de l'environnement.

Recommandation 49

La commission recommande que la VBNC élabore des plans d'urgence de lutte contre les déversements d'hydrocarbures ou la pollution chronique susceptibles de produire des effets nuisibles sur les ours polaires, ainsi que des plans d'intervention en cas de rencontres entre des humains et des ours. Ces plans devraient être élaborés en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador, dans le cadre de l'entente sur la navigation que l'on projette d'établir; l'Association des Inuit du Labrador devrait fournir promptement des avis à la VBNC concernant toute activité de mise bas des ours polaires à proximité de la route de navigation.

La commission est d'avis qu'en raison de l'intensification de l'activité humaine dans la région, il y a lieu de préciser la juridiction et d'appliquer la loi efficacement pour assurer la protection de l'environnement, surtout que les ours polaires sont une espèce menacée. Compte tenu des quotas dont fait l'objet la chasse à l'ours polaire, la commission reconnaît que la mortalité au sein de la population d'ours polaires à cause des activités du projet aurait des répercussions économiques néfastes sur les chasseurs autochtones.

Recommandation 50

La commission recommande que le Canada et la province de Terre-Neuve et du Labrador précisent leur compétence sur les ours polaires au large de la côte du Labrador. L'autorité responsable doit rehausser ses responsabilités en matière d'application de la loi. Elle doit également établir un système efficace de rapport concernant l'abattage d'ours qui posent problème, sur le modèle du système appliqué dans les Territoires du Nord-Ouest, pour assurer la protection de l'espèce et servir de fondement aux mesures de compensation recommandées au chapitre 14.

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12 L'environnement et la faune terrestres

La VBNC a désigné trois composantes valorisées de l'écosystème pour l'environnement terrestre. Ces composantes, dont traite le présent chapitre, sont :

  • les communautés végétales, qui forment la base de l'habitat faunique;
  • le caribou, considéré comme la ressource faunique terrestre la plus importante du secteur et une composante essentielle du régime alimentaire des Inuit et des Innu;
  • l'ours noir, parce qu'il est couramment observé et chassé et qu'il revêt une importance culturelle et spirituelle (la VBNC considère l'ours noir comme une espèce parapluie, dont l'abondance est un indicateur de la santé d'autres espèces qui font partie de la chaîne alimentaire).

Les effets potentiels du projet sur la chasse autochtone et sportive sont examinés au chapitre 14.

La Direction générale des forêts et de la faune, du ministère provincial des Richesses forestières et de l'Agroalimentaire, gère les ressources forestières en vertu des pouvoirs que lui confère la loi provinciale sur les forêts. Elle assume en outre la responsabilité de la gestion du caribou et de l'ours noir en vertu de la loi provinciale sur la faune. La Direction générale est aussi responsable de la protection et de la lutte contre les incendies de forêt. Son bureau de la rivière Northwest est celui qui se trouve le plus près du complexe minier que l'on propose d'aménager. Les activités du projet ne sont pas sujettes aux exigences liées à la délivrance de permis ou à la surveillance de la conformité relativement leurs effets sur les communautés végétales ou la faune, à l'exception des conditions de reverdissement qui pourraient être incluses dans le bail minier. Le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada désigne les espèces de la flore ou de la faune à protéger et les classes selon trois catégories : en voie d'extinction, menacées ou vulnérables. Aucune plante et aucun mammifère terrestre de la zone d'évaluation n'ont été désignés comme appartenant à l'une de ces catégories.

12.1 Les communautés végétales

12.1.1 Évaluation de la VBNC

La VBNC a délimité pour les communautés végétales un secteur d'évaluation de 35 000 hectares correspondant en gros au lot de concessions minières. Pour fournir une description détaillée des communautés végétales et des différents types d'habitats terrestres de la région de Landscape, la VBNC a effectué un relevé écologique du territoire, selon une classification fondée sur la forme de relief, le climat et la végétation. La première classification écologique des terres a permis d'établir cinq régions paysagères, c'est-à-dire des zones du territoire qui partagent des climats régionaux distincts et des types de végétation dominants, dans la région de Landscape. La VBNC a produit l'information sur les communautés végétales de la zone d'évaluation en utilisant le niveau inférieur de la classification des terres, soit le type de terrain, pour obtenir le plus de précisions possible. Elle a effectué des levés sur le terrain pendant chacun des étés entre 1995 et 1997 et elle a cartographié les communautés végétales à l'aide de photographies aériennes.

La VBNC a relevé 17 types de terrain dans le secteur d'évaluation. Environ 65 pour cent du secteur est boisé (les espèces dominantes sont l'épicéa, le sapin et le bouleau, de même que les lichens et les sphaignes), mais cette superficie englobe toutefois des fourrés et des tuckamores. Près de 26 pour cent du territoire est couvert de roche, de gravier, de toundra et de landes côtières. Le reste est constitué en grande partie de terres humides de divers types. Ces communautés devraient rester relativement stables à long terme. La saison de croissance est courte, et le rythme de croissance et le cycle des substances nutritives sont lents. On évalue que les cycles de rotation d'incendie sont d'environ 500 ans.

La VBNC a constaté que le projet pourrait avoir sur les communautés végétales les effets éventuels décrits ci-après. On observerait une perturbation du milieu physique et une perte d'habitat causées par la préparation du site, l'aménagement des installations de surface et l'exploitation de la mine à ciel ouvert durant les phases de construction, d'exploitation et de désaffectation. Le projet, tel qu'il est conçu, exigerait le défrichage de 753 hectares, ce qui englobe l'inondation de 25 hectares au lac Headwater et de 155 hectares au North Tailings Basin. Tous les travaux de défrichage se feraient durant la phase initiale de construction, sauf dans le cas du North Tailings Basin. Environ 75 pour cent du secteur à défricher est un habitat boisé. On compte 17 communautés végétales dans la zone d'évaluation; le défrichage perturbera 5,4 pour cent de ces communautés, tout au plus. La circulation des véhicules tout terrain pourrait cependant causer des dommages supplémentaires.

On pourrait observer dans les végétaux une absorption de contaminants qui se manifesterait par une hausse des concentrations de métaux; la contamination résulterait de l'accumulation en surface de dépôts de particules ou de la présence de métaux dans le sol, absorbés par les racines. Les métaux présents dans les effluents liquides, les rejets atmosphériques et les retombées de poussières pourraient être libérés dans l'environnement à l'étape de l'exploitation et à l'étape de la désaffectation. Les possibilités de produire des rejets seraient supérieures à l'étape de l'exploitation de la mine à ciel ouvert. La VBNC prévoit que les concentrations de métaux prévues n'auraient pas d'effets détectables sur les lichens.

Les événements accidentels tels que les incendies, les déversements de combustibles et les bris de pipeline ou de digue dans les bassins de résidus pourraient porter atteinte aux communautés végétales. Le feu pourrait détruire des superficies considérables de forêts d'épicéas et de lichen, même si l'évaluation ne fournit pas de scénario traduisant la pire éventualité. La plupart des installations du projet seraient aménagées au fond de vallées, et le secteur entourant la mine, l'usine de traitement, le port, le chemin d'exploitation et l'aéroport est actuellement couvert en grande partie d'un boisé mixte d'épicéas, de sapins, de bouleaux et de lichen. Les marais salants sont particulièrement sensibles aux déversements d'hydrocarbures ou d'autres contaminants; toutefois, les marais salants les plus importants de la région, les Gooselands, ne seraient pas menacés, car aucun des réservoirs de combustible ne pourrait s'y déverser.

La VBNC prévoit que les activités actuelles et futures dans la région de Landscape, y compris l'exploration minière effectuée par elle ou par d'autres entreprises, n'auraient pas d'effets environnementaux cumulatifs détectables sur l'abondance des communautés végétales.

La VBNC a proposé les mesures d'atténuation suivantes :

  • repérer et éviter les types de terrain sensibles;
  • remettre en état les sols pour encourager la succession naturelle des espèces indigènes; établir et mettre régulièrement à jour un plan de remise en état;
  • élaborer un plan d'urgence en cas d'incendie et assurer une capacité d'intervention en cas d'urgence.

Les mesures concernant le transport atmosphérique des particules sont décrites au chapitre 5 : Qualité de l'air.

La VBNC prévoit que le projet aura les effets résiduels suivants :

  • perte mineure (non importante) de communautés végétales;
  • contamination mineure (non importante);
  • effets majeurs (importants) dus à un incendie, mais faible probabilité (non quantifiée) de cette éventualité.

12.1.2 Préoccupations du gouvernement et de la population

La Direction générale des forêts et de la faune de la province a déclaré qu'il serait nécessaire de maintenir un lien de communication avec le bureau de la rivière Northwest, pour assurer une capacité d'intervention efficace en cas d'incendie et la poursuite des activités de surveillance et de suivi relatives au reverdissement du secteur. La Direction générale a indiqué qu'en raison de la distance qui sépare le bureau du complexe minier, il y aurait un délai de réponse d'au moins une heure.

Un spécialiste qui représentait la nation Innu s'est dit préoccupé par la possibilité qu'une accélération du cycle d'incendie puisse se traduire par une diminution de la surface boisée et une augmentation de la superficie couverte par la toundra. Il a recommandé à la province de revoir la qualité des mesures d'urgence prévues par la VBNC en cas d'incendie. En accord avec un spécialiste qui représentait l'Association des Inuit du Labrador, il a aussi recommandé que les lichens fassent partie intégrante du programme de surveillance des effets, puisqu'ils constituent un élément important de la chaîne alimentaire, de même qu'un vecteur de bioamplification des polluants atmosphériques.

Conclusions et recommandations

La perte de certaines communautés végétales, et donc d'une partie de l'habitat, est une conséquence inévitable des travaux de construction. La proportion des communautés végétales détruites par les activités du projet dans la zone d'évaluation serait toutefois peu élevée. Après une certaine période, le processus de remise en état se traduirait par le rétablissement du couvert végétal dans la majeure partie de l'empreinte du projet, même si les communautés végétales ne seront peut-être pas les mêmes qu'auparavant et n'auront pas nécessairement la même fonction dans l'écosystème.

Les perturbations peuvent et devraient être réduites au minimum par l'imposition de restrictions adéquates concernant l'utilisation de véhicules tout terrain lorsque le sol n'est pas gelé.

Recommandation 51

La commission recommande que la VBNC élabore un plan de protection de l'environnement relativement à la perturbation causée aux communautés végétales et aux sols; ce plan

  • recenserait les types de terres sensibles et viserait leur préservation dans la mesure du possible;
  • limiterait le plus possible la circulation des véhicules tout terrain des routes désignées lorsque le sol n'est pas gelé, restreindrait cette circulation aux activités de surveillance essentielles, préconiserait l'usage d'hélicoptères pour les activités d'exploration et les travaux de construction en zones éloignées et permettrait l'usage de véhicules tout terrain lourds en hiver seulement.

Selon la commission, si des mesures d'atténuation adéquates sont prises l'égard des rejets atmosphériques (chapitre 5), le projet n'aura pas d'effets nuisibles de contamination mesurables sur les communautés végétales au-delà de la zone immédiate où seront menées les activités du projet. Par conséquent, la commission ne considère pas que la surveillance de la contamination des lichens doit constituer une priorité pour la VBNC. Une telle surveillance devrait être effectuée dans le cadre plus large du programme général de surveillance des contaminants, qui a fait l'objet d'une recommandation au chapitre 7.

La commission est d'avis que si l'on prend des précautions suffisantes et que l'on adopte des plans d'urgence, il serait peu probable que le projet soit à l'origine d'un incendie de forêt et que, le cas échéant, les dommages seraient peu importants, compte tenu du relief et de la configuration végétale de la zone du projet.

Recommandation 52

La commission recommande que la VBNC maintienne sur les lieux un équipement adéquat et assure une capacité d'intervention en cas d'urgence qui lui permettrait de lutter contre les incendies de forêt le plus rapidement possible afin de réduire au minimum tout dommage éventuel. La Direction générale des forêts et de la faune, du ministère des Richesses forestières et de l'Agro-alimentaire de Terre-Neuve, devrait être chargée d'examiner et d'approuver les plans.

Durant les séances visant à déterminer les problèmes et les priorités de l'évaluation environnementale, de nombreux Inuit et Innu ont exprimé leurs inquiétudes à l'égard des dommages causés par les activités d'exploration en général, notamment l'abandon des caches à carburant et du matériel d'exploration, le défrichage effectué sans discernement et l'usage abusif des véhicules tout terrain. Ils considéraient ces perturbations comme des effets importants du projet, déjà observables avant qu'on entreprenne la présente évaluation environnementale. La commission souligne que la province a modifié la loi sur les mines en 1995, pour mieux réglementer l'exploration minière et qu'elle surveille depuis cette activité sur le terrain.

Recommandation 53

La commission recommande que la province examine, en collaboration avec la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador, l'efficacité du nouveau règlement d'application de la loi sur les mines ainsi que de ses activités de surveillance pour ce qui est de déterminer les effets cumulatifs de l'exploration minière sur l'habitat terrestre et aquatique dans le Nord du Labrador.

12.2 Le caribou

12.2.1 Évaluation de la VBNC

La VBNC a réalisé 22 recensements aériens du caribou au-dessus et autour du lot de concessions minières durant les hivers de 1996 et 1997 et elle a effectué d'autres relevés en 1998. Elle a aussi fait des études sur le terrain dans cette zone pour déterminer le degré d'utilisation de l'habitat et les habitudes de déplacement des caribous.

Le secteur du projet est situé dans l'aire d'activités du troupeau de la rivière George, qui couvre une bonne partie du Nord du Labrador et du Québec. Le troupeau de la rivière George est actuellement le plus important au monde, comptant selon de récentes estimations au moins 675 000 têtes. Certains biologistes croient que le troupeau entame une longue période de déclin. Le lot de concessions minières, qui représente moins de 0,1 pour cent du territoire du troupeau, est situé en bordure de ce territoire et n'est pas utilisé comme aire de mise bas ou de rut. On considère la zone comme un bon territoire d'hiver. En effet, à certaines périodes, et en particulier ces dernières années, des caribous ont passé l'hiver dans la région de la baie Voisey. Lorsque la population du troupeau était la baisse, on observait rarement le caribou dans le territoire du lot de concessions et les régions adjacentes. En 1996, 8 000 à 10 000 bêtes (soit plus de un pour cent du troupeau) qui avaient passé l'hiver dans la région se sont rassemblées en avril dans le secteur est du lot, pour ensuite traverser, au moment de la migration printanière, la zone du projet d'est en ouest vers les aires de mise bas. Ces mouvements ne se produisent pas tous les ans, et les biologistes ne croient pas que les caribous soient fidèles à leur territoire d'hiver. Le lot de concessions minières n'est pas considéré comme un pâturage essentiel au caribou, mais il pourrait offrir dans les conditions actuelles une voie migratoire printanière importante pour le troupeau. De l'avis de la VBNC, les caribous qui se retrouvent sur les banquises et les îles en hiver n'ont pas d'itinéraire précis et pourraient éviter ou contourner sans difficulté un chenal de navigation.

Selon la VBNC, les effets éventuels du projet sur le caribou seraient les suivants :

Dégradation ou perte de l'habitat

Les travaux de construction auraient pour effet de détruire une partie apparemment non essentielle des aires d'alimentation et de repos du caribou, tandis que les activités d'exploitation pourraient perturber les déplacements locaux de certaines bêtes qui passent l'hiver dans la zone du lot de concessions. On ne croit pas que les routes et les autres aménagements nécessaires la réalisation du projet entravent les déplacements des caribous durant la migration printanière, car ces animaux s'adaptent facilement et peuvent emprunter d'autres voies migratoires. Les activités de navigation hivernale pourraient perturber les déplacements des bêtes sur les banquises, mais le problème ne devrait pas se poser à la fin de l'hiver, ni durant la période printanière de rassemblement et de migration.

Perturbation due au bruit et à la présence humaine

Le bruit et la présence humaine dérangeraient moins le caribou que la dégradation de l'habitat et dureraient moins longtemps. Le caribou s'adapterait aux situations répétitives.

Événements accidentels

Un incendie de forêt détruirait l'habitat, mais la majeure partie des pâturages ne brûlerait pas ou se régénérerait rapidement. Les incendies, de même que les collisions avec des véhicules, pourraient causer la mort d'un certain nombre de bêtes.

Selon la modélisation des contaminants (chapitre 7), la bioaccumulation de métaux chez le caribou ne constitue pas un effet nuisible éventuel.

La VBNC a proposé des mesures en vue de réduire au minimum les perturbations qui seraient causées aux caribous traversant la zone du lot de concessions ou le chenal de navigation :

  • repérer des voies permettant de traverser d'est en ouest les routes d'accès, les chemins d'exploitation et les pipelines;
  • construire des pentes et des rampes régalées aux intersections cruciales et limiter à ces endroits les accumulations de neige causées par les chasse-neige;
  • relever ou enfouir les pipelines aux points d'intersection critiques, selon les situations;
  • réduire la circulation sur les routes, voire l'interdire entièrement, durant la migration printanière et imposer des limites de vitesse;
  • suspendre les activités du brise-glace au début du printemps.

La VBNC a également déclaré qu'elle surveillerait les déplacements des caribous sur le territoire du lot de concessions pour réduire les interactions.

La VBNC prévoit que le projet aura les effets résiduels suivants :

  • effets mineurs (non importants) causés par les travaux de construction et les activités d'exploitation;
  • effets négligeables (non importants) dus à la désaffectation de la mine et aux événements accidentels.

La VBNC ne prévoit pas que la réalisation du projet aura des effets nuisibles sur les populations de caribous de la région.

12.2.2 Préoccupations du gouvernement et de la population

La Direction générale des forêts et de la faune de la province s'est dite préoccupée au sujet de l'interaction du caribou avec l'infrastructure du projet, en particulier la piste d'atterrissage, et a proposé comme mesure d'atténuation l'érection d'une clôture ou la mise en place d'un mécanisme de surveillance visuelle efficace.

Bien qu'il ne rejette pas la caractérisation de la biologie du troupeau faite par la VBNC, un spécialiste représentant la nation Innu a mis en doute certaines des interprétations et des conclusions de l'entreprise. Il a produit des données indiquant que le lot de concessions minières et la région environnante pouvaient constituer une partie importante de l'aire d'activités du troupeau. Il n'a pas avancé d'hypothèse précise ce sujet, soutenant cependant que la question méritait d'être étudiée plus à fond. Il a également affirmé que le manque de fidélité à la zone n'en diminue pas pour autant l'importance, mais fait plutôt ressortir la difficulté de déterminer les effets des activités du projet sur les populations de caribous. Il souligne en outre les incertitudes et l'absence de consensus dans la littérature au sujet des effets des perturbations et de la capacité d'adaptation du caribou à ces perturbations. Enfin, il est d'avis qu'on ne possède pas suffisamment de connaissances théoriques et pratiques pour pouvoir prédire les effets qu'aurait le chenal tracé par le brise-glace sur les déplacements des caribous sur la banquise côtière. Au c ur de son désaccord avec la VBNC réside l'interprétation qu'il fait du principe de prudence. Il soutient que, de manière générale, l'hypothèse initiale doit être que le projet causera des dommages à l'environnement et que cette hypothèse ne peut être infirmée que sous le poids de preuves démontrant le contraire.

Les participants Innu et Inuit ont fait part de leurs inquiétudes concernant l'exposition éventuelle des caribous aux contaminants qui s'échapperaient des bassins à résidus, ainsi qu'à la poussière causée par les activités d'exploitation. Des caribous sont morts après s'être empêtrés dans des fils laissés sur le sol une fois les activités d'exploration minière terminées. Certains pensent que les caribous éviteront la zone du projet, que les populations seront moins nombreuses ou moins en santé. La navigation hivernale pose un problème particulier. Les voies ouvertes dans les glaces, qui dans certaines conditions ne regèleraient pas rapidement, pourraient faire obstacle à la migration ou même être cause de mortalité si les caribous essayaient de les traverser à la nage, car ils seraient incapables de sortir des eaux profondes. Les spécialistes Inuit affirment que le caribou migre du nord au sud, ainsi que d'est en ouest sur les banquises.

Conclusions et recommandations

La commission note qu'il n'y a pas de désaccord total avec les données factuelles présentées par la VBNC, mais que certains en font une interprétation différente. La commission considère que le lot de concessions minières constitue un petit secteur non essentiel du territoire du troupeau de la rivière George. Comme l'emplacement proposé pour le projet est à la fois isolé et peu étendu, il n'est pas nécessaire d'aménager une importante infrastructure linéaire de transport qui pourrait faire nettement obstacle la migration ou faciliter l'accès du public au troupeau. Selon le pire des scénarios, que la commission juge peu probable, les mesures d'atténuation seraient inefficaces et la péninsule située entre les baies Anaktalak et Voisey serait effectivement perdue comme habitat du caribou. Même si cette éventualité survenait, elle ne se traduirait pas nécessairement par un effet mesurable sur les populations de caribous, en particulier si le troupeau amorce une longue période de déclin, mais elle léserait sans doute les chasseurs de la région. La perte d'habitat serait prolongée, mais non permanente, surtout si les mesures de remise en état s'avèrent fructueuses.

La commission constate que les activités du projet qui s'inscriront dans l'environnement terrestre ne sont pas sans précédents et que leurs effets sur l'habitat du caribou ont déjà été étudiés. Il existe de nombreux exemples, certains datant de plusieurs décennies, d'activités industrielles réalisées dans les aires d'activité des caribous de la région circumpolaire. Ces activités ont parfois provoqué du stress et des déplacements de population, mais on note aussi des cas où les troupeaux se sont adaptés. La commission ne connaît pas de situation où les effets nuisibles à long terme sur les populations animales sont clairement attribuables à des activités industrielles comme celles qui sont prévues dans le cadre du projet, dans la mesure où ces activités ne sont pas combinées à une chasse excessive. Toutefois, il se pourrait que la réalisation de plusieurs projets miniers ait des effets cumulatifs préoccupants, qui résultent principalement de la forte probabilité de fragmentation de l'habitat du troupeau.

Recommandation 54

La commission recommande que la province, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu veillent à ce que les futures évaluations environnementales des grands projets situés dans le territoire du troupeau de caribous de la rivière George (dans le Labrador ou au Québec) portent particulièrement sur les effets cumulatifs d'une fragmentation de l'habitat.

La VBNC a proposé diverses mesures en vue d'atténuer les effets de l'aménagement d'installations terrestres linéaires sur le caribou. Ces mesures visent notamment la construction de routes et de pipelines adaptés, ainsi que la gestion de la circulation routière. La commission considère que de telles mesures sont en principe adéquates, mais qu'elles devront être réalisées et appliquées rigoureusement.

Recommandation 55

La commission recommande que la VBNC établisse, comme elle a proposé de le faire, des mesures d'atténuation pertinentes concernant les routes, les pipelines et les autres aménagements linéaires. Ces mesures doivent favoriser le libre déplacement des caribous et faire en sorte qu'ils ne puissent avoir accès à la piste d'atterrissage, grâce à l'érection d'une clôture si cela se révèle nécessaire. Elles doivent aussi être conformes aux meilleures pratiques en vigueur au moment où elles seront mises en uvre.

Recommandation 56

La commission recommande que la VBNC élabore un plan de protection de l'environnement pour le caribou; ce plan doit :

  • prévoir une surveillance régulière du caribou dans la zone du lot de concessions minières et les régions adjacentes, où les bêtes pourraient se rassembler ou migrer, selon les circonstances;
  • établir une série de mesures de plus en plus strictes en réponse la présence et aux déplacements de caribous près du site du projet, allant de la limitation de la vitesse et du volume de circulation sur les routes à l'interdiction totale de circuler durant la période de migration;
  • présenter des mécanismes permettant de surveiller l'efficacité des mesures d'atténuation de la VBNC à l'égard du caribou, d'en faire rapport et, au besoin, d'apporter des correctifs.

Les Innu et les Inuit trouvent offensant de voir des animaux blessés ou tués en raison d'activités humaines qui n'ont rien à voir avec la chasse, comme c'est parfois le cas lorsque l'on néglige de nettoyer complètement le site d'un projet d'exploration minière ou d'activités connexes.

Recommandation 57

La commission recommande que la VBNC, de même que les entrepreneurs et les sous-traitants qui travaillent pour elle, nettoie les lieux occupés et enlève immédiatement tout équipement utilisé pour des activités d'exploration ou autres effectuées à l'extérieur des sites clôturés du projet, que ce soit dans la zone du lot de concessions minières ou ailleurs dans le Nord du Labrador.

La commission considère qu'il est impossible, en raison d'un manque de renseignements, de déterminer avec certitude l'efficacité des mesures proposées en vue d'atténuer les effets de la navigation hivernale sur le caribou. La commission reconnaît que, bien que la VBNC puisse avoir prévu correctement que les effets du projet sur les populations de caribous seraient mineurs et négligeables, il se pourrait que les chasseurs soient lésés et que la navigation hivernale cause la mort d'un certain nombre de caribous. Les déplacements des caribous sur les banquises ainsi que les effets de la navigation sur leur comportement doivent être étudiés plus avant.

Recommandation 58

La commission recommande que la VBNC et l'Association des Inuit du Labrador mettent sur pied, dans le cadre de l'entente de transport maritime, un programme visant à surveiller et à réduire au minimum les effets de la navigation hivernale sur le caribou.

La commission note l'absence d'un mécanisme officiel de cogestion du troupeau qui pourrait servir à évaluer les effets du projet en relation avec les nombreux autres facteurs qui influeraient sur l'abondance et la santé du caribou, ainsi qu'à coordonner la prise de mesures adéquates cet égard. Ces aspects constituent des éléments de préoccupation légitimes pour les autres utilisateurs du troupeau de caribous de la rivière George.

Recommandation 59

La commission recommande que la province, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu signent une entente de cogestion du troupeau de caribous de la rivière George avec le gouvernement du Québec et les utilisateurs autochtones québécois.

12.3 L'ours noir

12.3.1 Évaluation de la VBNC

La VBNC a choisi la région de Landscape comme secteur d'évaluation des effets du projet sur l'ours noir. Elle a eu recours au radio-pistage pour repérer les tanières et délimiter les domaines vitaux des ours, pour connaître leur utilisation de l'habitat et d'estimer l'abondance et la répartition de l'espèce. Les études sur le terrain ont été limitées à une superficie de 1 686 km² autour du lot de concessions minières.

Le site du projet se trouve dans l'habitat de l'ours noir, à proximité de plusieurs tanières actives. Selon le dénombrement qu'elle a effectué dans la région du ruisseau Reid, la VBNC estime que la densité de l'espèce se situe entre 0,45 et 0,52 ours par km² dans la vallée du ruisseau Reid, la vallée inférieure du ruisseau Ikadlivik et la vallée du ruisseau Kogluktokoluk, des zones boisées qui procurent des aires d'alimentation et d'hibernation importantes dans la région de Landscape. Ces densités relativement élevées (similaires à celles qu'on enregistre dans certaines parties de l'Alberta et du Montana) sont peut-être dues au fait que les ours ont été attirés par l'activité humaine aux installations de la VBNC et aux campements d'exploration. On croit que les densités d'ours à l'extérieur de ces secteurs sont beaucoup plus faibles. La VBNC estime que l'ensemble de la région de Landscape compte 2 200 ours noirs. Les individus capturés étaient en bonne condition physique. La VBNC décrit la population comme étant abondante et stable.

L'exploration minière des dernières années a été à l'origine de contacts plus fréquents entre l'homme et l'ours noir; on estime que le personnel des entreprises d'exploration minière a abattu au moins 50 ours en 1995 et 1996, ce qui représente une bonne proportion de la récolte annuelle maximale aux fins de la viabilité de la population. Durant la même période, la VBNC elle-même a signalé plus de 50 captures d'ours, la plupart se soldant par le transport des bêtes dans un autre secteur. L'abattage d'ours qui posent problème a diminué considérablement depuis 1996 et, au début de novembre 1998, aucune bête n'avait été tuée depuis le début de l'année. Cela est dû à la baisse des activités d'exploration, ainsi qu'à l'amélioration de l'entretien et du fonctionnement des campements, ce qui comprend la sensibilisation et la formation du personnel. La VBNC a organisé avec des représentants Innu des ateliers de formation sur la manière de procéder avec les ours noirs.

Selon la VBNC, les effets potentiels du projet sur l'ours noir seront les suivants :

  • Les contacts entre l'humain et l'ours augmenteront probablement en raison de l'intensification de la présence humaine et de l'attraction que la nourriture et les déchets exerceront sur les ours.
  • Les ours noirs éviteront peut-être les principales zones de forte perturbation par le bruit, notamment la mine à ciel ouvert et les carrières. Comme le dynamitage débuterait avant l'hibernation, les ours pourraient aménager ou occuper de nouvelles tanières plus loin. Des niveaux de bruit supérieurs à 100 dB (enregistrés dans un rayon d'environ neuf kilomètres de la mine à ciel ouvert) feraient vibrer le sol, ce qui pourrait provoquer l'effondrement de tanières et, par conséquent, la mort d'oursons. On a repéré cinq tanières qui pourraient être touchées de cette façon. Le bruit causé par le transport aérien pourrait inciter un certain nombre d'ours à fuir le secteur ou à l'éviter à court terme, mais on ne s'attend pas à ce qu'il provoque des effets mesurables sur la physiologie ou le processus de reproduction.
  • Le projet perturberait moins de trois pour cent des aires d'hibernation de prédilection et 0,5 pour cent des landes servant de zones d'alimentation. Les ours s'adaptent facilement et éviteraient ces secteurs. Il pourrait en résulter un réaménagement des domaines vitaux des individus, mais aucun effet sur la densité de population.
  • Les événements accidentels tels que les incendies, les bris de pipeline, les ruptures de digues ou les déversements de contaminants pourraient détruire l'habitat, mais on sait que le feu a parfois pour effet de renouveler ou d'améliorer l'habitat de l'ours.

Selon la modélisation des contaminants (chapitre 7), la bioaccumulation de métaux chez l'ours noir n'est pas considérée comme un effet nuisible potentiel. Les effets cumulatifs d'une intensification de l'exploration minière dans la région de Landscape pourraient se traduire par des contacts plus fréquents entre l'humain et l'ours et un nombre plus élevé de bêtes abattues parce qu'ils posaient problème.

La VBNC a proposé les mesures d'atténuation suivantes :

  • recenser et protéger les secteurs vulnérables de l'habitat de l'ours, en particulier les tanières actives;
  • améliorer les méthodes d'entreposage de la nourriture et de gestion des déchets, sensibiliser et former le personnel plus efficacement et équiper le personnel travaillant loin des campements de dispositifs avertisseurs;
  • installer des clôtures électriques autour des installations du projet qui exercent un attrait particulier sur les ours, après consultation des représentants Innu et des agents de la faune;
  • limiter la circulation sur route et hors piste;
  • tenir un registre des contacts avec les ours et des mesures prises, en conformité avec le plan de protection de l'environnement.

La VBNC prévoit que le projet aura les effets résiduels suivants :

  • effets mineurs (non importants) causés par les travaux de construction et les activités d'exploitation;
  • effets négligeables (non importants) dus à la désaffectation de la mine;
  • effets mineurs (non importants) liés aux événements accidentels.

12.3.2 Préoccupations du gouvernement et de la population

La Direction générale des forêts et de la faune de la province a reconnu que les mesures d'atténuation qui avaient été appliquées avaient permis d'améliorer la situation concernant les ours qui posent problème. Elle recommande toutefois d'assurer une formation continue et adaptée sur le sujet et de tenir un registre de tous les ours capturés sur l'emplacement du projet. Elle rappelle également que les ours déplacés ont souvent tendance revenir dans leur territoire d'origine, même si on les a transportés très loin. Il importe donc en premier lieu de faire en sorte qu'ils ne deviennent pas un problème.

Selon un spécialiste qui représentait la nation Innu, on a surestimé la densité de population de l'ours. Il a soutenu que l'importance locale de la zone n'a pas été bien établie et a souligné, de concert avec un collègue de l'Association des Inuit du Labrador, que la surveillance démographique et environnementale de l'ours noir est en soi difficile. Selon lui, la perte permanente (ou à long terme) d'« au moins » cinq tanières, combinée aux abattages de défense, représente un effet modéré, et non mineur, car elle modifierait l'abondance ou la distribution de cette partie de la population durant au moins une génération.

Les participants ont avancé des points de vue différents concernant la productivité de la région de la baie Voisey, son utilité en tant que milieu source ou récepteur et les effets sur la population d'ours d'une perturbation accrue et de l'abattage d'individus indésirables sur le site ou dans les environs. Cependant, tant les Innu que les Inuit affirment que l'ours noir a toujours été fort répandu dans la région de la baie Voisey, en raison de l'abondance de la nourriture disponible. Ils questionnent par ailleurs l'abattage des ours dits indésirables, pour des raisons à la fois écologiques et éthiques.

Conclusions et recommandations

La commission en conclut que les connaissances actuelles ne permettent pas de définir adéquatement la population régionale d'ours noirs. On sait peu de choses sur la population d'ours de la région de Landscape (par opposition à la zone d'évaluation proprement dite) car aucune étude pertinente n'a encore été réalisée. La VBNC est d'avis que les estimations de population régionale sont la responsabilité de l'organisme responsable de la gestion de la faune, et la commission partage ce point de vue. Cependant, comme on manque de données sur la région de Landscape et que la zone du projet a peut-être été un milieu récepteur en raison du phénomène d'attraction qui s'est exercé durant la période d'étude, il est difficile de dire dans quelle mesure les densités observées dans le secteur d'évaluation sont représentatives de la situation réelle. Par conséquent, la commission considère qu'on ne possède pas suffisamment de données de base pour pouvoir prédire les effets de l'abattage, en dépit de la mise en uvre de toutes les mesures d'atténuation, des ours qui posent problème, même s'il s'agit d'un nombre relativement peu élevé.

Recommandation 60

La commission recommande que la province entreprenne ou parraine d'autres études pour établir les caractéristiques, l'abondance, l'organisation, la dynamique et les exigences fondamentales du cycle biologique de la population d'ours noirs, pour assurer la pertinence et l'efficacité des stratégies de gestion adaptées aux ours noirs. La nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador devraient participer à la conception et à la réalisation de ces études, qui devraient être sujettes à l'examen et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement.

Il est impossible d'affirmer avec certitude laquelle des deux possibilités que sont l'évitement de la zone par les ours et l'attraction qu'exerce sur eux l'activité humaine influera le plus sur la population locale d'ours noirs. On ne sait pas non plus si le transport d'ours vers de nouveaux secteurs compenserait leur déplacement à l'extérieur de la zone du projet, en particulier si les tanières abandonnées se trouvent dans un habitat d'importance effectivement perdu pour la durée de vie totale du projet. Le simple fait de repérer et d'éviter la perturbation des zones cruciales près de l'emplacement du projet ne donnera rien si les ours les abandonnent cause du bruit. On constate par conséquent que l'accroissement de l'activité humaine pourrait graduellement décimer la population d'ours dans le secteur du projet. La commission reconnaît qu'un tel dépeuplement constituerait une atteinte aux droits et aux intérêts des chasseurs Innu et Inuit.

La commission souligne toutefois que ce n'est pas la première fois que se dérouleraient dans des territoires occupés par l'ours noir des activités industrielles comme celles que propose la VBNC. Rien n'indique que de telles activités entraînent clairement ou habituellement des baisses de population. La commission observe avec plaisir que la VBNC a considérablement amélioré ses méthodes de fonctionnement de façon à éviter les contacts avec les ours noirs. La commission considère que les mesures proposées par la VBNC relativement à la gestion des campements et la sensibilisation du personnel sont en principe adéquates, mais qu'elles devront être réalisées et appliquées rigoureusement. La commission est en outre d'avis que les parties concernées doivent mettre sur pied un programme de surveillance.

Recommandation 61

La commission recommande que la VBNC élabore un plan de protection de l'environnement relativement aux ours noirs; ce plan doit :

  • poursuivre la mise en uvre et l'amélioration des mesures concernant l'entreposage de la nourriture et la gestion des déchets, la limitation de la circulation sur route et hors piste, ainsi que la formation du personnel;
  • prévoir, au besoin, l'installation de clôtures électriques autour des installations du projet;
  • assurer la surveillance régulière de la présence des ours noirs et des activités d'hibernation;
  • établir un protocole visant à empêcher les contacts avec les ours et leurs tanières durant les activités du projet, par le déplacement des bêtes ou la réduction ou la suspension temporaire des activités, selon les circonstances.

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13 Oiseaux

Dans l'étude d'impact environnemental, la VBNC reconnaît que le projet toucherait les oiseaux terrestres qui nichent dans la zone du projet, les rapaces qui chassent ces oiseaux et les autres oiseaux qui fréquentent les lacs Camp et Headwater ou le North Tailings Basin. Le bruit, l'éclairage nocturne et les activités humaines, par exemple, pourraient déranger les oiseaux; la construction des installations liées au projet ou les altérations que subiraient les cours d'eau aux fins de la gestion des résidus pourraient détruire ou modifier les habitats; des métaux pourraient s'accumuler dans la chaîne alimentaire; les petits écoulements produisant des rejets chroniques d'hydrocarbures ou les déversements plus importants de pétrole pourraient causer des effets de mazoutage.

De nombreuses questions ont été posées quant aux effets du projet sur les multiples espèces d'oiseaux pour lesquelles la zone d'impact constitue l'aire de nidification ou une halte migratoire. Des participants ont exprimé leur grande inquiétude en ce qui concerne la définition de la zone d'impact. La VBNC faisait état des effets éventuels sur la route maritime jusqu'aux îles Hens and Chickens, mais le ministère de l'Environnement du Canada et d'autres participants étaient d'avis que l'évaluation environnementale devait tenir compte des effets sur les oiseaux qui migrent le long de la route maritime plus au large, comme les marmettes de Brünnich et les mergules nains. Le ministère de l'Environnement du Canada et des résidents de collectivités situées plus au sud sur la côte ont fait observer que l'évaluation devrait inclure toute la route maritime.

La présente section aborde trois importantes catégories d'effets sur les oiseaux :

  • les effets sur les oiseaux marins et la sauvagine côtière nicheurs et migrateurs;
  • les effets sur les oiseaux qui, dans ce secteur, ont un statut spécial en matière de conservation;
  • les effets éventuels sur les Gooselands.

13.1 Les oiseaux marins et la sauvagine côtière

La VBNC a choisi une zone d'évaluation qui visait les oiseaux marins et la sauvagine des régions côtières, depuis le Nord du Labrador jusqu'au sud et à l'ouest du lac Melville. La VBNC estime que les populations nicheuses dans cette zone produisent 63 pour cent des oies, 25 pour cent des canards barboteurs et 55 pour cent des canards plongeurs qui migrent à chaque année le long du corridor de migration de l'Atlantique. La région périphérique de Nain est décrite comme étant la deuxième région de nidification en importance pour les oiseaux marins, avec quelque 13 pour cent de la population du Labrador; environ 20 500 couples nichent entre la baie Voisey, la baie Anaktalak et à l'est des îles au large des côtes. Ces populations sont composées de marmettes de Troïl, de macareux moines, de guillemots, de macreuses, d'eiders, de goélands et de mouettes. Peu importe la route maritime que l'on choisirait vers l'anse à Edward, elle traverserait de nombreuses et importantes colonies nicheuses d'oiseaux marins. En outre, des millions de marmettes de Brünnich et de mergules nains sont en migration, en automne, au large des côtes.

La VBNC a déclaré qu'un important déversement d'hydrocarbures constitue le plus grand danger qui pourrait menacer ces oiseaux. Une marée noire, selon l'année et l'endroit où elle se produirait, pourrait souiller les aires de nidification, causer le mazoutage qui tuerait beaucoup d'oiseaux nicheurs et toucher de nombreux oiseaux qui font halte à cet endroit à chaque automne. Le milieu souillé pourrait prendre plusieurs années à s'en remettre. L'Association des Inuit du Labrador et Environnement Canada ont reconnu l'exactitude de cette évaluation, mais ils ont aussi souligné le danger que représentaient les déversements chroniques d'hydrocarbures. Ils ont recommandé à la VBNC d'étendre la zone d'évaluation, pour étudier toute la route maritime quand le port de destination aura été choisi. La VBNC a réfuté l'idée, faisant valoir que la zone d'évaluation était assez étendue pour circonscrire toutes les interactions entre le projet et la sauvagine, et assez restreinte pour éviter que les résultats de l'étude ne soient trop imprécis.

Le bruit émanant des opérations du projet sur la côte, ainsi que les activités de navigation près des sites de nidification pourraient effrayer les oiseaux nicheurs. Des observations attestent que les populations nicheuses de certaines espèces, surtout de l'eider à duvet, du canard noir, des macreuses, des guillemots et des sternes, ont décliné au cours des vingt dernières années. Il est possible qu'un tel déclin ait été causé notamment par la diminution des ressources alimentaires, surtout du capelan. Il pourrait aussi être attribuable aux motoneiges et aux embarcations à moteur, qui facilitent l'approche des chasseurs et qui accroissent les perturbations causées par le bruit; à l'augmentation des activités de chasse sportive; aux dangers environnementaux qui surgissent le long du corridor de migration de l'Atlantique. Les représentants de la VBNC citent différentes études qui associent le bruit et le dérangement à la diminution de la productivité des espèces, mais ils ajoutent que les espèces s'habituent à des niveaux prévisibles de bruits sous les 90 dB(A), qui n'ont peu d'effet sur elles.

La commission en conclut qu'il faut soigneusement protéger cette vaste aire de nidification et de repos qui revêt une grande importance pour la sauvagine. Elle admet que l'évaluation de l'impact du transport maritime lié au projet au-delà de la région de Landscape ne serait pas utile, en raison des effets cumulatifs des autres activités de transport. Cependant, le transport maritime lié au projet constituerait un important facteur au niveau des effets qui seraient éventuellement causés par le projet sur la sauvagine de la région de Nain, et serait en grande partie responsable des effets cumulatifs touchant les oiseaux le long de la route maritime au large du Labrador. Il faut adopter des mesures pour surveiller ces effets et assurer que les effets chroniques ou de nature accidentelle ne constituent pas un agent de stress important sur les populations d'oiseaux marins.

Recommandation 62

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec Environnement Canada, l'Association des Inuit du Labrador, la nation Innu et les autres parties intéressées élabore et mette en uvre des plans de protection de l'environnement et d'intervention d'urgence relativement aux oiseaux marins et à la sauvagine; ces plans devraient indiquer clairement toutes les zones et les périodes vulnérables pour les oiseaux et les canards marins, ainsi que toutes les interactions éventuelles entre le projet et ces zones et assurer une protection adéquate de ces zones. Ces plans devraient aussi tenir compte de tous les oiseaux et de tous les canards marins dont les parcours de migration traversent cette région et la route maritime.

Recommandation 63

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec Environnement Canada et l'Association des Inuit du Labrador, élabore un plan de gestion des déchets huileux des navires, qui englobe les aspects suivants :

  • des procédures pour déceler toute source éventuelle relativement petite de rejets d'hydrocarbures chroniques, accidentels ou délibérés, ainsi que les grands déversements d'hydrocarbures;
  • un objectif explicite d'élimination totale de la pollution liée à des déversements d'hydrocarbures chroniques causés par les navires du projet;
  • de meilleures pratiques de gestion, destinées à atteindre l'objectif d'élimination totale des rejets et l'examen périodique de ces pratiques;
  • des dispositions visant à établir, à l'anse à Edward et au port d'accueil, une infrastructure de réception côtière adéquate pour les déchets huileux des navires du projet, assorties d'un plan d'évacuation de ces déchets.

Recommandation 64

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec Environnement Canada et l'Association des Inuit du Labrador, élabore un programme de surveillance pour évaluer les effets causés sur les colonies nicheuses par le bruit et les perturbations des navires passants. Selon les résultats du programme, la VBNC devrait, au besoin, élaborer et mettre en uvre des mesures d'atténuation supplémentaires qui pourraient même consister en une modification des routes maritimes (voir la recommandation 37).

13.2 Les espèces qui ont un statut de conservation spécial

L'étude d'impact environnemental a relevé deux espèces aviaires ayant un statut de conservation spécial. Un participant aux audiences a aussi fait état de ses inquiétudes quant à une troisième espèce d'oiseaux.

13.2.1 Canards arlequins

En 1990, le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada a inscrit la population de canards arlequins de l'Est comme une espèce « en danger de disparition ». En 1998, cette population était estimée à 1 500 individus. Il y a aussi une population du Groenland, qui est estimée à 1 000 ou 2 000 individus; certains d'entre eux nichent dans le Nord du Labrador, d'autres nichent dans l'Ungava, au Nord du Québec. Les oiseaux de la région de la baie Voisey semblent faire partie de la population de l'Est, qui migrent depuis le Canada atlantique et le nord-est des États-Unis.

L'étude d'impact environnemental et les renseignements supplémentaires indiquent que l'information sur les conditions de base concernant la distribution du canard arlequin dans la région du projet provient de sources variées : une étude menée par le Service canadien de la faune en 1984, une étude réalisée par le ministère de la Défense nationale en 1997, les connaissances des peuples autochtones et une série d'enquêtes menées par la VBNC. Les enquêtes de la VBNC comptaient neuf relevés aériens de couples nicheurs, effectués entre 1995 et 1997, trois relevés aériens et terrestres des couvées, datant de juillet et août 1996, ainsi que trois relevés aériens des zones côtières, réalisés en 1995 et 1996. Lors des audiences, la VBNC a fourni d'autres renseignements tirés d'un relevé aérien et terrestre effectué en 1998. La zone d'évaluation comprenait la partie amont des rivières qui traversent le lot de concessions minières. Les 32 couples nicheurs relevés en 1997 constituaient le plus gros dénombrement; ils représentent environ 20 pour cent du nombre d'individus dénombrés au Labrador et huit pour cent de la population estimée de l'Est du Canada en 1988. La VBNC prévoit que le projet entraînera le déménagement de deux ou trois couples nicheurs de la région du North Tailings Basin et d'un à trois couples du ruisseau Little Reid, en raison du bruit et de la présence humaine pendant la construction.

Perte d'habitat

Environnement Canada a indiqué que les canards arlequins avaient un taux de survie élevé à l'âge adulte, mais un faible taux de reproduction. Les estimations de populations se fondent en grande partie sur le nombre d'individus qui hivernent dans un très petit nombre d'endroits privilégiés le long du littoral est. S'il est exact que le taux de survie est élevé, alors le faible taux d'accroissement résulte d'une faible productivité, ce qui rend les habitats de nidification indispensables. Les représentants d'Environnement Canada ont donc déclaré qu'il valait mieux comprendre à quel point les habitats étaient responsables de la limite d'accroissement de la population du canard arlequin pour évaluer les conséquences immédiates et à long terme du projet, ainsi que son apport relativement aux effets cumulatifs. Ces faits indiquent aussi que l'efficacité d'un remplacement d'habitat ou d'un programme de réinstallation dépendrait de la fidélité des oiseaux nicheurs envers leur site de nidification.

La perte la plus évidente et irrévocable d'habitat de canards arlequins se produirait dans le ruisseau qui draine le North Tailings Basin. Ce ruisseau est une des aires de nidification de canards arlequins les plus productives de la région (20 pour cent des couvées). Environnement Canada a déclaré que le dérangement et la perte d'invertébrés causés par l'endiguement de la sortie du lac rendraient vraisemblablement le ruisseau inadéquat pour les canards arlequins, même après sa réhabilitation. Il est fortement recommandé que la VBNC abandonne le projet d'aménager le North Tailings Basin et envisage plutôt le remblayage du puits à ciel ouvert ou l'utilisation d'un autre lac (Option 5).

Environnement Canada a aussi fait remarquer que la VBNC avait fait peu d'efforts pour déterminer dans quelle mesure les canards arlequins utilisaient les zones côtières, et que la société minière devra mener des enquêtes exhaustives pour s'assurer que le plan de protection de l'environnement et le plan d'intervention d'urgence tiennent compte convenablement des habitats côtiers fragiles.

La VBNC indique que le projet déboucherait probablement sur une perte nette d'habitats; cependant, il ne semble pas que cette perte soit un facteur limitatif déterminant pour cette population. La société minière prévoit que les couples nicheurs déménageraient dans un habitat adjacent et qu'ils perdraient éventuellement, et non assurément, une saison de reproduction. Cette perte temporaire de productivité dans le secteur du North Tailings Basin n'aurait pas d'effet important. La VBNC indique que le processus d'élimination des résidus par étapes successives dans le North Tailings Basin lui donnerait l'occasion d'étudier les mesures d'atténuation qui permettraient le transfert des couples couveurs dans un habitat de remplacement, sans perte de production.

La VBNC a dit que le programme pour étudier la distribution du canard arlequin dure depuis quatre ans et qu'il va se poursuivre. En outre, les habitats côtiers ont été relevés et des canards arlequins n'ont été aperçus qu'une fois. La disponibilité d'habitats appropriés ne semble pas être un problème, mais la VBNC travaillerait de concert avec d'autres parties intéressées pour trouver des mesures d'atténuation et pour les appliquer lors de la réinstallation des canards arlequins dans le lot de concessions minières. La création et la restauration d'habitats seraient envisagées, le cas échéant.

Autres perturbations de la nidification

La VBNC a indiqué que d'autres facteurs pouvaient perturber la reproduction des canards arlequins.

Il faudrait que la société minière installe des ponceaux sur quelques ruisseaux pour permettre un accès routier au port et aux installations d'évacuation des résidus, mais les canards arlequins ne peuvent passer sous les ponceaux. La VBNC réplique qu'aucun canard arlequin n'a jamais été aperçu sur les cours d'eau où l'on prévoit aménager des traverses. La société minière serait prête à considérer la construction de ponts si des canards arlequins étaient vus près de l'emplacement projeté d'une traverse de cours d'eau.

Conformément à la démarche fondée sur le principe de prudence, Environnement Canada recommande que, lors de la planification et du choix des emplacements des routes et des autres installations en bordure des cours d'eau, la VBNC soit tenue de respecter une distance tampon minimale de 100 mètres dans les endroits qui sont propices aux habitats de nidification ou de couvaison des canards arlequins. La VBNC travaillerait avec le Service canadien de la faune au repérage des endroits qui requièrent des zones tampons et réserverait la place nécessaire à l'établissement de ces zones, là où c'est réalisable.

Études génétiques

Les participants ont aussi examiné l'importance d'établir à quelle population appartiennent les oiseaux qui nichent près de la baie Voisey : à celle qui hiverne au Groenland ou à celle qui hiverne sur la côte est. Cette précision aiderait les parties à circonscrire les menaces cumulatives éventuelles qui guettent la population de la côte est. Environnement Canada a recommandé que la VBNC soit tenue d'entreprendre une étude, au moyen de la télémétrie ou de la génétique, pour établir la filiation de la population d'oiseaux dans la région de la baie Voisey.

La VBNC croit que le Service canadien de la faune est mieux placé pour répondre à la question de la population qui par ailleurs ne constitue pas un élément approprié de la structure de surveillance. La commission convient que ce serait préférable si les scientifiques du Service canadien de la faune effectuaient cette étude, conjointement avec le programme de surveillance de la VBNC. La commission fait remarquer que, selon les rapports du projet Cheviot, une telle recherche devrait se faire prudemment. Les chercheurs ont essayé de recourir à la radio-pistage à cet endroit, mais les émetteurs installés sur les plumes ont été perdus quand les oiseaux ont mué. Il semble aussi que les implants chirurgicaux de transmetteurs aient tué des oiseaux.

Conclusions et recommandations

La commission en conclut que le projet ajouterait à la pression cumulative que subissent les canards arlequins et ferait peut-être disparaître l'habitat de nidification de façon permanente. Aucune loi n'interdit l'élimination d'un habitat ou n'en exige le remplacement.

La commission ajoute cependant que les trois premiers aspects de la stratégie de rétablissement, tels que décrits dans le Plan national de rétablissement du canard arlequin dans l'Est de l'Amérique du Nord (Rapport no 12 du RESCAPÉ, mars 1995), s'énoncent comme suit :

  • la recherche scientifique en écologie de la reproduction, d'alimentation et en écoéthologie;
  • la surveillance de la population, y compris le ratio sexe et âge;
  • la protection des habitats, avec l'évaluation des facteurs qui influent sur la qualité des habitats.

La commission croit que la VBNC pourrait fournir, aux fins du programme de rétablissement, des données importantes recueillies aux fins de ses programmes de surveillance continue et de la recherche concernant les mesures d'atténuation. La VBNC pourrait aussi rendre inestimables les recherches qu'elle mène dans la région de Landscape, en en faisant profiter le programme de rétablissement et en offrant une aide financière ou logistique aux scientifiques du Service canadien de la faune. Une telle aide pourrait bien déboucher sur l'élaboration de mesures pratiques visant le remplacement d'habitat, aussi bien dans la zone de l'évaluation qu'ailleurs, bien au-delà des deux ou trois sites de nidification menacés par le projet.

En outre le ministère de la Défense nationale, continue d'évaluer les effets des vols à basse altitude sur la population des canards arlequins. Le nombre de couples nicheurs enregistré dans le cadre de ce programme de surveillance semble indiquer que la population nicheuse avait peut-être été sous-estimée. D'autres travaux seront entrepris dans le cadre des projets hydroélectriques proposés sur le cours inférieur du fleuve Churchill. La combinaison des résultats de cette recherche avec ceux de la recherche du projet pourrait déboucher sur une compréhension de la dynamique de la population des canards arlequins, indispensable au succès des initiatives de rétablissement de cette population.

Recommandation 65

La commission recommande que la VBNC mette sur pied un programme continu de recherche et de surveillance visant les canards arlequins dans la zone du projet, en consultation avec le Service canadien de la faune et les autres parties intéressées, pour mieux comprendre les caractéristiques physiques, biologiques et chimiques des habitats du canard arlequin et pour réaliser une stratégie efficace d'atténuation et de surveillance.

Recommandation 66

Pour protéger les canards arlequins et leur habitat, la commission recommande que la VBNC incorpore les mesures suivantes dans son Plan de protection de l'environnement :

  • des normes et des procédures de construction exigeant des ponts (plutôt que des ponceaux) à la traverse des cours d'eau que fréquentent des canards arlequins (il faudrait que des relevés des nids de canards arlequins soient effectués jusqu'à 100 mètres en amont et 100 mètres en aval de chaque point de traverse éventuel pour assurer une distance minimum);
  • des normes de conception pour établir, quand c'est physiquement possible, des zones tampons appropriées entre les routes et les cours d'eau qui renferment des habitats de canards arlequins;
  • des procédures pour lutter contre la poussière et le bruit dans les aires d'habitats essentiels.

Recommandation 67

La commission recommande que la VBNC collabore avec Environnement Canada, le ministère de la Défense nationale, la province de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que d'autres parties concernées pour intégrer les méthodes et les résultats de son programme de surveillance sur place des canards arlequins, aux résultats d'autres études ou programmes de surveillance relatifs aux aménagements présents, projetés ou futurs du Labrador, pour assurer une évaluation fiable des effets cumulatifs du projet, activités de navigation comprises.

13.2.2 Le faucon pèlerin

La VBNC a fait savoir que le faucon pèlerin continue d'avoir un statut de conservation spécial, même si ses effectifs ont manifestement augmenté. Près de 45 territoires de nidification ont été relevés au Labrador, dont environ 15 se retrouvent dans la région de Landscape. Même si les nids se trouvent dans le lot de concessions minières, la VBNC a relevé un habitat possible surplombant l'anse à Edward, et d'autres habitats ont été localisés le long de la route maritime.

L'étude d'impact environnemental relève quatre effets éventuels du projet sur le faucon pèlerin. La recherche citée par la VBNC sur les effets du bruit et de la présence humaine comporte des détails relativement aux effets sur les oiseaux en milieu urbain. Il semble cependant y avoir une corrélation entre l'altitude où se trouve l'oiseau par rapport à une interférence possible et son sens apparent de sécurité.

La VBNC a exclu la possibilité d'une bioaccumulation de métaux dans le faucon pèlerin puisque ses études par modélisation n'ont démontré aucune accumulation de ce genre dans ses sources alimentaires telles le lagopède des saules. Le guillemot à miroir constitue une source alimentaire de choix pour le faucon pèlerin dans la région de la baie Voisey. Le plus grand risque serait donc un déversement d'hydrocarbures qui toucherait cette source alimentaire. La VBNC n'a pas prévu d'effets importants sur le faucon pèlerin et les participants n'ont soulevé aucun commentaire important lors des audiences.

13.2.3 Le garrot de Barrow

Un auteur de mémoire a indiqué qu'il conviendrait d'attribuer plus d'attention au garrot de Barrow, dont l'espèce de l'est semble subir aussi une grande pression. L'espèce fréquente les environs de Nain. Il semble n'y avoir que peu d'information sur cet oiseau et Environnement Canada a informé que le statut de l'espèce fait l'objet d'une évaluation. Il n'y a jamais eu de rapport d'observation du garrot de Barrow à la baie Voisey, qui ne semble pas constituer un habitat important pour cet oiseau.

13.3 Impact sur les Gooselands

La VBNC propose d'établir une piste d'atterrissage de catégorie 1 qu'utiliseraient des appareils du genre Dash 8, à six kilomètres des Gooselands environ. Des participants se sont dit particulièrement préoccupés par les effets du bruit provenant de cette piste d'atterrissage, quoique d'autres effets puissent toucher la zone, telles que des modifications hydrologiques causées par des changements de débit dans le ruisseau Reid, ainsi que le bruit et l'éclairage de l'exploitation minière du gisement Ovoid.

Les marais salants des Gooselands, à l'estuaire du système des ruisseaux Ikadlivik et Reid, forment un habitat essentiel pour la sauvagine dans le district de Nain. Il s'agit d'une riche zone de chasse printanière, puisque la sauvagine y fait sa première grande halte lorsqu'elle arrive dans le district de Nain. Des ufs sont ramassés dans cette zone et dans les îles adjacentes. L'endroit constitue aussi une importante zone d'exploitation des ressources fauniques en fin d'été et en automne, car on y trouve, en plus des oiseaux, une source vivrière fiable de mammifères marins, de poissons et de baies sauvages. Des canards arlequins fréquentent aussi cette zone. Des participants Inuit ont dit s'inquiéter du fait que la sauvagine nicheuse et migratrice pourrait disparaître de tout le district de Nain si elle quittait les Gooselands.

Des groupes autochtones et du personnel du Service canadien de la faune ont laissé entendre que les Gooselands constituaient les habitats les plus productifs et complets de ce genre le long de la côte, et que ces habitats sont essentiels à la nidification et à la migration de la sauvagine. La commission constate toutefois qu'il n'y a eu aucune évaluation systématique des habitats estuariens et des zones de sauvagine connexes le long de la côte du Labrador, et que l'information est par conséquent insuffisante pour établir une comparaison et classer les Gooselands parmi d'autres zones comme la baie Groswater. Certains participants ont dit s'inquiéter du fait que la piste d'atterrissage perturberait les habitudes de la sauvagine migratrice et pourrait effectivement détruire un habitat précieux, ajoutant ainsi au stress des oiseaux migrateurs, et nuire au succès des activités d'exploitation des ressources fauniques des Autochtones.

Implantation de la piste d'atterrissage

A la suite des recommandations formulées par un expert-conseil en aviation, la VBNC a décidé de déménager, sur les terres basses situées à l'est du lac Headwater, la piste d'atterrissage initialement aménagée près du lac Camp. La VBNC a indiqué que parmi les 26 emplacements éventuels qui ont été envisagés, l'endroit choisi est le seul qui permet, sans qu'il y ait interférence avec les hautes-terres, une approche de 2,5 pour cent soit l'approche requise pour un système d'atterrissage de catégorie 1. L'appareil passerait directement au-dessus des Gooselands, à quelque 6 kilomètres de la piste d'atterrissage, lors d'un décollage ou d'un atterrissage vers l'ouest. Au-dessus des Gooselands, l'altitude de l'avion serait de 172 mètres avec une approche aux instruments de 2,5 pour cent, de 473 mètres avec une approche sans instruments de 8,2 pour cent et de 488 mètres au décollage.

La VBNC a présenté deux motifs qui justifient sa demande pour un système d'atterrissage de catégorie 1. D'abord, la capacité que confère cette catégorie augmenterait le pourcentage de vols complétés pendant le même quart de travail de l'équipage, réduisant ainsi les délais nécessaires aux changements d'équipages. La VBNC a reconnu que, tout en étant avantageux pour les employés de Goose Bay ou de l'Ouest du Labrador, une telle piste serait moins intéressante pour les équipages qui font la navette depuis ou vers les collectivités côtières, dont aucune ne dispose de piste d'atterrissage de catégorie 1, car ces équipages pourraient encore difficilement compléter leurs vols pendant leur quart de travail.

Deuxièmement, la VBNC voulait pouvoir compléter pendant le même quart de travail les vols d'évacuation en cas d'urgence médicale ou personnelle. La commission considère qu'il s'agit là d'un argument raisonnable, puisqu'il pourrait y avoir jusqu'à 500 employés dans les installations industrielles de la baie Voisey, mais elle a fait remarquer que les collectivités côtières, avec des populations semblables ou supérieures, n'ont pas droit à un tel niveau de service et de protection pour l'instant.

Des experts Inuit représentant l'Association des Inuit du Labrador ont critiqué le processus de sélection des emplacements qui n'a pas tenu compte des effets environnementaux sur les Gooselands. Des groupes autochtones et Environnement Canada ont fait part de leur inquiétude concernant les oiseaux, faisant valoir qu'ils ne s'habitueront pas au bruit des avions, lors des périodes de nidification et de repos dans les Gooselands. Les expériences locales ne concordent pas avec les prévisions présumant que la sauvagine reviendrait immédiatement après une fuite. L'Association des Inuit du Labrador croit qu'il y a risque de déplacement à long terme, sinon permanent, des oiseaux des Gooselands et de l'estuaire de la baie Voisey. On a laissé entendre que les activités du projet, particulièrement le bruit des hélicoptères, pourraient avoir déjà chassé des oiseaux. Ces départs compromettraient beaucoup la chasse des Innu et des Inuit. L'Association des Inuit du Labrador a fait remarquer que l'étude d'impact environnemental ne faisait pas état d'indemnisation pour la perte des ressources fauniques. Elle a aussi indiqué que les collisions entre les oiseaux et les avions représenteraient un grave danger.

Pour appuyer ses dires, l'Association des Inuit du Labrador a présenté des données sommaires tirées d'un rapport rédigé par le Service canadien de la faune pour le compte du Inuvialuit Wildlife Advisory Management Council (T.N.-O.) relativement aux effets des activités de navigation aérienne sur diverses espèces de sauvagine et les goélands. Ce rapport démontrait que les altitudes de survol de 450 mètres et de 650 mètres causaient des effets de sursaut très différents. La commission constate que de nombreuses études portaient sur des hélicoptères, qui semblent causer beaucoup plus de perturbation qu'un avion à voilure fixe. En outre, on a surtout utilisé un Cessna 185 comme appareil à voilure fixe pour effectuer ces études; elles n'ont nullement porté sur l'appareil Dash 8, qu'on a proposé d'utiliser dans le cadre du projet. Ils avaient toutefois recommandé un petit appareil plutôt qu'un gros. Le rapport indiquait aussi que le calendrier des vols, ainsi que le vol en cercle ont une incidence sur les effets produits.

La VBNC a allégué que les oiseaux ne quitteraient pas les Gooselands cause de l'effet de sursaut, car elle prévoit que les vols seraient peu fréquents et que les oiseaux s'habitueraient aux bruits. Elle a aussi contesté les prévisions selon lesquelles il y aurait de nombreuses collisions entre les oiseaux et les avions. La VBNC n'a pas demandé à son expert-conseil en aviation de tenir compte des effets environnementaux lors du choix des emplacements. La société minière a toutefois éliminé les endroits situés le long des rives de la baie Voisey et elle a recueilli d'autres renseignements de base sur les emplacements choisis. La société minière a fait remarquer que 75 pour cent de tous les vols approcherait de l'est, en raison des vents prédominants, ce qui signifie qu'autant d'appareils décolleraient vers l'ouest. La VBNC accepte de rencontrer les parties intéressées en vue d'examiner le processus de sélection des emplacements et de trouver des méthodes qui permettraient de tenir compte des préoccupations.

Des auteurs d'exposés ont dit s'inquiéter du fait qu`il sera peut-être trop tard pour réagir autrement qu'en versant des indemnisations aux utilisateurs autochtones de ces ressources lorsqu'on constatera les effets néfastes que produit la piste d'atterrissage sur les oiseaux des Gooselands. La VBNC a décrit un certain nombre de mesures d'atténuation éventuelles, que la commission a étudiées. On a proposé, lors des audiences, d'apporter des modifications au protocole concernant les décollages pour qu'on autorise un virage à gauche uniquement lorsque l'avion aura atteint une altitude jugée sécuritaire, évitant ainsi de survoler les Gooselands. La commission estime que, pour minimiser la perte de possibilité en matière de chasse, la VBNC pourrait limiter rigoureusement les activités aériennes pendant les périodes de chasse intensive, et même changer les types d'avions utilisés pendant ces périodes. La société minière pourrait aussi changer les horaires de jour pour que les avions passent à des moments où les oiseaux sont moins actifs ou lorsqu'ils se sont envolés vers d'autres lieux pour se nourrir.

La commission en conclut que les effets sur les Gooselands causés par l'emplacement proposé pour la piste d'atterrissage et par l'orientation de l'approche demeurent incertains et que la VBNC devrait par conséquent adopter une démarche fondée sur le principe de prudence. Même s'il ne reste pas beaucoup de temps, la VBNC devrait réviser son processus de sélection d'emplacement, en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador et Environnement Canada. Elle devrait aussi recueillir d'autres renseignements de base sur la façon dont les oiseaux utilisent les Gooselands, surtout lorsque arriveront les oiseaux migrateurs au printemps de 1999. La VBNC devrait en outre essayer de documenter le comportement des oiseaux en réaction aux vols à basse altitude qui seront effectués par le type d'avions proposé dans le cadre du projet. Enfin, la VBNC devrait recenser toutes les mesures d'atténuation possibles qu'elle pourrait utiliser en cas d'effets nuisibles.

La commission convient que l'emplacement proposé pour un aéroport est un choix judicieux, en ce qui concerne son élévation et son éloignement des habitats essentiels. Le principal problème provient de l'orientation de la piste qui permet à l'aéroport de fonctionner comme un aéroport de catégorie 1 et qui amène les avions à passer au-dessus des Gooselands l'approche et au décollage. La commission en conclut donc que l'aéroport peut demeurer à l'endroit proposé, mais qu'il doit faire l'objet de certaines restrictions jusqu'à ce qu'Environnement Canada et les organismes autochtones jugent qu'il est sécuritaire d'abroger ces restrictions, en se fondant sur les résultats des études visant à surveiller les effets. Par conséquent, la commission croit qu'on devrait offrir deux possibilités à la VBNC :

Recommandation 68

La commission recommande que, en raison des dangers qui guettent les habitats et les populations de sauvagine et pour que les activités de chasse des Autochtones restent fructueuses, la VBNC mette en uvre une des stratégies suivantes pour l'aménagement de l'aéroport à l'emplacement proposé :

  • La société minière devrait réaligner la piste de façon à éviter que les appareils n'aient à voler directement au-dessus des Gooselands, et faire fonctionner cet aéroport comme une installation d'approche classique, jusqu'à ce que de nouvelles techniques lui permettent d'utiliser une piste de catégorie 1; ou
  • Avant de construire et d'exploiter un aéroport de catégorie 1, la société minière devrait élaborer un plan de gestion du trafic aérien qui comprendrait des mesures, incluant des restrictions temporaires des vols pendant les périodes cruciales de repos de la sauvagine migratrice, pour empêcher les vols de déranger indûment la sauvagine qui fréquente les Gooselands ou de perturber les activités de chasse des Autochtones. Ce plan devrait prévoir des dispositions visant la surveillance des effets, et la VBNC ne devrait annuler les restrictions imposées au trafic aérien que si les résultats de cette surveillance le justifient. Le plan de gestion du trafic aérien devrait être sujet à une révision et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement.

Si le fonctionnement de l'aéroport devait nuire aux activités de chasse des Autochtones, la VBNC devrait indemniser les utilisateurs des ressources dans le cadre d'un programme d'indemnisation relatif à l'exploitation des ressources fauniques (voir le chapitre 14 : Utilisation des terres par les autochtones et ressources historiques). La commission souligne toutefois qu'il ne conviendrait pas d'adopter le recours à l'indemnisation comme solution stratégique, et que le but poursuivi par les solutions de remplacement énoncées à la recommandations 68 est de supprimer les effets négatifs dans les Gooselands.

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14 Utilisation des terres par les autochtones et préservation des ressources historiques

14.1 Utilisation des terres par les Autochtones

Dans ses directives, la commission a mentionné qu'elle étudierait les effets nuisibles que pourrait avoir le projet sur l'utilisation actuelle des terres et des ressources à des fins traditionnelles par les Autochtones, ainsi que sur des activités telles que le tourisme, la pourvoirie, les activités commerciales de la faune et les loisirs, y compris les possibilités d'utilisation que pourrait supprimer ou empêcher la réalisation du projet.

En vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, les conséquences d'un projet sur l'utilisation actuelle des terres et des ressources par les Autochtones à des fins traditionnelles sont incluses dans la définition d'« effet environnemental », mais l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (l'« Agence ») ne donne aucune orientation quant à la façon de définir ou de documenter cette utilisation. La commission sait fort bien que les mots « utilisation actuelle » peuvent avoir toute une gamme de significations. Dans son sens le plus étroit, « utilisation actuelle » veut dire l'utilisation des dernières années écoulées, car les habitudes d'utilisation des terres varient et qu'aucune année à elle seule ne saurait être estimée pleinement représentative. Dans son sens le plus large, « utilisation actuelle » signifie l'utilisation « de mémoire d'homme », telle qu'enregistrée par la méthode de la biographie cartographique communément utilisée pour établir le titre ancestral ou les droits des Autochtones sur un site en particulier. Cette méthode permet de produire un dossier complet des 30 à 40 dernières années et, pour des besoins plus limités, un dossier de 60 à 70 ans. La commission a indiqué, dans ses directives, qu'elle étudierait les documents relatifs aux revendications territoriales pour définir l'utilisation actuelle des terres et des ressources dans le contexte du présent examen. Pour déterminer les effets négatifs que pourrait causer le projet, ainsi que les mesures propres à les atténuer, la commission a décidé de se pencher surtout sur les habitudes d'utilisation des terres et des ressources au cours des 20 dernières années et aussi sur les utilisations futures possibles.

L'Association des Inuit du Labrador a renvoyé la commission au document original de l'Association concernant l'utilisation et l'occupation du sol, intitulé Our Footprints are Everywhere. L'Association des Inuit du Labrador a également déposé un rapport intitulé From Sina to Sikujaluk : Our Footprint, lequel mettait à jour les renseignements pertinents pour la période allant de 1977 à 1997. Selon ces documents, la région de la baie Voisey et pratiquement toute la région de Landscape ont toujours été et demeurent au c ur même du territoire des Inuit du Labrador, qui en font une utilisation moderne et traditionnelle importante. Les experts et les participants Inuit aux séances communautaires ont apporté à la commission des preuves précises de cette utilisation.

La zone du projet lui-même et la région avoisinante, de même que les voies d'expédition, constituent une part importante du territoire d'exploitation de la faune de Nain, tant pour les pratiques de subsistance que pour la pêche commerciale et peut-être, éventuellement, pour la pêche commerciale aux coquillages et crustacés si les pêches locales se diversifient. L'ensemble des stocks de la baie Voisey représente la plus grande partie des pêches d'omble de Nain. De toutes les régions situées sur la côte septentrionale du Labrador, la région entourant Nain est la plus lourdement touchée par les activités d'exploitation des ressources fauniques. Les périodes de pointe de chasse et de pêche sont au printemps (avril et mai) et à l'automne (de septembre jusqu'à la prise des glaces en décembre), mais les habitants font des expéditions sur terre et en mer à l'année longue. Au printemps, ils se déplacent sur les glaces de mer pour atteindre des zones importantes de capture de poissons et d'animaux sauvages. Ils vont notamment dans certains coins de la baie Voisey pêcher l'omble et une variété de morue, et chassent le phoque à un endroit situé au sud de l'île Paul. Cet endroit est parmi les territoires de chasse au phoque les plus rapprochés de Nain. A l'automne, les habitants vont dans les anses chasser le phoque et ramasser du bois et se rendent dans les îles côtières pour y chasser la sauvagine et le lièvre.

Même si la zone du projet est à l'extrémité du territoire Innu, comme le montrent les cartes fournies par la nation Innu, les Innu fréquentent la région de la baie Voisey depuis des générations. Plusieurs aînés d'Utshimassits ont déclaré à la commission qu'ils étaient nés et avaient passé leur enfance dans cette région, à laquelle ils gardent un attachement spirituel profond. L'utilisation de la région de la baie Voisey par les Innu semble avoir diminué depuis l'établissement de la collectivité d'Utshimassitts (Davis Inlet) à son emplacement actuel en 1967. Il n'en reste pas moins que cette zone (surtout les Gooselands et le système du ruisseau Reid) a de l'importance pour plusieurs familles qui y trouvent des moyens de subsistance en pêchant différents poissons, en chassant des oiseaux, de petits mammifères, des ours noirs et des phoques, ainsi qu'en cueillant des baies sauvages. Les Innu se déplacent eux aussi sur les glaces de mer, traversant la voie proposée de transport par mer, pour chasser le caribou depuis Nain en passant par la rivière Fraser.

Le projet, et tout spécialement la voie d'expédition hivernale, touchera éventuellement d'autres collectivités installées plus au sud. Les Inuit et les colons des autres collectivités de la côte septentrionale du Labrador, et même ceux de Happy Valley et Goose Bay, se rendent à Nain en passant le long de la côte, surtout en hiver, principalement pour accéder au plateau de l'intérieur où ils chassent le caribou. Les Métis et d'autres groupes de la côte sud du Labrador vont aussi dans la région de Nain pour y chasser le caribou certaines années. La population de Cartwright a exprimé des inquiétudes quant aux effets possibles de déversements accidentels de pétrole sur la faune aquatique et sur les pêches en mer.

D'autres groupes autochtones, notamment les Inuit du Nunavik, les Naskapis du Québec et les Innu de Matimekush-Lac John, à Schefferville, n'utilisent pas actuellement la région. Ils font cependant valoir des intérêts qui pourraient être touchés si le projet nuisait aux niveaux des populations de caribou ou, pour le Nunavik, des populations d'ours polaires ou de baleines blanches.

Ni les Inuit, ni les Innu n'ont fourni à la commission de documents actuels sur les quantités de poissons ou d'animaux capturés, mais ils ont quand même déclaré que les aliments tirés de la nature sauvage continuent de former une part substantielle du régime alimentaire local, et qu'il est donc important de protéger la région pour des raisons d'économie autant que de santé.

14.2 Perturbation des activités d'exploitation des ressources fauniques

14.2.1 Évaluation par la VBNC

La VBNC prévoit que l'exploitation normale du projet aura les effets résiduels suivants (ces effets sont décrits en détail dans les chapitres précédents) :

  • la perte ou la modification des zones d'exploitation des ressources fauniques;
  • la réduction de l'accès aux zones d'exploitation des ressources fauniques;
  • la perte de mobilité ou allongement de la durée des déplacements.

On estime que ces effets, auxquels s'ajoute le sentiment d'une perte de contrôle sur la zone du projet, sont estimés mineurs (non significatifs) pendant la construction, l'exploitation et la désaffectation de la mine, et négligeables après la désaffectation. Les effets des accidents éventuels, principalement par contamination, sont jugés modérés (significatifs), mais peu probables.

La VBNC a signalé qu'elle désignerait, autour de l'emplacement du projet, une zone tampon où la chasse sera interdite pour des raisons de sécurité, ce qui entraînera une perte d'accès. Les dimensions effectives de cette zone seront déterminées en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu.

La VBNC propose également un certain nombre de mesures d'atténuation dont certaines ont déjà fait ici l'objet d'une analyse détaillée dans les chapitres portant sur les pêches, les mammifères marins, la faune terrestre et les contaminants. Le projet, une exploitation minière avec service de navette aérienne, n'entraînera l'installation d'aucune population résidente qui pourrait créer des tensions supplémentaires relativement aux activités d'exploitation des ressources fauniques. Selon la politique de la VBNC, aucun des travailleurs de la société ni ses sous-traitants n'a le droit de chasser, de piéger ou de pêcher à quelque moment que ce soit de son séjour dans un camp ou une installation de la VBNC. Au terme de chaque période de travail de deux semaines, les travailleurs seront ramenés par avion à leur point d'embarquement.

La VBNC a déclaré qu'elle négocierait une entente d'indemnisation relative aux pertes fauniques, dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages, pour régler la question des effets résiduels du projet. La société a laissé entendre que le fonds créé par cette entente pourrait éventuellement permettre de verser une somme convenue pour compenser les pertes prévues, la répartition en étant décidée par un conseil d'aînés ou par des représentants communautaires. La somme en question indemniserait les particuliers pour des pertes ou des dommages précis, par exemple, des dommages aux biens ou au matériel ou la perte de possibilités d'activités d'exploitation de la faune. Elle indemniserait aussi la collectivité pour les pertes générales. Les demandeurs ne seraient pas tenus de se conformer strictement à la règle de preuve. Un conseil conjoint présidé par une personne indépendante déterminerait le montant de l'indemnisation de pertes découlant d'effets significatifs imprévus ou accidentels.

14.2.2 Préoccupations des gouvernements et de la population

Des représentants du gouvernement et des participants du grand public ont exprimé des préoccupations au sujet de certains effets nuisibles que pourrait causer le projet sur les terres, sur l'accès aux ressources, de même que sur l'abondance et la qualité des ressources. Voici de quels effets il s'agit :

  • la perte physique ou la perturbation d'habitats, touchant un territoire de plus de 750 hectares, y compris les lacs utilisés pour le stockage des résidus, de même que la possibilité d'incendies de forêt et de conséquences néfastes pour le système du ruisseau Reid, qui pourraient entraîner des pertes importantes de stocks d'ombles dans la baie Voisey;
  • la perturbation de la faune, notamment les effets des expéditions par mer sur les phoques, les effets de la circulation aérienne sur le territoire des Gooselands, la perturbation des déplacements du caribou sur terre et sur les glaces de mer, ainsi que les effets des déversements accidentels de pétrole sur le gibier d'eau et sur les mammifères marins, toutes ces perturbations étant susceptibles de modifier la répartition, l'abondance et l'accessibilité de la faune;
  • la contamination ou l'altération des poissons, des coquillages, des crustacés et des animaux sauvages par les métaux, les déversements de pétrole ou les effluents du traitement des déchets;
  • les pressions supplémentaires sur l'exploitation de la faune causées par les travailleurs de la mine, ainsi que par la suppression des ours noirs et des ours polaires qui créent des problèmes;
  • la limitation de l'accès à des zones d'exploitation des ressources fauniques importantes telles que le lot de concessions lui-même et le port naturel de l'anse à Edward, et la perturbation des déplacements des habitants sur les glaces marines par les expéditions hivernales de minerai.

L'Association des Inuit du Labrador a fait état d'une préoccupation plus générale selon laquelle les effets conjugués des activités portuaires, des effluents de traitement du minerai, des déversements accidentels de pétrole et des expéditions par mer pourraient éventuellement amener les exploitants de la faune à éviter complètement la baie Anaktalak. L'Association soutient que les Inuit auraient du mal à trouver des territoires de chasse et de pêche ailleurs, car toute la région d'exploitation des ressources fauniques entourant Nain est pleinement utilisée.

L'Association des Inuit du Labrador a proposé d'affecter les fonds d'indemnisation l'atténuation des effets tels que les perçoivent les chasseurs, y compris les effets des réinstallations et de leurs coûts, et ce en étudiant chaque cas en particulier. Il faudrait aussi des dispositions prévoyant la compensation, sans charge de preuve, s'il se produit de graves répercussions non prévues, par exemple, une perte importante d'habitat de l'omble dans le ruisseau Reid ou d'habitat de la sauvagine dans les Gooselands. L'Association des Inuit du Labrador demande que l'on adopte un plan de responsabilité absolue qui permettra de régler les problèmes rapidement dès qu'ils se présentent. La nation Innu voit l'indemnisation plutôt comme une affaire communautaire qui comporte des pertes culturelles aussi bien qu'économiques. Elle a aussi suggéré que la VBNC crée un fonds qui serait administré par les aînés. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux indiqué qu'elles craignaient que le montant des polices d'assurance responsabilité de la société ne suffise pas s'il arrivait un incident important ou catastrophique.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a recommandé, entre autres mesures, ce qui suit :

  • que la politique d'interdiction de la pêche sur l'emplacement du projet soit appliquée de façon stricte et que des ressources suffisantes soient affectées à cette fin (le ministère a insisté sur le fait qu'il n'était pas responsable de faire respecter cette politique, mais qu'il s'agissait là d'une responsabilité de la VBNC);
  • que la VBNC évalue la nécessité de mettre sur pied un programme de surveillance des crustacés et des coquillages dans la région de l'anse Edward pour prévenir leur contamination par les métaux et les bactéries, ainsi que leur altération sous l'effet des hydrocarbures.

Pêches et Océans Canada a également fait part de ses craintes au sujet de l'avènement possible d'un marché noir où se ferait le commerce des aliments puisés dans la nature, entre les Autochtones exploitant la faune et les travailleurs du projet.

La Direction des forêts et de la faune de Terre-Neuve et du Labrador a recommandé que la politique interdisant strictement la chasse sur tout l'emplacement du projet englobe la pratique du dénichement.

Conclusions et recommandations

La commission en conclut qu'il est peu probable que les activités d'exploitation des ressources fauniques soient interrompues de façon significative ou généralisée en raison des effets nuisibles du projet sur l'abondance ou la qualité du poisson et des ressources fauniques dans la région de Landscape si les mesures d'atténuation proposées par la VBNC se révèlent efficaces et si les recommandations pertinentes de la commission (présentées dans les autres chapitres du présent rapport) sont mises en uvre. Il faudra aussi que les politiques d'interdiction de la chasse et de la pêche soient totalement respectées et exécutées avec toute la rigueur nécessaire.

Recommandation 69

La commission recommande que la VBNC poursuive sa politique actuelle d'interdiction de la chasse et de la pêche sur l'emplacement du projet et qu'elle veille à ce que cette politique soit rigoureusement appliquée. La politique en question devrait être élargie pour englober l'interdiction du dénichement. La politique devrait aussi prévoir le congédiement de tout travailleur qui se livre au commerce illégal du poisson ou du gibier, et la société devrait s'assurer que tous les travailleurs sont mis au courant de ces conséquences.

Recommandation 70

La commission recommande que la VBNC mette à exécution la politique qu'elle propose visant à ramener les travailleurs de la mine à leur point d'embarquement, pour s'assurer qu'ils ne pourront pas utiliser l'emplacement du projet comme base de chasse et de pêche pendant leurs temps libres.

Nonobstant ce qui précède, la commission juge qu'il peut se produire certains effets résiduels localisés sur l'abondance et la qualité de la faune. Il sera peut-être impossible d'empêcher la contamination ou l'altération des coquillages et des crustacés dans le voisinage du port que la société se propose de construire à l'anse à Edward. La zone touchée pourrait être de petite dimension; en effet, Pêches et Océans Canada a avisé la commission que des installations portuaires semblables dans la province n'avaient pas causé d'effets nuisibles graves et que les suppressions de zones de croissance des crustacés et des coquillages se limitaient, dans certains cas, à environ 100 mètres autour des installations. Il n'en reste pas moins que s'il faut procéder à des suppressions de zones de croissance, cela pourrait nuire aux possibilités futures de pêche commerciale et de pêche de subsistance. La commission a recommandé que l'on surveille les coquillages et les crustacés de l'anse à Edward, pour prévenir et détecter la contamination par les métaux ou les bactéries et l'altération par les hydrocarbures, puisque c'est à cet endroit que des effets de ce genre sont le plus susceptibles de se produire pendant l'exploitation de la mine (recommandation 26). Il est possible également que les activités du projet poussent les mammifères marins à fuir au moins le territoire de l'anse à Edward, sinon une partie plus vaste du fond de la baie Anaktalak, pendant une période de temps indéterminée.

Le projet pourrait limiter l'accès des exploitants de la faune à leurs territoires d'exploitation des ressources fauniques pendant de longues périodes de temps. Voici quelques-unes des zones susceptibles d'être touchées :

  • la zone de l'anse à Edward à cause des activités portuaires et parce que les exploitants de la faune pourraient décider d'éviter l'endroit en raison du bruit, des activités industrielles et d'un risque appréhendé de contamination;
  • les secteurs situés de chaque côté et au sud de la route d'expédition proposée, pendant les expéditions d'hiver, s'il est impossible de garantir aux habitants qu'ils peuvent franchir le parcours des navires en toute sécurité et au moment qui leur convient;
  • les Gooselands, si les mesures d'atténuation se révèlent inefficaces.

Puisque ces effets agissent ensemble, ils pourraient forcer les exploitants de ressources fauniques et leur famille, à leur grand désavantage, à changer considérablement leurs territoires d'exploitation des ressources fauniques. Si ce déplacement d'activités se révèle plus que temporaire, il pourrait nuire à l'exploitation fructueuse de certaines espèces fauniques. Puisque ces effets peuvent durer longtemps et que leur nature est irréversible, la commission en conclut qu'ils devraient être cotés modérés (significatifs) parce qu'ils sont susceptibles de toucher une partie de la population d'exploitants de la faune pendant plus d'une génération. La commission convient que les accidents, s'ils se produisent, pourraient aussi avoir des effets nuisibles significatifs sur les activités d'exploitation de la faune.

La commission reconnaît que de nombreux Innu et Inuit, s'ils sont déplacés par les effets en question, pourront ressentir la perte d'une composante particulièrement valorisée de leur patrimoine naturel. Elle reconnaît aussi qu'une perte de ce genre est irréversible d'un point de vue esthétique, récréatif ou spirituel. Il n'y a aucun moyen d'y remédier. Néanmoins, la VBNC devra verser des indemnisations, dans la mesure du possible, pour compenser les perturbations qui frappent réellement les activités d'exploitation de la faune.

Recommandation 71

La commission recommande que la VBNC conclue une entente avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu relativement à un régime d'indemnisation visant à compenser la perturbation des activités de prédation. La convention d'indemnisation devrait être négociée dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages et prendre effet avant le début de la construction. La convention devrait comporter des protocoles en vue d'indemniser les peuples autochtones pour ce qui suit :

  • l'accroissement des coûts d'exploitation des ressources fauniques en raison d'un changement de territoire de prédation ou d'une perte d'accès à ces territoires;
  • les avantages que les Autochtones auraient pu trouver dans des débouchés commerciaux qu'ils seront incapables d'exploiter à cause du projet;
  • les dommages au matériel ou aux biens;
  • les activités de chasse et de pêche commerciales ou de subsistance qui ne peuvent se réaliser parce que le projet a réduit l'abondance ou amoindri la qualité de la faune.

La VBNC devrait offrir des garanties financières suffisantes pour couvrir toute catastrophe éventuelle. En outre, les entrepreneurs embauchés par la VBNC et leurs sous-traitants, notamment les entreprises de transport, devaient adhérer au régime d'indemnisation visant à compenser la perturbation des activités de prédation.

Ces régimes d'indemnisation devraient s'appliquer à la fois aux pertes individuelles ponctuelles et aux dommages importants causés par des accidents ou des événements imprévus. La VBNC devrait être présumée responsable moins qu'il n'y ait preuve du contraire. Le fardeau de la preuve démontrant l'ampleur et la valeur d'une perte devrait incomber aux demandeurs, conformément aux protocoles établis dans le régime d'indemnisation. Il faudra peut-être rassembler des données de base supplémentaires sur les activités d'exploitation de la faune et sur leurs résultats, pour s'assurer de l'efficacité des mesures d'atténuation, ainsi que pour élaborer et mettre en uvre un programme d'indemnisation efficace. Dans ce cas, il conviendrait de négocier un programme de collecte de données dans le cadre du régime d'indemnisation.

La commission fait remarquer que les activités du projet pourraient nuire aux exploitants traditionnels de la faune qui ne sont pas couverts par les ententes sur les impacts et les avantages.

Recommandation 72

La commission recommande que la VBNC s'engage à indemniser, au cas par cas, les exploitants traditionnels de la faune qui ne sont pas membres de l'Association des Inuit du Labrador ou de la nation Innu et qui sont susceptibles de subir des conséquences négatives en raison, par exemple, de la perturbation des déplacements sur les glaces marines en hiver.

14.3 Effets des emplois et des revenus tirés du projet sur les activités d'exploitation des ressources fauniques

Lors des audiences publiques, de nombreux participants ont indiqué qu'ils craignaient les effets éventuels des emplois créés par le projet sur leur capacité d'exploiter la faune. Ces participants ont défini plusieurs résultats possibles, tant positifs que négatifs, des compromis possibles entre les revenus supérieurs provenant d'un emploi et la perte de temps à consacrer aux occupations traditionnelles. On se demandait si les familles continueraient tirer leur subsistance de la nature, selon le besoin, et si elles seraient encore capables de passer du temps ensemble sur le territoire et de transmettre aux générations futures les connaissances, les habiletés et les valeurs liées aux activités d'exploitation de la faune. Tant les Innu que les Inuit ont insisté sur le fait que le projet ne devait pas nuire à leur capacité de poursuivre ces activités comme source de revenu et comme mode de vie. Ils ont aussi déclaré que le temps passé dans la nature était plus qu'une activité économique; ce sont des périodes valorisées sur les plans culturel, spirituel et récréatif et elles sont essentielles à l'identité même des peuples Innu et Inuit. Le chapitre 16 traite plus longuement de ces préoccupations.

La VBNC a affirmé que les revenus tirés des emplois du projet permettraient aux exploitants de la faune de mieux s'équiper pour la chasse et la pêche. En outre, les périodes de travail se feront en rotation de deux semaines suivies de deux semaines de relâche, ce qui donnera aux travailleurs autochtones des intervalles raisonnables pendant lesquels ils pourraient s'adonner aux activités d'exploitation de la faune. La société a également déclaré que, dans d'autres communautés autochtones, l'emploi en rotation avait eu, tout compte fait, des conséquences positives sur les activités d'exploitation de la faune.

En ce qui concerne la surveillance et le suivi, la VBNC s'est dite disposée contribuer à des recherches sur les niveaux de consommation d'aliments prélevés de la nature et sur les activités d'exploitation des ressources fauniques. La société a fait remarquer que des fonds de recherches à cette fin pourraient également venir du Fonds de protection sociale et culturelle que l'on se propose de créer et dont le mandat comprendra la surveillance des effets sociaux et économiques globaux du projet et, le cas échéant, l'élaboration de mesures d'intervention pertinentes. Le fonds en question pourrait aussi servir à financer des programmes de soutien aux activités d'exploitation de la faune.

La commission estime que les effets des emplois rémunérés et des revenus qui s'y rattachent seront probablement, à tout prendre, avantageux pour les exploitants de la faune, même s'il faut prévoir des différences dans la façon dont les exploitants et leurs familles subiront les effets ou y réagiront. Les expériences de ce genre qui ont été vécues dans d'autres régions du Nord permettent de croire que les économies de subsistance fondées sur l'exploitation de la faune se remettent remarquablement bien de ces bouleversements, quoique le résultat puisse différer dans la partie septentrionale du Labrador. Il conviendrait de surveiller les effets dans le cadre d'un programme global de surveillance socio-économique (voir le chapitre 16) et de prévoir un rajustement éventuellement des conditions d'emploi, s'il y a lieu.

Il est possible que l'un des effets étendus que pourraient avoir des emplois à temps plein et à long terme sur les collectivités de la côte septentrionale du Labrador soit un changement d'orientation économique qui ferait passer ces collectivités d'un régime qui faisait alterner emplois rémunérés et périodes d'exploitation des ressources fauniques selon les saisons, à un régime d'emplois rémunérés à l'année longue, entrecoupé de rares périodes d'exploitation des ressources fauniques pour la plupart des individus. Il est peu probable que le projet soit la cause unique d'une telle tendance, que les habitants de la région ne seraient d'ailleurs pas unanimes à estimer négative.

14.4 Ressources historiques

14.4.1 Évaluation par la VBNC

En 1995, 1996 et 1997, la VBNC a effectué l'évaluation des ressources historiques d'un territoire couvrant une partie du lot de concessions minières qui lui avait été accordé. En 1996, avec la collaboration de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, la VBNC a également mené une évaluation des ressources archéologiques à laquelle ont participé des archéologues Innu et Inuit. Bien que l'évaluation des ressources historiques ne se soit pas fondée sur une méthode uniforme pour l'ensemble du territoire étudié, toutes les zones ont fait l'objet d'une inspection visuelle générale. Lorsque les évaluateurs jugeaient qu'une zone était susceptible de contenir des ressources historiques, ils adoptaient des méthodes plus intensives telles que l'inspection rapprochée de surface et les tests du sol en profondeur. La VBNC a aussi tenu compte de renseignements tirés d'entrevues personnelles, d'un examen documentaire, de photos aériennes, d'analyses cartographiques et d'un modèle de prévision des ressources archéologiques potentielles.

Les chercheurs ont recensé un total de 134 sites archéologiques et contemporains dans la zone d'évaluation. La plupart de ces sites se trouvaient près des rives de la baie Anaktalak, de l'anse à Edward, de la baie Voisey et de la baie Kangeklualuk, ainsi que dans la vallée du ruisseau Reid. Pour des raisons de protection des ressources, l'emplacement précis de ces sites n'a pas été publié, mais les renseignements à ce sujet ont été fournis au gouvernement provincial, à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu.

La VBNC a admis que les travaux de la mine pourraient détruire ou altérer certaines des ressources historiques désignées pendant l'évaluation. Pour atténuer ces conséquences, la société a élaboré un plan d'urgence pour les ressources historiques, qui servira à mettre en place des mesures de protection pendant toutes les étapes du projet. Ce plan comprend un énoncé de principe sur la protection des ressources historiques, un mode normalisé d'exploitation à suivre si l'on découvre une ressource historique nouvelle, et des mesures précises d'atténuation visant à protéger les ressources historiques connues.

Les sites et les artefacts archéologiques sont protégés en vertu de la législation provinciale sur les ressources historiques. Cette loi garantit que les aménagements tels le projet d'exploitation minière et d'usine de concentration de la baie Voisey, qui sont susceptibles d'altérer, d'endommager ou de détruire des richesses patrimoniales, sont réglementés et contrôlés par une évaluation des impacts archéologiques effectuée avant le commencement des travaux. Dans son mémoire, la Division de la culture et du patrimoine (du ministère provincial de la Culture, du Tourisme et des Loisirs) a affirmé à la commission qu'elle s'occuperait de ces questions si le projet était approuvé.

14.4.2 Préoccupations des gouvernements et de la population

La Division de la culture et du patrimoine a jugé satisfaisante la démarche adoptée par la VBNC concernant les ressources historiques. Elle a tout de même demandé que le plan d'urgence pour les ressources historiques, élaboré par la société en 1995, soit mis à jour pour concorder avec l'état actuel des ressources archéologiques et historiques connues, ainsi qu'avec les potentialités de la zone d'évaluation des ressources historiques.

L'Association des Inuit du Labrador cherche à protéger les droits des Inuit du Labrador sur leurs ressources historiques et elle demande de participer à la gestion de la répartition de ces ressources. L'Association a également inscrit cette question à l'ordre du jour des négociations sur les dispositions sociales et culturelles de l'entente sur les impacts et les avantages.

L'Association des Inuit du Labrador a mis en doute l'exactitude du modèle de prévision des ressources historiques utilisé par la VBNC, soutenant qu'il est impossible de prévoir l'emplacement de sites historiques dans une région aussi vaste en partant des sites déjà découverts à l'échelle locale. L'Association des Inuit du Labrador croit aussi que la Division de la culture et du patrimoine du gouvernement provincial n'a pas les ressources voulues pour surveiller convenablement les sites et assurer la conformité à la législation provinciale sur les ressources historiques.

Conclusions et recommandations

La commission reconnaît la nécessité d'un plan global visant à préserver les ressources historiques, pour que tous les sites soient désignés et protégés comme il convient. La coopération manifestée par la VBNC jusqu'à maintenant augure bien, mais les parties doivent continuer de faire preuve de diligence dans ce domaine.

Recommandation 73

La commission recommande que la VBNC dans le cadre de son plan de protection de l'environnement, de conclure une entente avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu concernant les dispositions d'un plan de protection et de gestion des ressources historiques qui devra se fonder sur une révision de l'actuel plan d'urgence pour les ressources historiques, et ce avant que le projet ne soit autorisé. Ce plan de protection et de gestion des ressources historiques devrait être négocié dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages et prendre effet avant le début des travaux de construction.

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15 Emploi et occasions d'affaires

La VBNC a prévu qu'elle allait, pendant toute la durée du projet, créer environ 80 000 années-personnes d'emploi dans la province, dont un peu moins de la moitié au Labrador. Ce total comprend l'emploi direct (les travailleurs employés par la VBNC ou les entrepreneurs engagés par la VBNC), l'emploi indirect (les travailleurs employés par les entreprises fournissant des biens ou des services à la VBNC), et l'emploi induit (les travailleurs employés par des firmes profitant de la dépense du revenu provenant de l'emploi direct et indirect). Au Labrador, la VBNC estime que 63 pour cent de l'emploi total relatif au projet serait direct, 25 pour cent indirect et 12 pour cent induit. Les dépenses totales de la VBNC seraient de 10,6 milliards de dollars (8,2 milliards de dollars pour l'exploitation et 2,4 milliards de dollars pour les dépenses en immobilisations), dont 3,3 milliards au Labrador.

Pour les communautés de la côte septentrionale, la VBNC prévoit que la principale source d'avantages économiques serait l'emploi direct, et certaines possibilités en ce qui concerne les emplois induits. Nain est une exception possible en raison de sa proximité avec la baie Voisey, qui pourrait offrir un avantage au développement de certaines catégories d'entreprises. Dans les régions de Happy Valley-Goose Bay et de l'Ouest du Labrador, la VBNC envisage davantage de possibilités au niveau de l'emploi indirect.

De nombreux intervenants avaient des questions, des préoccupations et des suggestions concernant l'accès à l'emploi et les occasions d'affaires.

15.1 Occasions d'emploi direct

Dans ses directives, la commission a demandé des renseignements précis sur les occasions d'apprentissage, de formation et d'emploi pour les habitants de la région, tout en reconnaissant que les occasions d'emploi au complexe minier projeté dépendraient directement des niveaux d'éducation et de formation.

Dans l'étude d'impact environnemental et dans les renseignements supplémentaires, la VBNC a indiqué le nombre et les genres d'emplois qui devraient être disponibles à chaque étape du projet, les compétences requises pour ces emplois et la durée prévue pour chaque catégorie d'emploi. Au cours des audiences, la VBNC a donné des informations générales sur le nombre d'années d'expérience requis des candidats pour se qualifier pour différents emplois. La VBNC a aussi tracé un portrait d'ensemble de la situation actuelle en matière d'emploi, d'éducation, de formation et de compétences aux échelons local, régional et provincial. En se fondant sur ces données, la VBNC a fait des projections sur le nombre, la durée et le genre d'emplois qui seraient disponibles pour les travailleurs dans toute la province.

La commission a entendu de nombreuses préoccupations et suggestions présentées par les collectivités, des organisations ou des particuliers, surtout propos des obstacles à l'emploi pour les gens de la côte septentrionale. Les préoccupations portaient surtout sur l'accès (la possibilité de trouver quel genre d'emploi serait offert, la formation et les autres genres de préparation acceptables, les compétences exigées, les effets en cas de syndicalisation et les modalités d'embauchage) et le maintien en fonctions (les politiques de la VBNC relativement à la langue et à la culture, au harcèlement, ainsi qu'au soutien offerts aux employés et à leurs familles).

La construction du projet nécessitera une main-d' uvre expérimentée et hautement qualifiée. La VBNC a souligné que ces emplois seraient de courte durée et, en majeure partie, seraient vraisemblablement confiés à des travailleurs venant de l'extérieur de la région car les travailleurs éventuels des collectivités de la côte septentrionale du Labrador n'ont pas l'expérience, ni les compétences nécessaires. La VBNC prévoit embaucher des travailleurs de l'île de Terre-Neuve pour répondre à la demande. Elle estime que les collectivités de la côte septentrionale profiteraient de 29 pour cent du total des emplois (156 années-personnes) et des revenus prévus pour le Labrador au cours de cette étape.

Avec l'augmentation du nombre total de travailleurs à l'étape de l'exploitation ciel ouvert, la VBNC prévoit embaucher davantage d'habitants de la côte septentrionale. Toutefois, les habitants de la côte septentrionale représenteraient dans l'ensemble une plus petite proportion du total des travailleurs pendant cette étape. Le projet aurait besoin d'une main-d' uvre compétente et expérimentée, et le nombre de poste exigeant au moins un diplôme d'études secondaires augmenterait. On estime que les collectivités de la côte septentrionale profiteraient de 21 pour cent du total des emplois (242 années-personnes) et des revenus prévus pour le Labrador au cours de l'étape de l'exploitation ciel ouvert.

On prévoit qu'à l'étape de l'exploitation souterraine, les travailleurs provenant des collectivités de la côte septentrionale composeraient 20 pour cent du total de l'effectif (325 années-personnes) et recueilleraient autant de revenus prévus pour le Labrador. Selon la VBNC, tout travailleur qui souhaiterait pouvoir travailler sous terre aurait l'occasion de recevoir la formation pour ce travail à l'étape de l'exploitation à ciel ouvert.

Bien que la VBNC se soit déclarée convaincue que la main-d' uvre disponible au Labrador suffirait à combler ses besoins pendant les étapes d'exploitation, elle n'a pas établi de prévisions sur ce que serait la ventilation de cette main-d' uvre par collectivité. La VBNC a conseillé la prudence dans l'interprétation des chiffres sur l'emploi obtenus par modélisation de l'économie. Elle a rappelé que ces chiffres sont des indicateurs ou des projections, pas des quotas. La VBNC s'est dite confiante que le transport des employés fondé sur un service de navette aérienne donnerait aux habitants de la côte septentrionale un avantage en matière d'accès à l'emploi, car les gens qui vivent à l'extérieur des points d'embarquement désignés seraient obligés de payer des frais de transport supplémentaires.

Comme principale mesure d'atténuation relativement à l'embauchage, la VBNC s'engage à appliquer le « principe de contiguïté ». Ce principe donne la priorité absolue aux habitants des « localités voisines de la mine et des installations de concentration, de fonderie et de raffinerie de la société minière ». Pendant les audiences, la VBNC a déclaré qu'elle donnerait d'abord la préférence aux membres qualifiés de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, puis aux habitants du Labrador qualifiés, suivis des travailleurs qualifiés qui résident dans la partie insulaire de la province. La VBNC déclare négocier actuellement les détails relatifs au principe de contiguïté dans les ententes sur les impacts et les avantages et s'être engagée à ne négocier des marchés qu'avec les entreprises qui se conformeraient à ce principe.

La VBNC s'est aussi engagée pendant les audiences à tenir compte de l'expérience de vie des travailleurs pour déterminer leur admissibilité à un poste. Elle a reconnu que les gens pourraient avoir de nombreuses compétences transférables découlant de leur expérience, même s'ils ne répondent pas aux exigences en matière d'éducation formelle. L'établissement d'un relevé personnel des compétences fait partie du programme de recherche et de reconnaissance qui est en voie de réalisation aux termes de l'entente multipartite sur la formation, présentée à la section 15.1.1.

La VBNC a déclaré à plusieurs reprises qu'elle demanderait aux entrepreneurs et aux sous-traitants de se conformer à ses politiques en matière d'emploi, mais elle n'a pas indiqué comment elle procéderait pour s'assurer qu'ils les respectent.

La VBNC a aussi indiqué qu'elle surveillerait « le nombre et le genre de travailleurs employés ». Au cours des séances techniques publiques sur la formation et la main-d' uvre, elle a aussi souligné que la province lui demanderait des rapports trimestriels sur ses chiffres d'emploi et sur ses approvisionnements auprès d'entreprises.

15.1.1 Occasions en matière de formation

La VBNC a reconnu les obstacles que les Autochtones et les femmes devraient franchir s'ils voulaient travailler à la mine. La société minière a travaillé avec les gouvernements fédéral et provincial, le College of the North Atlantic, l'Association des Inuit du Labrador, ainsi que les conseils de bande Innu de Sheshatshiu et de Mushuau pour établir une entente multipartite sur la formation visant à donner aux personnes intéressées des cours et de la formation préalables à l'emploi. Cette entente multipartite, établie partir de ce que la commission croit être un programme fructueux mis sur pied en Saskatchewan, est conçue pour les autochtones intéressés à acquérir les qualités requises pour travailler au complexe minier projeté. La VBNC a aussi donné des détails sur un atelier pilote destiné aux femmes, qui a été donné dans le cadre de l'entente multipartite sur la formation.

Un certain nombre d'intervenants ont fait part de leurs préoccupations relativement au fait que la formation doit répondre aux besoins des travailleurs autochtones et que, par conséquent, des groupes autochtones devraient participer à sa prestation. L'Association des Inuit du Labrador, en particulier, a déclaré que les programmes de formation ne devraient pas être confiés uniquement aux organismes gouvernementaux et à la VBNC. Selon son expérience dans la conduite de programmes de formation avec des fonds provenant de programmes faisant suite au programme Chemins de la réussite et des ententes bilatérales régionales conclues entre le gouvernement fédéral et des groupes autochtones, l'Association des Inuit du Labrador croit que plus elle contrôle le contenu d'un programme, plus ce programme a de chance de réussir.

L'Association des Inuit du Labrador s'est dite frustrée de ce que l'argent disponible en vertu de l'entente multipartite sur la formation ne soit pas consacré uniquement à la formation d'Autochtones. La première tranche de 1,3 million de dollars attribuée au programme est venue de l'entente sur le développement du marché du travail, qui gère conjointement les avantages sociaux fédéraux. L'Association des Inuit du Labrador a fait part de son inquiétude à propos du fait que ces fonds de formation sont mis à la disposition de tous les habitants du Labrador et que seuls les travailleurs au chômage admissibles à l'assurance-emploi peuvent présenter une demande. Elle croit que ces deux exigences combinées, surtout celle qui a trait à l'assurance-emploi, pourraient rendre de nombreux Inuit inadmissibles à recevoir cette formation. Des inquiétudes semblables pourraient vraisemblablement s'appliquer aux habitants des localités Innu, bien que, cause du projet de la baie Sango actuellement à l'étape de la construction, la situation puisse être différente à Utshimassits.

La commission reconnaît que les occasions de formation devraient être ouvertes à tous les habitants du Labrador, mais elle conclut que les restrictions contenues actuellement dans l'entente multipartite sur la formation, combinées avec les niveaux élevés de chômage chronique dans les localités de la côte septentrionale, pourraient signifier que les habitants autochtones ne seraient pas en mesure de profiter des avantages prévus en vertu des dispositions du principe de contiguïté.

Recommandation 74

La commission recommande que, en vue d'améliorer l'accès aux occasions de formation pertinente pour le plus grand nombre possible d'habitants de la côte septentrionale, les parties signataires de l'entente multipartite sur la formation (les gouvernements fédéral et provincial, la nation Innu, l'Association des Inuit du Labrador, le College of the North Atlantic et la VBNC) collaborent en vue de trouver de nouvelles ressources, ou de réaffecter celles qui existent déjà, pour que les Autochtones qui ne répondent pas aux exigences d'admissibilité en matière d'assurance-emploi puissent quand même recevoir une aide à la formation.

La province a exprimé de l'inquiétude au sujet du manque de renseignements concernant la formation spécialisée qui serait exigée en plus des exigences fondamentales d'embauchage. Bien que la formation en cours d'emploi relève de la responsabilité de la VBNC, la province croit que l'on aurait besoin de ces renseignements pour élaborer une démarche davantage concertée en matière de formation. Le conseil provincial des métiers de la construction a recommandé l'établissement d'un répertoire de compétences exhaustif pour dresser la liste des compétences disponibles dans la population active. Le conseil a dit craindre qu'il pourrait se créer autrement une offre excédentaire de gens de métier, ce qui se traduirait par un gaspillage de temps et d'argent à acquérir une formation qui n'a guère de chance de déboucher sur un emploi.

Recommandation 75

La commission recommande que la province, en collaboration avec la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador, la nation Innu et le College of the North Atlantic, coordonne l'établissement d'un répertoire des compétences, pour aider les parties à élaborer des programmes de formation convenable et d'assister les particuliers dans leur planification de carrière.

Une autre question qui a été soulevée relativement à la formation était la façon d'aider les travailleurs à obtenir la formation et l'expérience dont ils ont besoin pour pouvoir travailler à la mine aux étapes de l'exploitation. Lors des audiences publiques, la VBNC a esquissé ses plans en vue de former les membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu dans d'autres de ses installations minières; ces stagiaires pourraient ensuite agir à titre de mentors sur le chantier du projet. Le conseil provincial des métiers de la construction a recommandé que l'on utilise l'étape de la construction pour aider les travailleurs en formation à devenir des ouvriers qualifiés. Cette pratique, connue sous le nom de protection excessive de la main-d' uvre », nécessite qu'un employé pleinement qualifié travaille avec le stagiaire. A cause de ses conséquences financières, elle doit être prévue dès le début dans la planification du projet. Le conseil a aussi attiré l'attention de la commission sur les questions de sécurité qui se posent lorsque les employeurs utilisent des employés inexpérimentés sur les chantiers de construction sans exercer une supervision convenable. La pratique proposée aide également à régler ce problème.

Des habitants de la côte septentrionale possèdent probablement déjà les compétences et l'expérience pertinentes et la VBNC devrait tout mettre en uvre pour les recruter à l'étape de la construction. La commission reconnaît, toutefois, que le projet pourrait ne pas employer un grand nombre de travailleurs autochtones à cette étape, à cause des compétences spécialisées requises et de la courte durée des travaux. La commission en conclut qu'il n'est guère logique de monter une vaste campagne de formation de nouveaux travailleurs de la construction, en raison de la nature éphémère du travail. La commission appuie plutôt la proposition de la VBNC concernant le mentorat et elle est d'accord avec le conseil provincial des métiers de la construction qui propose que des travailleurs puissent acquérir une expérience en cours d'emploi à l'étape de la construction et devenir des ouvriers qualifiés qui occuperont par la suite un poste d'une durée prolongée aux étapes ultérieures du projet.

Recommandation 76

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, établisse, préalablement à l'approbation du projet, un quota de stages d'apprentissage qui seraient offerts à l'étape de la construction et qui mettrait l'accent sur les compétences transférables aux étapes ultérieures de l'exploitation. Dans le cadre du processus d'appels d'offres, la VBNC devrait exiger des soumissionnaires qu'ils établissent ces postes d'apprentis.

Parmi les autres obstacles aux occasions de formation, les intervenants Inuit et Innu ont décrit l'isolement et le sentiment d'abandon que ressentent souvent les habitants de la côte septentrionale lorsqu'ils doivent se rendre dans de grands centres pour suivre un programme de formation ou des cours, surtout s'il y a peu ou pas de participants autochtones. Les femmes autochtones qui entrent dans des professions non traditionnelles peuvent devoir faire face à un double obstacle. L'expérience de l'Association des Inuit du Labrador indique que les programmes de formation donnés dans les collectivités où résident les participants permettent d'obtenir des taux plus élevés de maintien en fonction et de réussite.

En se fondant sur les preuves présentées, la commission est convaincue que le maintien de l'effectif de stagiaires pourrait devenir un problème dans les cours de formation. Par conséquent, les programmes de formation doivent dans la mesure du possible regrouper un nombre suffisant de travailleurs de même origine. Le fait d'installer dans la mesure du possible les centres de formation dans les collectivités de la côte septentrionale pourrait aider la VBNC à surmonter cette difficulté éventuelle. Toutefois, la société minière devrait appliquer d'autres mesures d'action positive, surtout en ce qui concerne les femmes, pour que les participants ne se sentent pas isolés et soient par conséquent moins susceptibles de décrocher. La commission reconnaît la valeur du processus de recherche et de reconnaissance des compétences de la VBNC, y compris des activités de formation des mentors autochtones. La commission croit que le fait de faire participer l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu à l'élaboration et à la mise en uvre de ce processus lui donnerait plus de crédibilité et le rendrait plus pertinent sur le plan culturel, donc plus efficace.

La VBNC devrait accorder une attention toute particulière au processus de recherche et de reconnaissance pour attirer des femmes qui pourraient vouloir travailler au complexe minier projeté, mais qui se croient inexpérimentées ou qui sont intimidées par un certain nombre d'obstacles.

Recommandation 77

La commission recommande que, dès l'approbation du projet, les parties l'entente multipartite sur la formation, élaborent une stratégie en vue d'accomplir les tâches suivantes :

  • donner certains programmes de formation, à l'extérieur de la formation de base des adultes, dans les collectivités de la côte septentrionale concernées par le projet;
  • établir des programmes de soutien formel et informel, comme des groupes de soutien, des services de counselling ou de mentorat, aux étudiants autochtones qui doivent partir de chez eux pour suivre des cours de formation;
  • fournir un soutien supplémentaire, comme des services de garderie, pour donner aux femmes, et plus particulièrement aux femmes qui sont chefs de famille monoparentale, l'égalité d'accès à la formation;
  • établir un programme de surveillance permettant d'effectuer le suivi des résultats de la formation, y compris le nombre de stagiaires qui ont participé, qui ont terminé le programme ou qui ont abandonné, ainsi que leur aptitude à trouver du travail, pour aider les parties à améliorer le programme, le cas échéant.

Recommandation 78

La commission recommande que la VBNC, pour renforcer le processus de recherche et de reconnaissance, travaille en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu pour poursuivre l'élaboration et la mise en uvre du processus. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu devraient assumer le rôle principal en ce qui concerne la conduite des ateliers. Ce partenariat devrait comprendre les Tongamiut Inuit Annait et les femmes Innu désignées par la nation Innu, pour veiller ce que les ateliers de recherche et de reconnaissance répondent vraiment aux préoccupations et aux besoins des femmes autochtones.

15.1.2 Syndicalisation

Certains intervenants se sont déclarés préoccupés par le fait que la syndicalisation de la main-d' uvre du projet pourrait limiter l'accès l'emploi pour les habitants de la région. En raison du régime provincial en matière de travail, tous les grands projets de construction réalisés récemment dans la province ont employé des travailleurs syndiqués et la commission a appris que ce serait probablement le cas aussi pour la construction du projet de la baie Voisey.

Les étapes de l'exploitation ne relèveraient pas automatiquement de la juridiction d'un régime syndical légiféré. Toutefois, les intervenants craignaient qu'un syndicat arrivant pendant les étapes de l'exploitation puisse exiger que la VBNC embauche des travailleurs de l'extérieur de la région et qu'une telle situation pourrait rendre nul le principe de contiguïté. Pendant les audiences, la province a donné des précisions ce sujet. Si le lieu de travail devait être syndicalisé pendant l'exploitation, la VBNC devrait négocier avec l'agent négociateur une convention qui comprendrait tous les engagements pris à l'égard de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu par le biais des ententes sur les impacts et les avantages, qui sont aussi des conventions ayant force obligatoire pour les parties. On a présenté des preuves, à la fois pendant les audiences et dans des documents écrits, montrant que dans des situations semblables les conventions collectives ont respecté les engagements pris par les employeurs dans des ententes sur les impacts et les avantages.

La commission conclut que si l'entente sur les impacts et les avantages comporte le principe de contiguïté comme clause exécutoire, la syndicalisation ne pourra pas se dresser en obstacle à l'embauchage pour les gens de la région.

15.1.3 Accès à l'emploi pour les collectivités du sud de Rigolet

L'étude d'impact environnemental mentionnait brièvement les collectivités de la côte méridionale et de Labrador Straits. Elle indiquait que ces régions représentent ensemble 17 pour cent de la population du Labrador, mais elle prévoyait qu'elles obtiendraient moins de trois pour cent du total des emplois et des revenus du projet. La VBNC n'a désigné aucune collectivité sur la côte méridionale comme point d'embarquement, mais elle a affirmé qu'elle étudierait le nombre d'employés provenant de la région et qu'elle envisagerait de désigner un point d'embarquement si le nombre d'employés le justifiait.

A Cartwright, des intervenants, y compris des représentants de la nation métisse du Labrador ont déclaré à la commission que l'absence de point d'embarquement désigné représentait un sérieux obstacle à l'emploi. Les habitants de la côte méridionale qui voudraient travailler au projet devraient payer les frais de déplacement supplémentaires pour se rendre à Goose Bay ou y déménager. Si la VBNC assurait le transport jusqu'à ne serait-ce qu'une seule collectivité de la côte méridionale, cela augmenterait les possibilités d'emploi pour les habitants. Il est également possible que les collectivités de la côte méridionale soient reliées d'ici peu par une route.

La commission convient que, pour permettre aux habitants de la côte méridionale de profiter des dispositions du principe de contiguïté (stipulant qu'après les membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, la préférence sera accordée aux autres habitants du Labrador), la VBNC devrait établir un point d'embarquement dans cette région.

Recommandation 79

La commission recommande que la VBNC désigne Cartwright comme point d'embarquement des employés du projet, et envisage la possibilité d'en établir un autre dans une collectivité située au sud de Cartwright, si les circonstances le justifient.

15.1.4 Langue et préoccupations culturelles

Pour aider les Autochtones à s'adapter au lieu de travail et pour aider adapter le lieu de travail aux Autochtones, la VBNC a proposé les mesures d'atténuation suivantes :

  • engager des coordonnateurs autochtones de l'emploi chargés des relations avec les employés, qui verraient d'abord au processus d'embauchage, puis qui étendraient leurs interventions aux relations avec la collectivité;
  • servir sur place des aliments tirés de la nature, dans la mesure du possible;
  • établir un Programme d'aide aux employés pour répondre aux besoins des travailleurs et de leurs familles qui auront à s'adapter au travail par rotation à la mine;
  • avoir sur place des interprètes qui assisteront les travailleurs qui ne parlent pas l'anglais couramment;
  • autoriser un congé culturel de deux semaines sans solde qui, combiné avec la période des congés, permettrait de prendre deux périodes de six semaines que les travailleurs pourraient consacrer à la pêche et la chasse;
  • fournir une initiation aux différences culturelles à tous les travailleurs, autochtones ou non.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, ainsi que des particuliers, ont exprimé des réserves à propos de la capacité de la VBNC répondre aux besoins de la culture autochtone à la mine ou à l'usine de concentration. Ils étaient préoccupés par la possibilité offerte aux travailleurs autochtones d'utiliser leur propre langue sur le chantier, de trouver à la cafétéria des aliments tirés de la nature et d'avoir des périodes de travail souples permettant d'accommoder leur style de vie.

La VBNC a indiqué que l'anglais serait la langue de travail sur le complexe minier, et a présenté des statistiques selon lesquelles 97,5 pour cent des gens dans les collectivités inuit et 88 pour cent dans les collectivités innu parlent anglais. En se fondant sur leurs propres recherches, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont contesté la validité de ces chiffres, ainsi que la définition de l'aptitude à parler une langue. Les deux groupes autochtones ont manifesté des réserves à propos de la sécurité sur les lieux de travail si leurs langues ne pouvaient pas être utilisées dans certaines situations.

L'Association des Inuit du Labrador a recommandé que, chaque fois que cela serait possible, des mesures spéciales soient prises pour accommoder les besoins linguistiques. A titre d'exemple, l'Association des Inuit du Labrador a suggéré que les systèmes de communication entre les aiguilleurs et les chauffeurs de camions de transport pourraient être organisés pour que l'on utilise l'inuktitut ou l'innu-eimun, si tous les travailleurs sur certains quarts parlaient la même langue.

La commission croit que les questions culturelles présenteraient un défi majeur pour la VBNC et pour les travailleurs, la langue n'étant qu'une question parmi tant d'autres. Dans les collectivités côtières, certaines personnes ont indiqué que les travailleurs autochtones auraient beaucoup de difficultés à s'adapter au travail à la mine. La commission a entendu les récits de travailleurs autochtones qui avaient subi du harcèlement sexuel et racial, ou qui pensaient que l'on ne comprenait pas leur situation personnelle et qui avaient par conséquent abandonné le lieu de travail. La commission a aussi entendu des exemples d'attentes auxquelles la VBNC ne serait pas en mesure de répondre. Ainsi un homme se demandait pourquoi un travailleur ne pourrait pas juste décider de rester pour prolonger son quart s'il n'avait aucune raison de rentrer chez lui.

Dans plusieurs collectivités, des intervenants ont soulevé la question des politiques de la société minière à propos du renvoi des employés pour des infractions au règlement en vigueur sur le lieu de travail, comme la possession de drogues ou d'alcool. On ne contestait pas le droit de la VBNC d'appliquer ces règles, mais certains encourageaient la VBNC à établir des politiques équitables qui permettraient à des employés renvoyés pour ces raisons d'avoir « une deuxième chance » et d'être réembauchés après une période convenable de temps.

La commission croit que le maintien en fonction des travailleurs autochtones serait un défi de taille pour la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, pour que le projet puisse continuer à offrir des avantages sociaux durables et équitables. Devenir un ouvrier qualifié et obtenir du travail serait un obstacle de taille à franchir pour de nombreux Autochtones, mais s'adapter aux exigences et aux contraintes d'un horaire par rotation, aux longs quarts et à un lieu de travail industriel pourrait devenir avec le temps un obstacle beaucoup plus important, surtout pour ceux qui auraient déjà des problèmes sociaux comme l'abus de substances toxiques ou qui auraient à faire face à de fortes pressions familiales ou sociales pendant leurs deux semaines de séjour chez eux.

Parallèlement, la commission sait qu'il existe dans le Nord d'autres projets miniers qui emploient une main-d' uvre autochtone importante et stable. Lors des audiences, la VBNC a présenté à la commission des documents qui montraient certains exemples de modalités adoptées par des collectivités autochtones de concert avec des entreprises pour créer des conditions dans lesquelles les travailleurs peuvent maintenir leur style de vie communautaire et traditionnel tout en occupant des emplois rémunérés dans le secteur minier.

La commission félicite la VBNC pour les mesures d'atténuation qu'elle a proposées en vue de favoriser le maintien en fonction des employés autochtones, et elle lui suggère d'appliquer rigoureusement sa politique concernant l'amélioration permanente à cet égard, en étudiant les cas d'adaptation fructueux et en trouvant les motifs qui incitent certains employés à partir. La commission s'inquiète de ce que, malgré ses bonnes intentions, il pourrait sembler plus facile à la VBNC de remplacer un Autochtone qui part, volontairement ou non, par un employé non autochtone qui possède une vaste expérience de l'exploitation minière, plutôt que d'apporter de nouveaux changements aux conditions de travail ou de donner une nouvelle chance aux employés autochtones.

Recommandation 80

La commission recommande que, avant d'engager des coordonnateurs autochtones de l'emploi, la VBNC mette sur pied un comité conjoint avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, pour établir une version définitive de la description des fonctions et des qualifications requises de ces coordonnateurs. Ce comité devrait aussi travailler avec les coordonnateurs pour établir des directives pour les programmes de lutte contre le racisme et d'initiation aux différences culturelles qui seront donnés sur place.

Recommandation 81

La commission recommande que la VBNC adopte une politique en vue d'établir les modalités et les critères à utiliser pour décider si un employé, qui part de son plein gré ou qui est renvoyé pour un motif valable, peut présenter une nouvelle demande d'emploi au complexe minier et quand il peut le faire. Grâce à ses coordonnateurs autochtones de l'emploi, la VBNC devrait être prête à travailler avec les employés éventuels pour discuter avec eux de quelles façons la VBNC pourrait les aider personnellement à essayer de travailler de nouveau et de quelle manière la VBNC pourrait régler les problèmes propres au milieu de travail.

La politique devrait, de façon raisonnable, donner une deuxième chance, selon des conditions convenables, aux employés qui pourraient avoir eu de la difficulté à s'adapter à un milieu de travail industriel fonctionnant par rotation, mais qui souhaitent essayer de nouveau.

Recommandation 82

La commission recommande que la VBNC, par le biais des coordonnateurs autochtones de l'emploi, vérifie le degré de satisfaction des employés autochtones en ce qui concerne les conditions linguistiques et culturelles du milieu de travail, ainsi que les motifs qui incitent des employés autochtones à partir, et qu'elle utilise ces renseignements pour maintenir et même améliorer le taux de maintien de l'effectif autochtone.

15.1.5 Les femmes et l'emploi

Les femmes du Labrador ont abordé le sujet des barrières auxquelles elles seraient confrontées dans le processus d'embauchage du projet minier. Une représentante du Conseil consultatif sur la situation de la femme l'Ouest du Labrador, en parlant de l'inégalité des chances à laquelle les femmes sont confrontées, a souligné que les femmes veulent « l'équité des chances; l'équité en matière de choix; l'équité en matière de sécurité; l'équité en matière de droits; l'équité en matière de sécurité financière et d'indépendance; l'équité en matière d'accès aux études et à la formation; l'équité en matière de choix quant à l'utilisation de cette même formation et de ces mêmes études sur le marché du travail, ainsi que l'équité en ce qui a trait aux avantages à tirer des ressources de notre territoire .

De nombreuses personnes ont indiqué que le secteur minier est encore dominé par des hommes. La participation des femmes à travers le pays ne représente en effet qu'un pourcentage stable s'établissant entre dix et onze pour cent de la totalité des emplois. Selon les chiffres avancés par la Commission de développement des femmes et de ressources, les femmes du Canada atlantique employées conjointement dans les secteurs des mines et de la construction ne représentent pour leur part que 1,8 pour cent de la totalité des emplois.

La VBNC a déclaré qu'elle est disposée à modifier ce ratio dans le cadre du projet de la baie Voisey et a annoncé son engagement envers l'égalité en matière d'emploi. La VBNC a par ailleurs informé la commission qu'à titre de filiale d'Inco, elle est tenue de se conformer à la Loi sur l'égalité en matière d'emploi. La VBNC s'est efforcée de faire avancer le processus de recherche et de reconnaissance en organisant, à titre de projet pilote, un atelier pour les femmes. Un plan d'embauchage de l'effectif féminin, ainsi qu'une politique contre le harcèlement sexuel et le harcèlement racial ont également été élaborés. Quoique ces efforts aient été reconnus, les groupes de femmes qui ont témoigné devant la commission croient que la VBNC aurait dû aller plus loin. La Commission de développement des femmes et des ressources a particulièrement exprimé son inquiétude relativement au fait que le plan d'embauchage de l'effectif féminin soumis par la VBNC au cours des audiences est loin de constituer un processus exhaustif d'égalité en matière d'emploi.

La VBNC a élaboré une politique à l'égard du harcèlement sexuel en abordant des préoccupations telles que les plaisanteries à caractère sexistes, l'étalage de matériel à caractère sexuel, ainsi que l'utilisation d'un langage sexuellement dégradant. Plusieurs participants, représentant notamment le Bureau de la situation de la femme (gouvernement provincial), ont toutefois indiqué que les femmes subiront également des comportements plus subtils pouvant ainsi contribuer à « empoisonner » le climat en milieu de travail pour les femmes. Cette situation est perçue comme étant particulièrement vraie dans les milieux de travail où la plus grande partie de l'effectif occupe des postes dans lesquels les femmes sont traditionnellement sous-représentées. On est également inquiet du fait que les femmes autochtones pourraient être particulièrement vulnérables. Des auteurs d'exposés ont donc recommandé que la VBNC aborde le problème du harcèlement sexuel dans une perspective plus vaste.

Le gouvernement et des groupes communautaires ont laissé entendre que la VBNC ne prendra pas de véritable engagement à l'égard de l'équité en matière d'emploi à moins de développer un programme d'action positive dynamique qui établira des objectifs concrets. De même, la VBNC devrait établir des objectifs mesurables à l'égard de son programme d'initiation aux différences culturelles et de son programme de sensibilisation au traitement différent réservé aux hommes et aux femmes. Quelques-uns des participants ont déclaré que la VBNC n'avait pas suffisamment consulté les groupes de femmes lors de l'élaboration des programmes existants, et qu'elle n'avait pas tenu compte de certains groupes tels la Commission de développement des femmes et des ressources. Cette omission est d'autant plus déplorable que cet organisme possède une vaste expérience de l'élaboration de programmes efficaces concernant l'équité en matière d'emploi.

Des auteurs d'exposés ont également indiqué que la VBNC devrait mener une analyse comparative entre les sexes telle que définie dans l'un des mémoires présentés au nom des femmes Inuit et Innu et du bureau terre-neuvien du réseau Femmes dans les métiers et les technologies. Ce mémoire se penche sur « la situation des femmes, c'est-à-dire leurs réalités, leurs expériences et les sujets qui revêtent de l'importance à leurs yeux ». Ces auteurs ont également prôné la participation des femmes dans tous les aspects de la planification du programme, depuis le choix des sujets de recherches, jusqu'à l'intégration complète des femmes à titre de sources d'information.

La commission estime qu'en ce qui concerne les questions relatives aux femmes, tout comme pour ce qui touche les préoccupations du peuple autochtone en général, la VBNC doit élaborer un processus de consultation exhaustif grâce auquel les groupes concernés pourront participer à l'élaboration des programmes qui auront une incidence sur leur vie.

Recommandation 83

Avant d'autoriser le projet, la commission recommande que la VBNC passe en revue les programmes d'aide aux employés existants, y compris, sans toutefois s'y limiter, le plan pour l'emploi des femmes et la politique sur le harcèlement, pour que l'on tienne compte des préoccupations des femmes. Lors de l'élaboration des programmes révisés, la VBNC devrait :

  • tenir des consultations auprès des femmes Innu choisies par la nation Innu, ainsi que des représentantes du Tongamiut Inuit Annait, du Comité de mise en valeur des ressources des femmes (Women's Resource Development Committee), du Conseil consultatif provincial sur la condition de la femme et du Bureau de la politique sur les femmes (gouvernement provincial);
  • recourir à l'analyse fondée sur le sexe;
  • inclure des procédures et des objectifs concrets pour assurer la conformité aux lois fédérales concernant l'équité en matière d'emploi et à la politique provinciale relative au harcèlement sexuel.

De nombreuses femmes ont déclaré à la commission que leurs responsabilités familiales en matière de soin aux enfants et aux personnes âgées constitue un autre obstacle à l'emploi des femmes. Au cours des séances visant à déterminer les problèmes et les priorités de l'évaluation et lors des audiences, les participants ont discuté de la façon d'assurer la garde des enfants durant le projet. Les membres du Tongamiut Inuit Annait ont fortement soutenu l'idée de prévoir une garderie sur place pour les mères qui ont des enfants d'âge pré-scolaire, car passer deux semaines à l'extérieur de la maison représente une longue période pour les parents qui ont de jeunes enfants.

La commission reconnaît la validité des préoccupations des femmes à l'égard de leurs enfants et des soins à prodiguer aux personnes âgées. Toutefois, elle comprend aussi la position de la VBNC selon laquelle une garderie sur les lieux de travail n'est pas une solution pratique, compte tenu de la nature du complexe industriel et des espaces physiques disponibles, sans compter le fait que les employés seront au travail pendant des périodes de 12 heures et qu'il leur restera que peu de temps à consacrer à leurs responsabilités familiales. La commission estime également qu'il incombe la VBNC, à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu d'aplanir, autant que possible, les obstacles qui se dressent devant les femmes désireuses de se joindre à l'effectif du complexe minier.

La commission croit que la démarche la plus efficace consisterait à élaborer un programme convenable de garderie au sein de chaque collectivité ou améliorer les programmes existants. Le coût d'un service de garde ouvert 24 heures serait toutefois prohibitif et cela ne serait pas en soi une solution souhaitable. Une garderie ouverte durant les heures normales de travail ou même pendant les heures supplémentaires pourrait apporter une aide aux autres membres de la famille qui ont déjà la garde des enfants des employés de la VBNC. Cela permettrait également aux femmes et aux hommes de la collectivité de tirer parti des emplois liés au projet. C'est l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, avec l'aide de la province, qui devraient être responsables de l'élaboration d'un tel service. La VBNC, quant à elle, devrait fournir des ressources par l'entremise des paiements versés dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages.

Reconnaissant que des situations d'urgence familiale pourraient survenir et causer un stress énorme aux employés, la VBNC devrait également soutenir les employés qui ont des responsabilités familiales en leur donnant des congés en cas d'urgence.

Recommandation 84

La commission recommande que, au cours des négociations bilatérales relatives aux ententes sur les impacts et les avantages, la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu soulèvent la question des besoins en matière de ressources qui permettraient à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu d'élaborer un programme exhaustif de garderies communautaires à l'intention des familles dont un parent travaille au complexe minier.

Recommandation 85

La commission recommande que la VBNC élabore une politique de congé familial en cas d'urgence pour les employés qui ont des enfants ou des personnes âgées à charge.

La commission a pris note des commentaires formulés par de nombreuses femmes Inuit qui n'étaient pas convaincues que les négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages tenaient compte des préoccupations des femmes, notamment la question des garderies. La commission n'a pas pris part à ces négociations et elle ne peut donc pas commenter la justesse de ces propos. Toutefois, l'Association des Inuit du Labrador a indiqué son intention de s'assurer que les femmes seront consultées et appelées intervenir et que leurs préoccupations seront entièrement prises en compte. La commission incite l'Association des Inuit du Labrador à examiner les commentaires et les préoccupations des femmes qui ont participé aux audiences et de s'impliquer avec la Tongamiut Inuit Annait et d'autres organismes Inuit pour soulever les points qui n'ont pas encore été réglés.

15.1.6 Programme d'aide aux employés et ententes sur les impacts et les avantages

La VBNC reconnaît que plusieurs barrières se dressent devant les résidents de la côte nord et a indiqué que ses principales mesures d'atténuation consisteront à établir un Programme d'aide aux employés, ainsi que des mesures particulières dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages.

La VBNC verrait à offrir aux employés et à leur famille immédiate un Programme d'aide aux employés. Ce programme prévoit un service initial de counselling offert par les coordonnateurs autochtones de l'emploi, des services d'orientation, des services supplémentaires prodigués par d'autres organismes ou par du personnel médical, des services de counselling et des programmes de sensibilisation concernant des questions telles que la gestion financière, le stress, la violence familiale et l'abus de substances toxiques, ainsi que des séances d'orientation en milieu de travail pour les nouveaux employés.

Dans le but d'aider les hommes et les femmes Innu à trouver de l'emploi, un mémoire présenté conjointement par la nation Innu et la VBNC indique que l'entente sur les impacts et les avantages de la nation Innu comportera les dispositions suivantes :

  • un programme d'éducation et de formation;
  • une entente de principe visant à établir des objectifs d'emploi quantitatifs conformément à l'engagement pris par la VBNC dans le cadre de son principe de contiguïté;
  • des mesures particulières qui permettent de s'assurer que les exigences en matière d'éducation formelle ne soient pas érigées en obstacle à l'emploi des Innu;
  • l'embauche d'un coordonnateur Innu de l'emploi, qui participera aux entrevues et au processus de sélection pour chacun des candidats;
  • des mesures pour créer un environnement de travail qui respecte la culture et les valeurs Innu et qui assure le bon fonctionnement du projet;
  • un plan détaillé des conditions en milieu de travail, comprenant une politique de lutte contre la discrimination, un programme obligatoire d'initiation aux différences culturelles, destiné à tous les employés, un programme de mentorat administré par et pour les employés Innu, l'accès de la nourriture traditionnelle et des dispositions relatives aux congés à caractère culturel et au partage de l'emploi.

L'Association des Inuit du Labrador et la VBNC n'ont pas parlé de leurs négociations de façon aussi détaillée, mais la commission croit comprendre que l'Association a manifesté le même type de préoccupations lors des négociations relatives à l'entente sur les impacts et les avantages. Elle a indiqué qu'elle ne s'était pas encore entendue avec la VBNC en ce qui concerne les mesures d'embauchage favorables aux Inuit, y compris les façons d'aborder le principe de contiguïté. L'Association des Inuit du Labrador a aussi indiqué que les parties n'avaient pas encore conclu d'entente en matière d'équité entre les sexes telle que, par exemple, la formation des femmes Inuit, la participation des femmes Inuit au marché du travail, l'élaboration de conditions de travail convenables dans un contexte de sensibilisation aux différences entre les sexes, ainsi que la représentation des femmes au sein du comité de mise en uvre de l'entente sur les impacts et les avantages, dont on a proposé la création.

15.2 Occasions d'affaires

La VBNC a remis une liste préliminaire de marchés commerciaux qui seraient nécessaires à la réalisation du projet, ainsi que des renseignements sur la répartition des retombées économiques pour les entreprises au cours de l'étape de l'exploration. Elle a aussi indiqué qu'elle effectuait présentement une étude sur les possibilités d'approvisionnement au Labrador et dans le reste de la province, dont les résultats devront demeurer confidentiels. Cette étude comprendra notamment l'établissement de points de repère au niveau national. Les prévisions de la VBNC relativement à l'emploi et aux revenus indirects dont faisait état l'étude d'impact environnemental n'étaient pas fondées sur cette étude approfondie.

La VBNC a par ailleurs indiqué que les entreprises du Labrador possèdent une expérience diversifiée en matière de fournitures de biens et de prestation de services. La région ouest du Labrador possède, quant à elle, une vaste expérience des services aux industries minières. Pour sa part, la région de Happy Valley-Goose Bay est la plaque tournante du transport et abrite un centre d'opération de vols militaires internationaux depuis bon nombre d'années. La côte nord et d'autres collectivités du Labrador ont eu peu d'occasions d'acquérir une expérience des affaires à grande échelle. Elles subissent en outre les entraves d'une infrastructure limitée sur le plan des transports.

Par conséquent, la VBNC prévoit que les régions de Happy Valley-Goose Bay et de l'Ouest du Labrador profiteront le plus des retombées économiques générées par le projet. Il est toutefois possible que Nain puisse en retirer certains avantages en raison de la courte distance qui la sépare de l'emplacement du projet. La VBNC a par ailleurs indiqué que la nation Innu et la Commission de développement des Inuit du Labrador avaient entrepris des pourparlers concernant la création de coentreprises avec d'autres entreprises, pour accroître leur capacité d'obtenir des marchés dans le cadre du processus d'appels d'offre de la VBNC.

15.2.1 Effets et avantages économiques prévus

Selon les prévisions de la VBNC, le projet permettrait de diversifier sensiblement l'économie locale du Labrador. Toutefois, elle ne donne pas beaucoup de détails sur la façon dont cela pourrait se produire. Elle quantifie comme suit les avantages économiques pour les entreprises locales, régionales et provinciales pendant la durée du projet :

  • les entreprises et les travailleurs du Labrador et de Terre-Neuve toucheraient 16 pour cent des dépenses en biens et services;
  • les entreprises du Labrador fourniraient presque 43 pour cent des biens et services achetés dans la province, soit deux milliards de dollars;
  • l'emploi indirect générerait des revenus totalisant 1,48 milliard de dollars dans l'ensemble de la province, dont 436 millions au Labrador et 74 millions sur la côte nord du Labrador.

En raison des revenus supérieurs liés à une participation accrue au marché de l'emploi rémunéré, la VBNC croit que la côte nord serait la principale bénéficiaire d'une augmentation de l'emploi grâce à la croissance du marché de la vente au détail et à l'expansion des entreprises liées à l'amélioration des infrastructures et des services. Ces prévisions sont plus élevées pour Nain que pour les autres régions de la côte en raison de la migration d'entrée vers Nain. En ce qui concerne l'augmentation du nombre d'entreprises par induction, les prévisions sont plus élevées en ce qui concerne les grands centres.

Lors des audiences, la VBNC a mis à jour les renseignements provenant du Programme de surveillance des retombées industrielles, comme le décrit l'étude d'impact environnemental. Elle a rapporté que sur un total approximatif de 127 millions de dollars alloués à la province, 55 millions de dollars ont été dépensés au Labrador pour des biens et services nécessaires au projet. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont exprimé leur insatisfaction à l'égard des retombées dont ont bénéficié les entreprises autochtones jusqu'à maintenant. Dans un document déposé lors des audiences, la VBNC a indiqué qu'elle prévoit améliorer sa feuille de route grâce aux dispositions relatives aux occasions d'affaire que comprendront les ententes sur les impacts et les avantages.

Lors des audiences, la VBNC a aussi indiqué qu'elle voulait inclure dans ces ententes des mesures visant à offrir aux Autochtones des possibilités en matière de participation au projet, notamment des objectifs en matière de participation des entreprises et une politique préférentielle en matière d'occasions d'affaire. Du même coup, la VBNC a indiqué que l'opportunité ne constituait qu'une partie de l'équation, l'autre partie étant leur capacité en matière d'approvisionnement.

Pour augmenter la capacité d'affaires des Autochtones, la VBNC s'est engagée à soutenir la création d'un fonds renouvelable de prêts à l'entreprise, ainsi que d'un centre d'affaires. Elle a fait part de ses multiples rencontres avec des groupes de travail en vue de déceler les possibilités offertes aux Autochtones pour tirer parti des marchés liés au projet. Ces groupes de travail ont discuté des mesures que pourraient adopter l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu pour chercher à obtenir ces marchés. La VBNC a également indiqué que ces dernières ont établi des coentreprises distinctes dont les soumissions ont été acceptées; l'Association des Inuit du Labrador a obtenu un marché pour l'exploitation et l'entretien du campement. La nation Innu a obtenu des marchés pour des services d'alimentation et d'entretien ménager.

L'étude d'impact environnemental qualifie de mineurs les effets environnementaux nuisibles sur les entreprises et les emplois connexes au cours de la construction et de l'exploitation. Elle indique que ces effets seront de courte durée et disparaîtront facilement avec le temps. Voici quelques-uns des effets négatifs qui ont été relevés :

  • une certaine perturbation au sein des commerces qui donneraient la priorité à la mine plutôt qu'à la clientèle habituelle;
  • la fermeture d'entreprises à cause de l'accroissement de la concurrence;
  • l'augmentation des salaires car les entrepreneurs sont contraints d'offrir des salaires comparables à ceux de la VBNC;
  • le déplacement de la main-d' uvre vers la mine ou vers les entreprises qui, en raison de leur meilleure situation financière résultant de leurs affaires avec la VBNC, peuvent se permettre d'offrir des emplois plus rémunérateurs.

15.2.2 Mesures d'atténuation

Tout comme pour l'emploi direct, la VBNC a déclaré qu'elle tenterait d'améliorer la participation des entreprises locales et de réduire les effets négatifs lors de l'achat de biens et services, en appliquant le principe de contiguïté et les dispositions particulières des ententes sur les impacts et les avantages. La VBNC n'a pas précisé de quelle façon les entreprises seraient touchées par le principe de contiguïté.

L'étude d'impact environnemental précise toutefois que les ententes sur les impacts et les avantages assurerait un nombre d'emplois suffisant et des occasions d'affaires pour les membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu. A titre d'exemple, la VBNC a indiqué, lors des audiences, qu'elle négocie présentement avec la nation Innu dans le but d'instituer un Comité consultatif sur le développement du commerce, qui favorisera la participation des entreprises Innu et créera plus d'occasions d'affaire au sein de la collectivité Innu. On négocie présentement des dispositions semblables dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages avec l'Association des Inuit du Labrador. La VBNC croit également que les ententes sur les impacts et les avantages amélioreraient les organismes de gens d'affaire par une injection de fonds accrue et aideraient ainsi les Innu et les Inuit à façonner leur propre avenir économique.

15.2.3 Préoccupations du public et du gouvernement

Lors des audiences, de nombreux auteurs de mémoires ont indiqué que le projet devrait durer au moins 20 ans pour que les entreprises du Labrador en tirent effectivement parti et pour stimuler la diversification économique. Le chapitre 3, intitulé : Nécessité de réaliser le projet et intendance des ressources, aborde cette question.

Il existe une seconde préoccupation majeure liée à l'approvisionnement en biens et services : des participants qui représentaient des entreprises des régions de Happy Valley-Goose Bay, de l'Ouest du Labrador et de la côte nord ont déclaré qu'ils n'ont pas été en mesure d'élaborer de projets d'avenir parce qu'ils n'avaient pas été informés des exigences de la VBNC. A titre d'exemple, ils ignoraient le type de biens que la VBNC comptait transporter sur le trajet de retour des minéraliers. Ils ignoraient également quels biens la société minière pourrait se procurer dans les entreprises du Labrador. Des participants se sont également informés des procédures de passation de marchés et voulaient savoir si on leur fournirait des occasions équitables de déposer des soumissions. L'Agence de promotion économique du Canada atlantique a indiqué que la VBNC, en réponse à ces préoccupations, devrait élaborer une stratégie explicite de mise en valeur des fournisseurs visant à fournir des renseignements en temps opportun et à établir des procédures d'appels d'offre, ce qui permettrait aux entreprises locales d'être dans la course au même titre que les autres soumissionnaires.

Des regroupements d'entreprises de Labrador City et de Wabush ont indiqué qu'ils étaient préoccupés par le fait que la VBNC accepterait des soumissions pour des produits livrés au point de débarquement des concentrés ou à un autre port à l'extérieur du Labrador, et qu'ils ajouteraient ensuite les coûts liés au transport jusqu'à l'anse à Edward. Une telle pratique désavantagerait les soumissionnaires locaux dont le prix des fournitures est plus élevé parce qu'ils comprennent les frais de transport déjà payés jusqu'au Labrador.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont fait part des difficultés éprouvées par les entreprises locales qui ont tenté de tirer parti des occasions d'affaire qui se sont présentées au cours de l'étape de l'exploration. La Société de développement des Inuit du Labrador a déclaré que les entreprises autochtones auraient besoin d'une aide particulière pour être admissible à la sélection des fournisseurs car elles n'ont pas l'habitude de transiger avec de grandes entreprises.

Les deux groupes ont réitéré que le projet ne devrait pas démarrer avant la conclusion des ententes sur les impacts et les avantages. Ces ententes comporteraient en effet des dispositions particulières pour aider les entreprises autochtones à diversifier leur présence dans d'autres secteurs de développement économique, ce qui entraînerait des retombées à long terme pour leur communauté. Comme en fait foi la recommandation 5, la commission partage cette conclusion.

Conclusions et recommandations

La commission croit qu'il est important de s'assurer que les nouvelles entreprises du Labrador, autant que les entreprises existantes, participent le plus possible au projet pour les raisons suivantes :

  • selon les prévisions de la VBNC, au moins 25 pour cent des retombées économiques du projet au Labrador prendraient la forme d'emplois et de salaires indirects;
  • la croissance des entreprises locales procurerait aux particuliers un éventail élargi d'occasions d'affaires auxquelles ils pourraient participer. Il faut tenir compte du fait que tout le monde n'a pas le désir, ou la possibilité, de travailler dans un développement minier auquel on doit accéder par avion.

La commission partage l'avis de nombreux participants relativement au fait que les entreprises du Labrador ont besoin de plus amples informations sur les exigences de la VBNC en matière de biens et services, pour pouvoir planifier adéquatement. La société minière n'a pas encore choisi la destination ultime de ses minéraliers. La commission croit que la destination influera sur les décisions de la VBNC concernant l'origine des approvisionnements, ce qui aura une incidence sur les fournisseurs, de même que sur les entreprises de transport et de manutention du Labrador.

La commission constate que la VBNC n'a pas expliqué de quelle façon elle compte appliquer le principe de contiguïté à l'approvisionnement en biens et services. L'étude d'impact environnemental fait état des expériences observées relativement à l'approvisionnement en biens et services auprès d'entreprises locales dans d'autres mines situées à l'extérieur des agglomérations, mais la VBNC ne s'engage envers aucun plan précis. L'étude d'impact environnemental présente une image beaucoup plus positive de la région d'Upper Lake Melville qu'elle ne le fait pour la côte nord. Tout ce qu'elle peut offrir à la côte nord sont « ses meilleurs efforts... pour accorder des marchés sur la base des coûts, de la qualité et d'autres facteurs connexes » (étude d'impact environnemental, 21.2.5.1).

La commission reconnaît que les facteurs relatifs à l'emplacement, à l'expérience de l'entreprise en général et à l'expérience du secteur minier en particulier feront en sorte que les plus importantes agglomérations du Labrador seront privilégiées. La commission croit toutefois que le projet devrait aussi participer de façon significative au développement des entreprises autochtones au sein des collectivités de la côte nord. Cela demanderait à la VBNC de prendre des engagements particuliers, de poser des gestes concrets et de mettre en pratique sa politique d'amélioration continue.

La commission partage l'avis de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique relativement au fait que la VBNC devrait élaborer une stratégie comprenant notamment des objectifs mesurables et un processus de surveillance, pour s'assurer que les fournisseurs éventuels du Labrador auront toutes les occasions de se préparer et de déposer des soumissions; la VBNC devrait aussi établir des processus de communication, d'appels d'offre et d'octroi des marchés, pour aider la société minière à concrétiser ou à surpasser les retombées économiques prévues dans l'étude d'impact environnemental.

Recommandation 86

La commission recommande que la VBNC établisse, dès que possible et avant le démarrage des travaux de construction, en consultation avec des représentants des Autochtones et d'autres entreprises du Labrador, ainsi que des organismes fédéraux et provinciaux concernés, une stratégie détaillée de mise en valeur des fournisseurs qui comprendrait des procédures pour l'octroi de marchés et des mesures visant le développement des fournisseurs. Cette stratégie devra comprendre des objectifs concernant l'approvisionnement auprès des Autochtones et des entreprises du Labrador, que la société minière pourra surveiller et évaluer. Toutes les dispositions de cette stratégie devront être conformes aux engagements pris dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages.

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16 Vie familiale et communautaire et services publics

16.1 Famille, collectivité et culture

L'exploitation minière proposée par la VBNC serait le premier projet de développement de grande envergure dans le nord du Labrador. Pour les nombreux Autochtones qui y trouveraient un emploi, et pour leurs familles, il s'agirait du premier contact avec un lieu de travail industriel (et, plus précisément, avec des opérations minières) caractérisé par un service de navette aérienne, des quarts de travail de 12 heures et des salaires correspondant aux normes de l'industrie. Sauf dans le cas de la ville de Nain, la VBNC ne prévoit pas que le projet apporterait des changements importants à la taille ou à la composition démographique des diverses collectivités du Labrador. Par conséquent, la société minière s'attend ce que le projet influe sur les individus, les familles et les collectivités principalement par l'entremise des emplois directs.

Plusieurs des exposés présentés pendant les audiences parlaient de l'importance que prenait le fait de situer une grande exploitation minière et une usine de concentration sur des terres autochtones traditionnelles et de briser régulièrement les glaces de rive. Les auteurs de ces exposés affirmaient que ces développements auraient aussi des effets profonds sur les familles et les collectivités, que leurs membres choisissent, ou non, de travailler au projet.

Le présent chapitre porte principalement sur les conséquences du projet pour les familles et les collectivités de la côte septentrionale du Labrador et aborde en particulier les répercussions du projet sur la ville de Nain, qui en est la plus rapprochée.

16.1.1 Évaluation réalisée par la VBNC

La VBNC a décrit les collectivités Inuit et Innu du nord du Labrador comme étant inférieures à la moyenne sur le plan des revenus et supérieures la moyenne au niveau de la croissance démographique et des problèmes de société et de santé. Selon le Recensement du Canada de 1991, le revenu moyen d'une famille du Labrador était de 50 854 $. Dans le nord de la région, le revenu familial était très inférieur à la moyenne du Labrador, allant de 40 p. 100 de la moyenne dans la collectivité d'Utshimassits 67 p. 100 dans celle de Makkovik. La commission remarque que la moyenne du Labrador est sensiblement plus élevée que la moyenne provinciale; comme l'a toutefois souligné la VBNC, la plupart des ménages innu et inuit sont de 20 à 40 p. 100 plus gros que la moyenne du Labrador. Sur la côte septentrionale, 53 p. 100 de la population a moins de 25 ans, alors que cette proportion est d'environ 40 p. 100 en moyenne pour le Labrador tout entier.

La VBNC a déclaré que l'abus d'intoxicants restait l'un des problèmes sociaux les plus graves pour les familles et les collectivités innu et inuit. Ce problème est également la cause directe d'actes criminels et de violence familiale. La VBNC reliait d'autres problèmes sociaux, comme les taux élevés de fréquence de la maladie, de la mortalité et du suicide, aux mauvaises conditions socio-économiques qui subsistent dans la région. L'étude d'impact environnemental signale qu'entre 1979 et 1983, le taux de suicide dans le nord du Labrador était le double du taux national chez les autochtones et cinq fois le taux national enregistré pour l'ensemble des Canadiens. Les réductions imposées par la province aux paiements de transfert versés aux municipalités ont affaibli les infrastructures et les services sociaux.

La VBNC a fait remarquer qu'en dépit de ces problèmes, les liens d'attachement familial demeuraient solides, tout comme de nombreux autres aspects positifs de la vie dans le nord du Labrador. La société minière a également reconnu que les habitants de la région accordent une grande valeur à leur culture, leur langue et à leur spiritualité.

Selon les prévisions de la VBNC, la population et la demande de logements et de services municipaux continueront de s'accroître même si le projet ne voit pas le jour, aggravant d'autant plusieurs problèmes familiaux, sociaux et de santé qui existent déjà dans les collectivités. Le règlement des revendications territoriales aura un effet positif en donnant à la population une plus grande autonomie et en lui donnant les moyens de rehausser ses conditions de vie. Par ailleurs, la VBNC prévoit que la situation économique de la région ne s'améliorera pas substantiellement pendant un certain temps encore et que, par conséquent, les cas d'abus d'intoxicants, de violence familiale et de suicide pourraient rester nombreux. Le déplacement de la population d'Utshimassits permettra aux Innu Mushuau de trouver de l'emploi pendant plusieurs années et profitera à long terme à la vie familiale et communautaire.

Effets du projet

La VBNC prévoit que les changements démographiques, comme le montre le tableau ci-dessous, se produiront surtout à Nain, parce que cette municipalité est la plus proche du projet, ainsi que dans les secteurs de Happy Valley-Goose Bay et de l'ouest du Labrador, parce que ces deux régions pourraient devenir les principaux centres de services pour la mine. La migration d'entrée qui serait liée aux emplois directs devrait atteindre son maximum à l'étape de l'exploitation souterraine, lorsque le projet aura besoin de travailleurs hautement compétents et spécialisés.

Tableau 2 : Prévisions démographiques

Ville Population actuelle Nombre total prévu de travailleurs migrants1 Migration d'entrée totale prévue²
Nain 1 209 0 à 45 0 à 140
Happy Valley-Goose Bay 8 655 0 à 76 0 à 204
Ouest du Labrador 10 473 0 à 70 0 à 187

1 Tranche prévue pour toute la durée du projet.
² Travailleurs et leurs familles.

La VBNC a relevé un certain nombre d'effets nuisibles éventuels du projet, par exemple, le stress lié au travail, les écarts de revenus, l'augmentation du coût de la vie et les problèmes sociaux. Ainsi, pour bien des habitants de la région qui travailleront au projet, ce sera la première fois qu'ils occupent un emploi industriel à temps plein. Cette expérience pourrait se révéler stressante pour des personnes qui ne sont pas habituées à respecter des horaires stricts dans un milieu de travail industriel ou dans un bureau. La société minière a aussi mentionné le stress que subiront aussi les habitants de la région qui ne trouvent pas d'emploi au projet ou qui sont encore plus marginalisés par les changements environnementaux et culturels.

La plupart des employés du projet travailleront selon un calendrier en rotation comprenant deux semaines de travail suivies de deux semaines d'inactivité. La VBNC a admis que des travailleurs qui devront faire la navette, ainsi que leurs familles, pourraient connaître des problèmes émotifs liés à l'horaire de travail en rotation. Les salaires relativement hauts pourraient entraîner des difficultés de gestion financière et, conjugués un mode de travail intensif, favoriser aussi les épisodes de consommation abusive d'alcool ou de dépenses excessives lorsque les travailleurs retournent la maison à la fin de la période de travail de deux semaines.

Mesures d'atténuation

La VBNC a affirmé que les plus importantes mesures d'atténuation seraient le régime de navette aérienne, sur lequel se réglera le fonctionnement des opérations, ainsi que les ententes sur les impacts et les avantages et le règlement des revendications territoriales.

La VBNC a opté pour le régime de navette aérienne plutôt que pour l'aménagement d'une ville permanente parce qu'elle juge cette option plus intéressante pour les travailleurs, plus rentable et plus conforme aux pratiques en cours dans les autres exploitations minières du nord. La société minière a signalé que les coûts supérieurs de transport associés au régime de navette aérienne seraient plus que contrebalancés par la réduction des coûts de la construction, de l'entretien et de la fermeture d'une ville et de la réinstallation des employés une fois le projet fini.

La société minière prévoit que le régime de navette aérienne, et la désignation de chaque collectivité de la côte septentrionale comme point d'embarquement et de débarquement, dissuaderont les populations de migrer vers, entre et à partir de ces collectivités. Le principe de contiguïté, qui donnerait la priorité d'embauche aux membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, serait un autre facteur de dissuasion, puisque le fait de venir s'installer dans une collectivité de la côte septentrionale ne conférerait aux nouveaux migrants aucun avantage en matière d'emploi. Par conséquent, la VBNC s'attend à ce que la plupart des collectivités continuent de croître au même rythme qu'au cours des dernières années, sauf probablement dans le cas de Nain où la migration d'entrée devrait être forte pendant les étapes de l'exploitation à ciel ouvert et de l'exploitation souterraine.

Comme il n'y aurait pas, à proprement parler, de ville minière adjacente au complexe, la VBNC a déclaré que personne ne serait forcé de déménager pour obtenir un emploi. Le régime de navette aérienne permettrait aux employés autochtones d'intégrer la main-d' uvre industrielle tout en demeurant dans leurs propres collectivités où ils peuvent s'appuyer sur leurs amis et leurs familles dans un environnement familier. Cette situation devrait aider à alléger le stress que certains travailleurs risquent de ressentir se retrouver pour la première fois de leur vie dans un environnement de travail industriel. En outre, le caractère saisonnier des travaux à l'étape du démarrage du projet offrirait à ces travailleurs une période d'acclimatation. La VBNC souligne plusieurs raisons autres que le projet pour lesquelles des employés et leurs familles pourraient choisir de déménager dans une autre collectivité offrant un point d'embarquement, notamment pour se rapprocher de leur famille, pour permettre à des membres de leur famille de tirer parti des nouveaux débouchés d'emploi, ou pour avoir accès à une gamme plus vaste de services de santé et de services sociaux, récréatifs, éducatifs et de vente au détail.

Bien que le contenu précis des ententes sur les impacts et les avantages, que l'on négocie actuellement, soit confidentiel, la commission a entendu des exposés, présentés par la VBNC, la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador, dans lesquels étaient décrits les points couverts par ces ententes. La plupart des articles ont trait à l'emploi, aux conditions de travail et aux débouchés commerciaux, ce qui constitue le sujet du chapitre 15, Emploi et occasions d'affaires. Toutefois, certains autres articles des ententes sur les impacts et les avantages concernent la gestion de l'environnement, la protection sociale et culturelle, l'accès et l'utilisation de la zone du projet et la compensation financière. Ces articles ont pour but de permettre aux Innu et aux Inuit qui ne travaillent pas à la mine ou n'approvisionnent pas le projet d'en tirer quand même des avantages. La VBNC a signalé que certains éléments du Programme d'aide aux employés seraient également offerts aux familles des employés, notamment :

  • les programmes de counseling et sensibilisation dans des domaines comme la gestion financière, le stress, la violence familiale et l'abus d'intoxicants;
  • les services des coordonnateurs de l'emploi des Autochtones, qui travailleraient auprès des employés et de leurs familles;
  • des services de counselling hors chantier dans les cas de problèmes liés à l'alcool ou aux drogues.

La VBNC a déclaré que le fonds de protection sociale et culturelle envisagé dans les ententes sur les impacts et les avantages servirait à rehausser le bien-être individuel et collectif des Innu et des Inuit au moyen d'activités sociales, culturelles et communautaires.

La VBNC a également mentionné que, parmi les problèmes familiaux que le projet pourrait créer ou aggraver, un bon nombre devraient plutôt être référés aux services communautaires existants, qui sont les mieux placés pour s'en occuper. Il s'agit notamment des services offerts par le ministère provincial de la Santé et des Services sociaux, duquel relèvent les établissements de soins de santé, les services de santé communautaires et les services sociaux. La prestation de ces services relève d'une commission régionale, la Health Labrador Corporation (société de santé du Labrador). Les services de soins infirmiers en hygiène publique dans les collectivités Inuit et Innu sont maintenant du ressort de la Commission des services de santé des Inuit du Labrador et des conseils de bande Innu.

Effets résiduels

La VBNC prévoit que l'étape de la construction sera la seule période pouvant laisser des effets résiduels significatifs pour les familles et les collectivités de la côte septentrionale du Labrador. Pour le reste, la société minière ne prévoit pas d'effets résiduels (y compris les fluctuations démographiques) autres que mineurs ou négligeables partout dans la région, sauf à Nain.

La VBNC comprend les inquiétudes des Inuit et des Innu à l'effet que le projet pourrait aggraver les problèmes sociaux en raison des changements démographiques et économiques, mais elle croit que le projet aurait une action positive sur les familles et les collectivités qui vivent actuellement dans la pauvreté et le chômage. Elle laisse entendre que le projet rehausserait l'estime de soi de ses employés, en diminuant ou en éliminant leur dépendance l'égard des paiements de transfert. Les travailleurs et leurs familles disposeraient de revenus intéressants et stables, tout en continuant de passer de longues périodes ensemble. Toute la collectivité en tirerait parti. Les mesures de soutien mises en place par la VBNC en vertu de ses politiques de ressources humaines et des ententes sur les impacts et les avantages aideraient à alléger le stress et les autres difficultés qui pourraient frapper les employés et leurs familles. Ces facteurs et les autres avantages du projet amélioreraient les perspectives d'un bon nombre de familles, la fierté communautaire et l'état de santé des habitants, et atténueraient les problèmes sociaux.

Pour ce qui est des autres régions du Labrador à l'extérieur de la côte septentrionale, la VBNC ne prévoit que des effets résiduels mineurs ou négligeables.

Contrôle et suivi

La VBNC est d'avis que le contrôle et le suivi relèvent de la responsabilité des gouvernements, ainsi que des organisations autochtones et communautaires, et que le financement devrait peut-être provenir en partie du fonds de protection sociale et culturelle prévu dans les ententes sur les impacts et les avantages. La société minière a également affirmé qu'elle était disposée à collaborer avec ces organismes au moyen d'échanges de renseignements et de compétences.

16.1.2 Préoccupations publiques et gouvernementales

Pour les participants aux audiences communautaires, le principal sujet d'inquiétude était les effets négatifs possibles du projet sur la famille et les relations communautaires et sur la culture et le mode de vie autochtones. De nombreux intervenants craignaient que le projet ne détruise encore plus leur culture, leur identité, leurs valeurs, leurs traditions et leur langue. Bon nombre d'entre eux avaient le sentiment que le projet menacerait également la vie sur leurs terres ancestrales et les valeurs qui lui sont liées, comme le partage et le soutien mutuel. Il ne s'agit pas simplement d'une question économique pour ces participants, mais aussi d'enjeux sociaux et culturels. Aucun nombre d'emplois, ni aucune somme d'argent ne serait assez considérable pour compenser une telle perte. Un homme de Sheshatshiu, rappelant la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, a dit se sentir désolé pour les pêcheurs de Terre-Neuve parce que, selon lui, ils ont été payés pour abandonner leur culture; il ne voulait pas voir la même chose se produire au Labrador.

Dans l'esprit de certains Innu et Inuit, surtout chez les aînés, le projet, de par sa nature même, serait un affront à leur terre ancestrale, et même une violation, peu importe tel ou tel effet nuisible qu'il pourrait avoir sur les lieux et les ressources utilisées par les habitants. Les Autochtones exploitant la nature, les aînés et bien d'autres intervenants ont fait état d'un lien entre la terre et un sentiment de bien-être. Bon nombre d'entre eux ont mis en doute l'idée que les employés du projet puissent réellement adapter un horaire de navette en rotation à la nécessité d'approvisionner régulièrement leurs familles en nourriture et en bois de chauffage, ou l'habitude actuelle de passer les fins de semaine dans la nature avec toute la famille. Une femme de Nain a déclaré : « Ce que les autres pourraient croire primitif, c'est ce dont nous préférons nous contenter, c'est-à-dire, voir aux besoins des membres de nos familles et être heureux de les voir heureux. En disant cela, je ne veux pas dire que nous n'aimerions pas rehausser notre statut dans la société, mais je suis convaincue que nous pouvons y arriver et garder quand même notre culture, nos traditions et notre unicité.

Plusieurs participants ont mis en doute la prévision de la VBNC selon laquelle l'accroissement de l'emploi et des revenus amélioreraient la condition sociale des habitants. Certains, tout particulièrement des femmes, craignaient que l'augmentation des revenus, loin de diminuer la consommation exagérée d'alcool, ne fasse que l'aggraver. Le ministère provincial de la Santé et des Services sociaux a rappelé que l'on avait déjà vu des cas d'employés qui consomment beaucoup plus d'alcool que d'habitude à la maison après une période de travail de deux semaines. Ce risque, ajouté aux difficultés que devraient affronter tous les membres de la famille pour composer avec un horaire de travail en rotation, pourrait accentuer la violence familiale et la demande en matière de services sociaux.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a également souligné que la consommation d'alcool avait diminué pendant trois ans à Utshimassits après la création des nouveaux emplois au projet de la baie de Sango, mais qu'elle était ensuite remontée aux niveaux antérieurs. Se fondant sur le niveau actuel des problèmes sociaux liés à l'alcoolisme et à la toxicomanie, le ministère a prédit, tout en admettant que les employés tireront probablement parti du Programme d'aide aux employés, que les emplois offerts par la VBNC ne modifieront pas sensiblement la capacité des habitants à rester sobres et à améliorer leur état de santé.

Certains participants ont demandé jusqu'à quel point les collectivités auraient part aux avantages du projet si ces avantages ne se présentaient que sous forme de salaires pour les employés. A leur avis, les habitants qui n'ont pas les compétences voulues ou qui sont incapables de fonctionner en anglais ne trouveraient pas d'emploi au complexe minier, et qu'il fallait trouver moyen de les faire participer eux aussi aux avantages. Certains participants, dont le ministère de la Santé et des Services communautaires, ont dit craindre que les emplois et les revenus découlant du projet ne soient la cause d'inégalités encore plus prononcées dans les collectivités, ce qui nuirait d'autant aux relations communautaires et familiales.

D'autres intervenants ont indiqué qu'ils estimaient qu'eux-mêmes et leurs collectivités seraient très avantagés par les emplois du projet, de bons emplois qui leur permettraient d'acquérir une expérience précieuse et d'accroître leurs revenus. Ils se sont dits confiants que le projet serait la source de ces bienfaits. Les jeunes hommes, en particulier, avaient hâte de pouvoir commencer à travailler à la mine.

Un certain nombre de participants ont estimé que les ententes sur les impacts et les avantages pourraient calmer les inquiétudes concernant les effets du projet sur les familles et les collectivités, mais peu d'entre eux connaissaient les détails de ces négociations confidentielles. Presque tout le monde a d'ailleurs rappelé que de toute façon, aucune de ces ententes n'était encore en vigueur. Certains participants espéraient que les fonds provenant de ces ententes serviraient à financer des initiatives locales, comme le programme « avant-postes » (Outpost Program) de la nation Innu et les programmes de connaissances de base et de langue des Inuit, qui font appel à la participation des aînés et se donnent dans différents camps de chasse et de pêche. Ces programmes ont été donnés en exemple de l'engagement des Autochtones à préserver leur culture et leurs traditions, de même qu'à s'assurer que le savoir-faire et la connaissance de la terre soient transmis de génération en génération.

De nombreux participants ont admis les graves difficultés sociales et économiques que doivent affronter les collectivités. Presque tous s'entendent pour dire que le manque de possibilités financières, les faibles revenus, la consommation excessive d'alcool et de drogues, de même que la violence familiale sont des problèmes qui doivent se régler de toute urgence. Par ailleurs, certains participants aux séances visant à déterminer la portée de l'évaluation ont réfuté l'opinion de la VBNC voulant que l'accroissement des revenus d'un nombre limité de personnes qui trouveraient un emploi au complexe minier pourrait régler le problème global de pauvreté et de manque d'estime de soi. Les membres du groupe Tongamiut Inuit Annait, par exemple, ont déclaré que l'estime de soi venait premièrement de la culture et de la tradition, de l'autonomie et de la générosité dans la vie communautaire, et non pas de la situation d'emploi et du revenu.

De nombreux Innu et Inuit attribuaient la perte de leurs traditions culturelles et leurs difficultés économiques à une histoire de domination et d'asservissement par le gouvernement, les églises et le système d'éducation. Ils ont donné plusieurs exemples d'événements et de projets sur lesquels ils n'avaient eu aucun contrôle et qui ne leur avaient apporté aucun avantage, mais qui ont plutôt laissé des conséquences nuisibles graves. Ils ont mentionné notamment le projet hydroélectrique de Churchill Falls, les vols à basse altitude des forces armées, l'exploration minière, le déplacement de collectivités et la construction de routes. Pendant tout ce temps, les lois ont restreint de plus en plus les Inuit et les Innu dans leur utilisation du territoire. Marqués par ces expériences, un grand nombre d'Innu et d'Inuit ne croient pas que le projet serait ou même pourrait être différent de ce qui s'est passé jusqu'à maintenant.

Un expert venu témoigner au nom de la nation Innu a défini ce qu'il appelait un « récit maître » qui s'élabore chez les Innu depuis 30 ans et au moyen duquel ils expliquent leur situation. Ils croient avoir été traités injustement et, pour pouvoir reconstruire leur ordre social, il faut qu'ils soient traités avec équité et avec respect. Cette justice et ce traitement honorable sont des préalables indispensables à leur acceptation du projet. Pour que ces préalables se concrétisent, il faut que les revendications territoriales soient réglées et que la VBNC soit imputable envers les Innu. De l'avis de l'expert, l'estime de soi et la dignité ne pourraient pas découler des emplois et des revenus, parce qu'elles naissent de l'interaction sociale dans un milieu collectif ou public. Dans le contexte de ce « récit maître , a dit l'expert, l'estime de soi vient de la capacité de chasser et de vivre de façon compétente sur la terre ancestrale et du fait de travailler dans la collectivité même, et non pas dans un endroit éloigné.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux reconnu que leurs membres avaient besoin de revenus plus substantiels et pourraient donc tirer parti des emplois offerts par le projet. Par contre, elles ont aussi déclaré qu'elles ne voulaient pas compromettre leur culture et leur mode de vie, ni aucune autre possibilité de développement économique axé sur les ressources renouvelables. Le projet devrait appuyer ces autres entreprises et non pas empêcher ou entraver leur réalisation. La nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador voient les recettes tirer des ententes sur les impacts et les avantages comme un outil essentiel qui les aidera à atteindre leurs objectifs de développement économique, culturel et politique, à condition que ces avantages ne soient pas neutralisés par des coûts sociaux et économiques négatifs.

Les représentants de la nation Innu ont affirmé : « les problèmes sociaux dont vous avez entendu parler sont très réels pour nous. Nous sommes un peuple dépossédé de son territoire, et aussi longtemps que nous n'aurons pas repris un contrôle effectif sur nos terres et nos vies, les choses ne pourront pas commencer à s'améliorer ». Un participant aux audiences de Nain a dit ceci : « Une grande part des problèmes mentionnés peuvent être attribués au fait que les Inuit ont perdu le contrôle de leurs collectivités et même de leurs vies. » Les deux organisations, ainsi qu'un grand nombre d'Inuit et d'Innu, ont déclaré que les revendications territoriales et les ententes sur les impacts et les avantages se révélaient les meilleurs moyens pour leur permettre de reprendre la maîtrise de leur vie et, tout compte fait, de profiter du projet. Bien plus, ont-ils ajouté, sans ces outils essentiels à la reprise du contrôle et du pouvoir, les avantages éventuels du projet ne pourraient pas se concrétiser.

Plusieurs participants ont signalé la nécessité de surveiller les répercussions sociales du projet. Le ministère de la Santé et des Services sociaux a affirmé qu'il se chargerait de ce suivi, mais il n'a pas décrit la façon dont il procéderait. La Commission des services de santé des Inuit du Labrador a déclaré qu'il faudrait surveiller les effets du projet sur la santé et sur la situation socio-économique, mais qu'il n'existait pas actuellement de données de référence, ni de programme permettant ce genre de suivi. La Commission des services de santé a proposé de remédier à cette lacune en créant un partenariat d'organismes auquel elle-même et la VBNC participeraient, dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages. Pour mettre en uvre un programme de surveillance ou de contrôle des effets du projet sur la société et sur la santé, il faudrait d'abord un ensemble convenu de questions et d'indicateurs, un moyen continu et efficace de collecte de données, un personnel capable de tenir le système et d'analyser les données, ainsi qu'un ensemble convenu de repères qui déclencheraient une intervention même si la cause précise du problème ne peut pas toujours être déterminée.

Sauf une seule exception, la commission n'a entendu aucune inquiétude au sujet des effets du projet sur la vie familiale et communautaire dans les autres régions du Labrador. Il faut supposer qu'il en est ainsi parce que les habitants des collectivités de taille importante ont déjà l'habitude de participer à des projets de grande envergure - et, dans le cas de l'ouest du Labrador, aux travaux du secteur minier - et parce que les changements démographiques occasionnés par le projet y seront minimes en comparaison des populations et de la capacité actuelle des infrastructures.

Néanmoins, la Nation métisse du Labrador a déclaré que la VBNC avait négligé la situation des collectivités qui sont situées au sud de Rigolet et qui, selon la Nation métisse, continueront de subir les effets de la migration de sortie. Toujours selon la Nation métisse du Labrador, si aucune collectivité de la côte sud n'était choisie comme point d'embarquement des travailleurs du projet, on risquerait de voir la population de cette région partir s'installer dans le secteur de Happy Valley-Goose Bay, afin de pouvoir accéder plus facilement aux emplois du projet, puisque la VBNC ne couvrirait pas le coût des déplacements entre les collectivités et les points d'embarquement.

Conclusions et recommandations

La commission observe un degré considérable d'incertitude quant aux effets du projet sur la vie familiale et communautaire, ainsi que sur la culture régionale et le mode de vie. Voici certaines des raisons de cette incertitude :

  • en raison du nombre important de facteurs susceptibles d'influer sur les résultats en matière d'emploi, la VBNC est elle-même incapable de prévoir les répercussions du projet sur l'emploi, le commerce et le revenu au niveau de la collectivité;
  • il est souvent difficile de prévoir comment les gens réagiront à une initiative complexe comme le projet, et comment ces réactions pourraient évoluer avec le temps;
  • il est difficile aussi de prévoir exactement l'efficacité relative des mesures d'atténuation;
  • les effets d'une initiative de développement comme le projet sont intrinsèquement difficiles à distinguer de changements plus vastes et continus qui se produisent de façon indépendante sur les plans social, économique et démographique.

Certains auteurs d'exposés ont établi des parallèles avec des travaux de développement exécutés antérieurement au Labrador, mais la commission remarque aussi que le projet de la VBNC serait très différent puisqu'il s'accompagnerait d'une navette aérienne, d'un système perfectionné de gestion environnementale et des ententes sur les impacts et les avantages. Par conséquent, l'expérience passée n'est pas nécessairement un indicateur exact permettant de prévoir les effets futurs du projet.

La commission estime que la VBNC a consenti des efforts remarquables pour informer les habitants du nord du Labrador au sujet du projet et, surtout, au sujet des possibilités de formation et d'emploi qui en résulteraient. L'examen du projet et l'évaluation environnementale ont aussi fait connaître davantage le projet. La commission reconnaît toutefois qu'en raison des expériences passées de la population, et de façon fort compréhensible, bien des habitants de la région restent sceptiques devant les discours qu'ils entendent. Il semble régner un degré considérable de crainte et d'incertitude dans la population parce que les gens ne savent pas en quoi consiste une exploitation minière. La commission est d'avis que, dans certains cas, seule l'expérience directe peut faire acquérir aux gens l'information dont ils ont besoin. Une autre difficulté importante tient au fait que le grand public ne connaît pas ou ne comprend pas les mesures d'atténuation et les avantages inhérents aux ententes sur les impacts et les avantages, à cause du caractère confidentiel des négociations.

La commission admet que la VBNC est limitée dans les gestes qu'elle peut poser en informant la population à l'avance pour calmer les appréhensions. Dans certains cas, les questions posées ne peuvent trouver leur réponse que dans l'expérience directe. La commission croit qu'il conviendrait de consentir des efforts pour familiariser les familles des travailleurs avec l'emplacement et les travaux de la mine, une fois le projet entamé, ce qui constituerait un suivi utile à ce que la VBNC a fait jusqu'à maintenant.

Sans le projet, selon la commission, il est improbable que d'autres formes d'investissement dans la région puissent créer l'activité économique nécessaire une population qui s'accroît rapidement et dont les besoins vont en augmentant. Si les ressources renouvelables sont gérées avec soin et que l'on évite les effets éventuellement nuisibles du projet, la base de ressources elle-même devrait tout au moins rester stable. Par contre, les coûts d'exploitation des ressources fauniques augmentent et l'exploitation de nouvelles ressources pourrait exiger des investissements importants, à une époque où les prix des marchandises sont instables. Les ressources renouvelables offrent la population régionale une base économique essentielle, mais incomplète. En outre, l'exploitation des ressources fauniques renouvelables, tout comme les autres petites entreprises de la région exploitées à petite échelle, ne fournissent habituellement que des emplois saisonniers.

La région dépend déjà de dépenses gouvernementales qui sont importantes par habitant, et il est peu vraisemblable que ces dépenses augmentent de façon significative. Pendant ce temps, la population régionale continue de s'accroître. Les ententes sur les impacts et les avantages, si elles sont conclues, apporteraient des quantités importantes de fonds supplémentaires pouvant servir à des différentes fins, mais l'accès à ces fonds est entièrement conditionnel à l'autorisation et à la réussite du projet. Les ententes sur les revendications territoriales offriraient aussi un stimulus économique, mais, là encore, certains des fonds qu'elles prévoient reposent sur la mise en uvre de travaux tels que le projet. Même en imaginant le scénario le plus optimiste qui soit, il resterait un besoin énorme d'emplois directs et de recettes fiscales produites par l'activité économique locale. Tous les intéressés admettent ces besoins économiques. Le projet, s'il se poursuivait pendant 20 à 25 ans tel que proposé, contribuerait fortement à remplir ces besoins. L'effet conjugué de tous ces facteurs sur les tendances démographiques et économiques est impossible à prévoir, mais il est probable qu'il ne serait ni soudain, ni spectaculaire.

La commission reconnaît que certaines personnes subiraient davantage d'effets négatifs que d'effets positifs résultant du projet. Bon nombre des personnes parmi les plus préoccupées par les effets nuisibles sur la terre, sur la vie communautaire et familiale, de même que sur la culture et les traditions seraient peut-être inaptes ou réfractaires à occuper un emploi lié au projet. Pour que le projet puisse être une source de bienfaits sociaux et économiques durables et équitables sur la côte septentrionale du Labrador, il faut qu'il fasse davantage que le simple fait d'offrir des emplois à certaines personnes ou d'empêcher toute conséquence négative sur l'exploitation de la faune.

Les ententes sur les impacts et les avantages seraient un moyen puissant de dissémination et d'accroissement des avantages découlant du projet. La commission convient que la négociation fructueuse de ces ententes et le règlement des revendications territoriales donneraient des outils efficaces pour atténuer les répercussions négatives du projet qui sont prévues. Le contrôle des ressources financières et l'administration des programmes sociaux aideraient l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu veiller aux besoins quotidiens de leurs collectivités ainsi qu'à ceux qui résulteraient des effets de l'exploitation minière proposée.

La commission remarque toutefois que les dispositions des ententes sur les impacts et les avantages s'appliqueraient seulement aux Innu et aux Inuit et ne pourraient donc pas atténuer les effets du projet sur les non-bénéficiaires, ni sur aucune autre entité qui n'est pas exclusivement Innu ou Inuit. Cela comprend les municipalités de la côte septentrionale, dont les résidents ne sont pas tous des bénéficiaires des ententes sur les impacts et les avantages ou des ententes sur les revendications territoriales. L'Association des Inuit du Labrador, par exemple, ne serait pas tenue d'offrir des fonds à ces municipalités dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages pour financer les services publics, et les municipalités ne seraient pas justifiées de se fier à ces ententes comme source de financement des services publics. En outre, les ententes sur les revendications territoriales n'ont pas pour but de se substituer à la gamme normale des services gouvernementaux et des avantages liés à la citoyenneté. Les gouvernements ne peuvent donc pas s'en servir à de telles fins.

Le projet pourrait aussi produire des avantages durables et à grande échelle sous la forme des recettes qu'en tireront graduellement les gouvernements. Toutefois, pour que ces avantages se matérialisent, les gouvernements qui perçoivent ces recettes devront en réinvestir une part convenable dans les infrastructures et les services des collectivités. Les sections qui suivent expliquent comment les gouvernements pourraient y arriver.

La commission estime que si le projet devenait la source de tous ces flux d'avantages - emplois, ententes sur les impacts et les avantages et réinvestissement régional des recettes gouvernementales supplémentaires -, il réaliserait les objectifs d'équité, de justice et de respect que les Autochtones attachent au projet.

La commission conclut que la surveillance des effets socio-économiques devrait être une composante essentielle d'un programme de contrôle des effets du projet. La responsabilité principale de cette surveillance devrait incomber aux organismes gouvernementaux et communautaires, mais la VBNC a aussi un rôle à jouer. Les recommandations de la commission en cette matière figurent aux chapitre 17, Gestion de l'environnement.

La commission est incapable de tirer des conclusions relativement aux tendances futures des migrations entre collectivités au Labrador. La commission sait que dans d'autres régions, par exemple dans le nord de la Saskatchewan, les travailleurs venus de petites collectivités qui utilisent la navette aérienne pour aller travailler dans un projet ont tendance à graviter ensuite vers les grandes agglomérations urbaines. La commission estime que si cette tendance se manifestait au Labrador, ce serait tout probablement sous la forme d'une migration à partir des collectivités au sud de Rigolet, parce que cette région ne bénéficierait pas des ententes sur les impacts et les avantages et se heurterait aux obstacles liés au transport qui se dressent aux emplois offerts par la VBNC. En désignant au moins une collectivité de ce secteur comme point d'embarquement, on contrebalancerait en partie ce désavantage. La question est abordée dans la recommandation 79.

La commission en conclut que la responsabilité première de la VBNC, pour ce qui est de réduire au minimum les effets nuisibles éventuels des changements démographiques, serait de veiller à ce que les politiques relatives aux conditions de travail et au transport des employés aident, dans toute la mesure du possible, les travailleurs qui le désirent à rester dans leur propre collectivité. La commission reconnaît aussi qu'en modernisant les installations de transport aérien des collectivités de la côte septentrionale, ce qui ne relèverait pas de la responsabilité de la VBNC, on aiderait peut-être les habitants de la région à faire plus facilement la navette entre leurs foyers et le lieu de travail (voir la recommandation 91).

16.2 Services et infrastructures

Même si la VBNC ne prévoit aucune augmentation importante de la population dans la plupart des collectivités à cause du projet, elle appréhende la possibilité d'un accroissement sensible de la demande, en particulier la demande en matière de services, parce que les emplois du projet pourraient accroître éventuellement le pouvoir d'achat des citoyens et leurs attentes en matière de relèvement du train de vie. La demande de services et d'infrastructures améliorés serait à son maximum dans les collectivités où il s'est produit un flux de nouveaux arrivants. La commission remarque toutefois que les collectivités de la côte septentrionale du Labrador sont limitées dans leur capacité de répondre à la demande relativement aux logements supplémentaires et de qualité supérieure, aux systèmes d'adduction d'eau et d'égouts, aux systèmes de transport et de routes, ainsi qu'aux services sociaux.

Selon les prévisions de la VBNC, les effets résiduels du projet sur les services et les infrastructures seraient modérés (significatifs) à l'étape de la construction dans la municipalité de Nain et dans la région de Happy Valley-Goose Bay. Dans les autres endroits et pendant les autres étapes du projet, les effets seraient mineurs (négligeables) et de courte durée. Dans l'ensemble, la VBNC s'attend à ce que les effets du projet sur les services et les infrastructures de la côte septentrionale soient « éminemment positifs » parce que le projet accroîtrait les revenus directs, indirects et induits dans toutes les collectivités de la région.

Dans la section qui suit, la commission se concentre sur la municipalité de Nain, parce que les effets du projet, par leur nature et leur ampleur, y seront différents de ceux qui toucheront les autres collectivités.

16.2.1 La ville de Nain

Nain est la collectivité la plus rapprochée de l'emplacement du projet et elle est située à une distance relativement facile à parcourir par hélicoptère, par bateau ou par motoneige. Aucune des installations du projet ne serait située à Nain, mais la VBNC a signalé qu'un volume important des activités relatives au projet auraient lieu à Nain à l'étape de la construction, pendant que s'achèveraient l'aménagement de la piste d'atterrissage et des installations portuaires.

Encore une fois, la VBNC a déclaré que les principales mesures d'atténuation seraient le système de navette aérienne, la mise en application du principe de contiguïté et les paiements de participation financière qui seront versés à l'Association des Inuit du Labrador en vertu des ententes sur les impacts et les avantages et qui pourraient servir à la prestation de services et à la construction d'installations dans la localité. La VBNC affirme que les autres mesures d'atténuation incomberaient aux différents ordres de gouvernement et pourraient être financés à l'aide des recettes accrues produites par le projet. La société minière laisse entendre également que la ville de Nain pourrait influer sur l'accroissement démographique en contrôlant l'offre de terrains viabilisés qui sont destinés au logement.

A Nain, la VBNC prévoit une moyenne de 84 années-personnes d'emplois liés au projet (en incluant les emplois directs, indirects et induits) pendant la construction, 133 années-personnes pendant l'exploitation à ciel ouvert et 184 pendant l'exploitation souterraine. Le taux de chômage baisserait graduellement pour atteindre le niveau zéro, en théorie, à l'étape de l'exploitation souterraine. Il devrait se produire un certain degré d'expansion des entreprises, en raison du principe de contiguïté, de la proximité du projet et de l'accroissement des revenus d'emploi et de la demande provenant des consommateurs. Il faut donc prévoir une diversification de l'économie de Nain.

Tout en admettant que le projet est susceptible de créer un certain degré d'inflation sur le plan des salaires et de perturbation de la population active de Nain, surtout au début de chacune des grandes étapes du projet (construction, exploitation à ciel ouvert et exploitation souterraine), la VBNC soutient que l'économie s'ajustera rapidement. La VBNC prévoit aussi une hausse des coûts du logement à Nain, mais elle soutient que cette hausse dépendra en partie de la capacité de la municipalité à aménager suffisamment de nouveaux logements pour répondre à la demande.

Après avoir étudié les effets économiques du projet à l'étape du déclassement et ensuite, les auteurs de l'étude d'impact environnemental les ont classés comme étant modérés ou importants (et donc significatifs), tout en évoquant la possibilité qu'ils puissent être amoindris si le regain d'activité économique à Nain pendant la réalisation du projet favorisait la diversification économique.

De l'avis de la VBNC, la surveillance des effets socio-économiques relèverait de la responsabilité d'autres parties, mais a indiqué qu'elle serait disposée apporter son aide en fournissant les renseignements voulus dans certains cas. Ainsi, à titre d'exemple, la société minière contrôlerait les dépenses du projet et transmettrait les données connexes aux ministères et organismes gouvernementaux compétents, afin de les aider à élaborer leurs plans économiques. La VBNC a également l'intention de poursuivre les discussions avec la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador.

Préoccupations publiques et gouvernementales

Les exposés et commentaires présentés par les habitants de Nain lors des audiences publiques et des séances visant à déterminer la portée de l'évaluation ont porté sur un vaste éventail de questions socio-économiques, dont plusieurs avaient également été soulevées dans d'autres collectivités de la côte septentrionale du Labrador et sont abordées dans les autres chapitres du présent rapport. Les préoccupations exposées ci-après répondent cette description, mais elles ont trait tout spécialement à Nain.

  • Le projet offrirait de réelles possibilités de développement commercial la ville de Nain, mais ces débouchés pourraient se perdre soit en passant à côté » de la ville, soit en rebroussant chemin vers le projet ou les autres collectivités.
  • Les débouchés commerciaux pourraient aussi se perdre si les entrepreneurs de Nain ne sont pas prêts à temps pour en profiter. La VBNC, dans le cadre des négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages, est peut-être en train de discuter de ses besoins précis en matière de marchandises ou de services, mais les négociations sont confidentielles.
  • L'expansion et le regain des activités commerciales à Nain pourraient être entravés par le manque de terrain à vocation commerciale et convenables qui pourraient être dotés de services publics, ainsi que par l'état actuel du système d'approvisionnement en eau potable et des autres services municipaux.
  • L'infrastructure de transports serait incapable de s'adapter à l'accroissement de la circulation. Il faudrait que la piste d'atterrissage soit déplacée modernisée (la section 16.3 traite de cette question plus en détail). Les installations maritimes auraient aussi besoin d'améliorations, notamment la construction d'un brise-lames et la mise sur pied d'un centre de services maritimes.
  • Le projet pourrait nuire sérieusement aux commerces et établissements en place en gonflant les salaires et en attirant ainsi les employés qualifiés, ce qui perturberait les services locaux déjà limités, surtout dans le domaine des transports aux premières étapes du projet.
  • Les infrastructures municipales, c'est-à-dire les routes, l'eau, la gestion des déchets et les installations récréatives, sont déjà insuffisantes pour la population actuelle et pourraient être soumises à des pressions graves en raison de l'augmentation démographique prévue amenée par le projet. La ville ne fait pas payer d'impôts fonciers et conteste les prétentions de la VBNC selon lesquelles le projet accroîtrait suffisamment les recettes de la ville pour que celle-ci puisse offrir les services nécessaires. Plus des trois quarts du financement municipal proviennent des paiements de transfert fédéraux versés en vertu de l'accord conclu avec les Inuit du Labrador.
  • Les services d'éducation et de santé et les services sociaux ne suffisent déjà pas à répondre aux besoins de la population. La ville n'est pas du tout convaincue que la province réinvestirait les recettes du projet pour combler des demandes accrues.
  • Le parc résidentiel de la ville de Nain fait déjà défaut sur les plans de la quantité de logement et de l'état physique des lieux. La ville n'est pas sûre de pouvoir répondre à la demande accrue découlant du projet.
  • Le projet ferait monter le coût de la vie de tous les habitants de Nain, qu'ils retirent ou non des avantages économiques du projet. L'élargissement de l'écart entre les revenus exacerberait les tensions sociales existantes.
  • La ville de Nain ne participe pas aux négociations des ententes sur les impacts et les avantages et personne ne peut l'assurer que les paiements que lui verserait éventuellement la VBNC seraient utilisés pour offrir des services ou installations qui relèvent maintenant de la responsabilité municipale. Ces ententes sont conçues à l'avantage des membres de l'Association des Inuit du Labrador, mais la ville est responsable à l'endroit de tous ses habitants, qu'ils soient membres, ou non, de l'Association des Inuit du Labrador.

Conclusions et recommandations

La commission reconnaît que l'administration des collectivités du nord du Labrador traversera probablement une période de transition lorsque auront été réglées les revendications territoriales. La commission n'a reçu aucune information sur la façon dont les revendications territoriales modifieraient les structures et les modes de fonctionnement municipaux. Les conclusions et recommandations qui suivent sont donc fondées uniquement sur la situation actuelle.

D'après les renseignements présentés au cours du processus d'examen, la commission arrive à la conclusion que la ville de Nain fait face à une situation difficile. L'ampleur des effets du projet sur les services et les responsabilités de la municipalité dépendra en très grande partie de l'ampleur des changements démographiques connexes. Le tout repose sur un certain nombre de facteurs, définis dans l'étude d'impact environnemental, qui relèveront principalement de choix personnels. La commission admet que le niveau maximum de migration d'entrée prévu dans cette étude pourrait très bien ne pas se matérialiser. En revanche, l'étude d'impact environnemental n'aborde aucunement la possibilité d'une migration d'entrée spéculative, supposant une telle migration improbable en raison du principe de contiguïté. Toutefois, si l'activité économique s'accroît à Nain, un plus grand nombre de personnes, pour la plupart d'anciens résidents de la ville, pourraient choisir d'y revenir, que ces personnes soient ou non directement employées par le projet.

Par ailleurs, si la ville était incapable de fournir les services et les commodités nécessaires, la migration d'entrée pourrait rapidement être neutralisée par une migration de sortie, dans le cas où les travailleurs du projet et leurs familles décideraient de déménager dans la région de Happy Valley-Goose Bay pour trouver un logement convenable et de meilleures possibilités sur le plan des loisirs, de la consommation et de l'éducation. Un tel phénomène annulerait au moins une partie des avantages économiques du projet pour la collectivité de Nain.

La commission convient que la VBNC n'est pas responsable des insuffisances actuelles en matière d'infrastructures et de services. Cependant, la commission n'a ni vu, ni entendu quelque preuve que ce soit à l'appui de l'affirmation de la VBNC selon laquelle les recettes fiscales et les frais d'utilisation liés aux nouveaux aménagements résidentiels et commerciaux permettront d'absorber le coût de la construction et de l'entretien des nouvelles infrastructures, de même que le coût de la prestation des services supplémentaires. Étant donné la structure et les recettes fiscales actuelles de la ville, il semble peu probable que cette affirmation se concrétise. Il semble aussi que l'Association des Inuit du Labrador n'est pas tenue de consacrer aux services municipaux quelque part que ce soit des paiements reçus de la VBNC dans le cadre des négociations des ententes sur les impacts et les avantages. En outre, la commission n'a aucun moyen de savoir si l'Association des Inuit du Labrador a l'intention de verser des fonds à cette fin.

Lorsqu'un grand projet industriel est mis en oeuvre, il est habituellement situé dans les limites municipales de la collectivité adjacente, dont il enrichit par le fait même l'assiette et les recettes fiscales. Les projets qui sont réalisés dans les régions nordiques et qui sont assortis d'une navette aérienne dépendent moins des collectivités voisines et trouvent leur main-d' uvre dans plusieurs collectivités différentes. Aussi, les promoteurs de ces projets doivent-ils souvent construire eux-mêmes leurs propres infrastructures. Dans cette optique, la VBNC devrait-elle être tenue de verser l'équivalent de taxes foncières municipales à l'une ou l'autre des collectivités du Labrador? Et, dans l'affirmative, à laquelle de ces collectivités? La commission croit que des arguments solides justifient le versement de paiements de ce genre à la ville de Nain, et ce pour les raisons suivantes :

  • Pendant les étapes de l'exploration et de la construction, la VBNC utiliserait largement les installations et les services de Nain.
  • A l'étape de la production, la VBNC continuerait probablement de bénéficier de diverses façons du voisinage de Nain. La société minière a donné en exemple le besoin occasionnel de lieux d'hébergement au cas où les installations du projet ne suffisent pas à loger tous les employés ou visiteurs.
  • Tout indique que la ville de Nain connaîtrait une période de migration d'entrée importante découlant directement du projet. Pour des raisons de taille et d'infrastructures restreintes, on ne peut pas s'attendre ce que Nain absorbe une telle augmentation aussi facilement que le pourrait une grande région urbaine comme celle de Happy Valley-Goose Bay.

Recommandation 87

La commission recommande que la VBNC verse à la ville de Nain une subvention tenant lieu d'impôt foncier pour compenser une partie des coûts supplémentaires engagés par la ville en raison de la construction et de l'exploitation du projet. La formule à utiliser pour calculer la subvention tenant lieu d'impôt foncier devrait être négociée par le ministère des Affaires municipales et provinciales de Terre-Neuve et du Labrador, la ville de Nain et la VBNC. Cette formule devrait tenir compte de l'utilisation prévue des infrastructures et des services communautaires par le projet, des coûts que la municipalité prévoit devoir engager en raison de la migration d'entrée liée au projet, et de toutes les recettes que la collectivité retirera du projet.

La commission juge que le règlement des problèmes de logement à Nain, tant du point de vue du caractère adéquat des logements que du point de vue de leur coût, sera l'un des facteurs critiques de l'optimalisation des avantages du projet et de la réduction au minimum de ses effets négatifs pour la ville de Nain. A l'heure actuelle, 45 pour cent du parc résidentiel nécessite des réparations importantes et une cinquantaine de familles ont besoin d'un nouveau logement. L'étude d'impact environnemental prévoit que la population de Nain pourrait augmenter de plus de 170 personnes d'ici 2001 sous l'effet de l'accroissement démographique naturel et de la migration d'entrée amenée par le projet.

La commission est d'accord avec la VBNC sur le fait que les personnes qui trouveront un emploi au projet ou dans des entreprises connexes auront probablement les moyens de réparer les logements existants ou de construire des logements neufs. Néanmoins, les inégalités économiques accrues qui découleront vraisemblablement du projet, conjuguées à la hausse du coût de la vie et à l'intensification de la concurrence à l'endroit d'un parc résidentiel restreint, pourraient avoir des conséquences négatives pour un nombre important de résidents de Nain et entraîner une recrudescence de problèmes sociaux.

Lors des séances visant à déterminer la portée de l'évaluation, le ministère provincial des Affaires municipales et provinciales a indiqué qu'il s'employait recueillir des données repères et démographiques en vue de préparer une analyse des besoins en matière de logements au cours des 10 prochaines années; toutefois, le Ministère n'a pas participé par la suite aux débats tenus pendant les audiences publiques.

Recommandation 88

La commission recommande que la ville de Nain, l'Association des Inuit du Labrador, le ministère des Affaires municipales et provinciales de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada élaborent conjointement une stratégie quinquennale concernant le logement à Nain, en y incluant les sources de financement, afin de répondre aux besoins des résidents actuels et éventuels en matière de logement.

La commission a constaté un degré de frustration considérable dans la ville de Nain au sujet de la planification du développement économique. Les commerçants et les gestionnaires de Nain ne savent pas très bien en vue de quoi planifier et ils craignent de « rater le coche », surtout en ce qui concerne le délai nécessaire pour mettre de nouveaux terrains la disposition des promoteurs commerciaux.

La commission reconnaît que les rapports entre la ville de Nain et l'Association des Inuit du Labrador sont susceptibles de compliquer la situation. L'Association des Inuit du Labrador a tenu des négociations avec la VBNC et avec les gouvernements sur des questions d'importance régionale, mais elle n'a aucun lien structurel apparent avec la ville de Nain, même si la plupart des habitants de Nain sont membres de l'Association des Inuit du Labrador. Par l'entremise de la LIDC (Labrador Inuit Development Corporation), l'Association des Inuit du Labrador s'est efforcée d'exploiter des possibilités d'affaires pour ses membres, et elle est en communication étroite avec la VBNC. Par contre, l'Association des Inuit du Labrador n'est pas responsable de la planification du développement économique de la ville de Nain.

La commission comprend aussi les craintes de Nain concernant les effets de l'inflation des salaires et de la perturbation de la population active sur les entreprises et les organisations existantes. Ces effets pourraient être de courte durée, comme le prévoit l'étude d'impact environnemental, mais ils sont quand même susceptibles de mettre en danger certains commerces locaux et de nuire à la diversification économique, l'un des avantages durables que le projet est censé laisser derrière lui. La commission ne voit pas de réponses faciles à ces problèmes éventuels, mais elle croit que ces réponses résident peut-être dans une combinaison quelconque de communications améliorées et opportunes et de l'accès à une formation pertinente (une formation qui ne soit pas axée uniquement sur les métiers et professions reliés au projet).

Pour calmer les inquiétudes relatives à la mauvaise préparation de la ville de Nain pour exploiter les débouchés commerciaux, et aux effets du projet sur les entreprises existantes, la commission conclut que les détenteurs d'intérêts doivent élaborer une stratégie dynamique et que la VBNC doit améliorer ses communications avec la ville.

Recommandation 89

La commission recommande que la VBNC et la ville de Nain élaborent un protocole de communication, afin que chacune des deux parties soit régulièrement informée au sujet des questions et des activités d'intérêt commun. Le protocole devrait comporter des dispositions à l'effet que les représentants de la ville et de la VBNC se réuniront au besoin pour discuter de leurs préoccupations et de leurs problèmes. Ce protocole de communication aurait pour but d'offrir la possibilité de régler les problèmes dès leur apparition et de favoriser des initiatives propres avantager les deux parties.

Recommandation 90

La commission recommande que l'Association des Inuit du Labrador, la ville de Nain et le ministère du Développement et de la Rénovation rurale de Terre-Neuve et du Labrador unissent leurs efforts en vue d'élaborer un processus de planification du développement économique pour la ville de Nain. Ce processus aurait comme objectif global d'en arriver à une économie locale diversifiée et viable, capable de maximiser la participation aux travaux du projet, tout en renforçant les entreprises existantes et en recherchant de nouveaux débouchés dans la collectivité même. Le processus devrait favoriser la participation des divers groupements d'intérêt, y compris la VBNC, comme il convient.

16.2.2 Autres collectivités

Les autorités municipales de Happy Valley-Goose Bay, de Labrador City et de Wabush ont déclaré être en mesure de répondre à l'accroissement de la demande en matière de services et d'infrastructure. Toutefois, des conseils et des groupes communautaires dans les plus petites collectivités ont déclaré à la commission qu'ils ne disposait pas des fonds nécessaires pour répondre à leurs besoins actuels, et donc encore moins à de nouvelles demandes. La Ville de Rigolet a signalé que le projet exercerait une pression supplémentaire sur un budget des services sociaux déjà poussé à la limite en causant des problèmes sociaux et sanitaires plus importants, comme des accroissements de l'alcoolisme et de la propagation des maladies transmises sexuellement. La Ville prévoyait aussi des pénuries de logement auxquelles elle ne pourrait pas répondre. Elle se montrait sceptique à propos de l'assertion de VBNC à l'effet que des fonds seraient disponibles par le biais des ententes sur les impacts et les avantages.

On a pas démontré à la commission que le projet causerait des changements démographiques importants dans les collectivités de la côte nord, sauf Nain. Par conséquent, la commission estime que le projet ne modifierait pas le niveau de demande en matière de services sociaux dans les collectivités côtières, ailleurs qu'à Nain, à un point tel que des mesures d'atténuation supplémentaires seraient requises, autres que celles qui sont prévues dans les ententes sur les impacts et les avantages.

16.3 Réinvestissement des recettes des gouvernements dans la région

Tel qu'indiqué dans la section 16.1.2, la commission croit que les gouvernements fédéral et provincial auraient besoin de réinvestir dans l'infrastructure et les services régionaux une partie des recettes supplémentaires provenant du projet, si l'on veut que le projet génère des avantages durables et équitables. Même si l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu recevaient des paiements pour leur participation financière en vertu des ententes sur les impacts et les avantages, ces paiements seraient équivalents des loyers de biens-fonds et ne remplaceraient pas les obligations des gouvernements qui sont responsables de fournir des services et l'infrastructure.

Au début des audiences, certains intervenants ont fait référence à des fonds patrimoniaux ou de diversification qui sont utilisés dans d'autres régions pour réinvestir les recettes provenant de projets d'exploitation des ressources et pour que les futures générations puissent aussi profiter des avantages. Les quatre parties au Protocole d'entente souhaiteraient peut-être étudier une telle option. La commission croit, toutefois, qu'il vaudrait mieux que les gouvernements s'engagent à investir dans une infrastructure et des services précis dans le nord du Labrador. Ces investissements devraient accroître la capacité des habitants et des collectivités à répondre aux problèmes sociaux et sanitaires fondamentaux et à relever les défis du développement économique communautaire et régional en mettant à profit les avantages qui résultent du projet.

De nombreux intervenants ont déclaré que le niveau du service de transport aérien disponible dans les collectivités côtières est gravement insuffisant. L'Association des Inuit du Labrador, d'autres groupes et des particuliers ont dit qu'il était fondamentalement injuste que le projet dispose d'une piste d'atterrissage de première classe, presque achevé et capable d'accueillir des avions Dash 8, alors que les atterrissages se font à vue sur les pistes des collectivités, un système moins fiable. Ils ont affirmé que si la VBNC avait besoin d'un tel terrain pour protéger la santé et la sécurité de quelque 500 travailleurs sur place, les collectivités dans lesquelles la population est aussi sinon plus nombreuse avaient besoin de meilleures pistes pour la même raison.

Bien que la commission ne conclue pas que l'aménagement d'une piste d'atterrissage de catégorie 1 (voir Recommandation 68) à la baie Voisey doive entraîner la réfection d'autres piste, elle croit effectivement qu'il conviendrait d'investir dans un meilleur système de transport aérien sur la côte nord grâce à l'augmentation des recettes publiques. Le gouvernement fédéral recevrait des recettes fiscales considérables du projet et il serait en mesure de réduire les paiements de péréquation à Terre-Neuve par suite de l'accroissement des recettes de la province. Par conséquent, le gouvernement du Canada devrait réinvestir une partie des recettes supplémentaires dans l'infrastructure régionale qui permettrait d'améliorer la capacité des habitants du nord du Labrador de préserver les avantages économiques que lui procure le projet et de les mettre à profit.

Recommandation 91

La commission recommande que la province, en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador, entreprenne des pourparlers avec Transports Canada en vue d'élaborer une stratégie quinquennale pour la réfection des installations de transport aérien sur la côte septentrionale, afin qu'elles répondent aux exigences de catégorie 1. En raison des limites de la piste actuelle de Nain, et de l'accroissement de la circulation aérienne, la commission recommande que l'on accorde une priorité absolue à Nain.

De nombreux intervenants ont aussi indiqué à la commission qu'il faudrait améliorer les soins de santé. La commission prend acte du généreux don de la VBNC au nouvel hôpital de Happy Valley-Goose Bay. Toutefois, cet hôpital ne peut profiter aux habitants des collectivités côtières que s'ils y ont raisonnablement accès. La réfection des services de transport aérien devrait améliorer la réussite et la sécurité des déplacements courants et d'urgence vers l'hôpital et devrait aussi permettre aux professionnels de la santé (les docteurs et les dentistes, par exemple) de se rendre plus facilement dans les plus petites collectivités.

Des fournisseurs de soins de santé et des habitants ont aussi indiqué la commission que l'on aurait besoin de ressources supplémentaires pour améliorer les programmes de prévention et de soins de santé communautaires. Le projet pourrait accroître la demande pour ces services à un niveau tel qu'elle dépasserait la capacité actuelle d'y répondre à Nain. Même si le projet n'avait aucune répercussion sur la demande, la commission croit qu'un investissement du gouvernement provincial dans des programmes communautaires de soins de santé préventifs grâce aux recettes supplémentaires qui proviendraient du projet permettrait de soutenir les interventions suivantes :

  • aider les particuliers et les collectivités dans le nord du Labrador remplir leurs fonctions plus efficacement;
  • améliorer la qualité de vie;
  • réduire les dépenses provinciales pour les soins de santé intensifs, les services sociaux et correctionnels.

Selon la commission, de tels investissements seraient un apport efficace la production d'avantages sociaux et économiques durables et équitables.

Recommandation 92

La commission recommande que la province, par l'intermédiaire de la Société de la santé du Labrador (Health Labrador Corporation) et en consultation avec la Commission de santé des Inuit du Labrador (Labrador Inuit Health Commission) et la Commission de santé Innu (Innu Health Commission), évalue les besoins futurs en matière de soins de santé communautaires et de soins de santé préventifs, qu'elle fixe les priorités pour des programmes et services nouveaux ou accrus, et qu'elle établisse ces programmes et services selon les besoins.

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17 Gestion de l'environnement

La gestion de l'environnement, telle qu'abordée dans le présent rapport, inclut les politiques, les procédures et les actions de la VBNC, ainsi que le contexte global, notamment les dispositions réglementaires et la participation des autres parties intéressées. Voici quelques-uns des principaux thèmes qui ont été abordés lors des audiences publiques :

  • le rapport entre la gestion de l'environnement et les différents niveaux de certitude en ce qui concerne les effets prévus du projet;
  • la distinction entre les questions qui doivent être résolues à l'étape de l'évaluation environnementale et celles qui pourraient et devraient être abordées à une étape ultérieure de la délivrance des permis;
  • le lien entre la gestion de l'environnement et les changements qui pourraient être apportés au projet en cours de route;
  • les conséquences de la situation actuelle en matière de revendications territoriales sur la gestion de l'environnement;
  • la nécessité d'une participation réelle des Autochtones aux activités de surveillance, ainsi qu'aux processus de réglementation continue, et les différentes ententes et structures organisationnelles par lesquelles ceci pourrait être accompli;
  • le mode de surveillance, les composantes des programmes de suivi et la pertinence des études de base existantes pour soutenir les programmes en question;
  • les questions relatives à la réhabilitation, y compris une garantie financière suffisante pour tout dommage éventuel.

La VBNC a fourni des renseignements sur son système de gestion de la salubrité et de la sécurité de l'environnement, qu'elle décrit comme un cadre dont elle se sert pour organiser ses efforts de protection de l'environnement, prévenir la pollution et améliorer continuellement son rendement environnemental. La société minière a également décrit le mode de surveillance qu'elle propose.

Le système de gestion de la salubrité et de la sécurité de l'environnement comporterait quatre niveaux de documentation : un manuel portant sur l'ensemble du système, 11 plans de protection environnementale qui seraient mis à jour au besoin pendant toute la durée du projet, des procédures détaillées pour l'exécution de diverses activités, ainsi que les formules et documents utilisés pour soutenir le système. La VBNC est une filiale en propriété exclusive d'Inco Limited, et son système de gestion de la salubrité et de la sécurité de l'environnement est conforme aux procédures et aux politiques d'Inco, de même qu'aux directives de l'entreprise en matière de salubrité et de sécurité de l'environnement. De plus, Inco procède à des vérifications de la salubrité et de la sécurité de l'environnement dans toutes ses divisions, y compris dans ses filiales, et les résultats des vérifications sont présentés au conseil d'administration d'Inco.

Le programme de surveillance que propose la VBNC comporterait deux grandes composantes. Une surveillance de la conformité serait effectuée pour s'assurer que le projet répond aux exigences réglementaires particulières, de même qu'aux normes et objectifs internes. Et une surveillance des effets environnementaux, ou « programme de suivi », qui permettrait de contrôler et de valider les extrapolations de l'évaluation environnementale, de vérifier la justesse des différents modèles utilisés durant le processus, ainsi que de déterminer si les mesures d'atténuation ont été efficaces et si l'environnement a été protégé.

La VBNC propose d'élaborer le programme de surveillance des effets environnementaux en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, par le biais d'accords bilatéraux officiels appelés « partenariats de surveillance ». La VBNC n'a donc pas donné de détails sur les études de surveillance des effets environnementaux qui ont été proposées dans l'étude d'impact environnemental, mais elle a néanmoins exposé les grandes lignes des critères qu'elle utiliserait pour déterminer, parmi les interactions entre le projet et les composantes valorisées de l'écosystème, celles qui feraient l'objet d'une surveillance.

La VBNC a souligné qu'il était important de fonder les études de surveillance sur des objectifs clairs et atteignables, des hypothèses vérifiables, des méthodes pratiques, des indicateurs déterminants pouvant servir de système d'alerte rapide en cas de changement environnemental, des paramètres qui peuvent être mesurés avec précision, de même que des voies de pénétration qui établissent un lien entre les sources de contamination et les récepteurs. Autrement, on risque de procéder à des études qui se révéleraient, selon la VBNC, « riches en données, mais pauvres en information ».

Les partenariats de surveillance, tels que conçus par la VBNC et approuvés par l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu lors des audiences, seraient des « relations d'affaires » visant à assurer la participation des Autochtones à toutes les étapes du programme de surveillance, à intégrer le savoir autochtone et à fournir des rapports efficaces et en temps utile aux communautés locales.

La VBNC propose de financer les activités de surveillance requises pour assurer la conformité à la réglementation, lesquelles incluraient toute forme de suivi exigé aux termes de l'article 38 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. La société minière a toutefois fait part de sa volonté de participer, à titre de partenaire financier, à d'autres programmes visant des objectifs régionaux plus larges et dans le cadre desquels il serait possible d'établir des intérêts mutuels.

17.1 Contexte réglementaire

Le contexte réglementaire relativement à la gestion de l'environnement du projet de la baie Voisey, comporte trois aspects fondamentaux. Le premier a trait aux différentes parties de lois applicables, aux approbations et permis qui y sont liés (L'étude d'impact environnemental en a identifié 50) et aux procédures observées pour accorder de telles approbations, qui peuvent comprendre, ou non, des occasions officielles ou officieuses de procéder à des examens publics et de tenir des consultations publiques.

Le deuxième aspect, sur lequel Environnement Canada a particulièrement insisté, comprend les différentes ententes, stratégies et directives produites par le gouvernement, généralement avec le concours d'autres parties intéressées, et destinées à promouvoir un développement durable par le biais d'une intendance de l'environnement responsable. Bien qu'elles ne lient pas les parties légalement, elles devraient jouer un rôle fondamental en aidant la VBNC à éviter les effets et à prévenir la pollution.

Le troisième aspect est le pouvoir de l'autorité responsable, aux termes de l'article 38 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, d'exiger qu'un promoteur mette en oeuvre un programme de suivi officiel pour vérifier la justesse des prévisions formulées dans le cadre de l'évaluation environnementale d'un projet et de juger de l'efficacité des mesures d'atténuation des effets environnementaux. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a déjà indiqué qu'il exigerait un tel programme et la VBNC a exposé dans ses grandes lignes et en termes généraux ce que le programme devrait inclure, à son avis.

La commission note qu'une fois que les ententes sur les revendications territoriales auront été conclues, le contexte réglementaire changera dans une certaine mesure, tel que discuté au chapitre 4. Bien que les gouvernements fédéral et provincial conserveraient leur autorité en matière de réglementation, ils seraient tenus de recueillir les recommandations des parties autochtones et d'en tenir compte. Le reste du présent chapitre traite donc de la situation actuelle, en l'absence d'ententes sur les revendications territoriales.

Des participants ont exprimé des inquiétudes au sujet de la réglementation du projet, notamment les préoccupations suivantes :

  • Comment les différentes approbations sont-elles accordées, et dans quel ordre? Une ou plusieurs parties du projet pourraient-elles démarrer petit à petit, avant que certaines ententes déterminantes ne soient conclues?
  • Le cadre réglementaire présente certaines lacunes, lesquelles devront être comblées au moyen du processus d'évaluation environnementale, sous forme de conditions.
  • Les processus d'approbation et de délivrance des permis ne permettent pas nécessairement la tenue d'un examen et d'une consultation par le public ou par les parties intéressées. D'importantes décisions relatives au projet pourraient être prises sans la participation des Inuit et des Innu.
  • Les arrangements non officiels qui ont été pris pour recueillir les commentaires de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu dans le cadre des processus antérieurs de délivrance de permis pour des activités d'exploration, bien qu'ils constituent un pas dans la bonne direction, n'ont pas toujours donné des résultats satisfaisants. Les organisations autochtones ont manqué de temps et de ressources pour examiner les demandes, et dans bien des cas, elles n'ont pas obtenu de réactions à leurs commentaires.
  • Puisque les différents permis sont délivrés une pièce à la fois par un grand nombre d'organismes, il est possible que personne ne tienne compte des effets combinés de toutes les activités permises.
  • Bien que plusieurs ministères soient disposés à consulter les parties autochtones intéressées relativement aux différents permis et aux différentes approbations, un tel processus pourrait être un fardeau considérable pour l'Association des Inuit du Labrador et pour la nation Innu.
  • Les organismes gouvernementaux ont certainement de bonnes intentions, mais ils manquent de ressources pour procéder, dans le Nord du Labrador, au type d'inspections sur le terrain qui sont exigées pour assurer le suivi de la conformité.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont recommandé que certaines de ces préoccupations soient abordées par le biais de la négociation d'une entente environnementale qui porterait sur des questions telles que la participation des Autochtones aux processus de réglementation et sur les modalités qui ne sont pas comprises dans les règlements.

Bien qu'un grand nombre de ministères fédéraux et provinciaux joueraient un rôle dans la réglementation continue du projet, le ministère des Pêches et des Océans du Canada, en tant qu'autorité responsable, assumerait des responsabilités permanentes aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale une fois l'étape de l'évaluation environnementale terminée. Les responsabilités en question viendraient s'ajouter aux fonctions du ministère des Pêches et des Océans du Canada en ce qui concerne les poissons, les habitats des poissons, ainsi que la sécurité et la navigation maritimes. Elles comprendraient la supervision du programme de suivi et la coordination de la réponse du gouvernement fédéral au rapport de la commission d'évaluation.

En ce qui concerne Terre-Neuve et le Labrador, le ministère provincial de l'Environnement et du Travail de même que le ministère provincial de l'Énergie et des Mines joueraient des rôles déterminants, bien que la province n'ait pas officiellement indiqué si elle se chargerait de la coordination, ni de quelle façon elle pourrait le faire. Le ministère de l'Énergie et des Mines administrerait le bail d'exploitation minière conformément à la loi provinciale sur les minéraux. Bien que le bail n'exige aucune surveillance constante, ni la production de rapports fréquents, il est probable qu'il constitue un document très important pour ce qui est de garantir l'imputabilité des dommages causés à l'environnement.

17.2 Gestion de l'environnement et incertitude

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont exprimé de vives inquiétudes relativement au fait d'avoir à s'en remettre aux dispositions du régime d'évaluation environnementale pour régler ce qu'elles considèrent comme les incertitudes fondamentales du projet. L'Association des Inuit du Labrador a souligné que la VBNC ne doit pas croire qu'une approbation dans le cadre du processus d'évaluation environnementale donne « carte blanche » à la société minière pour démarrer un projet qui comporte des éléments mal définis. L'Association des Inuit du Labrador a dit craindre plus particulièrement que les aspects du projet relatifs au rythme et l'ampleur de l'exploitation, aux plans de transport maritime et à la mine souterraine « échappent à l'évaluation environnementale », et a affirmé ne pas être convaincue que le système actuel de réglementation et de délivrance des permis puisse mettre fin à de telles échappatoires.

Pour la nation Innu, les incertitudes se rapportent à ce qu'elle considère comme une identification inadéquate des impacts; une incapacité à évaluer pleinement les autres méthodes pour réaliser les principales composantes du projet; et plusieurs « questions non résolues », telles que le plan de réhabilitation, le programme de surveillance et la décision relative au remblayage de la mine à ciel ouvert. La nation Innu a soutenu que la surveillance ne doit pas être considérée comme un remède « aux graves incertitudes qui concernent les effets environnementaux du projet, ni l'évaluation inadéquate d'autres moyens raisonnables de mener à bien le projet ».

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux proposé que la commission interrompe le processus d'évaluation environnementale jusqu'à ce que la VBNC ait résolu les incertitudes en question en fournissant des renseignements supplémentaires. Cependant, l'une et l'autre ont fait d'autres recommandations pour le cas où l'on autoriserait le démarrage du projet.

Du point de vue de la VBNC, il serait préférable de procéder à l'évaluation environnementale au début du processus de planification, lorsque l'évaluation a le plus de chance d'influer sur les décisions à l'étape de la conception. Puisque le projet évoluera inévitablement, du moins dans une certaine mesure, il serait irréaliste de s'attendre à une description complète du projet à l'étape de l'évaluation.

La commission est d'accord avec l'Association des Inuit du Labrador et avec la nation Innu pour dire qu'il reste un certain nombre d'incertitudes l'égard du projet. La commission croit cependant que dans la plupart des cas, de telles incertitudes ne sont pas excessives à cette étape-ci de la planification et de la conception du projet, d'autant plus que certaines d'entre elles se rapportent à des renseignements à venir, qui ne pourraient être obtenus que si la VBNC pouvait entreprendre une exploration souterraine plus poussée.

L'incertitude relative au taux de production et à la durée de vie de la mine est abordée au chapitre 3, Nécessité de réaliser le projet et intendance des ressources, et plus particulièrement dans la recommandation 2. Les questions relatives à l'évaluation des autres moyens de mettre le projet en marche sont abordées dans les sections du présent rapport qui abordent ces questions. Parmi les autres questions relevées au cours de l'évaluation environnementale et qui devront être examinées plus tard au cours du projet, il convient de mentionner :

  • la gestion des résidus pendant l'étape de l'exploitation souterraine (que cela nécessite le développement du North Tailings Basin ou encore le remplacement ou le report de sa mise en service grâce à l'utilisation d'autres solutions de remplacement, comme le remblayage de la mine à ciel ouvert);
  • la réévaluation de la décision de construire un second diffuseur dans la baie Kangeklualuk;
  • toute nouvelle installation de surface liée à l'étape de l'exploitation souterraine, particulièrement à l'Ouest du ruisseau Reid;
  • toute modification apportée au lac Headwater ou au North Tailings Basin, telle que la modification de la hauteur d'un barrage dans le but d'augmenter le volume;
  • la construction d'une installation distincte pour l'évacuation des boues, si nécessaire;
  • la décision à savoir si le trop-plein du lac Headwater pourrait être réacheminé vers le système du ruisseau Reid après l'étape de désaffectation;
  • toute modification importante aux dispositions relatives au transport maritime;
  • l'examen et l'approbation du programme de surveillance et du plan de réhabilitation.

La commission convient, avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, qu'il faut trouver un moyen de s'assurer que le processus décisionnel continue en matière de réglementation et de surveillance des effets environnementaux tienne compte de la participation des Autochtones, ainsi que de l'ensemble des conséquences environnementales.

17.3 Mesures en matière de cogestion de l'environnement

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux stipulé que le projet ne devrait pas démarrer avant que les ententes sur les revendications territoriales ne soient conclues, et ce pour plusieurs raisons. En ce qui concerne la gestion de l'environnement, les deux parties négocient actuellement certaines composantes de la cogestion de l'environnement et des ressources qui pourraient être appliquées au projet de la baie Voisey, ainsi qu'à d'autres aménagements industriels éventuels. Les deux parties ont également indiqué que des dispositions de cogestion fondées sur des revendications territoriales seraient une meilleure façon de procéder que ne le sont les structures spéciales créées projet par projet, car cela leur permettrait d'approfondir davantage les effets cumulatifs de différents projets et constituerait une utilisation plus efficace de leur temps et de leurs ressources. Toutefois, l'Association des Inuit du Labrador, de même que la nation Innu ont fait des recommandations détaillées en matière de structures environnementales, lesquelles serviraient probablement de mesures provisoires si le projet démarrait avant que des ententes sur les revendications territoriales ne soient conclues.

Les conclusions et les recommandations de la commission qui figurent dans le présent chapitre doivent être lues en parallèle avec le chapitre 4, Ententes sur les revendications territoriales et ententes sur les impacts et les avantages, et plus particulièrement avec la recommandation 3. Bien que la commission considère qu'il serait préférable que les gouvernements ratifient une entente de principe avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu avant que le projet ne soit mis en marche, la commission reconnaît que des mesures de remplacement équivalentes permettraient aussi au Canada et à la province d'assumer leurs responsabilités fiduciaires. Le présent chapitre traite des mesures de remplacement en question.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux proposé que les parties au protocole d'entente et la VBNC élaborent et signent une entente environnementale pluripartite. L'entente lierait toutes les parties et servirait de cadre pour la surveillance environnementale. Du point de vue de l'Association des Inuit du Labrador, l'entente permettrait d'officialiser les engagements des entreprises, de fournir un mécanisme pour incorporer le savoir autochtone et d'aborder les questions qui n'auraient pas été étudiées à fond durant l'évaluation environnementale. La nation Innu a également recommandé que l'entente couvre les exigences en matière de réhabilitation, de sécurité financière et de production de rapports, ainsi que l'approbation des différents plans que préparera la VBNC dans le cadre de son système de gestion de la salubrité et de la sécurité de l'environnement.

L'entente environnementale proposée était vraisemblablement fondée sur l'entente similaire qui a été signée au terme de l'évaluation environnementale réalisée pour le projet de mine de diamants de la BHP dans les Territoires du Nord-Ouest. Bien que les parties autochtones aient participé à l'élaboration et à la mise en uvre de l'entente en question, elles n'en étaient pas réellement les signataires. Le but déclaré de l'entente des Territoires du Nord-Ouest était de prévoir des dispositions relatives aux « questions environnementales liées au projet, autres que les questions régies par les lois, les règlements et les instruments de réglementation » et l'entente couvrait une grande partie des sujets proposés par l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu.

Les propositions de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu divergent en ce qui a trait à la question de la mise en uvre de l'entente environnementale. L'Association des Inuit du Labrador a recommandé la mise sur pied d'un organisme indépendant chargé des ententes environnementales et formé de représentants des cinq parties. La nation Innu, pour sa part, a prévu un organisme trilatéral de surveillance environnementale composé de représentants de la VBNC et des deux organisations autochtones. La nation Innu a indiqué que l'organisme en question pourrait être le même que le partenariat de surveillance décrit précédemment.

L'Association des Inuit du Labrador a également proposé deux autres ententes bilatérales : une entente sur le transport maritime, que signeraient la VBNC et l'Association des Inuit du Labrador et qui décrirait de quelle façon fonctionnerait le volet du projet concernant le transport, plus particulièrement les expéditions hivernales; et un plan intégré de gestion des opérations maritimes, que le ministère des Pêches et Océans du Canada et l'Association des Inuit du Labrador élaboreraient conformément aux modalités de la Loi sur les océans. La VBNC a accepté de négocier l'entente sur le transport maritime. Toutefois, le ministère des Pêches et des Océans du Canada a indiqué qu'il devra tenir de nombreuses consultations sur la nouvelle Loi sur les océans avant d'amorcer un processus de planification intégrée de la gestion des opérations maritimes, lequel de toute façon ne pourrait pas être un processus bilatéral. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a laissé entendre qu'il pourrait y avoir d'autres avenues possibles, mais n'a rien précisé à ce sujet au cours des audiences.

La VBNC a critiqué l'entente environnementale proposée et a qualifié d'inutile la mise sur pied d'un organisme indépendant. Elle a également déclaré que de telles propositions estompaient les axes de responsabilité qui, selon la VBNC, seraient beaucoup plus clairement définis dans des partenariats de surveillance bilatéraux établis par le truchement des ententes sur les impacts et les avantages. La VBNC a également souligné qu'elle devrait conserver la responsabilité ultime en matière de surveillance de la conformité, ainsi qu'en matière de décisions gestionnelles liées au projet en ce qui concerne les mesures d'atténuation.

Les gouvernements fédéral et provincial ont indiqué que leurs rôles et leurs processus de réglementation étaient, à leur avis, clairement établis et convenaient au travail à entreprendre, ajoutant que d'autres modalités pourraient être jointes aux diverses approbations du projet, ce qui aurait pour effet de lier toutes les parties. Bien que les gouvernements se soient dits prêts à discuter des façons possibles d'améliorer la participation des Autochtones aux processus de réglementation, ils se sont montrés très discrets quant à la nécessité d'une entente ou d'un organisme indépendant de surveillance.

17.3.1 Gestion de l'environnement : fonctions et liens

La commission croit qu'il est important de préciser les diverses fonctions auxquelles on peut s'attendre d'une nouvelle structure de gestion de l'environnement. A la lumière des renseignements qui ont été présentés durant l'examen, la commission croit que de telles fonctions devraient inclure les aspects suivants :

  • Jusqu'à ce que les ententes sur les revendications territoriales soient conclues, la structure de gestion de l'environnement doit faire en sorte que les gouvernements consultent pleinement les parties autochtones et qu'ils leur permettent de participer aux décisions importantes qui concernent leurs territoires ancestraux.
  • La structure doit promouvoir la coordination parmi les différents organismes gouvernementaux, de même qu'entre les gouvernements fédéral et provincial, pour assurer que les processus de réglementation ne deviennent pas compartimentés au point d'éliminer toute possibilité de perspective d'ensemble.
  • Elle doit faire en sorte que le savoir autochtone, de même que les préoccupations et les priorités locales soient incorporées dans le système de gestion de la salubrité et de la sécurité de l'environnement de la VBNC, ainsi que dans la conception et la mise en uvre du programme de surveillance.
  • Elle doit proposer une façon satisfaisante d'aborder les futurs changements et les futurs développements du projet.
  • Elle doit proposer une façon plausible et efficace de surveiller le programme de suivi, comme l'exige la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
  • Elle doit fournir aux Inuit et aux Innu des occasions de participer directement à la surveillance du projet.
  • Elle ne doit pas surcharger la VBNC de niveaux de bureaucratie additionnels et inutiles.
  • Elle doit refléter le fait qu'une saine gestion de l'environnement et un progrès constant vers la durabilité sont des questions de responsabilité et d'intérêt public.

La commission reconnaît qu'une gestion de l'environnement efficace exigerait trois formes de liens. Le premier unirait la VBNC et les organismes de réglementation. La commission croit qu'un tel lien est bien établi et qu'en général, le secteur minier est bien réglementé - ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de place pour l'amélioration. Toutefois, devant la commission, les parties n'ont pas démontré que le système de réglementation lié au projet présentait des lacunes importantes, sauf en ce qui a trait la réglementation des activités qui touchent les glaces de mer au sud du 60° (et ceci ne concerne pas la législation minière).

Le deuxième lien met en cause la VBNC et les parties autochtones. Bien qu'il soit clair que le lien en question n'est pas tout à fait harmonieux, les trois parties ont néanmoins convenu de négocier des partenariats de surveillance. Par le biais des partenariats en question, les Inuit et les Innu pourraient participer directement aux consultations relatives la conception et à la mise en uvre des études de surveillance, y compris la définition de seuils de déclenchement d'une intervention; participeraient réellement à la surveillance; recevraient régulièrement des rapports sur les résultats de la surveillance; et auraient à leur disposition les ressources nécessaires pour soutenir leur participation. Rien n'indique que de telles dispositions étaient incluses dans les ententes sur les impacts et les avantages qui ont été signées dans les Territoires du Nord-Ouest (quoi qu'il soit impossible de s'en assurer étant donné que les ententes sur les impacts et les avantages sont confidentielles). Dans ce cas, l'entente environnementale était donc conçue de façon à inclure au moins certains de ces éléments.

La commission en conclut que c'est tout à fait dans l'intérêt d'une saine gestion de l'environnement que l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu collaborent étroitement avec la VBNC par le biais de partenariats de surveillance pour maximiser la participation des Autochtones à la conception ainsi qu'à la mise en uvre des plans de système de gestion de la salubrité et de la sécurité de l'environnement, y compris du programme de surveillance. Il n'est pas nécessaire de dédoubler une telle fonction par le biais du volet consultatif d'un organisme de surveillance indépendant. Cependant, cela ne remplace pas l'examen officiel effectué dans des conditions normales ni le rôle de surveillance inclus dans le programme de suivi.

Recommandation 93

La commission recommande que la VBNC négocie avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, dans le cadre de leur entente respectives sur les impacts et les avantages, les partenariats de surveillance que la société minière a proposés. Les partenariats de surveillance doivent assurer la participation des Inuit et des Innu à la conception, à la mise en uvre et à l'évaluation du programme de surveillance. Ils doivent également fournir aux Inuit et aux Innu des occasions d'obtenir la formation nécessaire ainsi que de recueillir et d'analyser des données en ayant recours à des méthodes scientifiques de même qu'à l'observation et aux connaissances autochtones.

Le troisième lien met en cause les parties autochtones et les gouvernements. Selon l'opinion de la commission, ce lien est celui qui est le moins bien défini et le moins bien établi, bien que le protocole d'entente représente en lui-même un pas prometteur dans cette direction. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont déclaré craindre énormément d'être exclues effectivement des processus réglementaires ultérieurs. Par exemple, le ministère des Pêches et des Océans du Canada exige que la VBNC consulte le public avant de présenter des propositions d'indemnisation des habitants pour la perte d'habitat de poisson, mais il ne dispose pas lui-même de processus formel pour poursuivre cette consultation pendant qu'il prépare le plan d'indemnisation, qui est un accord contractuel confidentiel entre le ministère des Pêches et des Océans du Canada et la VBNC. La commission reconnaît que ce troisième lien serait considérablement changé et vraisemblablement amélioré par de nouvelles ententes d'autonomie administrative et de cogestion, lorsqu'on sera parvenu à des ententes sur les revendications territoriales.

L'entente environnementale proposée par l'Association des Inuit du Labrador et par la nation Innu garantirait la participation des Autochtones à l'examen de la surveillance environnementale et permettrait de regrouper un certain nombre de conditions auxquelles la VBNC doit se conformer. La commission convient que ces deux fonctions sont nécessaires, mais elle croit qu'une entente quadripartite, qui poursuivrait la relation établie par le truchement du protocole d'entente, constituerait la meilleure façon de remplir la première fonction.

En ce qui concerne la deuxième fonction, la commission s'inquiète aussi de la possibilité que l'on dépende de façon excessive d'ententes contractuelles pour s'acquitter des fonctions de gestion environnementale qui sont habituellement régies par des règlements. La commission croit que les modalités établies dans le cadre de la présente évaluation, en plus et au-delà des exigences réglementaires existantes, pourraient et devraient être intégrées aux divers permis et approbations pour leur donner un poids juridique convenable et la transparence voulue, ce qui entraînerait l'obligation de rendre compte au public. Il conviendrait que les engagements pris par la VBNC propos des occasions d'affaires et des avantages procurés par les emplois figurent dans des ententes sur les impacts et les avantages, qui lieraient aussi les parties.

L'entente environnementale pourrait être propre au projet, et par conséquent s'appliquer seulement au projet de la baie Voisey. Toutefois, la commission croit qu'il serait plus efficace et plus efficient d'élargir le champ d'application de l'entente pour inclure d'autres activités relatives aux ressources minérales dans le Nord du Labrador, notamment la poursuite de l'exploration.

Recommandation 94

La commission recommande que, avant que les travaux de construction ne démarrent, le Canada, la province de Terre-Neuve et du Labrador, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu négocient une entente de cogestion environnementale pour traiter des aspects biophysiques et socio-économiques de l'exploitation des ressources minérales dans le Nord du Labrador. L'entente devrait établir un mécanisme pour assurer la participation constante des quatre parties dans les processus réglementaires connexes, dans l'examen des futurs aménagements liés au projet et dans l'administration du programme de suivi.

Cette entente devrait aussi répondre aux exigences relatives à la consultation et à la participation dont faisait état la décision Delgamuukw pour justifier l'atteinte aux droits et au titre des Autochtones.

La commission remarque que les quatre parties à cette entente peuvent souhaiter en accroître la portée pour qu'elle englobe les questions relatives d'autres aspects de l'exploitation des ressources dans le Nord du Labrador.

17.3.2 Structures organisationnelles pour la gestion environnementale

Lors des débats tenus en audiences sur les structures organisationnelles destinées à encadrer la surveillance environnementale, des intervenants ont décrit deux organismes indépendants de surveillance établis pour d'autres projets: l'Institut de surveillance et de recherche environnementales, créé à la suite de l'évaluation du programme de vols à basse altitude au Labrador, et l'Agence indépendante de surveillance environnementale, formée pour la mine de diamants Ekati dans les Territoires du Nord-Ouest. L'Institut de surveillance et de recherche environnementales semble viser surtout à promouvoir et à financer la recherche pour appuyer la surveillance des effets. La nation Innu a exprimé des réserves à propos de l'efficacité de cet organisme, optant plutôt, dans les recommandations présentées à la commission relativement à la gestion environnementale, pour une relation plus directe avec la VBNC, qui se traduirait par une surveillance menée en partenariat. L'Institut de surveillance et de recherche environnementales semble mieux correspondre au modèle proposé par l'Association des Inuit du Labrador.

Les deux organismes semblent constituer un moyen grâce auquel on peut tirer parti de compétences hautement scientifiques indépendantes lors de l'examen de programmes de surveillance. Toutefois, dans le cas du projet de la baie Voisey, la commission n'appuie pas cette façon de procéder pour les raisons suivantes. La commission est impressionnée par le haut calibre des scientifiques du gouvernement qui ont participé au processus d'examen et par leur connaissance et expérience du terrain, et elle croit qu'ils devraient continuer à faire bénéficier de leurs connaissances le programme de suivi. La commission estime aussi que les organisations autochtones doivent avoir accès à des connaissances et à des conseils scientifiques, mais que cet accès doit être direct et non relever d'un comité scientifique d'examen travaillant pour une agence indépendante. Un accès direct permettrait de garantir que les conseils scientifiques répondent vraiment aux besoins des organisations autochtones qui pourraient, s'il y a lieu, les intégrer facilement à leur savoir et à leur expertise. Ces organisations pourraient alors faire part de ces conseils directement à la VBNC, par le biais de leur partenariat de surveillance, ou aux autres signataires de l'entente quadripartite mentionnée dans la recommandation 94.

Comme exemple d'intégration efficace de savoir autochtone et des connaissances scientifiques, la commission souligne l'apport appréciable des groupes d'experts Inuit de l'Association des Inuit du Labrador lors des audiences. La commission verrait l'utilisation directe de conseillers scientifiques par les organisations autochtones comme une excellente occasion de poursuivre ce genre d'intégration.

La commission reconnaît la nécessité d'une participation complète des Autochtones à l'examen de la mise en uvre et des résultats du programme de surveillance. En outre, la commission croit qu'une agence indépendante de surveillance ne constituerait pas un mécanisme approprié parce que le partenariat proposé assurerait une participation directe des Autochtones la conception et à la mise en uvre du programme de surveillance. La commission ne croit pas que la VBNC devrait être tenue de financer en même temps les partenariats de surveillance et une agence distincte.

La commission en conclut que les gouvernements fédéral et provincial, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, devraient renoncer la création d'une agence indépendante et créer plutôt conjointement le Conseil consultatif de l'environnement, qui serait expressément chargé d'évaluer de façon permanente la performance de la VBNC en matière d'environnement et de traiter des préoccupations et des problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent. Le rôle du Conseil consultatif comprendrait la formulation de recommandations et l'examen des aspects suivants :

  • les demandes de permis initiales et ultérieures;
  • la version définitive du système de gestion de la salubrité et de la sécurité de l'environnement de la VBNC, ainsi que des plans de protection environnementale de la société minière;
  • les résultats de la surveillance de la conformité à la réglementation;
  • les activités entreprises dans le cadre du programme de suivi, y compris de la surveillance des effets environnementaux;
  • d'autres questions relatives au projet que l'une ou l'autre des quatre parties ou la VBNC souhaiterait soumettre au Conseil consultatif de l'environnement.

Le ministère ou organisme fédéral ou provincial responsable prendrait encore les décisions finales sur les questions liées à la réglementation, sauf s'il a expressément délégué ce pouvoir au Conseil consultatif de l'environnement. On établirait toutefois des protocoles d'entente pour donner au Conseil suffisamment de temps pour faire ses recommandations, ainsi que pour assurer que ces recommandations soient soigneusement étudiées et que le Conseil reçoive de l'information en retour. En même temps, la commission croit que le Conseil et les parties concernées devraient rendre les processus d'examen aussi efficaces que possible, pour éviter de retarder ou gêner inutilement la VBNC.

A l'instar de l'entente sur l'exploitation des ressources minérales, le conseil consultatif pourrait viser spécifiquement le projet de la baie Voisey, ou pourrait, de façon plus efficace, remplir un mandat élargi touchant toutes les questions relatives à l'exploration et à l'exploitation des ressources minérales dans le Nord du Labrador.

Recommandation 95

La commission recommande que, en vertu de l'entente de cogestion environnementale, les quatre parties au protocole d'entente devraient établir un Conseil consultatif de l'environnement pour le Nord du Labrador, dont le mandat consisterait à examiner les résultats de la surveillance de la conformité la réglementation et les résultats du programme de suivi établi en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale; de vérifier les demandes de permis et les futures propositions d'aménagement aux fins du projet; de traiter les questions et les problèmes de gestion environnementale récurrents. Le Canada et la province assureraient le financement des opérations de ce conseil, qui devrait comporter un secrétariat pour coordonner les fonctions administratives et scientifiques. Le Conseil devrait publier un rapport annuel.

Pour aider le Conseil consultatif de l'environnement dans son travail, la commission juge que la VBNC devrait regrouper les divers exigences et engagements environnementaux et socio-économiques en un seul document qui servirait de référence pour évaluer la performance du projet.

Recommandation 96

La commission recommande que, avant que la construction ne commence, la VBNC prépare un document portant sur sa performance environnementale et qui indique clairement les principales modalités selon lesquelles le projet serait réalisé et tous les engagements pris par la VBNC, y compris toutes les normes de performance, les garanties financières, les objectifs, les quotas et les modalités de présentation des rapports. Le document devrait indiquer pour chaque cas la raison juridique correspondante (par exemple : joint pour répondre à une condition posée pour une approbation en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, inclus dans une entente sur les impacts et les avantages ou dans une entente librement conclue). Ce document serait conçu pour aider la VBNC à rendre compte de sa performance environnementale et pour aider les gouvernements, les organisations autochtones et le public à l'évaluer.

17.3.3 Entente sur le transport et plan de gestion des opérations maritimes

L'Association des Inuit du Labrador et la VBNC ont déjà convenu de négocier une entente bilatérale sur le transport, destinée à fixer les modalités selon lesquelles il sera effectué, particulièrement dans la banquise côtière de la zone du projet. Ces modalités comprendraient notamment des mesures de surveillance. Bien que le transport hivernal ne commencerait pas avant un certain nombre d'années, l'Association des Inuit du Labrador souhaite, avant que la construction ne commence, négocier certaines dispositions relatives au transport pendant la saison des eaux libres. Ces dispositions pourraient porter sur la vitesse, le bruit, les effets sur les oiseaux et le calendrier de navigation.

L'Association des Inuit du Labrador espère aussi élaborer, sous l'égide de la Loi sur les océans un plan intégré de gestion des opérations maritimes qui pourrait en fin de compte englober une partie ou toutes les dispositions prévues dans l'entente sur le transport. Au départ, le ministère des Pêches et des Océans du Canada avait déclaré à la commission, lors des audiences, que l'établissement d'un tel plan serait une activité entièrement appropriée et réalisable aux termes de la Loi sur les océans. Par la suite le ministère des Pêches et des Océans du Canada a toutefois indiqué qu'il n'est pas encore en mesure de passer au processus de planification à l'aide d'un tel mécanisme et n'a pas indiqué quand il serait prêt à le faire.

Des faits présentés pendant l'examen ont convaincu la commission que la législation et les systèmes de gestion des ressources existants ne protègent pas convenablement les intérêts des Inuit du Labrador et de tout autre utilisateur de la banquise. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada n'avait guère d'espoir que la législation pourrait être modifiée rapidement et a ajouté que si la Loi sur les océans est prometteuse, on ne peut s'en servir immédiatement. Tel qu'indiqué au chapitre 10, la commission estime que trop d'incertitudes entourent encore les effets du transport hivernal, et qu'elles doivent être résolues de façon satisfaisante avant que le transport hivernal puisse être autorisé. La commission croit aussi comprendre que la conclusion d'une entente sur des revendications territoriales pourrait assigner à l'Association des Inuit du Labrador un rôle important dans la gestion des opérations maritimes.

Compte tenu de toutes ces circonstances, la commission reconnaît la pertinence de négocier une entente sur le transport. La commission reconnaît les intérêts de l'Association des Inuit du Labrador dans la gestion des zones de banquise côtière, et elle est par conséquent d'accord avec la position de l'Association selon laquelle cette entente devrait être négociée bilatéralement. La commission croit toutefois que l'entente pourrait être renforcée si le ministère des Pêches et des Océans du Canada participait au processus. Ce ministère a soulevé une question précise : la possibilité qu'une entente bilatérale puisse nuire à la sécurité des navires en restreignant la liberté du capitaine de prendre des décisions. Bien que cela semble improbable, car ni la VBNC, ni l'Association des Inuit du Labrador ne souhaitent compromettre la sécurité de la navigation, une telle réserve indique que la Garde côtière canadienne pourrait avoir un rôle utile à jouer dans ce processus, en raison de ses connaissances, de son expérience et de ses responsabilités réglementaires.

La commission croit qu'une entente bilatérale est, dans ce cas, un compromis raisonnable, compte tenu des intérêts des deux parties et du délai probable avant que le gouvernement fédéral ne soit en mesure de modifier la loi. L'entente comprendrait toutefois des questions qui intéresse un vaste public; aussi la commission encourage-t-elle les deux parties à rendre public le contenu de cette entente, pour maintenir la transparence du processus de gestion environnementale. Ce contenu comprendrait les résultats des études sur l'entreposage des concentrés.

Recommandation 97

La commission recommande que la VBNC négocie une entente sur le transport avec l'Association des Inuit du Labrador avant que la construction du projet ne commence. Au départ, cette entente devrait traiter des protocoles pour le transport pendant la période des eaux libres, ainsi que des modalités à suivre pour les questions qui n'ont pas encore été réglées propos du transport hivernal. La commission recommande aussi que le ministère des Pêches et des Océans du Canada joue dans ce processus un rôle de conseiller en ce qui concerne les questions de sécurité maritime et de protection environnementale.

La commission convient avec l'Association des Inuit du Labrador que la région de la côte septentrionale du Labrador a besoin d'une planification et d'une gestion maritime coordonnées, surtout pour gérer les effets cumulatifs d'autres projets ou l'accroissement du transport à travers les glaces. La commission convient aussi que l'environnement marin du Labrador mérite une protection équivalente à celle qui est fournie à des écosystèmes plus septentrionaux, mais semblables. Comme l'ont expliqué certains intervenants au cours des audiences, les Inuit du Labrador sont aussi dépendants de la glace de mer que ne le sont les Inuit vivant au Nord du 60° de lattitude.

La commission prévoit que l'Association des Inuit du Labrador serait lorsque ses revendications territoriales seront réglées, dans une position plus forte pour poursuivre ce but, mais qu'elle aurait encore besoin de la collaboration du ministère des Pêches et des Océans du Canada. Tout en étant consciente que l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les océans représente pour le ministère des Pêches et des Océans du Canada de fortes demandes en matière de temps et de ressources, la commission croit néanmoins que le gouvernement fédéral devrait fournir les ressources nécessaires pour entreprendre, à tout le moins, l'élaboration d'un plan de gestion des opérations maritimes dans le Nord du Labrador. Il pourrait être impossible pour le moment de procéder à une planification complète, mais la commission incite le ministère des Pêches et des Océans du Canada et l'Association des Inuit du Labrador à déterminer des étapes préliminaires et éventuellement des solutions de remplacement pour une gestion maritime élargie, comme le ministère des Pêches et des Océans du Canada l'avait suggéré lors de la dernière séance technique tenue dans le cadre des audiences.

Recommandation 98

La commission recommande que le ministère des Pêches et des Océans du Canada et l'Association des Inuit du Labrador entreprennent des pourparlers en vue de déterminer les domaines d'intérêt, les priorités, les ressources et les occasions relativement à la planification de la gestion maritime, pour déterminer quels pourraient être les premiers éléments d'un processus de planification intégrée de gestion des opérations maritimes. Ces pourparlers devraient être conçus pour aboutir dans un délai raisonnable à un protocole d'entente. Ce processus de planification devrait préférablement s'appuyer sur les dispositions de l'article 31 de la Loi sur les océans; sinon, le ministère des Pêches et des Océans du Canada devrait indiquer une autre façon de procéder.

La figure 17.1 indique les rapports des diverses ententes et unités organisationnelles entre elles et avec le projet.

17.4 Système de gestion environnementale de la VBNC

La commission reconnaît que le secteur minier canadien a réalisé d'énormes progrès en matière de gestion environnementale au cours des dernières années. Il leur est de moins en moins facile d'échapper à leur responsabilité en cas de piètre performance environnementale et c'est devenu, par le fait même, un facteur important du maintien de la viabilité générale de l'entreprise. La commission reconnaît aussi le rôle qu'ont joué les gouvernements, les groupes de travailleurs et les groupes de défense de l'intérêt public dans l'amélioration de ces performances. La commission a été impressionnée par le cadre du système de gestion environnementale soumis par la VBNC. Elle croit que la société minière, appuyée par sa société mère, possède les connaissances et l'expérience requises pour mener à bien son projet.

Les gouvernements fédéral et provincial ont indiqué qu'ils aimeraient aider à l'élaboration et au peaufinage de certains aspects des plans de protection de l'environnement. Environnement Canada, par exemple, souhaite travailler avec la VBNC à l'élaboration de plans de prévention de la pollution et de gestion des déchets, et le ministère provincial de l'Environnement et du Travail souhaite pour sa part élaborer des protocoles d'auto-vérification environnementale, de concert avec la VBNC. Pour leur part, la nation Innu et le ministère des Pêches et des Océans du Canada veulent que les organismes de réglementation et les autres parties intéressées approuvent tous les programmes de protection de l'environnement et leurs mises à jour ultérieures.

La VBNC a fourni des renseignements sur son programme de santé et de sécurité au travail, qui veillerait à recueillir les commentaires des employés par l'entremise d'un comité qui se réunirait tous les mois. Un expert s'exprimant au nom de la nation Innu a proposé une liste abondante de recommandations concernant les programmes de santé et de sécurité au travail. Il a également évoqué le fait que l'exploitation minière du nickel était extrêmement dangereuse pour la santé des travailleurs. La commission mentionne que la documentation citée à l'appui de ce témoignage concerne surtout l'effet qu'avaient sur la santé les anciennes méthodes de traitement du nickel, alors que le projet de la baie Voisey prévoit un tout autre genre d'opérations. A la lumière de ces constatations, elle n'est pas convaincue que les travailleurs de la mine et de l'usine de concentration de la baie Voisey seraient soumis à des risques inacceptables pour la santé.

La commission constate qu'à l'instar de la gestion environnementale effectué en général par le secteur minier, celui-ci a apporté beaucoup d'améliorations au niveau de la santé et de la sécurité, sauf dans le cas de quelques exceptions notoires. On doit ces améliorations aux travailleurs du secteur dont les syndicats ont exercé des pressions. On a dit craindre que si les employés du projet choisissaient de ne pas se syndiquer à l'étape de l'exploitation, les employés nouvellement arrivés dans le secteur minier, un groupe qui engloberait probablement la plupart des employés autochtones, n'auraient ni l'expérience, ni l'appui organisationnel nécessaire pour assurer la protection de leurs intérêts. La commission prend bonne note de cette préoccupation, mais souligne qu'il y aurait certainement des employés expérimentés sur le chantier et que les intérêts des employés autochtones seraient également défendus par l'Association des Inuit du Labrador et par la nation Innu dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages, ainsi que par l'entremise des partenariats de surveillance.

La commission note que plusieurs des recommandations faites par l'expert de la nation Innu tombent dans le champ de compétence des organismes de réglementation provinciaux. Elle croit qu'une enquête approfondie des questions qui touchent la santé et la sécurité au travail dépasse le cadre de l'évaluation environnementale. Elle estime toutefois que le Conseil consultatif de l'environnement constituerait la meilleure tribune pour débattre les questions en suspens.

Recommandation 99

La commission recommande que la VBNC élabore, avant le début des travaux de construction, des programmes de protection de l'environnement, des plans d'intervention en cas d'urgence, ainsi que des programmes de santé et sécurité au travail, de concert avec les organismes de réglementation, et que ces plans ou ces programmes soient soumis à l'examen du Conseil consultatif de l'environnement qui formulera ses recommandations. Les programmes de protection de l'environnement et d'intervention en cas d'urgence devront être élaborés sous une forme utilisable sur le terrain et devront faire l'objet de révisions et de mises à jour périodiques.

17.5 Réhabilitation

Les principaux objectifs de la fermeture de l'exploitation minière et des programmes de réhabilitation, tels que définis par la VBNC, viseraient la protection de la sécurité et de la santé publiques, la réduction des coûts liés à l'entretien et à la surveillance postérieures à la fermeture, ainsi que la réduction des facteurs susceptibles d'endommager l'environnement. La VBNC élaborerait un plan détaillé relativement à la fermeture de la mine et ce, plusieurs années avant sa fermeture formelle. Peu de temps avant les audiences, la VBNC a soumis à la commission un plan de travail concernant la réhabilitation du terrain, un document distinct de l'étude d'impact environnemental. La réhabilitation se ferait progressivement; autrement dit, les zones altérées et les installations du projet seront réhabilitées au fur et à mesure qu'elles ne seront plus nécessaires.

Les aires de stockage des morts-terrains et des roches de mine non minéralisées seraient disposées en pentes convenables et stables et on restaurerait le couvert végétal sur les parties sujettes à l'érosion. On retirerait les bâtiments et les structures et tout emplacement altéré serait aménagé et profilé. La VBNC demanderait aux résidents locaux s'ils veulent ou non conserver en tout ou en partie le réseau de transport (les routes, le port et la piste d'atterrissage) pour les urgences. Dans la négative, la VBNC retirerait les structures, les ponceaux et les ponts, puis elle décompacterait la surface des routes et de la piste d'atterrissage. Ces surfaces seraient ensuite ensemencées ou laissées telles quelles en vue d'une restauration naturelle de la végétation. Les pipelines de surface seraient enlevés et ceux qui sont situés sous terre seraient retirés ou encore nettoyés et bouchés.

La réhabilitation de la mine à ciel ouvert, notamment en ce qui concerne les solutions de remplacement, sont abordées au chapitre 6, Gestion des résidus, des déchets rocheux et des eaux usées de la mine.

La désaffectation et les activités finales de réhabilitation pourraient prendre jusqu'à deux ans. Un programme d'inspection et de surveillance veillerait à vérifier la qualité de l'eau, à s'assurer de la stabilité des parois de la mine à ciel ouvert et des amoncellements rocheux, ainsi qu'à suivre les progrès des opérations de revégétation. L'étude d'impact environnemental a aussi déterminé quelques-unes des mesures à prendre en cas de fermeture temporaire pour des raisons opérationnelles ou économiques.

Les exigences en matière de réhabilitation feraient intégralement partie du bail minier et la VBNC aurait l'obligation de satisfaire à toutes ces exigences avant l'échéance du bail. Le bail courant exige de la société minière qu'elle s'assure que les pentes de tous les secteurs exploités de la mine ne dépassent pas 30 degrés et qu'elle remplace le sol sous les piles de stockage et rétablisse le couvert végétal. Dans les secteurs environnants, la société minière devra « remettre le paysage dans l'état où il était immédiatement avant le début des activités ou encore, dans un état qui, de l'avis du ministre, ne sera pas préjudiciable au paysage .

Les préoccupations suivantes ont été manifestées lors de l'examen :

  • la nécessité d'établir des normes et des lignes directrices en matière de performance environnementale, de manière à assurer une réhabilitation fructueuse;
  • des questions relatives à l'utilisation de produits végétaux indigènes;
  • la nécessité de tenir compte des commentaires du public en ce qui a trait à l'élaboration, à l'application et à la surveillance du programme de réhabilitation;
  • la nécessité d'offrir des garanties financières, pour assurer la disponibilité des fonds nécessaires pour mener à terme la réhabilitation.

La commission croit qu'aux yeux de nombreuses personnes, la réhabilitation constitue l'un des enjeux fondamentaux du projet, essentiellement pour deux raisons. Premièrement, les habitants du Labrador connaissent très bien les conséquences des activités minières lorsqu'elles ne sont pas assorties d'une obligation en matière de réhabilitation. Schefferville en est un bon exemple. Deuxièmement, pour les Innu et les Inuit, le respect du territoire et les soins qu'il faut lui prodiguer constitue une composante fondamentale de leur vision du monde. La commission reconnaît que pour plusieurs Autochtones, en particulier les aînés, le projet minier représente une atteinte à l'intégrité du territoire, malgré toute la vigilance dont on ferait preuve lors de la construction et de l'exploitation. Tout cela crée un sentiment de perte, particulièrement dans le cas de la baie Voisey qui occupe une place particulière dans le c ur des Innu et des Inuit. La commission estime qu'un programme de réhabilitation n'éliminerait pas nécessairement ce sentiment de perte, mais il permettrait de démontrer qu'on se soucie du territoire et qu'on préconise une bonne intendance son égard. Ce programme offrirait aussi aux Innu et aux Inuit la possibilité de participer au processus de « guérison » du territoire.

La commission en conclut que la VBNC devrait par conséquent s'assurer que le peuple autochtone joue un rôle de premier plan dans tous les aspects de la stratégie de réhabilitation, permettant ainsi de tirer parti de leurs connaissances écologiques traditionnelles, tout en leur offrant la possibilité de mettre en valeur leurs compétences et d'acquérir de nouvelles connaissances. Les partenariats de surveillance proposés pourraient alors être renommés, à juste titre, partenariats de surveillance et de réhabilitation.

Recommandation 100

La commission recommande que la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu négocient, dans le cadre des partenariats de surveillance, une entente qui comporterait d'importants niveaux de participation des Autochtones en matière de recherche, de planification, d'application et de surveillance du plan de réhabilitation au cours de la phase postérieure la désaffectation. Cette entente devrait comprendre un bon mécanisme de transfert du savoir autochtone, de même que de leurs compétences et connaissances techniques en matière de réhabilitation. Par le biais de cette entente, la VBNC et les partenaires Innu et Inuit seraient en mesure de collaborer à l'élaboration d'objectifs raisonnables et réalisables pour le processus de réhabilitation.

De l'avis de la commission, le cadre défini pour le plan de réhabilitation donne une bonne idée de la démarche qu'adopterait la VBNC. Il indique un certain nombre de défis que la société minière aurait à relever à cause du climat subarctique. En outre, il fait état de la nécessité de réaliser un programme de recherche continu pour trouver les façons les plus efficaces et pratiques de rétablir le couvert végétal aux endroits altérés.

Dans le cadre qu'elle a défini pour son plan de réhabilitation, la VBNC reconnaît le besoin de réduire au strict minimum le nombre d'endroits accidentés et de s'assurer que les activités ne causeront pas de dommages inutiles. La commission félicite la VBNC pour le mode d'action qu'elle envisage, mais elle reconnaît aussi qu'il n'est pas toujours facile de s'assurer que tous les travailleurs agiront en fonction des effets à long terme, surtout quand ils sont dans le feu de l'action. C'est pourquoi il sera important de trouver des façons de concrétiser la vision de la société minière, pour qu'à partir du premier jour de travail, les employés de la VBNC, les entrepreneurs et les sous-traitants travaillent déjà dans la perspective de la réhabilitation du paysage.

Recommandation 101

La commission recommande que la VBNC élabore, dès que possible et avant le début de la construction, des politiques et des systèmes de production de rapport et de reddition de comptes, pour s'assurer que les objectifs établis en matière de réhabilitation soient intégrés à tous les aspects de la conception, de la construction et de l'exploitation du projet, particulièrement en vue de réduire au minimum l'étendue des perturbations. A cette fin, la VBNC devrait :

  • poursuivre l'élaboration du plan de réhabilitation, en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu;
  • réviser tous les plans de construction et d'exploitation en fonction de la réhabilitation des lieux;
  • donner une formation pertinente aux employés et organiser des séances de sensibilisation;
  • assurer la surveillance de la conformité au plan de réhabilitation;
  • produire des rapports sur l'avancement des travaux, destinés autant l'interne qu'à l'externe.

17.6 Garanties financières

Au cours de l'examen, certains participants ont exprimé des préoccupations en ce qui concerne la nécessité d'offrir des garanties financières visant s'assurer des aspects suivants :

  • qu'on sera en mesure de remédier ou de verser des indemnités en cas de dommages causés par des déversements ou des dommages accidentels;
  • que l'emplacement sera fermé de manière appropriée et réhabilité la fin du projet ou en cas de fermeture temporaire, et que tous les facteurs susceptibles d'endommager l'environnement seront neutralisés;
  • que des ressources suffisantes seraient disponibles pour veiller ce que les résidus et les stériles minéralisés soient submergés en permanence et pour assurer une surveillance à long terme.

Ces préoccupations concernent également les activités des entrepreneurs et des sous-traitants.

La VBNC a proposé de souscrire, dans la mesure du possible, à une assurance responsabilité contre toute atteinte à l'environnement, pour couvrir les coûts qui seraient liés aux interventions d'épuration en cas d'accident. Les autres dommages qui ne sont pas admissibles à une assurance responsabilité seraient couverts par une auto-assurance soutenue par l'actif d'Inco, société mère de la VBNC.

Le ministère provincial des Mines et de l'Énergie s'emploie à élaborer une nouvelle loi sur les mines, en vertu de laquelle le ministre possédera l'autorité formelle de demander des garanties financières lors de l'approbation d'un bail minier. Toutefois, dans le contexte législatif actuel, le ministère a déjà demandé aux sociétés minières de la province de s'engager financièrement assumer les coûts liés à la réhabilitation qu'il faudra réaliser. On constate donc que le principe et la mise en application sont déjà bien établis. A l'étape actuelle, la province n'est pas en mesure de préciser ce qu'elle estimerait être des garanties acceptables. Elle est toutefois extrêmement consciente des risques qu'elle pourrait encourir si aucun arrangement satisfaisant n'était pris, car la responsabilité incomberait alors aux habitants de Terre-Neuve et du Labrador.

La nation Innu a critiqué la notion d'auto-assurance. S'il advenait que la société minière éprouve des difficultés financières, il serait alors trop tard pour négocier le recours à d'autres garanties financières ou d'autres outils de garantie financière. La nation Innu était également préoccupée par le fait que les sociétés mères n'honorent pas toujours les engagements de leurs filiales. Ils ont recommandé qu'au moins une source de garantie soit exigée de la VBNC, notamment le cautionnement des coûts de réhabilitation, un dépôt de garantie, une garantie d'Inco fondée sur des éléments d'actif matériels, une marge de crédit ou des fonds en fiducie réservés à la surveillance. La nation Innu a également demandé que des dispositions soient prises en vue de permettre à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu d'avoir accès à ces fonds, le cas échéant.

Dans le cas de la mine de diamants Ekati dans les Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement a non seulement exigé que la société minière verse périodiquement des fonds dans un dépôt de garantie (dont le montant a été établi en fonction des progrès réalisés dans les travaux prévus au programme de réhabilitation continue), mais il a aussi demandé une « garantie irrévocable » de 20 millions de dollars. Dans son plan de réhabilitation, la VBNC estime le coût total de la désaffectation et de la réhabilitation à environ 60 millions de dollars.

La commission reconnaît que les garanties financières constituent une composante essentielle du processus de gestion environnementale, contrairement l'auto-assurance intégrale qui ne peut être envisagée comme une solution convenable. La commission reconnaît toutefois que les autres outils financiers, tels les cautionnements, posent également problème. Par exemple, si une compagnie voit sa cote de solvabilité abaissée en deçà d'un certain niveau, le cautionnement qu'elle aura obtenu cessera d'être garanti. Il existe cependant tout un éventail d'outils financiers. La province devrait spécifier, dans le bail minier, quels sont les outils qui procurent des garanties suffisantes, tout en n'accablant pas la VBNC d'un fardeau financier inutile.

La commission estime que, à la lumière de l'expérience acquise dans le cadre d'autres projets, notamment le projet de la mine de diamants Ekati, le ministère provincial des Mines et de l'Énergie devrait effectuer des recherches relativement aux autres options. Avant de joindre de telles exigences au bail minier, le ministère devrait aussi solliciter, auprès des autres parties intéressées, différents avis concernant ces options, par l'entremise du Conseil consultatif de l'environnement qui sera créé.

Recommandation 102

La commission recommande que le ministère des Mines et de l'Énergie de Terre-Neuve et du Labrador s'informe auprès du Conseil consultatif de l'environnement avant de décider des exigences pertinentes en matière de garanties financières qu'il conviendrait de joindre au bail minier. De telles garanties devraient entrer en vigueur graduellement pour couvrir les coûts estimés de réhabilitation et de surveillance postérieure à la désaffectation, en tout temps au cours du projet, et devraient comprendre des sommes en espèces appropriées. Ces garanties peuvent aussi prendre la forme de cautionnements, de liens sur des éléments d'actifs ou de garanties irrévocables.

17.7 Programmes de surveillance et de suivi

Parfois, au cours de l'examen, les termes « surveillance » et « suivi ont créé une certaine confusion. La surveillance peut comprendre la surveillance de la conformité et la surveillance des effets environnementaux. La surveillance de la conformité est une fonction réglementée qui incombe la VBNC. La surveillance des effets n'est pas réglementée pour le moment, mais Environnement Canada prévoit que le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux comprendra éventuellement des exigences en matière de surveillance des effets. Tout dépendant de l'enjeu, la surveillance des effets pourrait être effectuée par la VBNC ou par d'autres parties concernées.

Cependant, en vertu des dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, l'autorité responsable, dans ce cas-ci, le ministère des Pêches et des Océans du Canada, est en droit d'exiger que le promoteur mette en uvre un programme de suivi pour vérifier l'exactitude de l'évaluation environnementale ou pour déterminer l'efficacité des mesures d'atténuation. Un tel programme pourrait comprendre la surveillance des effets.

Dans les renseignements supplémentaires fournis à la commission, la VBNC a présenté un cadre de surveillance provisoire, indiquant qu'elle a l'intention de réviser ce cadre en collaboration avec les organismes gouvernementaux concernés, ainsi qu'avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu par le truchement des partenariats de surveillance. Le cadre de surveillance s'intéresse uniquement à la surveillance biophysique; la VBNC maintient que la surveillance des effets socio-économiques incombe à d'autres parties.

17.7.1 Surveillance des effets biophysiques

La VBNC a fourni une liste préliminaire des composantes valorisées de l'écosystème qui seront surveillées. Au cours des audiences, les critères utilisés pour dresser cette liste ont suscité plusieurs débats. La VBNC a fait valoir que la surveillance devrait porter surtout sur les composantes valorisées de l'écosystème qui, d'après l'étude d'impact environnemental, seront probablement touchées par le projet; autrement dit, les composantes pour lesquelles on a déjà établi qu'elles subiraient les effets des contaminants produits par le projet, à cause de l'existence d'une voie de pénétration. En outre, de nombreuses personnes ont indiqué qu'il y aurait toutefois de bonnes raisons de surveiller certaines composantes valorisées de l'écosystème pour lesquelles aucun effet n'a été prévu, pour vérifier l'exactitude des prévisions de l'étude d'impact environnemental. Lors des audiences, la VBNC a reconnu la validité et cet argument et a indiqué son désir de considérer la surveillance de certains secteurs supplémentaires.

On a aussi débattu du niveau trophique qu'il conviendrait de soumettre une surveillance. Les prédateurs au sommet ou près du sommet de la chaîne alimentaire, tels les rapaces ou les mammifères de plus grande taille sont souvent ceux dont le public s'inquiète le plus, mais ils ne sont pas nécessairement les plus susceptibles de fournir le plus de renseignements utiles aux fins d'un programme de surveillance. Les transformations susceptibles de se produire dans la chaîne alimentaire peuvent se manifester beaucoup plus tard au niveau trophique supérieur. En outre, il peut parfois être difficile de faire la distinction entre les nombreuses autres influences que subissent les prédateurs de ce niveau trophique et les influences qu'exerce sur eux le projet. Des participants aux audiences ont soutenu que la surveillance devrait plutôt porter sur des sujets tels que le périphyton, les macro-invertébrés benthiques, les lichens et autres petits mammifères qui seraient susceptibles de signaler plus tôt, et de façon plus précise, les effets du projet.

Par ailleurs, les effets sur les espèces des niveaux trophiques plus élevés ne sont pas tous indirects, liés à la chaîne alimentaire. On a aussi fait part à la commission des préoccupations suscitées par le fait que la VBNC ne se proposait pas de surveiller les mammifères marins, les caribous, les ours polaires et la sauvagine. La commission aborde cette question dans d'autres chapitres du présent rapport. La nation Innu, forte de son expérience avec l'Institut de surveillance et de recherche environnementales, a recommandé que la commission détermine les composantes valorisées de l'écosystème qui devraient être visées par le programme de surveillance, pour éviter de longs débats sur la question. Lors des audiences, la nation Innu convenait qu'il importait davantage d'établir en premier lieu une structure efficace de gestion environnementale offrant la possibilité de collaborer, dans une perpective d'efficacité, en vue d'élaborer un programme de surveillance susceptible de répondre aux intérêts des différentes parties. Les recommandations de la section 17.3 ont été formulées dans cette optique.

La nation Innu a également fait état de l'importance d'offrir un accès public en temps opportun aux données brutes et aux résultats analytiques du programme de surveillance, et elle a discuté des avantages qu'il y aurait à déterminer une zone de référence en vue de distinguer les altérations causées par le projet de celles qui sont causées par des influences environnementales d'une ampleur plus considérable, telles le climat ou le transport atmosphérique de contaminants sur de longues distances.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a indiqué qu'il jouerait deux rôles distincts, soit celui de conseiller et celui d'organisme de réglementation. A titre d'autorité responsable, le ministère demanderait la VBNC de lui soumettre, avant le début des travaux de construction, le programme qu'elle propose, à des fins d'examen et d'approbation, et de démontrer qu'elle a consulté adéquatement les parties intéressées. Le ministère a indiqué que le programme de surveillance doit être soutenable sur le plan scientifique et comporter des objectifs de surveillance précis qui reposent sur des hypothèses vérifiables. Les parties s'entendent sur ce point.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a également recommandé que la VBNC ajoute de nombreux paramètres aux volets du programme de surveillance qui concerne les milieux d'eau douce et marin; qu'elle effectue des études supplémentaires sur les conditions de base; qu'elle élargisse ses connaissances, vraisemblablement au moyen de diverses expériences, sur la toxicité éventuelle que peut produire le rejet en mer des effluents de nickel, de cuivre et de cobalt sur les espèces locales. (Voir le chapitre 7, Contaminants dans l'environnement et le chapitre 9, Environnement marin : Effets d'origine terrestre).

Par ailleurs, la VBNC a présenté, lors des audiences, une autre démarche qui mettait davantage l'accent sur la vérification des prévisions concernant les concentrations de contaminants et sur leur déplacement par les voies de pénétration dans le milieu aquatique, plutôt que sur les effets éventuels de ces contaminants sur diverses espèces et sur leur concentration dans ces espèces. La société minière a aussi proposé des mesures d'atténuation pratiques, le cas échéant.

Il semble que quelques-unes des frictions manifestes observées au cours de l'examen entre le ministère des Pêches et des Océans du Canada et la VBNC résultent des différences qui existent entre chacune des deux démarches : l'une, scientifique, cherche à comprendre davantage le fonctionnement des écosystèmes; l'autre, technique, cherche d'abord à éviter les problèmes ou à les détecter et à y remédier. Les deux démarches peuvent, et devraient dans le cas qui nous préoccupe, être complémentaires, à condition que les deux parties puissent se concentrer sur des domaines déterminants pour lesquels une connaissance écosystémique plus élargie constitue la meilleure façon de rehausser la pratique technique et d'améliorer par conséquent la performance environnementale.

La commission juge que les parties intéressées semblent avoir suffisamment de terrains d'entente, sur des questions majeures, pour leur permettre d'établir un consensus raisonnable en ce qui concerne la surveillance. Tous souhaitent un système de surveillance capable de fournir des renseignements significatifs et qui se fonde autant sur des connaissances scientifiques que sur le savoir autochtone. La commission croit qu'il est important de prendre le temps requis et d'investir les efforts nécessaires pour s'entendre sur le cadre de référence de la surveillance, qui devrait être beaucoup plus qu'une liste de points à surveiller. On devrait mettre l'accent en premier lieu sur la détermination des objectifs et des critères à utiliser pour sélectionner les paramètres.

La commission en conclut que le programme de surveillance élaboré, en vue de vérifier les prévisions, de mettre à l'essai les modèles et de fournir une information en retour destinée à améliorer la gestion de l'environnement, jouerait également un rôle déterminant pour rassurer les résidents locaux en ce qui concerne la protection adéquate de leur environnement selon des normes élevées et l'intégrité des ressources qu'ils utilisent. Les critères servant à déterminer les paramètres de la surveillance devraient être élaborés en conséquence.

La commission reconnaît la pertinence de la démarche de la VBNC, qui met l'accent sur les relations de cause à effet et sur les voies de pénétration immédiates. Reconnaissant toutefois que certains environnements récepteurs seraient touchés par de multiples sources, la commission estime que les paramètres devraient aussi être sélectionnés de façon à tenir compte des effets combinés sur l'écosystème qui seraient éventuellement produits par le projet. Elle appuie également l'intention de la VBNC de déterminer des seuils et des jalons servant à déterminer si des mesures d'atténuation supplémentaires sont requises.

La commission ne croit pas qu'il soit pertinent de sélectionner des paramètres de surveillance dans le cadre du présent rapport. Cette sélection devrait faire partie d'un processus plus large qui serait mené en collaboration. Elle croit cependant que les nombreuses discussions tenues lors des audiences au sujet des éventuels paramètres ont été utiles et qu'elles devraient être examinées avec soin. Il faudrait aussi examiner la nécessité d'instaurer une surveillance plus poussée des conditions de base en fonction des domaines retenus pour étude.

La commission comprend l'attrait qu'exerce une zone de référence qui servirait de point de comparaison avec le secteur qui subit l'incidence du projet. En raison du peu d'information fournie sur cette question au cours de l'examen, elle n'est pas en mesure de formuler une recommandation définitive à ce sujet, mais elle croit que la VBNC et le Conseil consultatif de l'environnement devraient se pencher sur les avantages et la faisabilité d'une telle démarche. Il est possible que l'Association minière du Canada, le gouvernement et d'autres établissements de recherche veuillent collaborer au maintien d'une telle zone de référence.

Recommandation 103

La commission recommande que la VBNC élabore le cadre de surveillance biophysique en collaboration avec les autres parties intéressées. Le cadre devrait reposer sur de solides assises scientifiques, sur la nécessité d'obtenir, relativement à la gestion de l'environnement, une information en retour qui soit pratique, ainsi que sur les préoccupations des résidents du Nord du Labrador et des utilisateurs des ressources. Le cadre de surveillance devrait comprendre une politique d'accès public aux données, des protocoles concernant la production de rapports, ainsi que des jalons pouvant servir à déclencher des interventions. Ce cadre devrait également tenir compte expressément de la nécessité de rendre le processus transparent et d'offrir au public un accès à l'information.

17.7.2 Surveillance des effets socio-économiques

Il est prévu que le projet produira un large éventail d'effets socio-économiques positifs et négatifs, notamment des changements sur les aspects suivants : le niveau d'emploi, les données démographiques des collectivités de la région, les entreprises existantes et nouvelles, les économies locales, le coût de la vie, le logement, la santé, la vie familiale, les interactions sociales et le bien-être des collectivités. Dans quelques cas, comme pour l'emploi direct, les effets du projet pourraient être manifestement observables, en autant qu'on tienne de bons dossiers. Dans la majorité des autres cas, il serait difficile d'isoler l'effet net du projet des effets produits par un certain nombre d'influences étrangères au projet.

La VBNC a indiqué qu'elle collaborerait avec les organismes gouvernementaux et différentes organisations en leur communiquant des renseignements utiles concernant le projet, comme des statistiques sur l'emploi ou l'activité économique, sous réserve de certaines restrictions relatives à la confidentialité. La province exigerait également de la VBNC qu'elle soumette trimestriellement des renseignements sur les avantages liés à l'emploi et à l'activité économique. La VBNC a également déclaré que les dispositions financières que comprendraient les ententes sur les impacts et les avantages étaient en partie destinées fournir à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu les ressources nécessaires pour effectuer toutes les études qu'ils jugeront nécessaires.

La commission a entendu peu de commentaires à ce sujet de la part des autres participants. La Commission des services de santé des Inuit du Labrador a présenté son projet de programme de surveillance des divers indicateurs de la santé de la collectivité, destiné à l'aider, à élaborer et à améliorer des programmes adéquats d'intervention. Ce programme ne vise pas exclusivement les effets du projet, qui pourraient être difficiles isoler, comme en a convenu la Commission des services de santé des Inuit du Labrador. Celle-ci a demandé à la VBNC de lui communiquer les renseignements nécessaires, dans la mesure du possible, ce que la société minière a accepté de faire.

La commission en conclut que la responsabilité en matière de surveillance des effets socio-économiques devrait être partagée. La VBNC assumerait les responsabilités suivantes :

  • fournir des renseignements permettant d'évaluer l'application du principe de contiguïté;
  • surveiller, en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu dans le cadre de partenariats de surveillance, l'efficacité des mesures d'atténuation socio-économiques qu'elle a proposées, dont les plans de protection de l'environnement pertinents (concernant les ressources humaines, l'éducation et l'orientation, la participation des Autochtones et la participation de la population).

Il devrait aussi incomber à la VBNC de donner suite aux préoccupations ou aux problèmes de nature socio-économique qui sont attribuables au projet et qui ont été relevés grâce à la surveillance effectuée par l'Association des Inuit du Labrador, la nation Innu ou la province. Cela pourrait amener la VBNC à prendre des mesures correctives ou d'atténuation directes, ou collaborer avec d'autres parties pour déterminer la meilleure avenue possible.

La commission suppose que l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu auraient à effectuer une certaine surveillance fondamentale pour veiller à ce que la VBNC respecte les objectifs et les dispositions en matière d'emploi et d'activités économiques que prévoient les ententes sur les impacts et les avantages, et pour veiller à ce que les ententes sur les impacts et les avantages englobent des dispositions garantissant que ces objectifs et dispositions se concrétisent, notamment un processus qui permettrait de traiter les résultats d'une telle surveillance et qui comprendrait une méthode de règlement de différends, le cas échéant.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada, à titre d'autorité responsable, administre les exigences concernant le programme de suivi, mais la commission juge inadéquat qu'un ministère fédéral soit responsable d'assurer la prestation d'avantages locaux et régionaux. La province n'a présentement aucune exigence légale en matière d'encadrement de programme de suivi socio-économique, mais la commission prévoit que la province pourrait vouloir assumer cette fonction en collaboration avec des partenaires fédéraux et des organismes autochtones. La commission prévoit qu'un tel programme non seulement fournirait des renseignements permettant d'améliorer les mesures d'atténuation et d'orienter l'allocation des ressources provinciales, mais qu'il aiderait aussi la province à donner suite à d'autres projets majeurs et à en planifier, en particulier au Labrador.

A la différence d'un programme de suivi exigé par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui vraisemblablement porterait surtout sur la surveillance du travail effectué par la VBNC, la commission prévoit que le programme de suivi socio-économique engloberait la surveillance effectuée par l'Association des Inuit du Labrador, la nation Innu, ainsi que les organismes provinciaux et régionaux.

Recommandation 104

La commission recommande que la province charge un ministère ou un organisme provincial d'élaborer et de superviser un programme correspondant au programme de suivi exigé par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui porterait surtout sur les effets socio-économiques du projet. L'objectif de ce programme serait de vérifier les prévisions de l'étude d'impact environnemental, pour veiller à ce que la VBNC respecte ses engagements de nature socio-économique, d'évaluer l'efficacité des mesures d'atténuation et d'orienter l'allocation des ressources provinciales pour les services et l'infrastructure. Ce programme de suivi socio-économique devrait être élaboré en collaboration avec le Conseil consultatif de l'environnement.

Recommandation 105

La commission recommande que la VBNC soit tenue de soumettre un rapport annuel au ministère provincial désigné comme autorité responsable du programme de suivi socio-économique (voir la recommandation 104), et au Conseil consultatif de l'environnement. Le rapport décrirait les résultats du projet en matière de réalisation des avantages socio-économiques aux membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, ainsi qu'aux résidents et entreprises du Labrador. S'il y a lieu, le Conseil consultatif de l'environnement pourrait fournir des recommandations sur les mesures d'atténuation ou d'amélioration aux organismes économiques provinciaux et régionaux concernés et à la VBNC.

La commission convient que l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu devraient entreprendre la surveillance des effets socio-économiques dans les collectivités, avec le concours d'autres partenaires, le cas échéant. Ces partenaires comprendraient notamment la province, en particulier en ce qui a trait aux soins de santé, à l'éducation, au logement, aux services et aux équipements d'infrastructure. L'université et d'autres institutions de recherche pourraient être intéressées à soutenir différents aspects de la recherche sociale et communautaire.

Comme pour la surveillance du milieu naturel, la commission estime que l'examen de la surveillance socio-économique devrait reposer sur des objectifs précis, lesquels se fonderaient sur des hypothèses vérifiables. De plus, la structure de la surveillance devrait permettre, dans la mesure du possible, de distinguer les effets du projet selon les sexes et l'âge, afin de suivre les progrès accomplis en matière de répartition équitable des avantages socio-économiques.

Recommandation 106

La commission recommande que la VBNC fournisse une ventilation selon le sexe pour toutes les données sur l'emploi présentées dans ses rapports trimestriels à la province.

17.8 Inclusion du savoir autochtone dans les futures évaluations environnementales

La commission constate que l'exigence concernant l'examen exhaustif du savoir autochtone dans une évaluation environnementale est très récente, et que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne fournit aucune indication à ce sujet. La commission d'évaluation environnementale qui a précédemment eu des directives en ce sens (le projet de mine de diamants de la BHP des Territoires du Nord-Ouest) constatait plusieurs difficultés à mettre cette exigence en application, qu'elle attribuait une absence d'orientation de la part du gouvernement. Cette commission a recommandé que « le gouvernement du Canada élabore une politique sur l'inclusion du savoir traditionnel dans les évaluations environnementales , qui répondrait à la nécessité « d'énoncer les directives et les normes auxquelles les promoteurs doivent satisfaire en préparant une évaluation environnementale ». La commission sur le projet de mine de diamants de la BHP des Territoires du Nord-Ouest a également constaté la nécessité de définir « le rôle et la responsabilité du gouvernement dans ce domaine . A la connaissance de la présente commission, le Canada n'a pas encore pris de mesure relativement à cette recommandation.

La VBNC a indiqué à la commission qu'elle avait eu des difficultés à inclure le savoir autochtone dans son étude d'impact environnemental. Elle attribuait ces difficultés :

  • la mise en uvre de l'évaluation dans un contexte de négociations d'une grande complexité portant sur d'autres sujets avec les mêmes parties, ce qui compliquait à la fois l'accès au savoir autochtone et la capacité de planifier et d'effectuer des recherches efficaces;
  • l'absence d'une définition établie du savoir autochtone.

La VBNC a accepté les recommandations de la commission sur le projet de mine de diamants de la BHP des Territoires du Nord-Ouest, et a également recommandé que les responsabilités des gouvernements autochtones soient tirées au clair à ce propos.

La commission reconnaît la difficulté de la tâche confiée à la VBNC. Les Autochtones peuvent être l'unique source en ce qui a trait à certains renseignements jugés nécessaires dans une étude d'impact environnemental, mais il peut arriver qu'un promoteur ne puisse pas toujours (ou même normalement) obtenir ces renseignements d'eux, que ce soit pour des raisons pratiques ou morales. Un promoteur ne peut être tenu d'inclure le savoir autochtone dans son étude d'impact environnemental si ceux qui possèdent ce savoir ne veulent pas le lui communiquer à cette fin. Il peut être souhaitable qu'un promoteur et les parties autochtones concernées élaborent une démarche de coopération pour évaluer les effets, mais ce n'est pas toujours possible et ce ne peut donc être considéré comme une exigence pour une évaluation environnementale. Il est raisonnable qu'un promoteur fournisse un soutien matériel pour que le savoir autochtone ait une portée sur une évaluation environnementale, comme ce fut le cas dans la présente évaluation.

La commission tire les conclusions suivantes de son expérience avec le présent examen :

  • Une évaluation environnementale devrait inclure toutes les sphères du savoir autochtone, et non pas seulement leurs connaissances traditionnelles en matière d'écologie.
  • Il est presque à coup sûr plus efficace pour un promoteur de fournir un soutien matériel pour aider les Autochtones à divulguer directement leur savoir au processus d'examen public, plutôt que d'être tenu de l'inclure dans sa propre étude d'impact environnemental. Toute directive cet égard faite aux promoteurs devrait tenir compte du contexte politique dans lequel les projets de développement se réalisent, et ne devrait pas imposer d'exigences que les promoteurs ne peuvent, ni ne devraient remplir.
  • L'examen à part entière du savoir autochtone lors d'audiences techniques ne se traduit pas par une acceptation inconditionnelle, mais plutôt par le fait d'y accorder autant d'attention que s'il s'agissait de connaissances présentées par d'autres experts.
  • Les futures commissions devraient disposer d'une grande latitude dans l'élaboration de leurs propres directives quant à la portée que doit avoir le savoir autochtone sur leurs propres examens, en fonction de leurs circonstances particulières, de ce qu'elles apprennent dans leurs réunions visant à déterminer les problèmes et les priorités de l'évaluation et de l'expérience des commissions antérieures.
  • Les politiques ou directives gouvernementales officielles qui prétendent définir le savoir autochtone, ou la façon de l'utiliser ou de l'interpréter, n'aideront probablement pas le processus d'évaluation environnementale. Une telle démarche ne semble pas plus sérieuse que de tenter de définir la science ou toute autre forme de savoir aux fins d'une politique gouvernementale.

Recommandation 107

La commission recommande que le Canada et la province englobent dans leur processus respectif d'évaluation environnementale le principe de l'examen exhaustif des connaissances autochtones en matière écologique. La commission recommande également qu'on étende le champ de ces connaissances l'ensemble du savoir autochtone. Les gouvernements devraient fournir une orientation aux promoteurs en ce qui concerne leurs obligations fondamentales et leurs options en matière d'application du savoir autochtone dans une étude d'impact environnemental ou de sa présentation dans le cadre du processus d'examen public. Des indications plus précises sur la manière d'utiliser le savoir autochtone dans les examens futurs devraient être fournies par les commissions responsables, au cas par cas.

17.9 Effets cumulatifs

Comme l'exige la commission, la VBNC a abordé les effets cumulatifs sur l'environnement, en évaluant les effets prévus du projet, conjugués aux effets éventuels des projets et activités « qui sont en cours ou seront vraisemblablement mis en uvre, et qui ont par conséquent obtenu des permis, des licences, des baux, ou toute autre forme d'autorisation, comme le précise l'Agence canadienne d'évaluation environnementale ». Les prévisions de la VBNC quant aux effets cumulatifs ont été ajoutées aux chapitres de l'étude d'impact environnemental traitant des composantes valorisées de l'écosystème. La commission a également agi de manière semblable avec des conclusions et des recommandations formulées dans d'autres chapitres, le cas échéant.

La commission estime que de futures évaluations environnementales pourraient être en mesure de jouer un certain rôle dans la gestion des effets cumulatifs, mais remarque que bon nombre des pressions seraient exercées sur l'écosystème et les collectivités du Labrador septentrional sans pour autant faire l'objet d'aucune évaluation en règle.

La nation Innu a recommandé à la commission qu'une planification régionale axée sur l'écosystème soit réalisée à l'échelle du paysage, pour déterminer et protéger des processus écologiques fondamentaux, des fonctions, des paysages et des corridors de migration. L'Association des Inuit du Labrador souhaite également effectuer un plan de gestion des opérations maritimes, en fonction d'une analyse écologique semblable. La commission constate également que la province a mis en place un réseau d'écologistes des écosystèmes de la région.

La commission en conclut que les responsabilités de la VBNC à l'égard des effets cumulatifs sont de :

  • réduire au minimum les effets du projet sur l'environnement grâce une bonne planification et à l'élaboration et à la mise en uvre efficace de son système de gestion environnementale;
  • mettre en uvre un programme valable de surveillance des effets;
  • communiquer les renseignements nécessaires et contribuer à la recherche collective, s'il y a lieu.

La commission estime que le Conseil consultatif de l'environnement proposé dans le présent rapport constituerait une tribune convenable où les quatre parties au protocole d'entente pourraient aborder des questions concernant les effets cumulatifs s'il s'en produit. La commission espère également que les quatre parties, conservant l'esprit de collaboration manifesté pendant la durée du présent processus d'examen, déterminent conjointement des initiatives de recherche régionale, de planification et de gestion des ressources qui pourraient se révéler nécessaires pour assurer la protection de l'environnement et le développement de collectivités durables au Labrador septentrional.

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18 Recommandations

Recommandation 1

La commission recommande que l'on autorise la réalisation du projet d'exploitation minière et d'usine de concentration de la baie Voisey, sous réserve des conditions énoncées dans les autres recommandations de la commission.

Recommandation 2

La commission recommande que la province et la VBNC négocient une concession minière qui favorise, au moyen de l'intendance des ressources, la réalisation d'avantages sociaux et économiques durables et équitables pour les citoyens du Labrador et de la province. La commission recommande que cette concession s'accompagne des conditions suivantes :

  • la VBNC doit s'engager à mettre en œuvre le plus tôt possible un programme d'exploration souterraine et, si l'ampleur des réserves est confirmée, elle devrait s'engager à lancer le plus tôt possible une exploitation qui combinerait l'extraction souterraine avec les dernières étapes de la production à ciel ouvert;
  • la VBNC doit s'engager à accroître la durée de vie utile du gisement Ovoid en abaissant le taux de production si les premières explorations souterraines ne confirment pas l'existence des réserves souterraines qui sont actuellement prévues, afin de faire en sorte que le projet puisse se poursuive pendant une période de 20 à 25 ans à tout le moins.

Recommandation 3

La commission recommande que le Canada et la province concluent et ratifient des ententes de principe avec les Inuit du Labrador, représentés par l'Association des Inuit du Labrador, de même qu'avec les Innu du Labrador, représentés par la nation Innu, avant d'accorder toute autorisation au projet. Les ententes de principe devraient prévoir, en matière de cogestion, des mesures provisoires exécutoires et liant les parties, de façon à établir un pont entre la fin de cette évaluation environnementale et la mise en application intégrale des éléments relatifs à la cogestion prévus dans ces ententes. A cette fin, le Canada et la province se verront obligés de modifier leurs approches de négociations relatives aux revendications territoriales, pour que les mesures provisoires nécessaires soient adoptées en tant que partie intégrante de l'entente de principe.

Autrement, la commission recommande que le Canada et la province, avant d'accorder toute autorisation au projet, négocient des mesures de remplacement équivalentes avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, telles qu'indiquées au chapitre 17. De telles mesures doivent garantir la participation, la consultation et l'indemnisation des Inuit et des Innu relativement au projet, conformément aux obligations fiduciaires du Canada et de la province.

Recommandation 4

La commission recommande que, quelle que soit l'option adoptée à la suite de la recommandation 3, en autant que les arrangements sont légalement exécutoires et lient les parties, la VBNC puisse se prévaloir d'une autorisation conditionnelle et bénéficier d'une garantie satisfaisante lui permettant de planifier le projet et de déposer des demandes de permis pendant que les négociations se poursuivent. Les deux processus pourraient ainsi se réaliser simultanément plutôt que séquentiellement. Il ne faudrait pas permettre, toutefois, que la construction ne débute réellement avant que les conditions de la recommandation 3 ne soient remplies.

Recommandation 5

La commission recommande que le Canada et la province n'autorise aucunement le projet avant que l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu n'aient conclu une entente sur les impacts et les avantages avec la VBNC. Que ces ententes soient conclues ou non dans le cadre d'une Entente sur le règlement des revendications territoriales, les négociations relatives ces ententes devraient mener à la conclusion d'une entente dans un délai convenu par les parties, ou, s'il y a lieu, le ministre chargé de l'autorisation du projet devrait imposer un calendrier. Le cadre de négociation devrait aussi comprendre des dispositions en matière de règlement des différends, notamment le recours à l'arbitrage obligatoire au besoin.

Recommandation 6

La commission recommande que la VBNC adopte les mesures suivantes dans le cadre de son plan de protection de l'environnement :

  • La VBNC devrait élaborer un plan de lutte contre la poussière qui incorpore les meilleures pratiques de gestion empruntées à d'autres opérations minières et activités connexes, pour minimiser la production et l'accumulation de poussières. Ce plan devrait comporter des mesures préventives comme des limites de vitesse pour les camions sur les chemins de service et des techniques de dépoussiérage.
  • La VBNC devrait élaborer un programme exhaustif d'économie d'énergie, pour prévenir les effets de la pollution atmosphérique en réduisant l'utilisation de combustibles fossiles. Ce programme devrait soumettre la conception du projet à un examen des questions énergétiques avant le démarrage des travaux de construction.

Recommandation 7

La commission recommande que la VBNC

  • s'assure que la conception finale de toutes les digues comporte des dispositions tenant compte des pires possibilités de séisme;
  • évalue les pratiques optimales de gestion environnementale utilisées au Canada et ailleurs pour ce qui est de la conception et de la construction de digues, pour déterminer les dispositions à prendre pour le captage et le traitement des eaux d'infiltration;
  • élabore un programme d'inspection de sécurité des digues, ainsi qu'un programme d'entretien des digues, et qu'elle les mette en uvre à toutes les étapes du projet.

Recommandation 8

La commission recommande que la VBNC, avant de mettre en service le North Tailings Basin, évalue la possibilité d'utiliser le puits de mine désaffecté du gisement Ovoid comme site de stockage de résidus ou de stériles. La société minière devrait aussi, lorsqu'elle disposera d'échantillons industriels, évaluer jusqu'à quel point les stériles et les résidus acidogènes conviennent comme matériau de remplissage souterrain. Pendant cette évaluation environnementale, la VBNC devrait se mettre à la recherche de la meilleure technologie actuelle pouvant servir à l'évacuation des résidus, et étudier les résultats du programme de surveillance du canard arlequin (voir la recommandation 65). Cette évaluation devrait être soumise à l'examen et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement que l'on propose de créer.

Recommandation 9

La commission recommande que la VBNC

  • élabore et mette en uvre, pendant toute la durée du projet, un programme de vérification et de contrôle des stériles provenant des puits à ciel ouvert et de l'exploitation souterraine et stockés à la surface du sol;
  • élabore des méthodes en vue de séparer tous les déchets qui proviennent de zones potentiellement acidogènes, mais qui sont triés comme non acidogènes, et de diriger ces déchets vers un site d'évacuation particulier, pour que la société minière puisse prendre des mesures d'atténuation si la surveillance révèle un problème;
  • décrive les plans d'intervention d'urgence qu'elle mettra en uvre, en particulier son plan de gestion des eaux de ruissellement si l'on découvre des roches réactives dans les empilements de stériles non minéralisés;
  • s'assure que le système de manutention des déchets conçu pour l'exploitation souterraine permettra d'exécuter séparément la manutention et l'évacuation des stériles acidogènes.

Recommandation 10

La commission recommande que la VBNC élabore plus à fond ses plans de recyclage de l'eau, en consultation avec Environnement Canada, en y intégrant

  • des méthodes propres à maximaliser le volume d'eau recyclée de qualité acceptable, en tenant compte des facteurs susceptibles de limiter l'utilisation de l'eau recyclée dans les procédés de concentration;
  • des plans d'intervention d'urgence permettant de répondre à la possibilité d'un accroissement des besoins en matière de prélèvement d'eau brute et d'épuration des eaux usées.

Recommandation 11

La commission recommande que la VBNC intègre à son plan de protection de l'environnement, en consultation avec Environnement Canada,

  • des procédures de prévention de la pollution qui mettent en uvre les pratiques optimales de gestion pour réduire au minimum la production de sulfosels;
  • des procédures de prévention de la pollution qui concilient les niveaux de pH et les concentrations d'ammoniac dans les bassins et les effluents, en tenant compte de l'accumulation possible d'ammoniac sous la glace;
  • un plan de gestion des boues qui tienne compte des solutions de remplacement en matière d'évacuation des boues, de la possibilité à long terme de la dissolution de métaux émanant des boues stockées avec les résidus, et des implications relativement aux périodes de fermeture de l'usine et à la désaffectation du projet.

Recommandation 12

La commission recommande que la VBNC élabore un plan à long terme de gestion et de réhabilitation du puits à ciel ouvert. Le plan devrait être soumis à l'examen et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement et comprendre les éléments suivants :

  • la modélisation permanente et la vérification en laboratoire de l'évolution de la qualité de l'eau dans le puits noyé, des taux d'évacuation, ainsi que du genre et de la durée du traitement nécessaire;
  • une stratégie visant à diminuer le temps d'exposition des parois du puits avant le noyage, qui sera élaborée en évaluant les pratiques optimales de gestion de l'environnement;
  • un train de mesures visant la réhabilitation de la région environnante, pour y favoriser la sécurité de la faune et la création graduelle d'un habitat côtier convenable.

Recommandation 13

La commission recommande que la VBNC creuse une série de puits de surveillance entre le puits à ciel ouvert et le ruisseau Reid, et élabore des seuils pour les contaminants et un plan d'intervention d'urgence prévoyant des mesures correctives si des contaminants sont découverts dans les eaux souterraines s'écoulant vers le ruisseau Reid.

Recommandation 14

La commission recommande que la VBNC mette sur pied un programme de surveillance adéquat portant sur les effets environnementaux des métaux et autres contaminants, en collaboration avec Pêches et Océans Canada, Environnement Canada, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu. Ce programme devrait comprendre un protocole régissant l'interprétation des résultats et la prise de mesures correctives. Il devrait être en place avant le début des travaux de construction et être sujet à des modifications continues, au besoin.

Recommandation 15

La commission recommande que l'on mette en uvre un programme de surveillance continue des concentrations de contaminants dans les aliments directement puisés dans la nature au Labrador septentrional. Ce programme général devrait faire appel principalement à la collaboration des gouvernements, de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu; la VBNC devrait pour sa part fournir un soutien aide technique et matériel. A titre d'autorité responsable, le ministère des Pêches et des Océans du Canada devrait désigner l'organisme qui serait chargé de la supervision du programme. Cet organisme devrait assumer la plus grande part du financement du programme et fournir les ressources scientifiques nécessaires. La direction du programme devrait toutefois être confiée au Conseil consultatif de l'environnement. Ce programme général a comme objectifs de donner suite aux préoccupations de la population du nord du Labrador et de réduire au minimum les perceptions erronées concernant les effets réels du projet sur l'environnement de la région. Ce programme devrait porter sur les effets cumulatifs et synergiques des contaminants de toutes sources et prévoir des dispositions concernant l'interprétation et la diffusion continue des résultats auprès de la population régionale. Il devrait intégrer entièrement les connaissances et l'expérience acquises grâce au Programme fédéral de lutte contre les contaminants dans le Nord et établir des relations de coopération avec ce programme. Le programme de surveillance devrait veiller à ce que l'on possède des données de base convenables sur les concentrations (de métaux et d'autres contaminants) dans un large spectre du biote et à différents endroits représentatifs de la région. Le programme doit également recueillir auprès des organismes publics et privés concernés toutes les données sur les contaminants qui touchent la région. Ces données devraient être disponibles avant le début des travaux de construction, sous réserve de l'examen et des recommandations du Conseil consultatif de l'environnement.

Recommandation 16

La commission recommande qu'Environnement Canada et le ministère des Pêches et des Océans du Canada élaborent conjointement un énoncé de position relativement à la question du mercure et qu'ils conçoivent un programme de recherches visant à déterminer, en fonction des paramètres du projet, comment le mercure pourrait se mobiliser dans l'environnement. Advenant que l'on puisse clairement présumer de l'existence un lien entre le projet et la mobilisation du mercure à des niveaux éventuellement préjudiciables aux poissons, à la faune ou aux humains, Environnement Canada, le ministère des Pêches et des Océans du Canada, ainsi que la VBNC devaient élaborer et financer un programme de recherche conjoint en vue de déterminer des mesures de prévention ou d'atténuation.

Recommandation 17

La commission recommande que, avant que Pêches et Océans Canada autorise le projet en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, la VBNC prépare un rapport sur la protection de l'habitat du poisson relativement aux éléments de prévention et de protection qui sont proposés dans la conception du projet et dans le plan de protection de l'environnement. Ce rapport devrait aborder les aspects suivants :

  • l'atténuation des effets découlant des changements de débit pendant la construction, les périodes d'évacuation de l'eau, l'exploitation et la désaffectation;
  • les débits minimaux (et, s'il y a lieu, maximaux) à maintenir, y compris des renseignements sur la façon dont ces débits ont été déterminés;
  • la provenance de l'eau utilisée pour maintenir les débits, de même que les mécanismes de surveillance requis pour cette mesure d'atténuation.
  • la mesure dans laquelle l'omble utilise l'habitat que fournit le ruisseau du lac Camp;
  • les façons dont le projet pourrait nuire à cette utilisation et, si nécessaire, des détails sur toute autre mesure d'atténuation proposée pour assurer qu'aucun effet important n'en résultera.
  • un programme convenable de surveillance des effets environnementaux.

Recommandation 18

La commission recommande que Pêches et Océans Canada donne à l'Association des Inuit du Labrador, à la nation Innu et au grand public suffisamment de temps pour leur permettre d'étudier le projet d'entente sur la compensation de l'habitat du poisson et de présenter des commentaires à ce sujet.

Recommandation 19

La commission recommande que Pêches et Océans Canada indique à la VBNC qu'il n'acceptera par la suite aucune autre demande d'autorisation de perturbation de l'habitat du poisson dans le cadre du projet. Le programme de surveillance des effets environnementaux globaux, présenté dans le rapport de la VBNC sur la protection de l'habitat du poisson (voir la recommandation 18), devrait comprendre une composante relative à la surveillance, qui viserait à vérifier la justesse des prévisions concernant les effets prévus du projet sur l'habitat du poisson et à évaluer l'efficacité des mesures d'atténuation. Si, par la suite, les résultats de la surveillance indiquaient que les changements du débit ont détruit ou détérioré d'autres habitats, il devrait incomber à la VBNC de restaurer l'habitat le plus rapidement possible.

Recommandation 20

La commission recommande que Pêches et Océans Canada élabore un guide du promoteur relativement à la détermination d'une perturbation de l'habitat du poisson et à l'élaboration des choix possibles en matière de compensation pour la perte d'habitat du poisson; ce guide devrait indiquer clairement la marche à suivre, les méthodes à utiliser et les critères selon lesquels les travaux du promoteur seront jugés. Pêches et Océans Canada devrait établir dès que possible des critères concernant les habitats en eaux stagnantes et en eaux marines, et les inclure dans ce guide.

Recommandation 21

La commission recommande que la VBNC et Pêches et Océans Canada examinent ensemble toutes les sources possibles et les voies d'accès de sédimentation, et les mesures d'atténuation actuellement proposées relativement au lac Camp, pour éviter ou réduire au minimum dans la mesure du possible l'acheminement de sédiments à cet endroit, pour éviter toute perte d'habitat du poisson.

Recommandation 22

La commission recommande que, dans le cadre du plan de protection de l'environnement, la VBNC élabore des procédures de dynamitage conformes aux directives de Pêches et Océans Canada concernant la protection du poisson et de son habitat.

Recommandation 23

La commission recommande que la VBNC élabore, dans le cadre de son système de gestion de l'environnement, un plan de protection de l'environnement visant le ruisseau Reid et comprenant ce qui suit, au besoin :

  • modification de la principale voie d'accès pour réduire le plus possible les répercussions sur le ruisseau Reid;
  • conception et construction de traverses de cours d'eau appropriées sur les affluents;
  • procédures de gestion spécifiques de la circulation pour certains emplacements déterminants le long de la route;
  • captage des infiltrations au pied du barrage H2;
  • mesures d'atténuation additionnelles pour améliorer la qualité de l'eau quittant le lac Camp, au besoin (par exemple, rétention d'eau additionnelle ou aménagement d'un marais artificiel).

Recommandation 24

La commission recommande que la VBNC élabore des études sur les techniques permettant la surveillance des effets des contaminants en eau douce, de concert avec Pêches et Océans Canada, Environnement Canada et d'autres détenteurs d'intérêt, en tenant compte des résultats obtenus dans le cadre du Programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique. Pour assurer une détection précoce des effets, il faudra examiner avec soin la possibilité d'effectuer la surveillance au moins en ce qui concerne les macroinvertébrés benthiques, sinon à un niveau trophique inférieur, sous réserve que l'on puisse raisonnablement s'assurer que le programme sera capable de fournir des renseignements scientifiquement valables sur des rapports précis. Des renseignements supplémentaires sur les conditions de base ne devraient être recueillis que s'ils sont nécessaires pour appuyer l'élément de surveillance sélectionné. La VBNC devrait aussi s'engager à collaborer à toute recherche menée dans le cadre du suivi du programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique, en fournissant des renseignements issus de la surveillance du projet, en vue d'appuyer la réalisation d'une étude de cas.

Recommandation 25

La commission recommande que la VBNC effectue une surveillance hydrométrique, ainsi qu'une surveillance de la qualité de l'eau et de la population halieutique dans le système du ruisseau Reid; que Pêches et Océans Canada entreprenne des études pertinentes pour accroître les connaissances relatives au poisson et à son habitat dans le vaste système élargi que constitue le bassin des ruisseaux Kogluktokoluk, Ikadlivik et Reid, de concert avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu; que la VBNC contribue de façon importante à ces études en fournissant des renseignements et d'autres ressources.

Recommandation 26

La commission recommande, si le North Tailings Basin se révèle nécessaire pendant l'étape de l'exploitation souterraine, que la VBNC, avant même que soit autorisée la construction de ce bassin, prépare un rapport analysant les avantages et les inconvénients environnementaux de regrouper les émissions d'effluents dans l'anse à Edward plutôt que de construire un deuxième diffuseur dans la baie Kangeklualuk. Le rapport en question devrait examiner les effets de la conformité à la réglementation et de la surveillance des effets effectuée pour le diffuseur existant de l'anse à Edward, et il serait soumis à l'examen et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement.

Recommandation 27

La commission recommande que Pêches et Océans Canada, Environnement Canada, le Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie, et la VBNC, en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu et dans le cadre de partenariats de surveillance, mettent sur pied un programme de recherches dont le projet d'exploitation minière et d'usine de concentration de la baie Voisey constituera la principale étude de cas, pour accroître le niveau des connaissances au sujet des effets des effluents de nickel, de cuivre et de cobalt sur le milieu marin, tout particulièrement en ce qui concerne les normes d'évacuation des effluents, les mesures d'atténuation, ainsi que les méthodes et procédés de surveillance.

Recommandation 28

La commission recommande que la VBNC s'engage fermement, au moyen de son plan de protection de l'environnement, à réduire la charge totale de polluants évacués, en adoptant une ligne de conduite en matière d'amélioration permanente, et que la société travaille de concert avec Environnement Canada à élaborer des politiques et des méthodes qui lui permettront :

  • de perfectionner les procédés de concentration en vue de réduire les polluants à la source;
  • de veiller à ce que ses installations de traitement fonctionnent selon les normes d'efficacité les plus élevées, en mettant en uvre un programme d'entretien préventif et d'autres mesures pertinentes;
  • de modifier les technologies de traitement en vue de les améliorer lorsque le besoin s'en fait sentir.

La VBNC devrait rendre des comptes périodiquement au Conseil consultatif de l'environnement au sujet des résultats de son programme de prévention de la pollution.

Recommandation 29

La commission recommande que la VBNC soit tenue d'inclure les éléments ci-après à son programme de suivi :

  • un programme de surveillance de la qualité de l'eau et des sédiments en milieu marin, lequel comprendra des critères de seuil de tolérance qui seront liés aux directives actuelles concernant la qualité de l'eau et des sédiments (le niveau des seuils devrait être fixé à un niveau permettant une alerte suffisamment rapide);
  • des mesures d'atténuation obligatoires si les seuils fixés sont dépassés;
  • des travaux de recherche conçus pour déceler tout effet nuisible sur la santé des biotes marins, travaux qui seraient suivis d'une révision des critères de seuil, le cas échéant.

Recommandation 30

La commission recommande que la VBNC soit tenue de surveille les coquillages pour y détecter la présence de métaux, de contamination bactérienne ou d'altération sous l'effet des hydrocarbures, pour déterminer la mesure dans laquelle la zone est touchée par le projet et de voir s'il y a lieu d'indemniser les utilisateurs des ressources.

Recommandation 31

La commission recommande que les navires construits ou affrétés par la VBNC pour le transport des concentrés de nickel, de cuivre et de cobalt soient conçus conformément aux normes de la catégorie arctique canadienne 3, ou soumis à des essais pour en vérifier la conformité, pour garantir que de tels navires puissent se déplacer en toute sécurité dans les pires conditions éventuelles de glace.

Recommandation 32

La commission recommande que la VBNC intègre les procédures du Système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique dans son plan de gestion du transport maritime, pour assurer le passage sécuritaire des minéraliers ou des navires affrétés pour le transport de concentrés. La VBNC devrait appliquer ces procédures en consultation avec les organismes de réglementation et avec l'Association des Inuit du Labrador, dans le cadre d'une entente bilatérale sur le transport (voir la recommandation 97).

Recommandation 33

La commission recommande que la VBNC élabore, de concert avec l'Association des Inuit du Labrador et les organismes de réglementation, un programme visant à explorer la nécessité et la viabilité du transport hivernal dans la banquise côtière. Ce programme devrait englober les activités suivantes :

  • des recherches supplémentaires sur le comportement des concentrés, ainsi que des mesures pour rallonger la durée de stockage au fur et mesure de la disponibilité des volumes opérationnels de concentrés;
  • une étude supplémentaire sur le comportement du chenal de navigation en régime de glaces, en fonction de l'expérience de l'exploitation à Raglan;
  • des voyages d'essai entrepris par des minéraliers durant les premières années d'exploitation, dans diverses conditions hivernales, pour examiner le comportement réel de la banquise côtière et évaluer la sécurité d'une telle opération.

Recommandation 34

La commission recommande que la VBNC effectue d'autres études par modélisation sur les limites de rendement des types de navires que l'on pressent pour évoluer en régime de glaces. Elle recommande également une évaluation plus poussée des limites de leur rendement en régime de glaces, y compris la puissance maximale sur l'arbre, le renforcement de la coque, les risques d'ingestion de glace et la capacité à naviguer dans des conditions de ballast, presque en tirant d'eau du déplacement en charge.

Recommandation 35

La commission recommande que la VBNC intègre les éléments suivants au plan de gestion du transport maritime, pour assurer la sécurité des navires qui se déplacent en zones de banquise côtière ou de banquise :

  • mettre sur pied un centre de coordination spécialisé qui se chargera de l'ensemble des opérations de transport vers et depuis la zone du projet, et à toutes les étapes du projet;
  • examiner et rectifier les plans de transport avant le début de la saison des glaces pour tenir compte de la disponibilité des brise-glace et des conditions des glaces;
  • avant d'autoriser les navires à entrer en zone de banquise, s'assurer qu'ils disposent de la résistance et de la puissance suffisantes pour naviguer en régime de glaces, que les équipages sont qualifiés pour naviguer dans ces zones et que l'aide d'un brise-glace est promptement disponible, pour que les navires ne soient pas clavés dans les glaces et entraînés dans une zone qui n'est pas sur les cartes;
  • fournir un système d'information sur les régimes de glaces, dont les renseignements couvriraient une aire s'étendant jusqu'aux limites des banquises le long de la route maritime prévue pour les navires;
  • établir des protocoles visant à assurer que les capitaines de brise-glace et les capitaines de minéralier s'entendent parfaitement sur les procédures suivre durant la période d'escorte, avant que le navire n'entre en zone de glaces.

Recommandation 36

La commission recommande que le Service hydrographique du Canada effectue le relevé d'autres régions avoisinant la route envisagée, et ce au profit de la sécurité des navires, de l'intervention environnementale, des opérations de recherche et de sauvetage, ainsi que du déglaçage.

Recommandation 37

La commission recommande que la VBNC, de concert avec Pêches et Océans Canada et avec l'Association des Inuit du Labrador, examine d'autres voies d'accès possibles à la baie Anaktalak et que les relevés hydrographiques et le tracé ultérieur de ces routes, selon les normes actuelles du Service hydrographique du Canada, soient effectués dans les trois prochaines années.

Recommandation 38

La commission recommande que l'Administration de pilotage de l'Atlantique déclare le pilotage obligatoire dans la zone de l'anse à Edward, pour que les navires n'arborant pas pavillon canadien qui sont affrétés sur le marché libre soient obligés de se faire assister par un pilote possédant les connaissances nécessaires des lieux.

Recommandation 39

La commission recommande que la VBNC fasse installer, avant de commencer ses activités de transport maritime, les meilleures aides à la navigation électroniques et fixes qui soit, y compris un marimètre fixe, pour assurer une localisation précise des navires le long de la route maritime.

Recommandation 40

La commission recommande que la VBNC intègre les procédures de chargement et les mesures de contrôle des concentrés dans le Plan de gestion du transport maritime élaboré en consultation avec Transports Canada. La VBNC doit fournir les services d'un gardien de port au besoin, notamment lorsqu'elle procède au chargement des concentrés de cuivre à bord de navires n'arborant pas pavillon canadien. La VBNC doit aussi surveiller les opérations de manutention des concentrés sur les quais et prendre les mesures correctives qui s'imposent si elle observe des fuites répétées de concentrés.

Recommandation 41

La commission recommande que, avant que ne s'amorcent les opérations de transport effectuées dans le cadre du projet, la VBNC soit tenue d'élaborer un programme de gestion de l'eau de ballast, en consultation avec Pêches et Océans Canada. Le programme doit viser à protéger l'intégrité écologique des eaux marines adjacentes à l'emplacement du projet. Les exigences prévues dans le programme doivent être intégrées à tous les contrats de transport, qui doivent en outre être assortis d'amendes en cas de non-conformité.

Recommandation 42

La commission recommande que la VBNC mette en uvre les mesures de sécurité et d'intervention d'urgence qu'elle a proposées relativement aux déversements d'hydrocarbures.

Recommandation 43

La commission recommande que la VBNC et Pêches et Océans Canada s'entendent sur le pire des scénarios crédible pour un déversement d'hydrocarbures, partir duquel toutes les parties responsables pourraient formuler leur plan d'urgence en cas de déversement. Dans le cadre du volet du projet relatif au transport maritime, il faudrait prévoir la mise en place de l'équipement d'intervention, l'examen et la mise à jour des plans d'intervention, ainsi que le maintien et la mise à l'essai des mesures d'urgence, conformément au plan établi. La VBNC et l'Association des Inuit du Labrador doivent également inclure un volet relatif à la planification d'urgence dans l'entente bilatérale de transport maritime que l'on négocie actuellement. La VBNC doit poursuivre ses travaux d'élaboration de scénarios de déversements d'hydrocarbures et les études sur le devenir de la nappe en cas de déversement; elle doit en outre tenir compte, comme il convient, des préoccupations soulevées par Pêches et Océans Canada et par le public dans ses efforts continus de planification d'urgence. Les plans d'intervention d'urgence doivent comporter des dispositions précises concernant la surveillance des effets et l'évaluation de l'efficacité des mesures d'intervention, qui seraient mises en uvre si un déversement majeur se produisait. La VBNC doit s'assurer que les exploitants de navire qui sont à son service connaissent ces dispositions et sont prêts à les mettre en application.

Recommandation 44

La commission recommande que la VBNC oblige les navires transportant des combustibles vers le complexe minier à avoir de l'équipement d'intervention leur bord, notamment des barrières flottantes, des récupérateurs, des sorbants et des dispositifs de stockage.

Recommandation 45

La commission recommande que la VBNC garde un navire de soutien dans l'anse à Edward pour intervenir en cas d'incidents mineurs, aider à l'accostage, entretenir des aides à la navigation et servir d'intervenant de première ligne si un déversement majeur d'hydrocarbures se produit sur la route maritime.

Recommandation 46

La commission recommande que la Garde côtière canadienne, avec la collaboration et le concours de la VBNC, et en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador, effectue une mise à jour des cartes des zones vulnérables existantes et complète les relevés des types de rivage, des habitats côtiers d'importance, des zones de pêche déterminantes et d'autres zones d'importance locale, avant de planifier de façon concertée les stratégies et les priorités d'intervention.

Recommandation 47

La commission recommande que le ministère des Pêches et des Océans du Canada finance, dirige ou parraine de nouvelles études sur les mammifères marins dans le but d'approfondir les connaissances relatives aux effets cumulatifs et ponctuels du projet, et recommande que le Canada alloue ce ministère les ressources requises à cette fin. Ces études devraient comprendre des recherches régionales et des études générales sur les effets du bruit et des glaces. L'Association des Inuit du Labrador devrait participer l'élaboration et à la réalisation de ces études qui devront être soumises l'examen du Conseil consultatif de l'environnement et faire l'objet de ses recommandations.

Recommandation 48

La commission recommande que la VBNC détermine, en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador, les périodes de mise bas des phoques annelés dans les zones situées à proximité de la route maritime, avant le début des activités de navigation hivernale.

Recommandation 49

La commission recommande que la VBNC élabore des plans d'urgence de lutte contre les déversements d'hydrocarbures ou la pollution chronique susceptibles de produire des effets nuisibles sur les ours polaires, ainsi que des plans d'intervention en cas de rencontres entre des humains et des ours. Ces plans devraient être élaborés en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador, dans le cadre de l'entente sur la navigation que l'on projette d'établir; l'Association des Inuit du Labrador devrait fournir promptement des avis à la VBNC concernant toute activité de mise bas des ours polaires à proximité de la route de navigation.

Recommandation 50

La commission recommande que le Canada et la province de Terre-Neuve et du Labrador précisent leur compétence sur les ours polaires au large de la côte du Labrador. L'autorité responsable doit rehausser ses responsabilités en matière d'application de la loi. Elle doit également établir un système efficace de rapport concernant l'abattage d'ours qui posent problème, sur le modèle du système appliqué dans les Territoires du Nord-Ouest, pour assurer la protection de l'espèce et servir de fondement aux mesures de compensation recommandées au chapitre 14.

Recommandation 51

La commission recommande que la VBNC élabore un plan de protection de l'environnement relativement à la perturbation causée aux communautés végétales et aux sols; ce plan

  • recenserait les types de terres sensibles et viserait leur préservation dans la mesure du possible;
  • limiterait le plus possible la circulation des véhicules tout terrain des routes désignées lorsque le sol n'est pas gelé, restreindrait cette circulation aux activités de surveillance essentielles, préconiserait l'usage d'hélicoptères pour les activités d'exploration et les travaux de construction en zones éloignées et permettrait l'usage de véhicules tout terrain lourds en hiver seulement.

Recommandation 52

La commission recommande que la VBNC maintienne sur les lieux un équipement adéquat et assure une capacité d'intervention en cas d'urgence qui lui permettrait de lutter contre les incendies de forêt le plus rapidement possible afin de réduire au minimum tout dommage éventuel. La Direction générale des forêts et de la faune, du ministère des Richesses forestières et de l'Agro-alimentaire de Terre-Neuve, devrait être chargée d'examiner et d'approuver les plans.

Recommandation 53

La commission recommande que la province examine, en collaboration avec la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador, l'efficacité du nouveau règlement d'application de la loi sur les mines ainsi que de ses activités de surveillance pour ce qui est de déterminer les effets cumulatifs de l'exploration minière sur l'habitat terrestre et aquatique dans le Nord du Labrador.

Recommandation 54

La commission recommande que la province, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu veillent à ce que les futures évaluations environnementales des grands projets situés dans le territoire du troupeau de caribous de la rivière George (dans le Labrador ou au Québec) portent particulièrement sur les effets cumulatifs d'une fragmentation de l'habitat.

Recommandation 55

La commission recommande que la VBNC établisse, comme elle a proposé de le faire, des mesures d'atténuation pertinentes concernant les routes, les pipelines et les autres aménagements linéaires. Ces mesures doivent favoriser le libre déplacement des caribous et faire en sorte qu'ils ne puissent avoir accès à la piste d'atterrissage, grâce à l'érection d'une clôture si cela se révèle nécessaire. Elles doivent aussi être conformes aux meilleures pratiques en vigueur au moment où elles seront mises en uvre.

Recommandation 56

La commission recommande que la VBNC élabore un plan de protection de l'environnement pour le caribou; ce plan doit :

  • prévoir une surveillance régulière du caribou dans la zone du lot de concessions minières et les régions adjacentes, où les bêtes pourraient se rassembler ou migrer, selon les circonstances;
  • établir une série de mesures de plus en plus strictes en réponse la présence et aux déplacements de caribous près du site du projet, allant de la limitation de la vitesse et du volume de circulation sur les routes à l'interdiction totale de circuler durant la période de migration;
  • présenter des mécanismes permettant de surveiller l'efficacité des mesures d'atténuation de la VBNC à l'égard du caribou, d'en faire rapport et, au besoin, d'apporter des correctifs.

Recommandation 57

La commission recommande que la VBNC, de même que les entrepreneurs et les sous-traitants qui travaillent pour elle, nettoie les lieux occupés et enlève immédiatement tout équipement utilisé pour des activités d'exploration ou autres effectuées à l'extérieur des sites clôturés du projet, que ce soit dans la zone du lot de concessions minières ou ailleurs dans le Nord du Labrador.

Recommandation 58

La commission recommande que la VBNC et l'Association des Inuit du Labrador mettent sur pied, dans le cadre de l'entente de transport maritime, un programme visant à surveiller et à réduire au minimum les effets de la navigation hivernale sur le caribou.

Recommandation 59

La commission recommande que la province, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu signent une entente de cogestion du troupeau de caribous de la rivière George avec le gouvernement du Québec et les utilisateurs autochtones québécois.

Recommandation 60

La commission recommande que la province entreprenne ou parraine d'autres études pour établir les caractéristiques, l'abondance, l'organisation, la dynamique et les exigences fondamentales du cycle biologique de la population d'ours noirs, pour assurer la pertinence et l'efficacité des stratégies de gestion adaptées aux ours noirs. La nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador devraient participer à la conception et à la réalisation de ces études, qui devraient être sujettes à l'examen et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement.

Recommandation 61

La commission recommande que la VBNC élabore un plan de protection de l'environnement relativement aux ours noirs; ce plan doit :

  • poursuivre la mise en uvre et l'amélioration des mesures concernant l'entreposage de la nourriture et la gestion des déchets, la limitation de la circulation sur route et hors piste, ainsi que la formation du personnel;
  • prévoir, au besoin, l'installation de clôtures électriques autour des installations du projet;
  • assurer la surveillance régulière de la présence des ours noirs et des activités d'hibernation;
  • établir un protocole visant à empêcher les contacts avec les ours et leurs tanières durant les activités du projet, par le déplacement des bêtes ou la réduction ou la suspension temporaire des activités, selon les circonstances.

Recommandation 62

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec Environnement Canada, l'Association des Inuit du Labrador, la nation Innu et les autres parties intéressées élabore et mette en uvre des plans de protection de l'environnement et d'intervention d'urgence relativement aux oiseaux marins et à la sauvagine; ces plans devraient indiquer clairement toutes les zones et les périodes vulnérables pour les oiseaux et les canards marins, ainsi que toutes les interactions éventuelles entre le projet et ces zones et assurer une protection adéquate de ces zones. Ces plans devraient aussi tenir compte de tous les oiseaux et de tous les canards marins dont les parcours de migration traversent cette région et la route maritime.

Recommandation 63

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec Environnement Canada et l'Association des Inuit du Labrador, élabore un plan de gestion des déchets huileux des navires, qui englobe les aspects suivants :

  • des procédures pour déceler toute source éventuelle relativement petite de rejets d'hydrocarbures chroniques, accidentels ou délibérés, ainsi que les grands déversements d'hydrocarbures;
  • un objectif explicite d'élimination totale de la pollution liée à des déversements d'hydrocarbures chroniques causés par les navires du projet;
  • de meilleures pratiques de gestion, destinées à atteindre l'objectif d'élimination totale des rejets et l'examen périodique de ces pratiques;
  • des dispositions visant à établir, à l'anse à Edward et au port d'accueil, une infrastructure de réception côtière adéquate pour les déchets huileux des navires du projet, assorties d'un plan d'évacuation de ces déchets.

Recommandation 64

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec Environnement Canada et l'Association des Inuit du Labrador, élabore un programme de surveillance pour évaluer les effets causés sur les colonies nicheuses par le bruit et les perturbations des navires passants. Selon les résultats du programme, la VBNC devrait, au besoin, élaborer et mettre en uvre des mesures d'atténuation supplémentaires qui pourraient même consister en une modification des routes maritimes (voir la recommandation 37).

Recommandation 65

La commission recommande que la VBNC mette sur pied un programme continu de recherche et de surveillance visant les canards arlequins dans la zone du projet, en consultation avec le Service canadien de la faune et les autres parties intéressées, pour mieux comprendre les caractéristiques physiques, biologiques et chimiques des habitats du canard arlequin et pour réaliser une stratégie efficace d'atténuation et de surveillance.

Recommandation 66

Pour protéger les canards arlequins et leur habitat, la commission recommande que la VBNC incorpore les mesures suivantes dans son Plan de protection de l'environnement :

  • des normes et des procédures de construction exigeant des ponts (plutôt que des ponceaux) à la traverse des cours d'eau que fréquentent des canards arlequins (il faudrait que des relevés des nids de canards arlequins soient effectués jusqu'à 100 mètres en amont et 100 mètres en aval de chaque point de traverse éventuel pour assurer une distance minimum);
  • des normes de conception pour établir, quand c'est physiquement possible, des zones tampons appropriées entre les routes et les cours d'eau qui renferment des habitats de canards arlequins;
  • des procédures pour lutter contre la poussière et le bruit dans les aires d'habitats essentiels.

Recommandation 67

La commission recommande que la VBNC collabore avec Environnement Canada, le ministère de la Défense nationale, la province de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que d'autres parties concernées pour intégrer les méthodes et les résultats de son programme de surveillance sur place des canards arlequins, aux résultats d'autres études ou programmes de surveillance relatifs aux aménagements présents, projetés ou futurs du Labrador, pour assurer une évaluation fiable des effets cumulatifs du projet, activités de navigation comprises.

Recommandation 68

La commission recommande que, en raison des dangers qui guettent les habitats et les populations de sauvagine et pour que les activités de chasse des Autochtones restent fructueuses, la VBNC mette en uvre une des stratégies suivantes pour l'aménagement de l'aéroport à l'emplacement proposé :

  • La société minière devrait réaligner la piste de façon à éviter que les appareils n'aient à voler directement au-dessus des Gooselands, et faire fonctionner cet aéroport comme une installation d'approche classique, jusqu'à ce que de nouvelles techniques lui permettent d'utiliser une piste de catégorie 1; ou
  • Avant de construire et d'exploiter un aéroport de catégorie 1, la société minière devrait élaborer un plan de gestion du trafic aérien qui comprendrait des mesures, incluant des restrictions temporaires des vols pendant les périodes cruciales de repos de la sauvagine migratrice, pour empêcher les vols de déranger indûment la sauvagine qui fréquente les Gooselands ou de perturber les activités de chasse des Autochtones. Ce plan devrait prévoir des dispositions visant la surveillance des effets, et la VBNC ne devrait annuler les restrictions imposées au trafic aérien que si les résultats de cette surveillance le justifient. Le plan de gestion du trafic aérien devrait être sujet à une révision et aux recommandations du Conseil consultatif de l'environnement.

Recommandation 69

La commission recommande que la VBNC poursuive sa politique actuelle d'interdiction de la chasse et de la pêche sur l'emplacement du projet et qu'elle veille à ce que cette politique soit rigoureusement appliquée. La politique en question devrait être élargie pour englober l'interdiction du dénichement. La politique devrait aussi prévoir le congédiement de tout travailleur qui se livre au commerce illégal du poisson ou du gibier, et la société devrait s'assurer que tous les travailleurs sont mis au courant de ces conséquences.

Recommandation 70

La commission recommande que la VBNC mette à exécution la politique qu'elle propose visant à ramener les travailleurs de la mine à leur point d'embarquement, pour s'assurer qu'ils ne pourront pas utiliser l'emplacement du projet comme base de chasse et de pêche pendant leurs temps libres.

Recommandation 71

La commission recommande que la VBNC conclue une entente avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu relativement à un régime d'indemnisation visant à compenser la perturbation des activités de prédation. La convention d'indemnisation devrait être négociée dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages (EIA) et prendre effet avant le début de la construction. La convention devrait comporter des protocoles en vue d'indemniser les peuples autochtones pour ce qui suit :

  • l'accroissement des coûts d'exploitation des ressources fauniques en raison d'un changement de territoire de prédation ou d'une perte d'accès à ces territoires;
  • les avantages que les autochtones auraient pu trouver dans des débouchés commerciaux qu'ils seront incapables d'exploiter à cause du projet;
  • les dommages au matériel ou aux biens;
  • les activités de chasse et de pêche commerciales ou de subsistance qui ne peuvent se réaliser parce que le projet a réduit l'abondance ou amoindri la qualité de la faune.

La VBNC devrait offrir des garanties financières suffisantes pour couvrir toute catastrophe éventuelle. En outre, les entrepreneurs embauchés par la VBNC et leurs sous-traitants, notamment les entreprises de transport, devaient adhérer au régime d'indemnisation visant à compenser la perturbation des activités de prédation.

Recommandation 72

La commission recommande que la VBNC s'engage à indemniser, au cas par cas, les exploitants traditionnels de la faune qui ne sont pas membres de l'Association des Inuit du Labrador ou de la nation Innu et qui sont susceptibles de subir des conséquences négatives en raison, par exemple, de la perturbation des déplacements sur les glaces marines en hiver.

Recommandation 73

La commission recommande que la VBNC dans le cadre de son plan de protection de l'environnement, de conclure une entente avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu concernant les dispositions d'un plan de protection et de gestion des ressources historiques qui devra se fonder sur une révision de l'actuel plan d'urgence pour les ressources historiques, et ce avant que le projet ne soit autorisé. Ce plan de protection et de gestion des ressources historiques devrait être négocié dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages et prendre effet avant le début des travaux de construction.

Recommandation 74

La commission recommande que, en vue d'améliorer l'accès aux occasions de formation pertinente pour le plus grand nombre possible d'habitants de la côte septentrionale, les parties signataires de l'entente multipartite sur la formation (les gouvernements fédéral et provincial, la nation Innu, l'Association des Inuit du Labrador, le College of the North Atlantic et la VBNC) collaborent en vue de trouver de nouvelles ressources, ou de réaffecter celles qui existent déjà, pour que les Autochtones qui ne répondent pas aux exigences d'admissibilité en matière d'assurance-emploi puissent quand même recevoir une aide à la formation.

Recommandation 75

La commission recommande que la province, en collaboration avec la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador, la nation Innu et le College of the North Atlantic, coordonne l'établissement d'un répertoire des compétences, pour aider les parties à élaborer des programmes de formation convenable et d'assister les particuliers dans leur planification de carrière.

Recommandation 76

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, établisse, préalablement à l'approbation du projet, un quota de stages d'apprentissage qui seraient offerts à l'étape de la construction et qui mettrait l'accent sur les compétences transférables aux étapes ultérieures de l'exploitation. Dans le cadre du processus d'appels d'offres, la VBNC devrait exiger des soumissionnaires qu'ils établissent ces postes d'apprentis.

Recommandation 77

La commission recommande que, dès l'approbation du projet, les parties l'entente multipartite sur la formation, élaborent une stratégie en vue d'accomplir les tâches suivantes :

  • donner certains programmes de formation, à l'extérieur de la formation de base des adultes, dans les collectivités de la côte septentrionale concernées par le projet;
  • établir des programmes de soutien formel et informel, comme des groupes de soutien, des services de counselling ou de mentorat, aux étudiants autochtones qui doivent partir de chez eux pour suivre des cours de formation;
  • fournir un soutien supplémentaire, comme des services de garderie, pour donner aux femmes, et plus particulièrement aux femmes qui sont chefs de famille monoparentale, l'égalité d'accès à la formation;
  • établir un programme de surveillance permettant d'effectuer le suivi des résultats de la formation, y compris le nombre de stagiaires qui ont participé, qui ont terminé le programme ou qui ont abandonné, ainsi que leur aptitude à trouver du travail, pour aider les parties à améliorer le programme, le cas échéant.

Recommandation 78

La commission recommande que la VBNC, pour renforcer le processus de recherche et de reconnaissance, travaille en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu pour poursuivre l'élaboration et la mise en uvre du processus. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu devraient assumer le rôle principal en ce qui concerne la conduite des ateliers. Ce partenariat devrait comprendre les Tongamiut Inuit Annait et les femmes Innu désignées par la nation Innu, pour veiller ce que les ateliers de recherche et de reconnaissance répondent vraiment aux préoccupations et aux besoins des femmes autochtones.

Recommandation 79

La commission recommande que la VBNC désigne Cartwright comme point d'embarquement des employés du projet, et envisage la possibilité d'en établir un autre dans une collectivité située au sud de Cartwright, si les circonstances le justifient.

Recommandation 80

La commission recommande que, avant d'engager des coordonnateurs autochtones de l'emploi, la VBNC mette sur pied un comité conjoint avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, pour établir une version définitive de la description des fonctions et des qualifications requises de ces coordonnateurs. Ce comité devrait aussi travailler avec les coordonnateurs pour établir des directives pour les programmes de lutte contre le racisme et d'initiation aux différences culturelles qui seront donnés sur place.

Recommandation 81

La commission recommande que la VBNC adopte une politique en vue d'établir les modalités et les critères à utiliser pour décider si un employé, qui part de son plein gré ou qui est renvoyé pour un motif valable, peut présenter une nouvelle demande d'emploi au complexe minier et quand il peut le faire. Grâce à ses coordonnateurs autochtones de l'emploi, la VBNC devrait être prête à travailler avec les employés éventuels pour discuter avec eux de quelles façons la VBNC pourrait les aider personnellement à essayer de travailler de nouveau et de quelle manière la VBNC pourrait régler les problèmes propres au milieu de travail.

Recommandation 82

La commission recommande que la VBNC, par le biais des coordonnateurs autochtones de l'emploi, vérifie le degré de satisfaction des employés autochtones en ce qui concerne les conditions linguistiques et culturelles du milieu de travail, ainsi que les motifs qui incitent des employés autochtones partir, et qu'elle utilise ces renseignements pour maintenir et même améliorer le taux de maintien de l'effectif autochtone.

Recommandation 83

Avant d'autoriser le projet, la commission recommande que la VBNC passe en revue les programmes d'aide aux employés existants, y compris, sans toutefois s'y limiter, le plan pour l'emploi des femmes et la politique sur le harcèlement, pour que l'on tienne compte des préoccupations des femmes. Lors de l'élaboration des programmes révisés, la VBNC devrait :

  • tenir des consultations auprès des femmes Innu choisies par la nation Innu, ainsi que des représentantes du Tongamiut Inuit Annait, du Comité de mise en valeur des ressources des femmes (Women's Resource Development Committee), du Conseil consultatif provincial sur la condition de la femme et du Bureau de la politique sur les femmes (gouvernement provincial);
  • recourir à l'analyse fondée sur le sexe;
  • inclure des procédures et des objectifs concrets pour assurer la conformité aux lois fédérales concernant l'équité en matière d'emploi et à la politique provinciale relative au harcèlement sexuel.

Recommandation 84

La commission recommande que, au cours des négociations bilatérales relatives aux ententes sur les impacts et les avantages, la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu soulèvent la question des besoins en matière de ressources qui permettraient à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu d'élaborer un programme exhaustif de garderies communautaires à l'intention des familles dont un parent travaille au complexe minier.

Recommandation 85

La commission recommande que la VBNC élabore une politique de congé familial en cas d'urgence pour les employés qui ont des enfants ou des personnes âgées à charge.

Recommandation 86

La commission recommande que la VBNC établisse, dès que possible et avant le démarrage des travaux de construction, en consultation avec des représentants des Autochtones et d'autres entreprises du Labrador, ainsi que des organismes fédéraux et provinciaux concernés, une stratégie détaillée de mise en valeur des fournisseurs qui comprendrait des procédures pour l'octroi de marchés et des mesures visant le développement des fournisseurs. Cette stratégie devra comprendre des objectifs concernant l'approvisionnement auprès des Autochtones et des entreprises du Labrador, que la société minière pourra surveiller et évaluer. Toutes les dispositions de cette stratégie devront être conformes aux engagements pris dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages.

Recommandation 87

La commission recommande que la VBNC verse à la ville de Nain une subvention tenant lieu d'impôt foncier pour compenser une partie des coûts supplémentaires engagés par la ville en raison de la construction et de l'exploitation du projet. La formule à utiliser pour calculer la subvention tenant lieu d'impôt foncier devrait être négociée par le ministère des Affaires municipales et provinciales de Terre-Neuve et du Labrador, la ville de Nain et la VBNC. Cette formule devrait tenir compte de l'utilisation prévue des infrastructures et des services communautaires par le projet, des coûts que la municipalité prévoit devoir engager en raison de la migration d'entrée liée au projet, et de toutes les recettes que la collectivité retirera du projet.

Recommandation 88

La commission recommande que la ville de Nain, l'Association des Inuit du Labrador, le ministère des Affaires municipales et provinciales de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada élaborent conjointement une stratégie quinquennale concernant le logement à Nain, en y incluant les sources de financement, afin de répondre aux besoins des résidents actuels et éventuels en matière de logement.

Recommandation 89

La commission recommande que la VBNC et la ville de Nain élaborent un protocole de communication, afin que chacune des deux parties soit régulièrement informée au sujet des questions et des activités d'intérêt commun. Le protocole devrait comporter des dispositions à l'effet que les représentants de la ville et de la VBNC se réuniront au besoin pour discuter de leurs préoccupations et de leurs problèmes. Ce protocole de communication aurait pour but d'offrir la possibilité de régler les problèmes dès leur apparition et de favoriser des initiatives propres à avantager les deux parties.

Recommandation 90

La commission recommande que l'Association des Inuit du Labrador, la ville de Nain et le ministère du Développement et de la Rénovation rurale de Terre-Neuve et du Labrador unissent leurs efforts en vue d'élaborer un processus de planification du développement économique pour la ville de Nain. Ce processus aurait comme objectif global d'en arriver à une économie locale diversifiée et viable, capable de maximiser la participation aux travaux du projet, tout en renforçant les entreprises existantes et en recherchant de nouveaux débouchés dans la collectivité même. Le processus devrait favoriser la participation des divers groupements d'intérêt, y compris la VBNC, comme il convient.

Recommandation 91

La commission recommande que la province, en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador, entreprenne des pourparlers avec Transports Canada en vue d'élaborer une stratégie quinquennale pour la réfection des installations de transport aérien sur la côte septentrionale, afin qu'elles répondent aux exigences de catégorie 1. En raison des limites de la piste actuelle de Nain, et de l'accroissement de la circulation aérienne, la commission recommande que l'on accorde une priorité absolue à Nain.

Recommandation 92

La commission recommande que la province, par l'intermédiaire de la Société de la santé du Labrador (Health Labrador Corporation) et en consultation avec la Commission de santé des Inuit du Labrador (Labrador Inuit Health Commission) et la Commission de santé Innu (Innu Health Commission), évalue les besoins futurs en matière de soins de santé communautaires et de soins de santé préventifs, qu'elle fixe les priorités pour des programmes et services nouveaux ou accrus, et qu'elle établisse ces programmes et services selon les besoins.

Recommandation 93

La commission recommande que la VBNC négocie avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, dans le cadre de leur entente respectives sur les impacts et les avantages, les partenariats de surveillance que la société minière a proposés. Les partenariats de surveillance doivent assurer la participation des Inuit et des Innu à la conception, à la mise en uvre et à l'évaluation du programme de surveillance. Ils doivent également fournir aux Inuit et aux Innu des occasions d'obtenir la formation nécessaire ainsi que de recueillir et d'analyser des données en ayant recours à des méthodes scientifiques de même qu'à l'observation et aux connaissances autochtones.

Recommandation 94

La commission recommande que, avant que les travaux de construction ne démarrent, le Canada, la province de Terre-Neuve et du Labrador, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu négocient une entente de cogestion environnementale pour traiter des aspects biophysiques et socio-économiques de l'exploitation des ressources minérales dans le Nord du Labrador. L'entente devrait établir un mécanisme pour assurer la participation constante des quatre parties dans les processus réglementaires connexes, dans l'examen des futurs aménagements liés au projet et dans l'administration du programme de suivi.

Recommandation 95

La commission recommande que, en vertu de l'entente de cogestion environnementale, les quatre parties au protocole d'entente devraient établir un Conseil consultatif de l'environnement pour le Nord du Labrador, dont le mandat consisterait à examiner les résultats de la surveillance de la conformité la réglementation et les résultats du programme de suivi établi en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale; de vérifier les demandes de permis et les futures propositions d'aménagement aux fins du projet; de traiter les questions et les problèmes de gestion environnementale récurrents. Le Canada et la province assureraient le financement des opérations de ce conseil, qui devrait comporter un secrétariat pour coordonner les fonctions administratives et scientifiques. Le Conseil devrait publier un rapport annuel.

Recommandation 96

La commission recommande que, avant que la construction ne commence, la VBNC prépare un document portant sur sa performance environnementale et qui indique clairement les principales modalités selon lesquelles le projet serait réalisé et tous les engagements pris par la VBNC, y compris toutes les normes de performance, les garanties financières, les objectifs, les quotas et les modalités de présentation des rapports. Le document devrait indiquer pour chaque cas la raison juridique correspondante (par exemple : joint pour répondre à une condition posée pour une approbation en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, inclus dans une entente sur les impacts et les avantages ou dans une entente librement conclue). Ce document serait conçu pour aider la VBNC à rendre compte de sa performance environnementale et pour aider les gouvernements, les organisations autochtones et le public à l'évaluer.

Recommandation 97

La commission recommande que la VBNC négocie une entente sur le transport avec l'Association des Inuit du Labrador avant que la construction du projet ne commence. Au départ, cette entente devrait traiter des protocoles pour le transport pendant la période des eaux libres, ainsi que des modalités suivre pour les questions qui n'ont pas encore été réglées à propos du transport hivernal. La commission recommande aussi que le ministère des Pêches et des Océans du Canada joue dans ce processus un rôle de conseiller en ce qui concerne les questions de sécurité maritime et de protection environnementale.

Recommandation 98

La commission recommande que le ministère des Pêches et des Océans du Canada et l'Association des Inuit du Labrador entreprennent des pourparlers en vue de déterminer les domaines d'intérêt, les priorités, les ressources et les occasions relativement à la planification de la gestion maritime, pour déterminer quels pourraient être les premiers éléments d'un processus de planification intégrée de gestion des opérations maritimes. Ces pourparlers devraient être conçus pour aboutir dans un délai raisonnable à un protocole d'entente. Ce processus de planification devrait préférablement s'appuyer sur les dispositions de l'article 31 de la Loi sur les océans; sinon, le ministère des Pêches et des Océans du Canada devrait indiquer une autre façon de procéder.

Recommandation 99

La commission recommande que la VBNC élabore, avant le début des travaux de construction, des programmes de protection de l'environnement, des plans d'intervention en cas d'urgence, ainsi que des programmes de santé et sécurité au travail, de concert avec les organismes de réglementation, et que ces plans ou ces programmes soient soumis à l'examen du Conseil consultatif de l'environnement qui formulera ses recommandations. Les programmes de protection de l'environnement et d'intervention en cas d'urgence devront être élaborés sous une forme utilisable sur le terrain et devront faire l'objet de révisions et de mises à jour périodiques.

Recommandation 100

La commission recommande que la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu négocient, dans le cadre des partenariats de surveillance, une entente qui comporterait d'importants niveaux de participation des Autochtones en matière de recherche, de planification, d'application et de surveillance du plan de réhabilitation au cours de la phase postérieure la désaffectation. Cette entente devrait comprendre un bon mécanisme de transfert du savoir autochtone, de même que de leurs compétences et connaissances techniques en matière de réhabilitation. Par le biais de cette entente, la VBNC et les partenaires Innu et Inuit seraient en mesure de collaborer à l'élaboration d'objectifs raisonnables et réalisables pour le processus de réhabilitation.

Recommandation 101

La commission recommande que la VBNC élabore, dès que possible et avant le début de la construction, des politiques et des systèmes de production de rapport et de reddition de comptes, pour s'assurer que les objectifs établis en matière de réhabilitation soient intégrés à tous les aspects de la conception, de la construction et de l'exploitation du projet, particulièrement en vue de réduire au minimum l'étendue des perturbations. A cette fin, la VBNC devrait :

  • poursuivre l'élaboration du plan de réhabilitation, en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu;
  • réviser tous les plans de construction et d'exploitation en fonction de la réhabilitation des lieux;
  • donner une formation pertinente aux employés et organiser des séances de sensibilisation;
  • assurer la surveillance de la conformité au plan de réhabilitation;
  • produire des rapports sur l'avancement des travaux, destinés autant l'interne qu'à l'externe.

Recommandation 102

La commission recommande que le ministère des Mines et de l'Énergie de Terre-Neuve et du Labrador s'informe auprès du Conseil consultatif de l'environnement avant de décider des exigences pertinentes en matière de garanties financières qu'il conviendrait de joindre au bail minier. De telles garanties devraient entrer en vigueur graduellement pour couvrir les coûts estimés de réhabilitation et de surveillance postérieure à la désaffectation, en tout temps au cours du projet, et devraient comprendre des sommes en espèces appropriées. Ces garanties peuvent aussi prendre la forme de cautionnements, de liens sur des éléments d'actifs ou de garanties irrévocables.

Recommandation 103

La commission recommande que la VBNC élabore le cadre de surveillance biophysique en collaboration avec les autres parties intéressées. Le cadre devrait reposer sur de solides assises scientifiques, sur la nécessité d'obtenir, relativement à la gestion de l'environnement, une information en retour qui soit pratique, ainsi que sur les préoccupations des résidents du Nord du Labrador et des utilisateurs des ressources. Le cadre de surveillance devrait comprendre une politique d'accès public aux données, des protocoles concernant la production de rapports, ainsi que des jalons pouvant servir déclencher des interventions. Ce cadre devrait également tenir compte expressément de la nécessité de rendre le processus transparent et d'offrir au public un accès à l'information.

Recommandation 104

La commission recommande que la province charge un ministère ou un organisme provincial d'élaborer et de superviser un programme correspondant au programme de suivi exigé par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui porterait surtout sur les effets socio-économiques du projet. L'objectif de ce programme serait de vérifier les prévisions de l'étude d'impact environnemental, pour veiller à ce que la VBNC respecte ses engagements de nature socio-économique, d'évaluer l'efficacité des mesures d'atténuation et d'orienter l'allocation des ressources provinciales pour les services et l'infrastructure. Ce programme de suivi socio-économique devrait être élaboré en collaboration avec le Conseil consultatif de l'environnement.

Recommandation 105

La commission recommande que la VBNC soit tenue de soumettre un rapport annuel au ministère provincial désigné comme autorité responsable du programme de suivi socio-économique (voir la recommandation 104), et au Conseil consultatif de l'environnement. Le rapport décrirait les résultats du projet en matière de réalisation des avantages socio-économiques aux membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, ainsi qu'aux résidents et entreprises du Labrador. S'il y a lieu, le Conseil consultatif de l'environnement pourrait fournir des recommandations sur les mesures d'atténuation ou d'amélioration aux organismes économiques provinciaux et régionaux concernés et à la VBNC.

Recommandation 106

La commission recommande que la VBNC fournisse une ventilation selon le sexe pour toutes les données sur l'emploi présentées dans ses rapports trimestriels à la province.

Recommandation 107

La commission recommande que le Canada et la province englobent dans leur processus respectif d'évaluation environnementale le principe de l'examen exhaustif des connaissances autochtones en matière écologique. La commission recommande également qu'on étende le champ de ces connaissances l'ensemble du savoir autochtone. Les gouvernements devraient fournir une orientation aux promoteurs en ce qui concerne leurs obligations fondamentales et leurs options en matière d'application du savoir autochtone dans une étude d'impact environnemental ou de sa présentation dans le cadre du processus d'examen public. Des indications plus précises sur la manière d'utiliser le savoir autochtone dans les examens futurs devraient être fournies par les commissions responsables, au cas par cas.

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Annexe A : Biographies des membres de la commission

Mme Lesley Griffiths (présidente)

Mme Griffiths est conseillère en planification communautaire et environnementale dans la région de Halifax. Elle a vingt ans d'expérience dans la consultation des collectivités et la conciliation, l'évaluation des effets environnementaux, la gestion des déchets et des ressources aquatiques, l'exploitation du pétrole et du gaz, ainsi que la planification du tourisme et des loisirs. Elle a été membre de la commission conjointe Canada-Nouvelle-Écosse chargée de l'examen du projet de gestion des eaux usées dans le port de Halifax.

M. Samuel Metcalfe

M. Metcalfe est un Inuk qui a déjà vécu dans la communauté Inuit de Nain, près du site projeté pour l'extraction et la concentration minières dans la baie Voisey. Il jouit d'une vaste expérience des secteurs public et privé. Il a travaillé au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, comme chef de la Division de la culture et des langues, à Ottawa.

Retraité, M. Metcalfe vit à Cornwallis, en Nouvelle-Écosse.

Mme Lorraine A. Michael

Mme Michael est active dans le mouvement canadien de la justice sociale et possède une vaste expérience en ce domaine à l'échelle régionale, nationale et internationale. Elle est l'ancienne coordonnatrice des programmes pour les femmes et la justice économique, de la Coalition oecuménique pour la justice économique. Mme Michael possède une expérience de l'évaluation des effets sociaux des activités de développement économique Terre-Neuve et au Labrador sa province natale. Elle est titulaire de diplômes de l'Université Memorial de Terre-Neuve et de l'Université de Toronto.

Mme Michael habite à St. John's, à Terre-Neuve.

M. Charles Pelley

M. Pelley est un géologue et ingénieur minier né à Terre-Neuve. Il a été membre de la commission fédérale d'évaluation environnementale du projet d'exploitation d'une mine d'uranium du lac Rabbit, en Saskatchewan. Les différents postes qu'il a occupés à la Compagnie minière Iron Ore du Canada, à la Canada Wide Mines et à la Société Asbestos ltée lui confèrent une expérience considérable de l'aménagement minier et de l'exploitation minière.

M. Pelley est titulaire d'un doctorat en génie de l'Université McGill et il est actuellement professeur agrégé de génie minier à l'Université Queen's de Kingston, en Ontario.

M. Peter J. Usher

M. Usher est conseiller en évaluation des effets sociaux et environnementaux, en aménagement des terres et en gestion des ressources et du territoire et en revendications territoriales autochtones. Il habite à Ottawa, mais sa clientèle se trouve surtout dans le Nord du Canada où il a travaillé pendant de nombreuses années. M. Usher est titulaire d'un doctorat en géographie de l'Université de la Colombie-Britannique. Il est actuellement président du conseil consultatif sur la gestion de la faune des Territoires du Nord-Ouest.

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Annexe B : Liste des acronymes

AETE
Évaluation des techniques de mesures d'impacts en milieu aquatique
APECA
Agence de promotion économique du Canada atlantique
PEEEMMMA (AQUAMIN)
Programme canadien d'évaluation des effets de l'exploitation minière sur le milieu aquatique
ASL
au-dessus du niveau de la mer
BHP
Broken Hill Properties
CAC3
Catégorie arctique canadienne 3
CCE
Conseil consultatif de l'environnement
CEIE
Comité d'examen de l'impact environnemental
CSEMDC
Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada
Cu
cuivre
CVE
composante valorisée de l'écosystème
dB
décibel (unité de puissance sonore)
dB(A)
décibel A ou décibel pondéré en gamme A (mesure sonore)
DDPH
Détérioration, destruction ou perturbation de l'habitat du poisson
DGPS
Système numérique de positionnement à l'échelle globale
ECRC
Société d'intervention maritime de l'Est du Canada
EIA
Ententes sur les impacts et les avantages
EIE
Étude d'impact environnemental
GCC
Garde côtière canadienne
GMDSS
système de détresse maritime à l'échelle du globe
IMPACT
modèle utilisé pour prédire les charges de contaminants
INHC
Commission des services de santé de la nation Innu
LCEE
Loi canadienne sur l'évaluation environnementale
LCPE
Loi canadienne sur la protection de l'environnement
LHDC
Commission de développement de la santé du Labrador
LIA
Association des Inuit du Labrador
LIDC
Société de développement des Inuit du Labrador
LMMC
Loi sur la marine marchande du Canada
LMN
Nation métisse du Labrador
LPEN
Loi sur la protection des eaux navigables
LTE
limite de la teneur en eau
MAIN
Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien
MDN
Ministère de la Défense nationale du Canada
MEC
Ministère de l'Environnement du Canada
METTN
Ministère de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve
mg/l
milligrammes par litre
MMLER
Règlement sur les effluents des mines de métaux
MPO
Ministère des Pêches et des Océans du Canada
PFLCCN
Programme fédéral de lutte contre les contaminants dans le Nord
NEDEM
Neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier (programme de Ressources Naturelles Canada)
Ni
nitrate
PUCPH (OPEP)
Plan d'urgence en cas de pollution par les hydrocarbures
P.N.B.
Produit national brut
PAE
Programme d'aide aux employés
PE
Protocole d'entente
pH
mesure de l'acidité ou de l'alcalinité d'un liquide
RNCan
Ressources naturelles Canada
SCF
Service canadien de la faune
SEE
Surveillance des effets environnementaux
SEVCM
Système électronique de visualisation des cartes marines
SHC
Service hydrographique du Canada
SOPEP
Plan d'urgence de bord contre la pollution par les hydrocarbures
SRGNA
Système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique
T.N.-O.
Territoires du Nord-Ouest
TIA
Tongamiut Inuit Annait
tpj
tonnes par jour
EPA
Environmental Protection Agency des États-Unis
VBNC
Voisey's Bay Nickel Company
WRDC
Comité de développement des femmes et des ressources

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Annexe C : Protocole d'entente

Le présent protocole d'entente

Entre :

Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, représenté par le ministre de l'Environnement et du Travail et par le premier ministre de la province, à titre de ministre des Affaires intergouvernementales;
Le gouvernement du Canada, représenté par le ministre de l'Environnement et par le ministre des Pêches et des Océans;
L'Association des Inuit du Labrador, représentée par le président; et
La nation Innu, représentée par le président.

(Les "parties")

Attendu que :

  • La société Voisey's Bay Nickel Company Limited propose un projet touchant les gisements de nickel, de cuivre et de cobalt situés à un endroit que les Inuit du Labrador connaissent sous le nom de Tasiujatsoak, que les Innu du Labrador connaissent sous le nom de Kapukuanipant-kauashat, et qui est aussi connu sous le nom de baie Voisey;
  • Le projet en question serait réalisé sur des territoires dont les sols et les eaux font presque entièrement l'objet de revendications territoriales globales dont les négociations sont en cours, en vertu d'accords cadres signés respectivement par l'Association des Inuit de Terre-Neuve et du Labrador, le Canada et la province de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que par la nation Innu, le Canada et la province de Terre-Neuve et du Labrador;
  • Les parties veulent s'assurer que les effets du projet sur l'environnement sont évalués grâce à la mise en place d'un processus unique, efficace et efficient;
  • L'Environmental Assessment Act, RSN 1990, cE-14 ("NEAA") de Terre-Neuve et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37 ("LCEE") s'appliquent au projet et au présent protocole d'entente;
  • Le premier ministre provincial, à titre de ministre des Affaires intergouvernementales de Terre-Neuve et du Labrador, a des responsabilités en vertu de l'Intergovernmental Affairs Act, RSN 1990, cI-13 de Terre-Neuve;
  • Le ministre de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve et du Labrador a des responsabilités en vertu de la NEAA;
  • Le ministre de l'Environnement du Canada a des responsabilités en vertu de la LCEE;
  • Le ministre des Pêches et des Océans du Canada a des responsabilités en vertu de la Loi sur les pêches, S.R.C. 1985, ch. F-14, de la Loi sur la protection des eaux navigables, S.R.C. 1985, ch. N-22 et de la LCEE, et qu'il est l'autorité responsable principale aux fins de la LCEE;
  • L'article 37 de la NEAA habilite le ministre de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve et du Labrador, lorsqu'il juge que l'intérêt public le demande, et avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, à procéder, par décret, pour dispenser un projet de l'application de la NEAA sous réserve de certaines modalités;
  • Selon les dispositions de l'article 37 de la NEAA, le rapport de dispense concernant le projet en question établit, sur l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, un processus de remplacement à celui prévu dans la NEAA, lequel processus de remplacement sera inclus dans les modalités du rapport de dispense, dont l'une a trait à l'exécution d'une évaluation environnementale conformément au présent protocole d'entente;
  • Les articles 40, 41 et 42 de la LCEE habilitent le ministre de l'Environnement du Canada à conclure un accord avec d'autres compétences relativement à la création conjointe d'une commission d'évaluation environnementale et au processus selon lequel la commission exécutera une évaluation des effets environnementaux d'un projet;
  • Le président de la nation Innu a la responsabilité, au nom des Innu du Labrador, de s'assurer que le projet est entièrement évalué, et le Conseil de la nation Innu lui a conféré le pouvoir de conclure le présent protocole d'entente;
  • Le conseil de direction de l'Association des Inuit du Labrador a la responsabilité, au nom des Inuit du Labrador, de s'assurer que le projet est entièrement évalué, et le conseil de direction a autorisé le président de l'Association des Inuit du Labrador conclure le présent protocole d'entente;
  • Les parties veulent décrire le processus qui sera suivi lors de l'exécution de l'évaluation environnementale du projet.

Par conséquent, les parties conviennent de ce qui suit :

1. Définitions

Dans le présent protocole d'entente, y compris dans le préambule, dans l'annexe 1 et son supplément, mais non pas dans l'annexe 2 :

"Agence"
Agence canadienne d'évaluation environnementale;
"autorité responsable"
Organisme fédéral qui est tenu, en vertu de la LCEE, de veiller à ce qu'il soit procédé à l'évaluation environnementale du projet;
"Canada"
Gouvernement du Canada;
"commission"
Commission d'évaluation environnementale instituée aux termes de l'article 3 du présent protocole d'entente;
"directives de l'EIE"
Directives que la commission a données au promoteur au sujet de questions qui doivent être abordées dans l'étude d'impact environnemental du promoteur;
"effets environnementaux"
Tant les changements que la réalisation d'un projet risque de causer à l'environnement que les changements susceptibles d'être apportés au projet du fait de l'environnement, que ce soit au Canada ou à l'étranger; sont comprises parmi les changements l'environnement les répercussions de ceux-ci soit en matière sanitaire et socio-économique, soit sur l'usage courant de terres et de ressources des fins traditionnelles par les autochtones, soit sur une construction, un emplacement ou une chose d'importance en matière historique, archéologique, paléontologique ou architecturale.
"effets résiduels"
Effets environnementaux qui persistent une fois que toutes les mesures d'atténuation ont été prises;
"environnement"
Ensemble des conditions et des éléments de la Terre, notamment :
  1. le sol, l'eau et l'air, y compris toutes les couches de l'atmosphère;
  2. toutes les matières organiques et inorganiques ainsi que les êtres vivants;
  3. les conditions et éléments d'ordre social, économique, récréatif, culturel, spirituel et esthétique qui influent sur la vie des êtres et des collectivités humaines;
  4. toute partie ou combinaison des éléments mentionnés aux alinéas a) à c) ci-dessus, ainsi que les interrelations entre deux ou plus de ces éléments;
"étude d'impact environnemental" (ci-après "EIE")
Rapport dans lequel sont présentés les résultats de l'EE effectuée par le promoteur;
"évaluation environnementale" (ci-après "EE")
Évaluation des effets environnementaux du projet, évaluation qui sera exécutée conformément au présent protocole d'entente;
"examen"
Examen public conjoint qui doit être effectué par la commission conformément au présent protocole d'entente;
"impacts environnementaux cumulatifs"
Effets additifs et interactifs d'un projet conjugués à ceux d'autres projets ou activités qui ont été mis en oeuvre ou vont l'être;
"jour"
Jour civil;
"LCEE"
Loi canadienne sur l'évaluation environnementale;
"LIA"
Association des Inuit du Labrador;
"mandat"
Mandat de la commission, tel qu'énoncé l'annexe 1;
"mesures d'atténuation"
Maîtrise efficace, réduction importante ou élimination des effets environnementaux négatifs d'un projet, éventuellement assortie d'actions de rétablissement notamment par remplacement ou restauration; y est assimilée l'indemnisation des dommages; et "atténuer" a une signification correspondante;
"ministres fédéraux"
Ministre de l'Environnement du Canada et ministre des Pêches et des Océans du Canada;
"ministres provinciaux"
Ministre de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve et du Labrador et le premier ministre provincial, titre de ministre responsable des Affaires intergouvernementales de Terre-Neuve et du Labrador;
"nation Innu"
Nation Innu du Labrador;
"NEAA"
Environmental Assessment Actde Terre-Neuve;
"parties"
Signataires du présent protocole d'entente;
"plan d'urgence"
Programme destiné à traiter les fonctionnements défectueux, les accidents et les événements fortuits pouvant se produire en rapport avec le projet;
"programme d'aide financière aux participants"
Programme dont il est question à l'article 2.5 du présent protocole d'entente;
"programme de suivi"
Programme visant à permettre :
  1. de vérifier la justesse de l'EE du projet,
  2. de juger de l'efficacité des mesures d'atténuation des effets environnementaux négatifs du projet,
  3. de mettre en oeuvre des mesures afin d'atténuer les effets environnementaux négatifs relevés en a) et/ou en b);
"projet"
La construction, l'exploitation, la démolition, la désaffectation, la réhabilitation ainsi que la résignation de baux que propose le promoteur d'une exploitation minière et d'activités connexes, tel que décrit à l'annexe 2.
"promoteur"
Société Voisey's Bay Nickel Company Limited;
"protocole d'entente"
Présent protocole d'entente y compris l'annexe 1, l'annexe 2 ainsi que le supplément à l'annexe 1 joints aux présentes;
"secrétariat"
Secrétariat mis sur pied aux termes de l'article 2.6 du présent protocole d'entente;
"Terre-Neuve et le Labrador"
Gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador;

2. Généralités

2.1 But : Le but du présent protocole d'entente est d'établir un processus unique, efficace et efficient qui servira à évaluer les effets environnementaux du projet, y compris des dispositions visant la participation entière du public.

2.2 Accords sur des revendications territoriales et accords sur l'autonomie gouvernementale : Les parties ouvriront des négociations en vue d'étudier les modifications qu'il convient d'apporter au protocole d'entente pour qu'il reflète les accords de principe, ainsi que les accords provisoires ou définitifs sur des mesures à prendre, accords qui seront conclus dans le cadre des deux séries de négociations sur des revendications territoriales globales qui se déroulent en ce moment entre le Canada, la province de Terre-Neuve et du Labrador et la LIA, ainsi qu'entre le Canada, la province de Terre-Neuve et du Labrador et la nation Innu.

2.3 Examen par une commission : Une commission sera instituée et chargée d'effectuer l'examen du projet.

2.4 Budget de la commission : Les parties se consulteront mutuellement afin de s'assurer que la commission dispose des ressources financières suffisantes pour effectuer l'examen du projet.

2.5 Aide financière aux participants : Les personnes désireuses de participer à l'examen du projet peuvent faire une demande d'aide financière auprès de l'Agence, dans le cadre de son programme d'aide financière aux participants.

2.6 Secrétariat de la commission : Le Canada, au nom des parties et en tenant compte de leurs recommandations, mettra sur pied un secrétariat dont les fonctions comprendront celle de renseigner le public et qui sera chargé d'aider la commission dans l'accomplissement de ses devoirs. Le bureau de la commission sera établi à Nain.

2.7 Centres d'information publique : Des centres d'information publique seront établis par la commission à Utshimasits et à Nain, ainsi que dans d'autres localités de la province, selon ce que la commission jugera à propos. Ces centres d'information publique seront administrés par le secrétariat de la commission.

2.8 Registre public : Un registre, permettant au public d'avoir un accès continu aux renseignements concernant l'examen du projet, sera établi au bureau de la commission dans un but de conformité l'article 55 de la LCEE.

2.9 Publication du protocole d'entente : Le présent protocole d'entente sera publié au moment de la nomination des membres de la commission.

2.10 Participation de représentants officiels des parties : Aucune clause du présent protocole d'entente ne sera interprétée comme restreignant la participation des fonctionnaires des ministères et organismes de Terre-Neuve et du Labrador et du Canada, ou des représentants de la LIA et de la nation Innu, à l'examen du projet.

2.11 Annonces : Les parties ou leurs représentants désignés coordonneront toutes les annonces ayant trait aux questions abordées dans le présent protocole d'entente.

3. Institution d'une commission d'évaluation environnementale

3.1 Membres de la commission : La commission se composera de cinq personnes au plus. Les membres de la commission ne seront pas des employés de la fonction publique du Canada, ni de la fonction publique de Terre-Neuve et du Labrador, ni de la LIA, ni de la nation Innu.

3.2 Critères de sélection des membres de la commission : Tous les membres de la commission seront des personnes impartiales et sans conflit d'intérêts en ce qui concerne le projet, et posséderont des connaissances ou une expérience pertinente par rapport aux effets environnementaux prévus du projet.

3.3 Sélection et nomination des membres de la commission : Les membres de la commission, y compris le président ou la présidente, seront choisis par le Canada à partir d'une liste dressée par les parties. Chacune des parties choisira trois candidats et au moins un de ces candidats choisis par chacune des parties sera nommé membre de la commission.

3.4 Moment de l'institution de la commission : Une fois les candidats choisis, les membres de la commission seront nommés simultanément à l'exécution du présent protocole d'entente.

3.5 Avis public : Au moment de l'institution de la commission, les parties donneront un avis public à cet effet.

3.6 Examen par la commission : Dès son institution, la commission entamera son examen du projet, conformément au mandat qui lui est confié.

3.7 Pouvoirs : La commission détiendra les pouvoirs énoncés à l'article 35 de la LCEE.

4. Rapport de la commission

4.1 Présentation du rapport : Après avoir achevé l'examen du projet, la commission remettra son rapport, en même temps, aux ministres provinciaux, aux ministres fédéraux, au président de la LIA et au président de la nation Innu.

4.2 Diffusion publique du rapport : Le rapport de la commission sera publié et, avant l'annonce de sa diffusion publique, le secrétariat en déposera des exemplaires sous embargo dans les collectivités de Nain, Utshimasits, Sheshatshiu, Hopedale, Makkovik, Rigolet et Postville, et dans d'autres localités, selon les besoins, de manière s'assurer que le rapport soit rapidement accessible aux personnes intéressées. Le rapport de la commission sera mis à la disposition des habitants des collectivités nommées ci-dessus immédiatement après l'annonce de sa diffusion publique. Des exemplaires seront offerts au grand public sur demande. Les annonces de la commission se feront depuis Nain et d'autres endroits, selon ce qui conviendra le mieux.

5. Modifications

5.1 Modifications : Le présent protocole d'entente peut être modifié seulement avec le consentement écrit de toutes les parties. Sauf si les parties se mettent d'accord sur un autre jour, toute modification entrera en vigueur au moment de son exécution par les parties.

6. Dispositions finales

6.1 Absence de préjudice : Le présent protocole d'entente est établi sans préjudice des opinions défendues par les parties à toute autre tribune. Le présent protocole d'entente ne doit pas être interprété comme conférant, reconnaissant, contestant ou compromettant l'un ou l'autre des droits, avantages, recours ou privilèges autochtones, ou liés à un traité ou à la constitution ou à tout autre droit, dont pourrait se prévaloir l'une ou l'autre des parties, une personne ou un groupe de personnes. Le présent protocole d'entente ne doit pas être interprété comme constituant un accord ou un traité selon le sens adopté dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Aucune clause du présent protocole d'entente ne doit être interprétée comme exprimant un consentement, une approbation ou une autorisation de quelque sorte que ce soit qui serait donné par la LIA et par la nation Innu par rapport au projet ou à quelque élément du projet.

6.2 Modification du projet : Si le promoteur propose d'apporter des changements au projet, les parties réexamineront le présent protocole d'entente et pourront le modifier et donner des directives différentes à la commission relativement au processus d'examen.

6.3 Consultation : Les parties procéderont, selon les besoins, à des consultations sur la mise en oeuvre du présent protocole d'entente.

6.4 Traduction : Le présent protocole d'entente sera traduit en inuktitut et en innu-eimun avant son exécution par les parties.

Traduction de l'anglais
Original signé en anglais seulement

  • Président
    Association des Inuit du Labrador
  • Président
    Nation Innu
  • Ministre de l'Environnement et du Travail
    Gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador
  • Ministre de l'Environnement
    Gouvernement du Canada
  • Approuvé aux termes de l'Intergovernmental Affairs Actde Terre-Neuve, par le premier ministre de la province à titre de ministre responsable des Affaires intergouvernementales, ou par le secrétaire du Cabinet pour les Affaires intergouvernementales
    Gouvernement du Canada
  • Ministre des Pêches et des Océans

Annexe 1 : Mandat
Commission d'évaluation environnementale du projet d'exploitation minière proposé à la baie Voisey

Introduction

Aux termes du protocole d'entente sur l'évaluation environnementale du projet d'exploitation minière proposé à la baie Voisey, une commission d'évaluation environnementale est instituée et chargée de procéder à un examen des effets environnementaux reliés au projet proposé par la société Voisey's Bay Nickel Company Limited.

Le présent mandat est élaboré par les parties et approuvé par le Ministre de l'environnement.

Des études et des travaux peuvent modifier la description du projet. Si, au cours du processus d'examen, la commission apprend que le promoteur se propose de modifier le projet, et que la commission juge que le changement proposé est important, la commission en avisera les parties immédiatement.

Aux fins du présent examen, le ministère de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve et du Labrador est le ministère provincial principal, le ministère des Pêches et des Océans du Canada est l'autorité responsable principale en vertu de la LCEE, et la société Voisey's Bay Nickel Company Limited est le promoteur du projet.

Définitions

Les définitions contenues dans l'article 1 du protocole d'entente sur l'évaluation environnementale du projet d'exploitation minière à la baie Voisey s'appliquent à la présente annexe.

Portée de l'examen

En effectuant l'examen, la commission se penchera sur les éléments décrits dans le supplément à l'annexe 1 et tiendra pleinement compte de toutes les connaissances écologiques traditionnelles exprimées, qu'elles soient présentées oralement ou par écrit. La commission peut examiner les présentations concernant la relation entre le projet et les négociations sur les revendications territoriales même si un examen du contenu ou la définition des droits des autochtones ou une détermination de la portée ou du contenu des négociations sur les revendications territoriales ne font pas partie du mandat de la commission.

Étapes du processus d'examen

Voici les étapes principales du processus d'examen de la commission :

  1. Communication de documents : Au moment de son institution, la commission recevra la description du projet et un exemplaire du document préparé par le promoteur et intitulé "The Voisey's Bay Mine/Mill Project - Project Description Report" [Projet d'exploitation d'une mine et d'une usine à la baie Voisey - Description du projet], daté du 26 septembre 1996, ainsi que toutes les révisions que le promoteur peut faire parvenir aux parties.
  2. Exécution de l'examen : La commission élaborera et diffusera la procédure de fonctionnement qui servira à l'exécution de l'examen.
  3. Élaboration des directives provisoires de l'EIE : La commission élaborera les directives provisoires de l'EIE et les diffusera en vue de recevoir les commentaires du public. Des avis à ce sujet feront l'objet d'une vaste diffusion afin de veiller à ce que le public soit pleinement informé des directives provisoires de l'EIE, et des exemplaires des directives provisoires de l'EIE seront mis à la disposition du public. En élaborant les directives provisoires de l'EIE, la commission examinera le rapport de la nation Innu, daté du 15 mars 1996, et un rapport de la LIA, daté du 4 juillet 1996.
  4. Établissement de la portée de l'évaluation : La commission procédera à une opération complète visant à établir la portée de l'évaluation. L'opération commencera par expliquer le processus d'examen, elle aidera ensuite à cerner les questions prioritaires aborder pendant l'examen, puis elle consistera à recevoir les commentaires du public relativement aux directives provisoires de l'EIE élaborées par la commission. L'opération doit comprendre la recherche des opinions des Innu et des Inuit sur les connaissances écologiques traditionnelles utiliser dans le cadre de l'EE et sur la façon dont les connaissances traditionnelles devraient être obtenues et évaluées.
    L'opération se déroulera au moyen d'assemblées publiques qui se tiendront dans les collectivités de Nain, Utshimasits, Sheshatshiu, Hopedale, Makkovik, Rigolet et Postville et dans d'autres localités de la province que pourrait déterminer la commission. Les commentaires oraux reçus lors des assemblées publiques seront considérés par la commission comme ayant tout autant de valeur que les commentaires écrits.
    La commission décidera des documents nécessaires pour appuyer l'opération visant à établir la portée de l'évaluation.
    La commission pourra exiger la présence du promoteur aux réunions visant à établir la portée de l'évaluation. De plus, la commission pourra exiger du promoteur qu'il tienne des réunions distinctes afin de permettre aux personnes intéressées de bien comprendre le projet et de cerner les objets de préoccupation. La commission ou son secrétariat pourront assister aux réunions organisées par le promoteur.
    Durant l'opération , la commission visitera l'emplacement proposé et survolera les itinéraires de rechange proposés pour le transport, afin de prendre directement connaissance du projet proposé et de ses environs. Des représentants de la LIA, de la nation Innu, du grand public et du promoteur pourront accompagner les membres de la commission lors de leur visite de l'emplacement.
  5. Communication des directives de l'EIE au promoteur : La commission achèvera l'élaboration des directives de l'EIE dans les 120 jours suivant son institution, en tenant compte des consultations auprès du public et des commentaires reçus de la part du public. Les directives de l'EIE aborderont tous les éléments définis dans le supplément 1 au présent mandat. La commission fera parvenir les directives de l'EIE au promoteur et distribuera en même temps des exemplaires des directives de l'EIE au registre public et dans les centres d'information publique. Des avis faisant l'objet d'une vaste diffusion seront émis afin de s'assurer que le public est entièrement au courant des directives de l'EIE, et des exemplaires des directives de l'EIE seront mis à la disposition du public.
  6. Préparation de l'EIE : La commission exigera du promoteur qu'il prépare l'EIE conformément aux directives de l'EIE et qu'il présente l'EIE à la commission.
  7. Examen public de l'EIE : L'EIE sera déposée dans le registre public et dans les centres d'information publique, et elle sera mise à la disposition du public afin qu'il puisse l'examiner et exprimer ses commentaires. Les commentaires devront être présentés la commission par écrit, ou oralement sous la forme d'enregistrements de qualité. Les commentaires devront être remis à la commission dans les 75 jours suivant la diffusion publique de l'EIE. La commission accordera aux commentaires oraux une valeur tout aussi importante qu'aux commentaires écrits.
  8. Caractère suffisant de l'EIE :
    1. Une fois que l'examen public de l'EIE sera terminé, la commission, tenant compte de tous les commentaires reçus et de son propre examen de l'EIE, déterminera si l'EIE est suffisante pour que l'on puisse passer aux audiences publiques.
    2. Si la commission détermine que l'EIE est suffisante pour que l'on puisse passer aux audiences publiques, la commission établira le calendrier des audiences publiques et les annoncera de la façon prévue à l'étape 9.
    3. Si la commission décide qu'il y a des lacunes importantes, au point que l'EIE n'est pas suffisante pour que l'on puisse passer aux audiences publiques, la commission émettra un énoncé des lacunes en exigeant des renseignements supplémentaires de la part du promoteur, et le promoteur remettra les renseignements demandés. Au même moment où la commission communique l'énoncé des lacunes au promoteur, l'énoncé des lacunes sera déposé dans le registre public et dans les centres d'information publique et il sera mis à la disposition du public.
    4. Les décisions de la commission aux étapes 8 a), b) et c), y compris l'émission d'un énoncé des lacunes, devront être prises dans les 30 jours suivant l'achèvement de l'étape 7.
    5. En recevant les renseignements supplémentaires demandés, la commission les déposera dans le registre public et dans les centres d'information publique et elle les mettra à la disposition du public, qui pourra les examiner et exprimer ses commentaires dans les 45 jours suivant la réception de ces renseignements supplémentaires par la commission.
    6. Une fois terminé l'examen public des renseignements supplémentaires, la commission, tenant compte des commentaires reçus et de son propre examen des renseignements supplémentaires, déterminera, dans un délai de 15 jours, si l'EIE enrichie des renseignements supplémentaires est suffisante pour passer aux audiences publiques, et les alinéas b) à f) s'appliqueront.
  9. Annonce des audiences publiques : Une fois que la commission aura déterminé que l'EIE est suffisante pour passer aux audiences publiques, la commission établira le calendrier des audiences publiques et l'annoncera avant la fin d'un délai de sept jours. La commission fera tout son possible pour que le calendrier des audiences publiques permette de maximiser la présence et la participation du public, en tenant compte des activités saisonnières et des pratiques traditionnelles des Innu et des Inuit. Les audiences publiques devront commencer au plus tôt 30 jours et au plus tard 45 jours après l'annonce du calendrier. La commission émettra la procédure détaillée des audiences publiques. Les audiences publiques se tiendront d'une manière permettant de s'assurer que l'on procède à un examen approfondi des questions relevant du mandat de la commission, surtout en ce qui touche l'examen des preuves techniques.
  10. Audiences publiques : La commission tiendra ses audiences publiques dans les collectivités de Nain, Utshimasits, Sheshatshiu, Hopedale, Makkovik, Rigolet et Postville, et dans d'autres localités de la province que pourrait déterminer la commission. Des audiences techniques auront lieu à Nain, à Utshimasits et dans d'autres localités de la province que pourrait déterminer la commission en se basant sur son évaluation de l'intérêt manifesté dans les diverses collectivités.
    La commission fera tout en son pouvoir pour achever les audiences publiques en 45 jours ou moins.
  11. Présentation du rapport : La commission préparera et présentera aux parties un rapport comportant, sans s'y limiter, les éléments suivants :
    • une description du processus d'examen public,
    • un sommaire des commentaires et des recommandations reçus du public,
    • les justifications, les conclusions et les recommandations de la commission.

La commission devra présenter son rapport le plus tôt possible mais, de toute façon, au plus tard 90 jours après l'achèvement des audiences publiques.

Participation du public

La commission procédera à son examen d'une manière qui favorise et facilite la participation du public.

Conseillers spéciaux de la commission

La commission pourra retenir les services d'experts indépendants afin d'en obtenir des renseignements et de l'aide pour interpréter les questions de nature technique et scientifique, ainsi que les questions relatives aux connaissances écologiques traditionnelles.

Les noms de tous les spécialistes retenus et les conseils qu'ils auront donnés à la commission seront rendus publics. Les spécialistes indépendants engagés par la commission pourront être tenus de se présenter devant la commission lors des séances d'audiences publiques.

Exigences en matière de traduction et d'interprétation

Traduction :

Diffusion : Tous les documents traduits seront déposés dans le registre public et dans les centres d'information publique qui conviennent.

Documents de la commission : La procédure de fonctionnement de la commission, les avis publics concernant les réunions et les audiences de la commission, la procédure détaillée des audiences publiques, les directives provisoires de l'EIE, les directives de l'EIE et tout énoncé des lacunes émis par la commission seront traduits en innu-eimun et en inuktitut. Les documents traduits seront rendus disponibles sous forme de bande magnétoscopique ou sous forme écrite au même moment où la version en langue anglaise est diffusée publiquement par la commission, et ils seront fournis aux personnes et aux organismes, sur demande. L'émission de ces documents ne sera pas retardée de plus d'une semaine pour des raisons de traduction.

Le rapport de la commission sera traduit en innu-eimun et en inuktitut. La traduction des conclusions et des recommandations du rapport de la commission, ainsi que celle des sommaires des sections clés du rapport, seront rendues disponibles au même moment où la version en langue anglaise du rapport est remise aux ministres provinciaux, aux ministres fédéraux, au président de la LIA et au président de la nation Innu. La remise du rapport de la commission ne sera pas retardée de plus d'une semaine pour des raisons touchant la traduction des conclusions, des recommandations et des sommaires mentionnés ci-dessus.

Documents du promoteur :Les sections clés de l'EIE seront traduites. Après avoir consulté la nation Innu et la LIA, la commission déterminera quelles parties de l'EIE seront traduites en innu-eimun et en inuktitut par le promoteur. La commission pourra exiger que la traduction de ces parties de l'EIE soit rendue disponible sous forme de bande magnétoscopique ou sous forme de document écrit. Le promoteur prendra toutes les mesures raisonnablement possibles pour veiller à ce que la traduction de ces documents soit disponible au même moment où la version en langue anglaise est diffusée publiquement par la commission, et à ce que les documents traduits soient mis la disposition des personnes et des organismes, sur demande. La même procédure s'appliquera à la traduction de tout renseignement supplémentaire fourni par le promoteur en réponse à un énoncé des lacunes émis par la commission.

Après avoir consulté la nation Innu et la LIA, la commission déterminera quels autres documents seront traduits en innu-eimun et en inuktitut, si la traduction doit être offerte sous forme de bande magnétoscopique ou sous forme écrite, et à quel moment la traduction sera mise à la disposition des personnes et des organismes intéressés.

Interprétation :

Après avoir consulté la nation Innu et la LIA, la commission déterminera les besoins d'interprétation, de l'anglais vers l'innu-eimun et l'inuktitut, et de l'innu-eimun et de l'inuktitut vers l'anglais, lors des assemblées publiques tenues par la commission, lors de la visite de l'emplacement et pendant les audiences publiques, y compris les audiences techniques et générales, ainsi que tous les autres besoins d'interprétation, et la commission verra à fournir les services d'interprétation qui conviennent.

Aide de la LIA et de la nation Innu :

La LIA et la nation Innu collaboreront et prendront les mesures nécessaires pour aider la commission et le promoteur à déterminer les besoins de traduction et d'interprétation dans le cadre de l'examen, et à produire la traduction des documents dans les meilleurs délais. Aucune disposition du présent paragraphe n'indique d'obligations financières de la part de la LIA ou de la nation Innu.

Supplément à l'annexe 1 : Les éléments dont il faut tenir compte pendant l'examen public

Les définitions contenues dans l'article 1 du protocole d'entente sur l'évaluation environnementale du projet d'exploitation minière la baie Voisey s'appliqueront au présent supplément. L'examen tiendra compte des éléments énumérés ci-après dans la mesure où ils concernent chacune des phases du projet :

  1. La description du projet, y compris ses limites dans le temps et dans l'espace;
  2. La nécessité du projet;
  3. Les raisons d'être et la justification du projet;
  4. Une analyse des solutions de rechange, y compris :
    1. des solutions de rechange au projet,
    2. des moyens de rechange, pour réaliser le projet, qui soient possibles sur les plans technique et économique, et les effets environnementaux de ces moyens de rechange;
  5. Les limites temporelles et spatiales des champs de l'étude;
  6. La mesure dans laquelle la diversité biologique est touchée par le projet;
  7. La description de l'environnement actuel dont on peut s'attendre raisonnablement qu'il sera touché, directement ou indirectement, par le projet, y compris une description suffisante des caractéristiques de base de cet environnement;
  8. La description de l'état futur probable de l'environnement pendant la durée de vie prévue du projet, si le projet n'était pas approuvé;
  9. Les effets environnementaux du projet, y compris les effets environnementaux découlant de mauvais fonctionnements, d'accidents ou d'événements fortuits qui pourraient se produire en rapport avec le projet;
  10. Les effets environnementaux cumulatifs possibles du projet;
  11. L'importance des effets décrits aux articles 9 et 10 ci-dessus;
  12. Les mesures d'atténuation proposées qui sont techniquement et économiquement possibles et qui atténueraient les effets environnementaux négatifs du projet, y inclus l'interaction de ces mesures avec les plans de gestion existants;
  13. Les propositions relatives à la surveillance de la conformité en matière d'environnement;
  14. Les mesures propres à rehausser tout effet environnemental bénéfique;
  15. Des propositions de plan d'urgence;
  16. Les effets résiduels associés au projet, et l'importance de ces effets;
  17. La nécessité d'un programme de suivi en rapport avec le projet ainsi que ses obligations;
  18. La capacité des ressources renouvelables, risquant d'être touchées de façon importante par le projet, de répondre aux besoins du présent et à ceux des générations futures;
  19. La portée de l'application du principe de précaution au projet;
  20. Les commentaires reçus par la commission pendant l'examen.

Annexe 2 : Description du projet

Voisey's Bay Nickel Company Ltd. (le "promoteur") propose d'exploiter une mine et une usine de concentration de nickel, de cuivre et de cobalt près d'un lieu que les Inuit du Labrador connaissent sous le nom de Tasiujatsoak, que les Innu du Labrador connaissent sous le nom de Kapukuanipant-kauashat et qui est aussi connu sous le nom de baie Voisey. On évalue à 150 millions de tonnes les ressources minérales en question. Le gisement est constitué de trois corps minéralisés appelés Ovoid, Eastern Deeps et Western Extension. Le premier serait exploité à l'aide de techniques d'excavation à ciel ouvert. Quant aux deux autres, on utiliserait des techniques d'exploitation souterraine. Le minerai serait transformé en concentrés de nickel et de cobalt et en concentrés de cuivre au moyen de procédés de broyage conventionnels. Les concentrés seraient expédiés à une fonderie hors place. Ce projet d'exploitation minière est appelé ci-après le "projet".

La mine et l'usine de concentration qu'on propose d'exploiter seraient situées dans le nord du Labrador, à 35 kilomètres au sud-ouest de Nain et à 79 kilomètres au nord-ouest d'Utshimasits (Davis Inlet). Dans cette région au climat subarctique, les étés sont courts, et les hivers, longs. Le relief environnant est accidenté; les élévations peuvent atteindre 400 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le projet se déroulerait, en majeure partie, dans une vallée protégée menant, au nord, à la baie Anaktalak, et au sud, à la baie Voisey (Figure 1). Les résidus et les stériles seraient déposés dans des vallées situées à l'est de la mine. Les vallées sont largement boisées, tandis que les régions des hautes terres sont principalement constituées de roches stériles. La zone du projet comporte plusieurs bassins hydrographiques comprenant des cours d'eau peuplés d'ombles chevaliers et d'autres poissons. Cette zone fait présentement l'objet de négociations sur les droits territoriaux des autochtones entre la province de Terre-Neuve et du Labrador, l'Association des Inuit du Labrador et le Canada, de même qu'entre la province de Terre-Neuve et du Labrador, la nation Innu et le Canada.

Sont prévus, durant le cycle de vie du projet, des installations et des activités d'exploitation minière souterraine et à ciel ouvert, la construction et l'exploitation de centres d'entreposage des stériles et des morts-terrains, des voies de chantier permanentes, des bancs d'emprunt et des carrières, de même que les voies permettant d'y accéder, une piste d'atterrissage, une usine de concentration, un bassin d'accumulation des résidus, un complexe de logements et de services, une station portuaire incluant des quais de chargement et un lieu d'entreposage des concentrés, des zones d'entretien et d'entreposage, y compris des dépôts d'équipement et de carburant, des installations d'entreposage et de fabrication d'explosifs, un système de traitement des eaux usées, un système d'alimentation et de distribution électriques, un réseau d'aqueduc, des systèmes de captage et de drainage d'eau et un système de communications. Le projet comprend des activités liées à l'exploitation et à l'infrastructure exposées ci-dessus, par exemple le transport du personnel et des marchandises ainsi que l'expédition des concentrés.

La mine à ciel ouvert serait exploitée à l'aide de méthodes conventionnelles. Les stériles seraient entreposés près de la mine ou dans un bassin d'enfouissement, selon les risques de production d'acide qu'ils présentent. On évalue à 13,7 millions de tonnes la quantité de morts-terrains qui seraient enlevés et entreposés près de la mine. Environ 20,5 millions de tonnes de stériles ne produisant pas d'acide seraient entreposés dans des installations de surface. Un million de tonnes de stériles, considérés comme pouvant produire de l'acide, seraient placés dans un bassin d'enfouissement. Il pourrait être nécessaire de traiter les eaux usées provenant du bassin d'enfouissement du minerai à très basse teneur.

Pour extraire les gisements souterrains, on procéderait au fonçage de puits, à l'abattage à l'explosif, puis à l'opération de roulage par chargeurs-transporteurs. Environ 15,5 millions de tonnes de stériles seraient extraits de la mine souterraine. Quinze millions de tonnes de stériles sont considérés comme pouvant produire de l'acide et seraient placés dans un bassin d'enfouissement; l'autre demi-million de tonne serait entreposé à la surface. On procéderait la récupération des eaux provenant des sites miniers à ciel ouvert et souterrains et de l'écoulement provenant des entassements de stériles et de morts-terrains et, au besoin, on assurerait leur traitement avant leur rejet.

Le minerai serait transporté à une usine de concentration, puis transformé en concentrés de nickel, de cobalt et en concentrés de cuivre à l'aide de procédés de concassage, de broyage et de flottation. L'usine de concentration serait conçue en fonction d'un taux de production initial de 15 000 tonnes de minerai par jour. Les concentrés seraient transportés par camion aux installations d'entreposage dans la station portuaire de la baie Anaktalak, puis expédiés à la fonderie.

Les résidus issus du processus de concentration peuvent produire de l'acide et seraient placés dans un bassin d'enfouissement permanent afin d'empêcher la production d'acide et la lixiviation des métaux. Le lieu d'enfouissement des résidus, que privilégie le promoteur, est un lac situé à environ 12 kilomètres au nord-est de l'usine. Le promoteur soutient que ce lac est suffisamment grand pour contenir les résidus des ressources minérales en question. L'exploitation du site comprendrait des barrages périmétriques, des portes de contrôle, des routes d'accès, la diversion des eaux de surface et, au besoin, des lagunes tertiaires. Les eaux de décantation seraient régénérées et recyclées, et l'excès d'eau serait traité s'il y a lieu avant d'être évacué.

L'eau destinée à la consommation et à la lutte contre les incendies proviendrait des puits souterrains dans le bassin Reid Brook. Des générateurs au diesel fourniraient l'énergie requise. La piste d'atterrissage serait située au nord de Camp Pond.

Le promoteur envisage jusqu'ici trois routes maritimes (au nord, l'est et au sud) pour le passage des vraquiers transportant le concentré entre les îles situées au large de la côte du Labrador et le projet de station portuaire de Kakiak (Edward's Cove). Présentement, l'option préférée du promoteur est la route possible au nord qui suit une partie de la Strathcona Run, c'est-à-dire la route maritime existante qui mène à Nain (Figure 2). Trois options relatives à la saison d'expédition sont à l'étude. Le concentré pourrait être expédié pendant l'inter-glacial (expédition saisonnière). Il pourrait également être expédié jusqu'au début de l'englacement et durant la débâcle (expédition prolongée). Enfin, il pourrait être expédié toute l'année durant sans interruption (expédition à l'année longue). Le promoteur préférerait échelonner l'expédition du concentré sur le plus grand nombre de mois possible; toutefois, vu l'importance de la glace pour les déplacements, l'environnement, la chasse et la pêche en hiver, le promoteur consultera encore la population locale et les organismes gouvernementaux de réglementation au sujet de la saison d'expédition.

Environ 700 personnes seraient embauchées pendant l'étape de la construction. Durant l'exploitation, environ 500 personnes seraient embauchées, outre le personnel engagé à forfait. La durée de vie prévue du projet dépasse 20 ans et dépend des ressources minérales ainsi que du taux de production. Les travailleurs seraient transportés sur les lieux du projet par avion et seraient logés sur place. On ne prévoit pas urbaniser le site.

À la fermeture de la mine, le site serait désaffecté et réhabilité pour reprendre un peu son aspect initial. Le désaffectation et la réhabilitation s'effectueraient progressivement; elles commenceraient au début de l'exploitation minière et se poursuivraient tout au long du projet jusqu'à la résignation des baux par le promoteur.

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Annexe D : Compte rendu

Délibérations relatives à l'établissement de la portée

  • 16 avril 1997 - Nain (Labrador) - Session d'après-midi
  • 16 avril 1997 - Nain (Labrador) - Session de soirée
  • 17 avril 1997 - Nain (Labrador) - Session d'après-midi
  • 17 avril 1997 - Nain (Labrador) - Session de soirée
  • 19 avril 1997 - Davis Inlet (Labrador) - Sessions d'après-midi et de soirée
  • 20 avril 1997 - Davis Inlet (Labrador)
  • 23 avril 1997 - Goose Bay (Labrador) - Session de soirée
  • 24 avril 1997 - Goose Bay (Labrador) - Session d'après-midi
  • 25 avril 1997 - Goose Bay (Labrador) - Session d'après-midi
  • 28 avril 1997 - St. John's (Terre-Neuve) - Session d'après-midi
  • 29 avril 1997 - St. John's (Terre-Neuve) - Sessions d'après-midi et de soirée
  • 6 mai 1997 - Cartwright (Labrador) - Session de soirée
  • 7 mai 1997 - Rigolet (Labrador) - Session de soirée
  • 8 mai 1997 - Makkovik (Labrador) - Session de soirée
  • 12 mai 1997 - Postville (Labrador) - Session d'après-midi
  • 13 mai 1997 - Goose Bay (Labrador) - Session d'après-midi
  • 13 mai 1997 - Goose Bay (Labrador) - Session de soirée
  • 14 mai 1997 - Sheshatshit (Labrador)
  • 15 mai 1997 - Sheshatshit (Labrador) - Session de matin
  • 15 mai 1997 - Sheshatshit (Labrador) - Session d'après-midi
  • 26 mai 1997 - Hopedale (Labrador)

Audiences

  • 9 septembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 10 septembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 11 septembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 12 septembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 14 septembre 1998 - Nain (Labrador)
  • 15 septembre 1998 - Nain (Labrador)
  • 16 septembre 1998 - Nain (Labrador)
  • 17 septembre 1998 - Nain (Labrador)
  • 19 septembre 1998 - Labrador City (Labrador)
  • 28 septembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 29 septembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 30 septembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 1 octobre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 2 octobre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 3 octobre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 5 octobre 1998 - Rigolet (Labrador)
  • 6 octobre 1998 - Makkovik (Labrador)
  • 7 octobre 1998 - Postville (Labrador)
  • 15 octobre 1998 - Davis Inlet (Labrador)
  • 16 octobre 1998 - Davis Inlet (Labrador)
  • 17 octobre 1998 - Davis Inlet (Labrador)
  • 22 octobre 1998 - St. John's (Newfoundland)
  • 28 octobre 1998 - Hopedale (Labrador)
  • 29 octobre 1998 - Sheshatshiu (Labrador)
  • 30 octobre 1998 - Sheshatshiu (Labrador)
  • 31 octobre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 1 novembre 1998 - Cartwright (Labrador)
  • 2 novembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 3 novembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 4 novembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 5 novembre 1998 - Goose Bay (Labrador)
  • 6 novembre 1998 - Goose Bay (Labrador)

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Annexe E : Remerciements

La commission souhaite exprimer ses remerciements aux personnes qui ont participé à l'étude du projet d'exploitation minière et d'usine de concentration de la baie Voisey. La commission remercie en particulier les habitants du Labrador qui l'ont accueillie chez eux et ont partagé leurs points de vue avec elle.

La commission voudrait aussi remercier les représentants du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial, de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu pour leur participation. La commission apprécie beaucoup l'esprit de coopération dont ont fait preuve la VBNC et ses experts-conseils pendant toute la durée du processus.

La commission remercie tout spécialement les membres de son secrétariat qui l'ont aidée à préparer et à rédiger son rapport et dont voici les noms :

  • Brian Torrie - Gestionnaire de la commission
  • Sharon Baillie-Malo - Analyste
  • Angie Barrados - Analyste
  • Mary Webb - Agent d'information
  • Josée Lance - Agent d'information

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