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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

3 Nécessité de réaliser le projet et intendance des ressources

3.1 Nécessité de réaliser le projet et moment favorable

Dans ses directives, la commission a demandé au promoteur de démontrer la nécessité de réaliser le projet. Dans sa réponse, au cours des audiences et dans l'étude d'impact environnemental, la VBNC a décrit le marché du nickel qu'elle a jugé en pleine croissance. La société a aussi fait état de la faible performance des économies provinciale et régionale et a soutenu la viabilité et le potentiel du projet sur le plan économique. La VBNC a rappelé sa volonté de mener à bien ce projet « en conformité avec la stratégie d'Inco qui vise à exploiter des gisements de nickel à faible coût et à maintenir sa position de premier producteur mondial de nickel .

Plusieurs des exposés présentés ont établi un lien étroit entre la nécessité de réaliser le projet et le moment choisi pour sa réalisation. Autrement dit, le projet doit-il démarrer immédiatement ou peut-on en retarder sa réalisation de quelques années? Certains des participants ont suggéré qu'un délai assurerait une plus grande viabilité économique au projet, augmenterait de ce fait les avantages économiques dont tirerait parti la région et garantirait des profits suffisants pour couvrir les frais liés à la protection et à la mise en valeur de l'environnement. Un deuxième argument en faveur de la mise en veilleuse du projet était qu'on réduirait ainsi les éventuels effets sociaux négatifs en donnant aux Autochtones et aux collectivités locales le temps de se préparer. Le présent chapitre traite de la viabilité économique du projet. Les chapitres 15, 16 et 17 traitent des aspects relatifs aux besoins en matière de préparation opérationnelle.

La commission juge que la tentative de définir précisément le terme « nécessité » en référence à un nouveau projet minier pose certaines difficultés. Elle considère donc les aspects suivants comme des arguments recevables qui peuvent servir à justifier la réalisation du projet:

  • la nécessité d'approvisionner les marchés mondiaux en nouveau nickel et de démontrer les avantages résultant de la mise en marché des produits du nickel (le cuivre et le cobalt, qui sont considérés comme des sous-produits du nickel aux fins de la présente discussion, ne présentent qu'un intérêt secondaire);
  • la nécessité de constituer et de maintenir des réserves à faible coût qui sont destinées au secteur canadien du nickel, de manière à répondre aux impératifs de production de la société mère de la VBNC, la société Inco, de même que l'importance de soutenir l'activité économique canadienne à long terme;
  • la nécessité d'assurer le développement d'une économie régionale fondée sur la production de métal de première fusion.

Quelques participants ont enjoint la commission d'évaluer la nécessité d'approvisionner les marchés en nouveau nickel non seulement en fonction de la demande (sur les marchés mondiaux), mais aussi en fonction de l'offre. Ils veulent que les réserves de nickel soient préservées pour le bénéfice des générations futures et souhaitent réduire l'ensemble des effets environnementaux négatifs liés à l'extraction, au traitement et au stockage des matières exploitées.

3.1.1 Consommation des matières exploitées et conséquences sur le plan environnemental

Le nickel est une ressource non renouvelable. Cependant, l'argument le plus souvent soulevé devant la commission en faveur du ralentissement de l'extraction de cette ressource limitée ne relevait pas tant de la peur de voir cette ressource épuisée à l'échelle mondiale, mais plutôt de l'inquiétude suscitée par l'extrême fragilité des écosystèmes de la planète qui peuvent difficilement subir les conséquences sur le plan environnemental de la capacité de production actuelle de matières industrielles, sans parler des conséquences d'un accroissement de cette production.

Un économiste de l'environnement qui représentait la nation Innu a allégué que le monde occidental devrait déjà réduire de 75 pour cent la capacité de production totale de matières exploitées. Une telle mesure réduirait, selon lui, les niveaux de stress et de dégradation sur le plan environnemental qui s'additionnent à chacune des étapes du processus d'exploitation de ces matières. Elle permettrait également de répondre aux besoins élémentaires des pays moins développés. Il n'a pas proposé d'abandonner le projet de la baie Voisey, mais il a fait valoir que le report du projet et une exploitation plus petite échelle contribueraient de façon significative à gérer les sources d'approvisionnement d'une manière responsable à l'égard de l'environnement. A son avis, seul un besoin sociétal pour des biens et services créés à partir de métaux « vierges » produits par le projet peut justifier sa mise en uvre. Il a par la suite énuméré les éléments dont il faudrait tenir compte : le nombre d'exploitations minières actuellement en opération ou projetées, les consommations actuelles et anticipées, la possibilité que d'autres métaux remplacent le nickel et la quantité de métaux recyclés.

La nation Innu a aussi fait valoir l'importance de laisser aux générations futures des gisements à forte teneur en métaux, et non pas seulement des gisements à faible teneur. Elle a soutenu également qu'un approvisionnement excessif ne favoriserait pas le développement d'utilisations plus rationnelles du produit.

Le ministère des Ressources naturelles du Canada a indiqué à la commission qu'un tiers environ du nickel utilisé dans la fabrication de l'acier inoxydable provient de métaux recyclés. Le ministère considère en fait que les métaux ne sont pas éliminés, mais « stockés à la surface ». La commission prend note de cette observation qui semble confirmer la nécessité d'exploiter en premier lieu les gisements à forte teneur. Un spécialiste de la nation Innu s'est dit d'accord avec cette prémisse puisque l'exploitation des gisements à faible teneur nécessite une grande quantité d'énergie et produit de nombreux polluants. Puisque les techniques d'extraction sont appelées changer, il serait donc préférable de procéder d'abord à l'exploitation des gisements à forte teneur pour minimiser les dommages causés à l'environnement et constituer un stock de matières recyclées.

La commission reconnaît l'importance de préserver les matières exploitées, y compris le nickel. Lors des audiences publiques, la commission a pu constater les niveaux élevés de matières recyclées atteints par le secteur du nickel et les efforts consentis par Inco en vue de développer de nouvelles utilisations du nickel qui augmenteraient la valeur du produit sans augmenter le volume de métal consommé. La commission estime toutefois qu'une évaluation environnementale portant sur un projet particulier ne peut rendre compte adéquatement de la problématique liée à l'exploitation et à la conservation des gisements de nickel à l'échelle mondiale. La commission est d'avis que la quantité de nickel qui ne serait pas produite par la VBNC serait mise en marché très rapidement par un concurrent. Les dommages causés l'environnement risquent d'être plus importants et les avantages moindres que ceux escomptés dans le projet de la VBNC, notamment dans le cas où l'exploitation minière ne serait pas soumise aux contraintes qui sont imposées à un projet canadien.

L'expert qui représentait la nation Innu (précédemment cité) a indiqué quel rythme devrait se faire l'extraction d'une ressource limitée comme le nickel pour garantir des avantages durables et équitables. Les sections qui suivent abordent la question des taux de production et de l'intendance des ressources.

3.1.2 Les marchés mondiaux du nickel

Le principal argument utilisé par la VBNC pour démontrer la nécessité de réaliser le projet est l'augmentation du taux de croissance composé de la demande en nickel, qui s'est accru de quatre pour cent depuis 1963. Par contre, d'autres participants aux audiences estiment que le taux de croissance composé est surévalué. Ils rapportent que de 1960 à 1973, on a enregistré un taux de croissance composé de 6,5 pour cent, mais que ce taux s'établissait à un pour cent entre 1973 et 1996. Ils ont aussi souligné le fait que le taux de croissance accuserait un mouvement à la baisse si le marché devait prendre de l'expansion.

Comme l'indique le graphique présenté à la figure 2, qui illustre la consommation du nickel, le marché n'a enregistré pratiquement aucune croissance entre 1984 et 1992. On observe par contre une recrudescence du marché depuis quelques années. Cette hausse est attribuable à l'augmentation de la demande pour le nickel de première fusion. Le document sur les renseignements supplémentaires fournit de plus amples renseignements à cet égard. On y indique que la demande a augmenté d'environ 50 000 tonnes chaque année entre 1993 et 1997, passant de 769 000 tonnes à 1 004 000 tonnes par année. Il appert donc que la consommation annuelle est éminemment variable d'une période à l'autre.

Le taux de croissance projeté en matière de consommation doit manifestement tenir compte des prévisions de croissance qui ont été faites antérieurement. D'après un expert du ministère des Ressources naturelles du Canada, les statistiques concernant la production de nickel se révèlent plus précises que celles qui rendent compte de la consommation, car la consommation réelle peut difficilement être mesurée de façon exacte. Par exemple, on peut retracer la quantité de nickel utilisé dans la fabrication de l'acier inoxydable jusqu'à l'étape de production, mais on ne peut la mesurer à l'étape de la consommation finale. De son côté, la VBNC déclare que la demande pour les superalliages de nickel a enregistré une croissance annuelle constante de huit pour cent entre 1993 et 1997. Pour la VBNC, cette hausse laisse entrevoir l'émergence d'un nouveau marché dont les statistiques sur la consommation ne tiennent pas compte et qui pourrait absorber, en partie, la forte augmentation de la production qui a eu lieu au cours des dernières années.

Selon les statistiques sur la consommation qu'a fournies le ministère des Ressources naturelles du Canada, la demande mondiale est de 1,9 kg par habitant. La demande la plus forte se situe dans les pays producteurs d'acier, tels que Taiwan, la Corée du Sud et le Japon. La consommation dans les pays moins développés et à forte densité démographique est faible. La consommation par habitant est de 0,6 kg en Chine, de 0,7 kg en Inde, de 0,4 kg en Afrique et de 0,6 kg dans les pays d'Europe de l'Est. Par contre, le taux de consommation augmente rapidement dans ces régions.

La disponibilité des sources d'approvisionnement constitue l'autre force de ce marché. Comme le rappelaient des membres de la nation Innu et des représentants du ministère des Ressources naturelles du Canada, si l'on fait abstraction du minerai produit à la mine Raglan, on peut affirmer que la nouvelle production sera presque entièrement extraite de latérites de nickel. Pour exploiter ces gisements, on aura recours à des procédés de lixiviation pour extraire les métaux du minerai. De tels procédés se sont révélés efficaces dans l'exploitation de minerais d'or et de cuivre faible teneur. De tous les nouveaux projets qui ont démarré dernièrement, celui de Murrin Murrin en Australie est le plus important. Si la deuxième étape prévue dans le plan d'expansion de Murrin Murrin devait être réalisée, cette mine serait aussi imposante que celle de la baie Voisey. Selon le ministère des Ressources naturelles du Canada, les taux de récupération incertains et le manque de financement pourraient toutefois en compromettre la réalisation. Inco et Falconbridge ont toutes deux annoncé leur intention de démarrer des projets pilotes d'extraction de minerais latéritiques en Nouvelle-Calédonie. On trouve aussi d'importants gisements de minerais latéritiques à Cuba.

La Russie constitue aussi un important fournisseur. Les réserves de sulfure de Norilsk sont les plus importantes au monde et la Russie exporte de larges quantités de déchets d'acier inoxydable provenant du démantèlement de son infrastructure militaire.

Dans leur analyse du projet, les experts de la nation Innu ont établi comme hypothèse de départ que le projet ferait augmenter la capacité de production actuelle. La commission remarque toutefois que la société Inco a déjà annoncé qu'elle allait réduire sa production à coût élevé dans ses divisions en Ontario et au Manitoba. (Les détails de ce plan sont présentés plus loin dans le présent document.) A l'échelle mondiale, les prix actuels incitent plusieurs sociétés dont la production est fondée sur le sulfure à ralentir leurs activités. C'est le cas notamment du Botswana, où le secteur métallurgique est largement subventionné pour compenser les bas prix actuels. On y a eu recours aussi à l'importation de minerais concentrés de nickel pour assurer la viabilité des fonderies.

La commission en conclut que les prévisions concernant la croissance du marché comportent un coefficient d'incertitude très élevé. Par exemple, la période de croissance requise pour pouvoir absorber la capacité de production projetée pour le gisement Ovoid varie, selon l'hypothèse retenue, entre trois et 17 ans. Les données sur la consommation par habitant laissent entendre, d'une part, que le potentiel de croissance est élevé et, d'autre part, qu'il est fortement tributaire des nouvelles économies. L'effondrement des prix du nickel qui résulte du ralentissement des économies asiatiques vient appuyer cette conclusion.

En ce qui concerne l'offre, la commission juge que l'approvisionnement en acier inoxydable recyclé en provenance des républiques soviétiques est aléatoire. De plus, même si les réserves en nickel latéritique étaient importantes, la rentabilité des coûts liés au procédé d'extraction ne semble pas évidente.

Figure 2 : Consommation mondiale du nickel, 1960-1997

Consommation mondiale du nickel

3.1.3 Importance pour l'économie canadienne

La commission considère que l'évaluation environnementale ne constitue pas le cadre approprié pour discuter de l'importance du projet en regard de la viabilité économique de la société Inco. Elle reconnaît par contre le rôle que joue le secteur du nickel dans l'économie canadienne. Inco est le premier producteur de nickel au Canada et ses bénéfices nets d'exportation ont atteint 1,6 milliard de dollars en 1997. Inco fournit 70 pour cent des approvisionnements qui sont nécessaires pour exploiter à pleine capacité les trois fonderies canadiennes, et 80 pour cent de ces approvisionnements dans les trois raffineries canadiennes. Les minerais concentrés destinés aux fonderies canadiennes sont produits localement, à Thompson et à Sudbury, tandis que Falconbridge peut alimenter davantage sa fonderie en s'approvisionnant la mine Raglan située dans le Nord du Québec. Les deux fonderies de Sudbury ont chacune bénéficié d'investissements majeurs qui ont permis de moderniser leurs installations et d'accroître leur durée de vie.

L'approvisionnement en minerai concentré offrant une possibilité de rentabilité est menacé. A Sudbury, les gisements d'Inco près de la surface ont une faible teneur en métal; le minerai à haute teneur gît à plus de 2 000 mètres de profondeur. Quant à Falconbridge, elle fait face à une pénurie de réserves dans la région de Sudbury, ce qui l'oblige à se tourner vers la mine Raglan et vers d'autres propriétés d'exploration minière pour élargir ses sources d'approvisionnement. Le Labrador offre des possibilités d'exploration (notamment sur les sites de Kiglapaits et de Donner Resources). Un programme important d'exploration minière est en cours dans le Nord-Est québécois près de Sept-Iles. De plus, on annonçait récemment la découverte de nouveaux gisements dans le Nord du Québec. Pour l'instant, on n'a découvert aucun gisement de sulfure au large des côtes qui soit susceptible d'alimenter les fonderies canadiennes en quantité suffisante. La volonté d'entreprendre des projets d'exploration en ce sens ne semble pas non plus exister. Par conséquent, le Canada doit gérer et développer convenablement ses sources d'approvisionnement.

La commission est d'avis qu'il est justifié de craindre une baisse des prix à long terme qui serait causée par un changement structurel dans le marché du nickel. Il est difficile d'évaluer la capacité de la Russie maintenir le niveau actuel de ses exportations de métal de première fusion et d'acier inoxydable recyclé, ou encore d'anticiper l'efficacité des procédés d'extraction de l'oxyde de nickel à partir de latérites. Malgré ces incertitudes, la VBNC est prête à investir de fortes sommes en se fondant sur les possibilités du gisement Ovoid. Elle croit qu'une fois les installations d'extraction en place, elle pourra exploiter et mettre à profit une large proportion des ressources souterraines.

La commission constate que le marché mondial du nickel offre des possibilités de croissance, mais qu'il faut dès maintenant trouver de nouvelles sources d'approvisionnement intérieures si on veut que le Canada maintienne sa position actuelle. Puisque la société Inco approvisionne environ 20 pour cent du marché, la commission suppose que la société s'assurera elle-même, dans le cadre de sa propre évaluation interne du projet, que la production de l'exploitation minière de la baie Voisey est nécessaire. De plus, Inco devra démontrer à ses partenaires financiers la justesse de ses prévisions avant de procéder à la mise en chantier du projet.

3.1.4 Nécessité du projet à l'égard du développement économique local

Bien qu'elles aient expliqué très clairement devant la commission que le développement économique à tout prix ne constituait pas une option valable, les collectivités autochtones croient que la création d'un nouveau secteur d'activités économiques peut être garante de l'avenir, à condition que les effets sur l'environnement, le temps choisi pour la réalisation du projet et le niveau de surveillance soient acceptables. Partout, dans toutes les collectivités autochtones, les gens ont manifesté beaucoup d'intérêt à l'égard des emplois directs et indirects que pourrait créer le projet. Dans la collectivité Innu, jeunes et vieux pensent que ces emplois feraient bénéficier la collectivité de certains avantages, notamment celui de pouvoir assurer le financement d'activités traditionnelles.

La commission remarque toutefois que certains Autochtones rejettent carrément le projet à cause des effets négatifs qu'il aura sur la collectivité et l'environnement. Selon eux, un projet d'exploitation minière est incompatible avec la culture et le mode de vie autochtones et va à l'encontre de leurs projets d'avenir.

A Nain, la commission a entendu un groupe de personnes venues parler du dynamisme économique de la région et des perspectives intéressantes qu'offraient la pêche, l'exploitation à petite échelle d'une carrière, le tourisme et l'artisanat. Ces personnes considèrent que les collectivités Inuit ont en main suffisamment d'atouts économiques pour ne pas avoir dépendre de grands projets d'aménagement minier comme celui de la baie Voisey.

Les gens d'affaires de Happy Valley-Goose Bay se sont montrés très favorables au projet, parce qu'ils y voient un moyen de diversifier l'économie de la région, trop dépendante selon eux du secteur militaire. Les gens de l'Ouest du Labrador, pour qui un projet minier n'est pas une chose nouvelle, appuient très fortement le projet. Le chapitre 15 fournit de plus amples renseignements sur les retombées économiques du projet dans cette région.

3.2 Taux de production et durée de vie de la mine

Tout au long des audiences publiques, la commission a constaté que la durée du projet suscitait certaines inquiétudes dans les associations autochtones, au sein du gouvernement provincial et chez plusieurs particuliers. La durée de vie du projet de la baie Voisey, tel que proposé par la VBNC, est de 25 ans. Plusieurs personnes croient toutefois que l'évolution de la situation, telle une fluctuation des prix du nickel, des difficultés d'ordre économique touchant la société mère de la VBNC ou l'obtention de résultats décevants relativement au programme d'exploration souterraine, pourrait amener la VBNC à revoir ses intentions. Le rythme auquel l'extraction et le traitement du nickel seront menés (c'est-à-dire, le taux de production) est l'un des aspects importants qui pourrait influer sur la durée du projet (c'est-à-dire, la durée de vie de la mine).

3.2.1 Taux de production proposé

Tel que décrit dans la proposition présentée dans l'étude d'impact environnemental, le projet de la VBNC comprend une usine de concentration qui transformerait le minerai à raison de 20 000 tonnes par jour (tpj). Dans le document sur les renseignements supplémentaires, la VBNC décrit plus en détail sa proposition en donnant, comme dans le tableau ci-dessus, les différents taux de production à l'étape du démarrage, durant la période d'exploitation de la mine à ciel ouvert et à l'étape d'exploitation des gisements souterrains.

Tableau 1 : Taux de production

Étape du projet traités par année produits par année d'exploitation Tonnes de minerais Tonnes de nickel Périodes annuelles
Démarrage (1 à 3 ans) 3,7 millions 82 000 6 à 9 mois
Mine à ciel ouvert 5,5 millions 122 500* 9 mois
Gisements souterrains 7,3 millions 75 000 12 mois

*270 millions de livres, chiffre auquel on réfère souvent en parlant de la capacité de production du projet.

Ce tableau montre clairement l'effet de la faible teneur du minerai qui se trouve en profondeur. Pour produire une même quantité de nickel, il faudra extraire une plus grande quantité de minerais sur une plus longue période de temps.

Durant l'étape de l'exploitation à ciel ouvert, la VBNC procédera en fait à l'extraction et à la production de nickel à un taux de production annuelle équivalant à 15 000 tpj. Mais elle fera fonctionner son usine d'extraction à une capacité de 20 000 tpj, pour accomplir la tâche en neuf mois. Par conséquent, la capacité accrue de l'usine d'extraction permettra :

  • de jouir d'une plus grande souplesse en cas d'intempéries durant les hivers très rigoureux;
  • de reporter de plusieurs années la nécessité de faire des expéditions durant les mois d'hiver;
  • d'augmenter graduellement le rythme de production au fur et à mesure que les minerais seront extraits de la mine souterraine.

Si l'on tient compte de l'inventaire de minerais actuellement disponible et si l'on porte à deux ans la durée de l'étape du démarrage, on constate que les 31,7 tonnes de minerais de la mine à ciel ouvert seraient épuisés au bout de 6,5 années. En supposant que les 118,3 millions de tonnes prévues de minerais souterrains soient trouvés, convertis en réserves de minerais et extraits à raison de 20 000 tpj, la durée de vie des opérations n'excéderait pas 23 ans. Le dernier relevé du gisement souterrain découvert faisant état de 92,7 millions de tonnes, la VBNC entend poursuivre son programme d'exploration.

La VBNC justifie ce taux de production en soutenant, à la section 2 du document sur les renseignements supplémentaires, qu'en deçà de 15 000 tpj, l'extraction du minerai ne serait plus rentable. L'investissement initial requis pour la construction d'une usine d'extraction d'une capacité de 20 000 tpj n'est que de cinq pour cent supérieur à celui d'une usine ayant une capacité de 15 000 tpj. C'est pourquoi la VBNC préfère construire maintenant une plus grosse usine pour éviter d'agrandir ses installations lorsqu'elle procédera à l'extraction des ressources souterraines à plus faible teneur. Les coûts unitaires d'exploitation diminuent au fur et mesure que le taux de production augmente. Il est à noter toutefois que les coûts d'opération à 15 000 tpj sont majorés de moins de dix pour cent seulement par rapport aux coûts d'une production à 20 000 tpj.

3.2.2 Taux de production optimal à l'étape de la conception

Lors des audiences, de nombreux participants ont soutenu devant la commission qu'un taux de production moindre était réalisable et que cela prolongerait la durée de vie de la mine. Cette opinion a lancé la discussion sur l'établissement du taux de production optimal à l'étape de la conception d'une nouvelle exploitation minière. La commission constate que cet aspect de la question n'a pas été abondamment étudié, surtout pour les mines dont la situation économique échappe à la norme. On possède cependant quelques données sur la question. On sait, par exemple, que les coûts d'immobilisation par unité de production diminuent lorsque le taux de production augmente. Les coûts d'exploitation par unité de production diminuent également jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'économies d'échelle. Il existe, par exemple, une limite au nombre de machines qu'on peut ajouter dans un espace confiné tout en maintenant l'efficacité, surtout s'il s'agit d'un espace souterrain.

Un conseiller de la nation Innu a soutenu qu'un niveau de production bien en deçà de 15 000 tonnes par jour s'avérait encore intéressant sur le plan économique. Un taux de production de 3 000 tonnes par jour suffirait ainsi à générer un peu de profits. La commission note cependant que celui-ci a fondé son analyse sur des taux de récupération élevés en usine et sur des coûts d'immobilisation plutôt bas (ses chiffres sont en deçà de ceux documentés à Raglan, où, pourtant, il y avait déjà un port et une piste d'atterrissage). La commission signale en outre que, selon l'analyse de la nation Innu, la rentabilité chuterait de façon marquée en deçà d'un taux de production de 10 000 tonnes par jour.

La commission estime que les analyses des flux d'encaisse selon divers scénarios réalistes de coûts d'exploitation et d'immobilisation constituent la méthode de calcul la plus précise du taux de production optimal à l'étape de la conception. Cet exercice dépasse la portée d'une évaluation environnementale (un point que n'a pas manqué de souligner le ministère des Ressources naturelles du Canada lors des séances visant à déterminer les problèmes et les priorités de l'examen). On peut penser que c'est ce type d'analyse qui a permis de dégager les diverses formules de rechange proposées dans le document sur les renseignements supplémentaires.

La commission sait cependant qu'il existe des méthodes susceptibles de fournir des prévisions préliminaires. Un spécialiste du ministère des Ressources naturelles du Canada a présenté l'une de ces méthodes lors des audiences, soit la méthode fondée sur les équations de Taylor. Ces équations, issues d'une analyse effectuée relativement au taux de production réalisé dans bon nombre d'exploitations minières, permettent d'établir environ 19 000 tonnes par jour le taux de production optimal à l'étape de la conception pour un gisement de 150 millions de tonnes. En appliquant cette méthode de calcul au gisement Ovoid, qui compte 32 millions de tonnes, la commission obtient un taux de production d'environ 6 000 tonnes par jour sur une période d'exploitation de 15 années. On peut cependant penser que le taux de production optimal du projet devra être plus élevé pour tenir compte de l'importance des coûts d'immobilisation fixes (les frais de construction du port et de l'aéroport, par exemple) qui lui sont associés.

Le taux d'extraction du minerai vient également limiter le taux de production l'étape de la conception. Dans les renseignements supplémentaires, la VBNC a indiqué que la capacité technique du projet se limitait probablement 30 000 tonnes par jour. Ce chiffre concerne les réserves Ovoid et on peut penser que la capacité d'une mine souterraine se situerait nettement en deçà. Toute diminution dans le volume de minerai qu'il est possible d'exploiter à profit se répercuterait à la baisse sur le taux d'extraction du minerai.

Il faut donc absolument connaître le volume réel des réserves finales aux fins de l'analyse. La commission estime que le document soumis par la VBNC le 2 octobre 1998 en réponse à une de ses questions concernant les facteurs modulant la conception et l'échéancier de production de la mine fournit la meilleure information disponible à ce sujet. La commission constate que le document faisait alors état d'un volume supérieur à celui susmentionné d'environ 25 millions de tonnes, un chiffre qu'elle estime cependant réaliste si l'on tient compte du prolongement probable du gisement Eastern Deeps. Selon l'autre hypothèse mise de l'avant par la commission, la teneur en métal de la ressource souterraine s'apparenterait à celle de la ressource actuelle. La VBNC a calculé le volume de la ressource en fonction d'une teneur limite de 0,7 pour cent en équivalent de nickel seul.

Après l'examen des graphiques présentés dans la réponse et suivant l'hypothèse des coûts moyens calculés à partir d'un rapport du secteur minier et de données internes sur les coûts, la commission en conclut que la ressource souterraine est d'environ 65 millions de tonnes de minerai titrant 1,6 pour cent en nickel, exploitables à profit au coût de 3 $US la livre. On ignore comment les coûts réels du projet de la baie Voisey se compareraient la moyenne utilisée dans l'analyse de la VBNC du 2 octobre. Le taux de production plus élevé aurait comme effet de réduire le coût unitaire, mais les frais généraux supérieurs qu'il faudrait engager pour une exploitation située dans un lieu isolé pourraient bien faire contrepoids à cette économie. Comme cela a été évoqué précédemment, la commission est d'avis qu'il serait plus difficile d'extraire 65 millions de tonnes de réserves souterraines un taux de production à l'étape de la conception qui serait établi à 20 000 tonnes par jour, mais que la teneur élevée des réserves viendrait compenser le manque à produire en métal.

La ressource souterraine réduite et les réserves du gisement Ovoid totalisent quelque 95 millions de tonnes en ressource exploitable selon toute probabilité. En appliquant les équations de Taylor à cette somme, on obtient un taux de production d'environ 10 000 tonnes par jour. La commission conclut donc que ce taux constitue une première approximation raisonnable du taux de production à l'étape de la conception compte tenu de ce qu'on sait actuellement sur les ressources minérales du site. La commission note cependant que les coûts d'immobilisation supérieurs requis pour exploiter une mine située dans un lieu isolé pourraient nécessiter un taux de production supérieur à ceux que permettent de dégager les équations de Taylor, pour justifier les investissements supplémentaires requis.

La découverte de nouvelles zones de minéralisation viendrait prolonger la durée de vie de la mine. Il ne faut pas en tenir compte, cependant, dans le calcul du taux de production préliminaire. Ces découvertes viendraient naturellement modifier l'empreinte du projet à l'intérieur des lots de concessions minières. Il faudrait alors que les organismes de réglementation et les parties intéressées se concertent pour évaluer l'incidence environnementale qui en résulterait, dans le cadre du plan permanent de gestion environnementale (voir le chapitre 17).

3.2.3 Scénario limité au gisement Ovoid

Plusieurs participants aux audiences de la commission s'inquiètent sérieusement de la possibilité que la VBNC cesse ses opérations après avoir achevé l'exploitation des ressources de la mine à ciel ouvert, une situation désignée sous le nom de scénario limité au gisement Ovoid. Bien que la société minière ait confirmé, durant les audiences, que telle n'était pas son intention, les participants se demandent si les fluctuations des prix du nickel menacent l'exploitation réelle de la mine souterraine.

Dans le document soumis le 2 octobre en réponse aux questions soulevées par la commission à cet égard, la VBNC a déclaré qu'il était probable qu'aucun des gisements souterrains ne pourrait être exploité à profit si le prix à long terme du nickel chutait à 1,85 $US la livre par suite d'une évolution structurelle du marché. Malgré le fait que la VBNC ait affirmé qu'elle ne prévoyait pas qu'un tel fléchissement survienne à long terme, la commission ignore si le projet suivrait alors son cours, en tout ou en partie.

Dans sa réponse du 2 octobre, la VBNC a évalué les conséquences qu'aurait sur le milieu biophysique la présence d'une ressource souterraine limitée 10 millions de tonnes seulement. L'analyse a révélé qu'une exploitation de moindre envergure réduirait l'empreinte du projet parce que le North Tailings Basin ne serait plus nécessaire, ce qui se traduirait par une réduction des effets environnementaux. Le document décrivait une mine souterraine dont le taux de production se limiterait à 2 000 tonnes par jour et le promoteur soulignait que cette exploitation à plus petite échelle serait tout autant créatrice d'emplois que l'exploitation à ciel ouvert.

La commission abordera deux aspects de cette question dans les sections qui suivent, c'est-à-dire le remplacement des réserves et la nature du dépôt lui-même.

Remplacement des réserves

Certains intervenants ont indiqué à la commission qu'ils craignaient que la VBNC exploite les réserves de meilleure qualité de la mine à ciel ouvert du gisement Ovoid à un taux non viable en vue de générer le plus de profits possible avant de cesser ses opérations. La société minière a affirmé sa volonté de mettre en valeur les ressources souterraines telles que décrites et de mettre en place un programme d'exploration axé sur le remplacement des réserves qui sont déjà exploitées. Elle cite en exemple ses mines de Sudbury et de Thompson, dont la durée de vie a été prolongée bien au-delà du temps requis pour exploiter les premières réserves découvertes et où d'importants investissements technologiques ont été faits pour assurer la viabilité des réserves minérales et des installations d'extraction.

La commission se doit d'évoquer l'histoire des entreprises minières canadiennes, y compris celle de la société Inco, qui révèle que le secteur privilégie la recherche de réserves de remplacement à proximité des installations déjà aménagées. On enseigne aux ingénieurs miniers que le rythme de renouvellement des réserves doit égaler celui de leur utilisation pour qu'une entreprise minière puisse survivre et que c'est aux abords d'une mine existante que les chances de découvrir un nouveau gisement sont les plus fortes. Au Canada, ce principe a été vérifié à plusieurs reprises, notamment dans les sites miniers de Noranda, de Sudbury, de Flin Flon, de Red Lake, de Sullivan et de Timmins.

Nature du dépôt

Parmi l'un des critères lui permettant d'appliquer le principe de prudence, la commission a évalué dans quelle mesure un aspect du projet pouvait être considéré comme étant novateur ou non éprouvé. Elle s'est donc demandé s'il existait des conditions particulières susceptibles d'accroître le risque que le scénario limité au gisement Ovoid se réalise. Voici les constatations auxquelles cette analyse l'ont menée :

La commission constate que les projets miniers s'amorcent habituellement par un aménagement à ciel ouvert qui permet de générer d'importants revenus initiaux et de retarder les dépenses d'immobilisation qu'exige l'extraction sous terre. Comme les coûts d'exploitation d'une mine à ciel ouvert sont très nettement inférieurs à ceux d'une mine souterraine, il s'avère souvent justifié d'extraire le minerai à plus faible teneur de la mine à ciel ouvert et l'on dote souvent l'usine de concentration d'une capacité supérieure celle qui est susceptible d'être atteinte en phase d'exploitation souterraine.

Le gisement Ovoid ne renferme pas de minerai à faible teneur. Les ressources du gisement Ovoid affichent même une teneur moyenne supérieure à celle de la minéralisation plus diffuse située sous terre. La zone de Discovery Hill renferme une ressource de faible teneur et peu profonde dans la catégorie potentielle. La VBNC a cependant déclaré, durant les audiences, qu'il ne s'agissait probablement pas d'un minerai suffisamment riche pour qu'il soit rentable de l'exploiter par voie souterraine et que les méthodes d'extraction à ciel ouvert risquaient de se révéler trop coûteuses en raison des coûts liés à l'élimination des volumes importants de résidus qui seraient produits.

On s'attend normalement à ce que la teneur du minerai extrait augmente avec la profondeur des travaux miniers pour que les coûts accrus qu'ils entraînent puissent être absorbés. On essaie par conséquent de retarder le plus possible l'extraction du minerai pauvre, bien que cela ne soit pas toujours possible dans la progression normale des travaux miniers. De fait, il arrive souvent que le tonnage soutiré sous terre soit insuffisant pour alimenter l'usine de concentration. La mine souterraine peut cependant produire autant de métal qu'une exploitation à ciel ouvert, car le minerai qui en est extrait est habituellement plus riche. Le fait d'entreprendre hâtivement les travaux souterrains procure un autre avantage important : il est possible d'alimenter l'usine de concentration avec un minerai de meilleure teneur lorsque les réserves de la mine à ciel ouvert s'amenuisent et que les normes de production sont plus difficiles à respecter.

La commission en conclut que les différences notables entre le présent dépôt et des mines plus typiques augmentent la possibilité d'une opération de « pillage », sans toutefois présumer que telle est l'intention de la VBNC. La commission note par ailleurs que la rentabilité supérieure du gisement Ovoid permettrait au promoteur d'engager les coûts fixes élevés qui sont nécessaires au développement d'un site vierge et de récupérer les sommes investies assez tôt durant la vie utile des installations, même si les perspectives à court terme du prix du produit ne sont pas encourageantes. Les réserves souterraines éventuellement exploitables possèdent une portion où la teneur est supérieure, portion probablement récupérable par la VBNC, comme cela a été mentionné auparavant.

3.2.4 Effets des usines de traitement secondaire

De toute évidence, le mandat de la commission n'incluait pas l'évaluation environnementale d'usines de traitement secondaire dont la construction pourrait être proposée dans la province. La commission n'était pas non plus tenue de se pencher sur les effets environnementaux produits par le traitement secondaire du minerai concentré, à quelque lieu de destination que ce soit.

Néanmoins, pendant les audiences, la commission a clairement indiqué que la destination finale du minerai concentré pourrait influer sur le moment, la viabilité économique et les avantages socio-économiques du projet et que, par conséquent, il relevait du mandat de la commission d'exprimer des commentaires sur ces questions. La province a confirmé cette interprétation en déclarant que la commission devrait évaluer la mesure dans laquelle les avantages socio-économiques pourraient varier selon la destination du minerai concentré. La province a fourni les résultats de son analyse économique d'un projet incluant des installations de traitement secondaire, mais elle a refusé de discuter des éléments du modèle qui a permis d'en arriver à ces conclusions.

Les lois provinciales exigent que le minerai extrait à Terre-Neuve et au Labrador soit traité dans la province, dans la mesure où la chose est économiquement faisable. La VBNC se propose cependant de procéder au traitement secondaire du minerai de nickel concentré dans ses fonderies en Ontario et au Manitoba. Cette question n'était pas réglée au moment des audiences. La commission souligne donc l'incertitude qui règne quant à la destination finale du minerai concentré en vue du traitement secondaire.

Les deux groupes autochtones se sont dits inquiets de voir que le besoin de justifier la construction d'une fonderie sur la partie insulaire de la province faisait monter le taux de production proposé à 122 500 tonnes de nickel, ce qu'ils estiment trop élevé et susceptible de réduire inutilement la durée du projet. Les groupes autochtones ont également exprimé des préoccupations à l'effet que les exigences de la province concernant la mise en place d'installations de traitement secondaire pourraient amoindrir la rentabilité globale du projet et mener à des mesures de réduction des coûts sur les lieux de la mine ou de l'usine, ce qui pourrait ensuite compromettre les engagements pris par la VBNC en matière de protection de l'environnement.

Après avoir étudié en premier lieu l'argument selon lequel des facteurs extérieurs au projet détermineraient le taux de production, la commission croit incontestable qu'un taux de production substantiellement diminué pourrait réduire la rentabilité des nouvelles installations de traitement secondaire. Ce qui n'est pas aussi évident, toutefois, c'est comment la justification de ces nouvelles installations a mené à une capacité proposée de 122 500 tonnes. D'après les réserves prouvées d'Ovoid, et en supposant la période de démarrage de deux ans mentionnée précédemment, la VBNC ne pourrait atteindre cette capacité que pendant environ quatre des 23 années de vie utile qui sont prévues. La commission fait remarquer que toute nouvelle usine de traitement secondaire fondée sur une telle capacité aurait besoin d'une autre source de minerai concentré, en plus de celle de la baie Voisey, pour la plus grande partie de sa vie utile. Il faudrait donc trouver cette autre source d'approvisionnement au tout début de la planification d'une nouvelle usine de ce genre. Puisque les capacités actuelles de fusion laissent appréhender un manque éventuel de minerai concentré canadien, et qu'il n'existe aucune source évidente de sulfure au large des côtes, la viabilité d'une nouvelle usine de traitement secondaire n'est pas évidente pour la commission.

D'autre part, la commission ne comprend pas clairement comment les usines actuelles de traitement secondaire de la société Inco seraient en mesure de traiter la production maximale proposée de 122 500 tonnes de nickel sous forme de minerai concentré. Il semble que la capacité excédentaire totale des usines existantes de la société, d'après les données du ministère des Ressources naturelles du Canada, soit bien en dessous de ce niveau. Interrogés lors des audiences, les représentants de la VBNC ont dit que la capacité excédentaire de la société Inco s'élevait « aux environs de 200 millions de livres », ce qui veut dire moins de 90 000 tonnes.

La province est d'avis qu'un projet incluant une fonderie installée sur son territoire serait quand même rentable, même si la rentabilité est moindre. Les résultats d'une des analyses fournies par la province montrent un rendement d'investissement d'entre 11 pour cent et 17 pour cent dans le cas d'un projet comportant une fonderie dans la province. La commission remarque cependant que cette analyse était fondée sur la production de 133 millions de livres de nickel (plutôt que 270 millions de livres) et sur des réserves de 68,5 millions de tonnes.

Bien que ni la VBNC, ni la province n'aient donné le détail de leurs modèles économiques, la commission observe que toute augmentation appréciable des dépenses d'immobilisation qui ne produirait qu'une hausse marginale des recettes de production retardera et réduira les recettes apportées aux deux ordres de gouvernement par le système d'imposition sur le revenu des sociétés. Les dépenses d'immobilisation peuvent être déduites de l'impôt fédéral et provincial sur les sociétés et aussi de l'impôt provincial sur les mines. En outre, une augmentation des dépenses d'immobilisation ferait augmenter l'allocation pour traitement des matières premières prévue par l'impôt provincial sur les mines. Sans égard aux déclarations de la province à l'effet que les gouvernements ne devraient pas verser de subventions la société Inco, la commission remarque que le système d'imposition subventionne effectivement les exploitations à faible rentabilité et tire les meilleurs avantages des exploitations à rentabilité élevée. Il faut quand même souligner que les modèles de la VBNC prévoient que 78 pour cent de tous les impôts allant à la province par l'entremise de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur les mines, de l'impôt sur le revenu et des taxes de vente parviennent à la province en passant par le gouvernement fédéral en vertu des paiements de péréquation rajustés.

La commission ne voit pas clairement comment un accroissement des dépenses d'immobilisation ou une diminution de la rentabilité - deux effets probables de l'obligation de construire une nouvelle fonderie - pourrait influer sur les recettes versées aux groupes autochtones. La VBNC a affirmé que les ententes sur les impacts et les avantages, en voie de négociation, prévoyaient des paiements permettant aux groupes autochtones de participer aux bénéfices du projet. De plus, le détail des revendications territoriales de l'Association des Inuit du Labrador indique que cette association recevrait 3 pour cent des recettes payables à la province en vertu du régime d'impôt sur les mines. Toute diminution de la rentabilité pourrait nuire à ces flux de recettes.

Enfin, la commission s'est demandé comment la destination du minerai concentré pourrait influer sur les avantages socio-économiques dont tireraient parti les économies locale, régionale et provinciale. Selon la VBNC, la majeure partie des avantages locaux viendra des emplois et des débouchés commerciaux, selon le principe de continuité. Il est important de souligner que, selon les prévisions, environ 65 pour cent des emplois créés et des incidences sur les recettes devraient se produire à l'étape de l'exploitation souterraine de la mine. Par conséquent, tout effet sur la rentabilité qui nuirait aussi au déroulement de cette étape aurait des conséquences négatives graves.

Pour ce qui est de l'approvisionnement en biens et services, la VBNC a déclaré que les avantages positifs prévus pour l'économie du Labrador et pour celle de la province étaient fondés sur la capacité estimée des entreprises à fournir les biens et services requis. Il n'en reste pas moins, puisque la VBNC a l'intention de faire livrer des fournitures par le retour des navires transportant le minerai concentré, que le lieu de destination de ce minerai influera sur la source d'approvisionnement. Inévitablement, une bonne part des marchandises ne proviendra pas de la province, peu importe la destination prise par le minerai concentré. Par conséquent, il faudra prendre des dispositions spéciales pour que les fournisseurs locaux puissent soutenir la concurrence et que la province puisse tirer profit des avantages prévus.

La commission en conclut que la décision prise par la VBNC de produire 122 500 tonnes de nickel par an n'était pas motivée par des considérations relatives au traitement secondaire. Par ailleurs, les décisions relatives au traitement secondaire pourraient influer sensiblement sur la rentabilité du projet, ce qui aurait par la suite une incidence sur le flux des avantages socio-économiques vers les gouvernements et vers les citoyens du Labrador.

3.3 Intendance des ressources

C'est une tâche complexe que d'évaluer le meilleur moment pour la réalisation du projet et son taux optimal de production, de même que les effets socio-économiques éventuels de différentes destinations du minerai concentré. En raison de la nature dynamique de la réserve de minerai et des marchés futurs du nickel, la commission juge qu'elle est incapable de prescrire des taux de production pour chacune des étapes du projet. La commission offre quand même une orientation et formule des recommandations sur la meilleure façon de prendre les décisions nécessaires pour arriver à offrir le plus d'avantages possible à toutes les parties intéressées.

Tel que mentionné précédemment, la commission estime qu'un taux annuel minimum à l'étape de la conception qui s'établirait à 10 000 tonnes par jour serait une première approximation raisonnable, d'après les réserves et les ressources existantes. De fait, il s'agit du taux annualisé prévu par la VBNC pour l'étape du démarrage qui durerait de deux à trois ans, selon la proposition visant une exploitation répartie sur environ six mois au rythme de 20 000 tonnes par jour. La commission accepte également le taux prévu de 20 000 tonnes par jour pendant l'étape de l'exploitation des gisements souterrains, en autant que l'exploration de ces gisements confirme le volume et la valeur commerciale prévus des réserves du minerai. En permettant à la VBNC d'éviter les expéditions de minerai en hiver jusqu'à ce que toutes les incertitudes aient été bien étudiées (voir le chapitre 10), une capacité excédentaire de broyage donnerait à la société un avantage évident pendant l'étape de l'exploitation du gisement Ovoid, surtout parce que les coûts supplémentaires d'immobilisation seraient marginaux. Cette capacité excédentaire serait utile aussi si l'étape de l'exploitation souterraine donne un tonnage moins important que prévu de minerai à forte teneur, ou si des problèmes techniques ou environnementaux empêchent les expéditions de minerai en hiver.

La commission se préoccupe surtout de la production accrue de nickel pendant la période de pleine exploitation à ciel ouvert. La commission croit que le plan visant à augmenter la production à 122 500 tonnes pendant une période aussi courte entraînera des coûts en immobilisation très élevés pour la manutention du produit, tout spécialement s'il faut faire appel des navires supplémentaires pour acheminer le minerai concentré vers la destination choisie par la VBNC. En outre, tel que mentionné précédemment, on ne voit pas très bien non plus comment de nouvelles capacités de fonderie pourraient se justifier à un tel taux de production, ni comment les capacités existantes de fonderie suffiraient à absorber ce niveau de production.

La commission note que, selon un des scénarios envisagés, la VBNC utiliserait les capacités existantes de fonderie à l'étape du démarrage. La société serait alors en mesure de confirmer les réserves au moyen de l'exploration souterraine et de relier plus étroitement la construction d'une nouvelle usine aux possibilités de production à long terme du projet. Cette stratégie rehausserait la rentabilité du projet tout en assurant une intendance plus logique des ressources minérales, au fur et à mesure que les réserves et les marchés se précisent. En adoptant une telle démarche, la VBNC devrait s'engager à l'exploration précoce et à l'exploitation ultérieure des ressources souterraines si les prévisions concernant les réserves se concrétisent.

Quelle serait la meilleure façon de prendre ces décisions en matière de conception et d'exploitation? En réponse à une question de la commission, un représentant du ministère des Mines et de l'Énergie de Terre-Neuve et du Labrador a déclaré que la province n'oblige habituellement pas les entreprises à respecter un certain niveau de production, que ce soit pendant le processus de demande de concession ou en tout autre temps. Dans le cas à l'étude, cependant, la commission juge que la concession minière devrait comporter certaines garanties ou conditions liées à des questions aussi fondamentales que le taux de production et la durée de vie de la mine.

Le projet rapportera des avantages durables et équitables seulement s'il dure 25 ans, mais pour qu'il en soit ainsi, il faudra qu'une partie importante des réserves souterraines puisse être extraite de façon économique. Toute demande déraisonnable imposée au projet, que ce soit de la part de la VBNC ou de la province, pourrait mettre en péril une ressource apte à apporter des avantages considérables aux citoyens du Labrador et à toute la province.

Recommandation 2

La commission recommande que la province et la VBNC négocient une concession minière qui favorise, au moyen de l'intendance des ressources, la réalisation d'avantages sociaux et économiques durables et équitables pour les citoyens du Labrador et de la province. La commission recommande que cette concession s'accompagne des conditions suivantes :

  • la VBNC doit s'engager à mettre en œuvre le plus tôt possible un programme d'exploration souterraine et, si l'ampleur des réserves est confirmée, elle devrait s'engager à lancer le plus tôt possible une exploitation qui combinerait l'extraction souterraine avec les dernières étapes de la production à ciel ouvert;
  • la VBNC doit s'engager à accroître la durée de vie utile du gisement Ovoid en abaissant le taux de production si les premières explorations souterraines ne confirment pas l'existence des réserves souterraines qui sont actuellement prévues, afin de faire en sorte que le projet puisse se poursuive pendant une période de 20 à 25 ans tout le moins.