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Rapport de la Commission d'évaluation environnementaledu projet de mise en valeur Terra Nova

3.0 Répercussions socio-économiques du projet

3.1 Aperçu

Le champ pétrolifère Terra Nova sera mis en valeur grâce à des investissements de 2,4 milliards de dollars, dont 1,6 milliard de dollars seront dépensés à l'étape de la préproduction. Un projet de cette envergure devrait être extrêmement stimulant sur le plan économique pour une petite province, mais tout dépend en fait en partie des recettes nettes provenant des redevances et des impôts qui en découleront pour la province de Terre-Neuve et en partie des politiques et des stratégies élaborées et mises en œuvre par les promoteurs et leurs entrepreneurs. Entre également en ligne de compte la compétitivité des entreprises de Terre-Neuve dans des appels d'offres lancés à l'échelle internationale. La Commission a entendu à maintes reprises certaines personnes exprimer leurs préoccupations en ce qui a trait aux redevances et aux impôts et plus particulièrement aux concessions qui ont pu être faites aux promoteurs, mais ces questions dépassent le cadre de son mandat. Parmi les questions qui relèvent de son mandat, on retrouve cependant la création d'emplois et les débouchés, lesquelles sont du plus haut intérêt pour le grand public. Ces questions ont été constamment rappelées à la Commission par deux personnes qui avaient manifestement analysé longuement et avec acuité la section sur les avantages du dossier de la demande. Les craintes exprimées par ces personnes, qui ont trouvé écho chez un certain nombre d'autres participants aux audiences, étaient que le principe de la concurrence à l'échelle internationale serait utilisé comme excuse pour limiter l'emploi et les avantages pour les gens du lieu, ce qui va à l'encontre de l'esprit de l'Accord atlantique. L'absence dans le plan de mise en valeur d'une disposition visant la formation justifiait en partie ces craintes. En ce qui a trait à la capacité de la collectivité à absorber l'activité industrielle que générera le projet, ni les promoteurs ni la population ne prévoient de répercussions négatives.

3.2 L'Accord atlantique

L'Accord atlantique est un protocole d'entente conclu entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador sur la gestion des ressources pétrolières et gazières extracôtières et sur le partage des recettes. Il a été signé par le premier ministre du Canada et le premier ministre de Terre-Neuve et du Labrador ainsi que par les ministres compétents des deux gouvernements le 11 février 1985.

L'Accord atlantique était et demeure de la plus haute importance pour la province de Terre-Neuve. Il constituait un compromis politique acceptable à un problème de compétence demeuré en suspens en reconnaissant à la province le droit d'être le principal bénéficiaire des ressources pétrolières et gazières au large de ses côtes à l'intérieur d'un Canada puissant et uni. Il reconnaît l'égalité des deux gouvernements dans la gestion des ressources et vise à privilégier un type de développement et un rythme propres à optimiser les avantages sociaux et économiques pour le Canada dans son ensemble et pour la province en particulier. Des lois de mise en œuvre, qui donnent force de loi aux dispositions de l'Accord atlantique, ont été adoptées par le Parlement du Canada et par l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador. Les deux gouvernements ont créé l'Office qui a vocation à administrer les lois de mise en œuvre et d'autres lois pertinentes.

Les lois de mise en œuvre confèrent à l'Office le mandat d'approuver les plans de mise en valeur et d'autoriser les ouvrages se rapportant à l'exploitation de ressources extracôtières, sous réserve, dans la plupart des cas, de son approbation préalable d'un plan de retombées pour le Canada et pour Terre-Neuve. Les lois de mise en œuvre prévoient également que les résidants de Terre-Neuve seront les premiers à bénéficier de formation et d'emploi dans le cadre de ces projets d'exploitation. Une disposition de la Charte canadienne des droits et libertés autorise cette politique de préférence locale dans la mesure où le taux d'emploi dans une province est inférieur au taux d'emploi national. En outre, les lois de mise en œuvre exigent que l'on privilégie les services fournis par la province et les produits fabriqués à l'intérieur de la province lorsque les produits et services en question sont concurrentiels, c'est-à-dire qu'ils sont fournis à des prix correspondant à leur juste valeur marchande et que leur qualité et leur prestation sont équivalentes. En outre, les lois de mise en œuvre prévoient que le plan de mise en valeur devrait inclure une disposition visant des dépenses de recherche et développement, d'éducation et de formation.

Les lignes directrices d'application énoncées par l'Office précisent de quelle manière les lois de mise en œuvre doivent être appliquées à la fois à l'étape de la préproduction et à l'étape de l'exploitation de toute activité de mise en valeur. Le document fournit des conseils aux promoteurs pour la préparation de leur plan de retombées, et souligne que la loi exige que les gens de la province doivent bénéficier de possibilités équitables et entières et d'une juste considération tant au chapitre des approvisionnements qu'au chapitre de l'emploi. Les lignes directrices indiquent aux promoteurs comment traduire concrètement leurs engagements à l'égard de ces principes par l'adoption de politiques et des procédures régissant la gestion du projet; le développement des fournisseurs, les approvisionnements et la passation des contrats; l'emploi et la formation; et la recherche et le développement. Elles indiquent également que les promoteurs ont l'obligation de consulter l'Office au cours de l'établissement du plan de retombées et d'assurer un suivi en produisant des rapports au cours de la durée d'un projet.

3.3 Possibilités d'emploi

L'étape de la préproduction du projet Terra Nova devrait commencer en 1998 et durer approximativement de deux à trois ans. L'exploitation commencera en 2001 et durera de 15 à 18 ans environ. À l'origine, les prévisions de travail pour l'étape de la préproduction étaient de 8,5 millions d'heures, sans compter le forage. Par la suite, ce nombre a été réduit et l'on estime maintenant qu'il faudra quelque 4,7 millions à 6,2 millions d'heures, sans compter le forage. Ces heures, converties en semaines de travail de 40 heures représentent de 2 300 à 3 100 années-personnes pour la construction de l'installation flottante et des œuvres mortes, le raccordement et l'assemblage, l'organisation, la gestion et les autres activités diverses. Les promoteurs attribuent la réduction du nombre d'heures prévu au départ à divers facteurs dont une plus grande expérience des systèmes de production flottants, des initiatives de réduction des coûts et de nouvelles stratégies de gestion. Manifestement, selon les promoteurs, Terra Nova n'a pas l'envergure d'Hibernia qui, comparativement, a fourni plus de 30 millions d'heures de travail, c'est-à-dire 15 000 années-personnes d'emploi à l'étape de la préproduction. Néanmoins, les 3 000 années-personnes ou plus d'emploi associées au projet Terra Nova à l'étape de la préproduction ne sont nullement négligeables. Mais ce qui reste à voir, c'est ce qu'en retireront les Canadiens en général et les résidants de Terre-Neuve et du Labrador en particulier.

Les promoteurs ont fait savoir à la Commission que l'installation flottante, ou du moins sa coque d'acier de base, et selon toute probabilité les pétroliers-navettes également, seront construits à l'étranger en raison de l'incapacité des chantiers navals canadiens de construire des navires de la taille requise. Néanmoins, les coques de base pourraient être achevées dans des chantiers navals canadiens et, dans le cas de l'installation flottante, la construction des œuvres mortes et l'assemblage. Les composants du système sous-marin sont d'une conception et d'une fabrication spécialisées et seront fournis par des fabricants étrangers. Les plates-formes de forage semi-submersibles seront louées ou achetées à des fournisseurs étrangers également. Il est clair que les 3 000 années-personnes d'emploi pour Terre-Neuve à l'étape de la préproduction sont déjà en grande partie hypothéquées.

Le plan de mise en valeur des promoteurs et la procédure d'appel d'offres internationale pourraient à toutes fins pratiques se traduire par l'attribution des travaux de préproduction ailleurs qu'à Terre-Neuve, ce qui entraînerait la perte de plusieurs centaines d'emplois, mais la Commission a été grandement rassurée par les promesses réitérées des promoteurs selon lesquelles tous les efforts raisonnables devraient être faits pour éviter cette déplorable éventualité. Toutefois, les nombreux mémoires présentés et l'expérience acquise par la Commission lors du projet Hibernia lui font craindre que l'on ne respecte pas toujours l'esprit de l'Accord atlantique.

Pour ce qui est de l'étape d'exploitation du projet, de 400 à 500 emplois de longue durée seront créés à Terre-Neuve jusqu'à l'épuisement du gisement. La plupart de ces emplois seront associés à l'installation flottante, aux activités des pétroliers, aux systèmes de soutien maritime et aérien et aux activités côtières. Les emplois liés à la plate-forme de production exigeront la présence d'employés sur le pont, de marins, de grutiers d'opérateurs de la salle de contrôle, de techniciens, de superviseurs, d'opérateurs radio, de personnel infirmier, de cuisiniers, d'équipes de nettoyage et autres. Un certain nombre de personnes seront recrutées comme employés de bureau dans les installations de soutien à terre ou travailleront directement dans les entrepôts et les autres installations de la base côtière. Certains emplois seront également créés pour assurer le soutien maritime et le soutien aérien par hélicoptère au projet.

Le forage se déroulera sur une période de 12 ans chevauchant l'étape de la préproduction et l'étape de l'exploitation. Les activités de forage sont de l'ordre de 4,5 millions d'heures, ce qui représente environ 2 200 années-personnes de travail.

3.4 Concurrence internationale

Le principe de la concurrence internationale est à l'origine d'un sentiment de malaise dans certains syndicats et chez les travailleurs, comme la Commission a pu le constater à la lecture de plusieurs mémoires. Certaines personnes voient la mise en valeur comme un obstacle possible à l'obtention de travail dans le cadre du projet et ont exprimé le sentiment qu'une nouvelle industrie nécessitait une protection spéciale, mais d'autres acceptent parfaitement le principe selon lequel Terre-Neuve n'a d'autre choix pour se développer que d'être concurrentielle à l'échelle internationale.

Le Newfoundland and Labrador Oil Development Allied Trades Council (ODC), par exemple, a exprimé l'idée que les travailleurs terre-neuviens ne craignent pas la concurrence, pourvu que leur salaire ne soit pas le seul facteur entrant en ligne de compte. L'organisme est convaincu que si certaines conditions étaient respectées, à savoir que les promoteurs limitent la concurrence aux pays qui rémunèrent de façon «décente» les travailleurs, que la productivité, la qualité du travail et la sécurité soient prises en compte, et que le transfert de technologie et le perfectionnement des compétences soient considérés comme des coûts supplémentaires légitimes liés à l'exploitation des ressources aux termes des dispositions de l'Accord atlantique, dans ce cas les travailleurs terre-neuviens pourraient se mesurer avec succès aux travailleurs de n'importe quel pays au monde, et la province tirerait le maximum d'avantages de l'exploitation de ses ressources extracôtières. Il a cité le cas de la Norvège comme exemple de ce qu'on peut obtenir en adoptant de saines politiques gouvernementales.

Ce thème a également été abordé par d'autres participants aux audiences qui ont cité l'exemple du travail accompli en Corée pour le projet Hibernia. Non seulement ce travail a nécessité de coûteuses mesures correctives, mais selon eux, les normes de sécurité n'ont pas été respectées. Dans ce cas, les promoteurs ont réalisé de fausses économies en faisant faire le travail dans un pays où les normes d'assurance et de contrôle de la qualité ne sont pas aussi exigeantes que celles appliquées au Canada.

La Newfoundland Ocean Industries Association (NOIA) considère pour sa part la concurrence internationale comme porteuse de possibilités plutôt que comme un obstacle. À son avis, le projet Hibernia a déjà changé les règles du jeu et permis à l'industrie locale de renforcer sa compétitivité tant sur le marché national du pétrole et du gaz que sur les marchés internationaux. L'Association considère que le projet Terra Nova inaugure une ère nouvelle, au cours de laquelle l'expérience acquise dans l'emploi des nouvelles technologies et des nouveaux systèmes accroîtra la capacité des entreprises terre-neuviennes à concurrencer dans le cadre de projets pétroliers partout dans le monde. L'Association n'a exprimé aucune réserve à l'égard de la compétition internationale et son exposé vibrant d'optimisme montrait qu'elle était persuadée que le travail se ferait à Terre-Neuve.

Du point de vue des promoteurs, l'appel d'offres international est une nécessité pour assurer la viabilité du projet. Le pétrole qui sera produit à Terra Nova sera mis en concurrence sur les marchés avec des bruts similaires d'autres régions de production du monde. Par ailleurs, les promoteurs ont affirmé que l'appel d'offres international aiderait à assurer le développement d'une industrie de calibre mondial à Terre-Neuve.

La Commission comprend la nature des préoccupations de la population, car si les entreprises locales ne décrochent pas les marchés du projet de mise en valeur Terra Nova, cela signifie que les dispositions des lois de mise en œuvre concernant les avantages pour Terre-Neuve sont lettre morte.

La Commission note, toutefois, que le lancement d'un appel d'offres international pour la prestation de biens et services en vue de l'exploitation des ressources extracôtières de Terre-Neuve n'a pas commencé avec le projet Terra Nova. À vrai dire, ce principe est depuis longtemps la pierre angulaire de la politique pétrolière du gouvernement provincial, rendue publique pour la première fois dans un livre Blanc de mai 1977, puis intégrée au Newfoundland and Labrador Petroleum Regulationspromulgués en octobre de la même année. Les idées exprimées dans ces règlements sont les mêmes que celles que l'on retrouve dans l'Accord atlantique, dans les lois de mise en œuvre et dans la lettre du premier ministre Brian Tobin datée du 5 août 1996 et confirmant qu'un accord de principe a été conclu concernant la mise en valeur du champ pétrolifère Terra Nova.

Bien qu'une telle politique puisse paraître injuste à certains, et particulièrement à ceux qui sont actuellement sans emploi ou qui luttent pour conserver leur entreprise, la Commission doit concéder que, si l'on voit les choses à long terme, cette politique est sensée sur le plan économique. L'économie actuelle de Terre-Neuve et du Labrador dépend considérablement de la commercialisation des produits de son secteur de ressources naturelles. Parallèlement, le petit marché intérieur, l'éloignement des grands centres et les coûts élevés du transport, empêchent la fabrication à grande échelle. Dans ce contexte, la stratégie de diversification économique consiste à saisir toutes les possibilités qui se présentent pour mettre en place une main-d'œuvre hautement qualifiée dont les compétences seront transférables à d'autres activités industrielles et un milieu des affaires doté de la détermination et du savoir-faire requis pour vendre ces compétences dans la mise en valeur des ressources à d'autres régions du Canada et partout dans le monde. Mais si l'on veut réussir dans cette entreprise, il faut que Terre-Neuve fasse aussi bien, voire mieux que les concurrents en ce qui concerne les personnes compétentes formées dans la province, la qualité du travail qui y est effectué et le prix auquel les produits peuvent être livrés. La qualité supérieure, les normes internationales et les prix sont la clé de voûte de l'obtention de marchés étrangers. La Commission ne sous-estime pas les appréhensions de nombreux travailleurs, qui ont passé la plus grande partie de leur vie professionnelle à parcourir le Canada et le reste du monde en quête d'emploi. Néanmoins, elle considère qu'un certain degré d'optimisme est actuellement justifié, d'une part en raison des compétences techniques et de la productivité élevée des travailleurs terre-neuviens qui ont achevé à temps le projet Hibernia, d'autre part en raison du fait que les promoteurs eux-mêmes, de même que la NOIA et l'ODC, ainsi que d'autres, reconnaissent que les nouvelles technologies et les nouvelles entreprises qui ont été développées pour mener à bien le projet Hibernia peuvent encore être améliorées et avoir la capacité de relever le défi pour le projet Terre Nova. En outre, la Commission considère qu'en respectant l'esprit de l'Accord atlantique, les promoteurs peuvent faire de ce projet une étape importante vers la mise en œuvre de la stratégie de développement susmentionnée.

Avant même qu'Hibernia soit mené à bien, les bases d'un puissant secteur industriel océanographique avaient été posées. Les gouvernements fédéral et provincial et la Memorial University de Terre-Neuve ont reconnu que les ouvrages de génie maritime en mers froides et les sciences et technologies connexes sont d'importants domaines de développement. Des organismes et des programmes ont été mis sur pied, notamment la Newfoundland Ocean Research and Development Corporation (NORDCO), le Centre for Cold Oceans Resources Engineering (C-CORE), le Marine Institute; les programmes d'architecture navale et les technologies industrielles; l'Institut de dynamique marine et les installations de réparation des appareils de forage de Cow Head. Grâce à la présence de ces organismes et aux entreprises d'essaimage dans le secteur privé, en particulier dans la technologie des océans et des communications, Terre-Neuve et le Labrador sont reconnus à l'échelle internationale pour leurs recherches sur les mers froides, leurs innovations en matière de communications et leurs travaux d'inspection, de réparation et d'entretien des navires et des installations de forage pétrolier. La même détermination peut être appliquée au secteur de la fabrication et de la construction et au développement d'industries connexes pour le secteur pétrolier et gazier. À cet égard, la Commission note avec satisfaction la détermination avec laquelle les promoteurs se sont engagés à aider les entreprises locales à perfectionner leurs systèmes de gestion de projet, d'approvisionnement et de contrôle de la qualité pour atteindre les normes internationales. Si les entreprises terre-neuviennes sont prêtes à exploiter les possibilités qui s'offrent, à tirer pleinement partie de la disparition des barrières commerciales et des progrès dans les communications, et à bâtir sur les bases solides déjà posées, elles seront en mesure de se doter d'une industrie dynamique qui permettra de réaliser pleinement les promesses de l'Accord atlantique.

Recommandation 5:

La Commission recommande que les promoteurs fassent le maximum d'efforts pour que les entreprises de fabrication locales disposent de l'information et de l'appui nécessaires pour exploiter les possibilités qui leur seront offertes de perfectionner leurs systèmes de gestion d'approvisionnement du projet et de contrôle de la qualité en vue d'atteindre les normes internationales les plus élevées.

La Commission n'en est pas moins convaincue qu'il y a lieu d'établir une ligne de démarcation entre les bons prix qui permettront aux promoteurs d'être concurrentiels sur le marché pétrolier international, d'une part, et l'attribution des marchés au moins-disant pour la simple raison que le prix est le seul critère. Des questions comme l'assurance et le contrôle de la qualité doivent être étudiées avec beaucoup de soin. Les promoteurs doivent pouvoir garantir que tous les titulaires de marché connaissent parfaitement le milieu extrêmement dangereux dans lequel les structures qu'ils construiront devront fonctionner et les exigences strictes de la loi canadienne en matière de sécurité du personnel et de protection de l'environnement. Des inspections après-coup des ouvrages, une fois qu'ils seront au Canada, ne sont pas suffisantes pour donner l'assurance de leur intégrité à long terme. Compte tenu de l'expérience acquise lors du projet Hibernia, la Commission est d'avis que l'Office devrait sérieusement s'interroger sur l'opportunité d'autoriser à l'avenir la réalisation de travaux dans les chantiers navals coréens, par exemple. Dans l'intérêt de la sécurité, la concurrence internationale devrait manifestement être limitée aux pays qui appliquent des normes d'assurance et de contrôle de la qualité aussi élevées que celles qui sont en vigueur au Canada. La Commission est persuadée que les promoteurs partagent ses préoccupations quant à l'intégrité des structures à longue échéance et qu'ils considèrent que la sécurité est un facteur prépondérant qui l'emporte sur le prix dans les décisions qu'ils prendront concernant la source d'approvisionnement de l'infrastructure.

Recommandation 6:

La Commission recommande que l'Office n'autorise la construction des installations du projet à l'étranger que si l'assurance et le contrôle de la qualité du pays choisi sont équivalents ou supérieurs aux normes canadiennes et s'il dispose également de moyens de surveillance et de contrôle de la qualité.

La Commission considère que les chantiers navals de Terre-Neuve doivent participer au projet Terra Nova, non seulement dans le but de procurer des emplois dans l'immédiat, mais dans le but à plus long terme de mettre en place une industrie qui permettra aux projets d'exploitation des ressources en mer d'avoir à l'avenir de plus grandes retombées locales. Le projet Terra Nova doit faciliter le transfert de technologie, améliorer la capacité des entreprises et permettre le perfectionnement des travailleurs. Ce dernier objectif peut être atteint par l'instauration de programmes de formation bien conçus et par l'intégration du nombre maximum d'apprentis autorisé par les statuts des syndicats. Le domaine des systèmes sous-marins qui constituera un volet important du projet et, selon toute probabilité, de tous les projets futurs d'exploitation pétrolière et gazière en mer pourrait bien permettre aux promoteurs de respecter dans les faits leur engagement. La Commission s'attend à ce que les promoteurs fassent le maximum d'efforts pour inciter les fournisseurs étrangers de sous-systèmes sous-marins titulaires de marchés à faire appel aux installations de fabrication et d'assemblage de la province, qui emploient la main-d'œuvre locale qualifiée pour réaliser des produits de qualité. Ce critère pourrait d'ailleurs être intégré à l'appel d'offres comme condition d'attribution du marché. Cela implique que les promoteurs doivent prendre des dispositions pour que les résidants de la province ne soient pas exclus par des exigences de qualification déraisonnables ou indues ou par d'autres obstacles artificiels. La concurrence internationale serait de toute évidence plus acceptable pour les gens de la province si les entreprises titulaires des marchés menaient à bien leurs travaux à Terre-Neuve.

Recommandation 7:

La Commission recommande que les promoteurs soient tenus de faire le maximum d'efforts et de stipuler dans l'appel d'offres, parmi les critères d'attribution du marché, que le fournisseur des systèmes sous-marins dont l'offre sera retenue doit en confier la fabrication et l'assemblage à des installations de Terre-Neuve employant une main-d'œuvre locale qualifiée pour fabriquer des produits de qualité.

Recommandation 8:

La Commission recommande que l'Office surveille et examine la qualification requise pour tous les emplois afin de s'assurer que les résidants de la province ne sont pas exclus par des exigences de qualification déraisonnables ou indues ou par d'autres obstacles artificiels et que le nombre maximum de postes d'apprentis autorisé par les statuts des syndicats sont comblés par des résidants locaux.

L'Union internationale des opérateurs-ingénieurs a attiré l'attention de la Commission sur ce qui lui semblait être une anomalie du fait que, dans ce projet qui comporte une importante composante sous-marine, on ne parle guère de recruter des plongeurs. Les promoteurs ont fait savoir que les installations sous-marines seront conçues en vue de l'utilisation de véhicules sous-marins téléguidés autonomes, ce qui rend inutile l'intervention de plongeurs.

Or, ni le syndicat ni la Commission ne sont à l'aise dans une situation où l'on envisage de faire appel à des véhicules sous-marins téléguidés autonomes pour installer, entretenir et réparer des installations sous-marines majeures sur une période de près de 20 ans sans l'appui de plongeurs. Bien que les véhicules sous-marins prévus puissent à coup sûr être utilisés seuls pour l'observation et pour certains types de travaux d'inspection, d'entretien et de réparation, ils sont souvent utilisés de concert avec des plongeurs. Bref, la Commission n'est pas convaincue que la robotique puisse à l'heure actuelle remplacer totalement les ressources humaines dans les travaux sous-marins, et le projet Hibernia ne nous donne pas tort. Quoi qu'il en soit, que les véhicules sous-marins téléguidés autonomes soient utilisés avec ou sans plongeurs, ils doivent être manœuvrés par un personnel qualifié. Il y a lieu de prendre des mesures pour former un personnel ayant les compétences requises pour diriger ces véhicules dans la province.

Recommandation 9:

La Commission recommande que les promoteurs soient tenus de faire connaître à l'Office le niveau et le type de qualifications requis pour les postes liés à l'utilisation de véhicules sous-marins téléguidés autonomes. Elle désire savoir dans quels établissements cette formation peut être obtenue et recommande que l'Office prenne des dispositions pour assurer une formation adéquate dans la province.

La Commission pense par ailleurs qu'une équipe de plongeurs en mer profonde doit également être formée sur place. La Commission est convaincue que les promoteurs devraient réévaluer pour le moins le besoin de plongeurs en mer profonde et confirmer auprès de l'Office le résultat de cette réévaluation. Manifestement, il y a lieu de prendre des mesures pour éviter une situation dans laquelle des plongeurs, jugés au départ non nécessaires, devraient être recrutés, à une date ultérieure, à l'étranger. En fait, il incombe aux promoteurs, en raison des lois de mise en œuvre, de travailler avec le gouvernement et les représentants des travailleurs des secteurs appropriés à définir en temps opportun les besoins du projet en matière de ressources humaines de façon à ce que la clause voulant qu'on accorde la préférence aux résidants de Terre-Neuve ne soit pas rendue inopérante. En vertu des exigences des lois de mise en œuvre concernant la formation, l'acquisition de nouvelles compétences avec ou sans le financement supplémentaire du gouvernement constitue un aspect du plan de mise en valeur qui doit être pris en compte au moment de l'approbation de la demande.

Recommandation 10:

La Commission recommande que les promoteurs soient tenus de réévaluer le besoin de plongeurs en mer profonde pendant la durée du projet et qu'ils rendent compte de leurs conclusions à l'Office afin que ce dernier, si la présence de plongeurs s'avère nécessaire, puisse prendre des dispositions en vue de la formation de personnes compétentes dans la province.

En ce qui a trait à la formation dans le cadre du projet, l'ODC, la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (IBEW) et plusieurs particuliers ayant participé aux audiences ont insisté en vue de l'établissement d'un programme de formation bien articulé. Ils ont fait valoir de manière convainquante que, dans tout secteur où la technologie progresse rapidement, le perfectionnement continu des compétences s'impose à la fois pour accroître la productivité et pour améliorer la qualité du travail. À leur avis, que partage la Commission, il y a lieu de concevoir des programmes de formation, préalable à l'emploi et sur le tas, en concertation avec les syndicats. Ce programme encouragera les travailleurs à adopter et à utiliser efficacement les technologies de pointe à mesure qu'elles apparaîtront au cours de la durée du projet.

La position des promoteurs en ce qui a trait à la formation à l'étape de préproduction, comme l'indiquent la demande de mise en valeur et les explications données au moment des audiences publiques, découle de leur étude des compétences en fabrication et en construction disponibles dans la province pour répondre aux besoins du projet. À partir de cette étude, ils concluent qu'à quelques rares exceptions près, il est possible de trouver dans le bassin de main-d'œuvre locale les compétences requises. Ils pensent que la formation à l'étape de la préproduction se limitera en général aux questions de sécurité et de mise à niveau des compétences appropriées. Ils ont l'intention de collaborer avec les pouvoirs publics et les organisations syndicales concernées pour mettre en évidence les besoins particuliers.

La construction d'une fonderie de nickel à Argentia et la mise en production de la mine à la baie Voisey sont censées coïncider avec la construction de Terra Nova. Or les travaux exigeront en partie les mêmes compétences. Les promoteurs n'ont pas essayé d'évaluer les effets regroupés de ces projets sur l'offre de main-d'œuvre, mais ils demeurent persuadés qu'il n'y aura pas de pénurie dans la plupart des corps de métier. En cas de difficulté, ils considèrent que les besoins pourraient être comblés par le recrutement de personnel dans les provinces Maritimes et dans le reste du Canada.

À l'étape de l'exploitation, les promoteurs ont l'intention de recruter des personnes ayant une formation et une expérience pertinentes. Ces employés recevront la formation obligatoire en sécurité et en survie en mer ainsi que toute autre formation spécialisée en milieu de travail requise. Un manuel de formation a été rédigé concernant les activités d'exploitation et des modèles de perfectionnement professionnel sont en cours d'élaboration, ce qui porte à croire qu'en temps opportun, tous les équipages en mer ou pratiquement tous seront formés de résidants de la province.

Le peu d'attention accordée à la formation à l'étape de la préproduction du projet Terra Nova ne préoccupe pas seulement les syndicats, mais également la Commission. Même si le projet est d'envergure relativement modeste, les promoteurs, comme la plupart des employeurs progressistes, devraient offrir à leurs employés la possibilité d'améliorer leurs compétences professionnelles, et les travailleurs devraient être en mesure de retirer le fruit de leur expérience, en plus de la rémunération qu'ils reçoivent.

En raison de la leçon que nous tirons d'Hibernia, nous devrions être suffisamment avisés pour éviter des situations où les travailleurs locaux, sans autre forme d'avertissement préalable, ne sont pas jugés suffisamment compétents pour certaines étapes du travail. Par conséquent, avant le démarrage de la construction, les promoteurs devraient fournir à l'Office une liste des compétences requises pour les divers corps de métier tout au long de l'étape de la préproduction; une analyse faisant état des domaines où la compétence fait défaut dans la main-d'œuvre locale et un plan de perfectionnement des personnes qualifiées pour qu'elles atteignent le niveau requis par le projet d'ici sa mise en œuvre. L'Office devrait être doté des pouvoirs requis pour obtenir satisfaction.

Recommandation 11:

La Commission recommande que, dans le cadre du processus d'approbation du plan de retombées, les promoteurs fournissent: une liste des compétences requises pour les divers corps de métier tout au long de la durée du projet; une explication indiquant dans quels domaines l'on s'attend à trouver des lacunes dans les compétences de la main-d'œuvre locale; et un plan de coopération avec les organismes publics, les établissements de formation et les syndicats pour élaborer et financer des programmes de formation à l'intention des corps de métier de Terre-Neuve afin d'atteindre le niveau de compétence requis pour le projet. Ces programmes de formation devraient prévoir un recyclage périodique à mesure que le projet se poursuit.

Le plan visant les ressources humaines envisagé ci-dessus devrait être présenté dans l'immédiat, non seulement à l'Office, mais également au gouvernement et aux établissements d'enseignement post-secondaire de façon à ce que des mesures appropriées puissent être prises pour préparer les résidants de la province à exploiter les possibilités d'emploi à mesure qu'elles se présenteront. Si l'industrie pétrolière doit occuper une place importante dans la province et si l'on veut que les jeunes soient incités à faire des choix de carrière judicieux, les établissements d'enseignement, les pouvoirs publics et l'industrie pétrolière doivent coopérer pour leur donner accès dans la province à l'éducation et à la formation requises.

Recommandation 12:

La Commission recommande que l'Office et les promoteurs collaborent avec les commissions scolaires en vue de susciter l'intérêt des jeunes pour les carrières dans l'industrie pétrolière, en participant à des journées sur les carrières, en animant des causeries dans des cours de sciences et en attribuant des bourses ou autres.

Recommandation 13:

La Commission recommande que les promoteurs mettent à la disposition de l'Office, du gouvernement et des établissements d'enseignement, l'information sur les emplois à l'étape de l'exploitation, y compris les compétences particulières requises pour permettre la mise en place de toute nouvelle formation requise.

3.5 Relations industrielles

La demande de mise en valeur n'aborde pratiquement pas la question des modalités applicables aux relations industrielles au cours de la durée du projet. La Commission note toutefois qu'immédiatement avant le début des audiences publiques, un accord (ci-après l'Accord PCL) a été conclu avec les divers syndicats de la construction dans le but d'instaurer un climat de relations de travail convenable sur le chantier de Bull Arm en prévision des travaux de construction relatifs au projet Terra Nova. Il y a donc lieu de croire que les promoteurs ne sont pas en désaccord avec l'idée exprimée par de nombreux participants au cours des audiences publiques, selon laquelle un taux de productivité élevé, la sécurité et d'autres résultats valables sont directement liés à un bon régime de gestion du personnel, axé sur la concertation. À cette fin, la Commission est d'avis qu'une bonne entente de projet, négociée de bonne foi entre les parties, offre la meilleure garantie de satisfaction possible à la fois pour les travailleurs et pour les promoteurs eux-mêmes.

Recommandation 14:

La Commission recommande que les promoteurs exigent des entrepreneurs et des sous-traitants qu'ils s'efforcent d'élaborer un véritable partenariat avec les travailleurs et leurs représentants.

L'ODC, qui représente les travailleurs du bâtiment et de la construction à Hibernia, a indiqué qu'à son avis l'entente de projet négociée dans ce cas a bien fonctionné «sans aucun incident relativement important, et donné un extraordinaire sentiment de réussite et de fierté du travail...» On pourrait, à son avis, éliminer les défauts relevés dans cet accord en établissant un accord comparable pour Terra Nova sous l'égide de la Labour Relations Act de la province; en reconnaissant la primauté de l'Accord atlantique et des lois de mise en œuvre; et en prévoyant l'intégration de tous les corps de métier et du personnel technique, tant à terre qu'en mer et au cours de la mise en service des installations. D'autres participants aux audiences ont repris ces idées et émis des réserves quant à la façon dont les procédures de résolution des différends ont été mises en œuvre dans l'Accord Hibernia. Le consensus qui se dégage entre les personnes qui ont abordé la question semble être que toute entente doit être conclue en vertu des dispositions de laLabour Relations Act et que la convention collective devrait être prolongée jusqu'à l'étape de l'exploitation en mer.

Les promoteurs n'ont arrêté aucun plan définitif et n'ont pas non plus indiqué d'intention claire quant à la syndicalisation, mais ils ont exprimé leur engagement à l'égard de relations de travail cordiales et reposant entièrement sur la concertation.

Il apparaît à la Commission que la syndicalisation, en soi et dans le cas présent, ne devrait pas être un obstacle à l'efficience, à la productivité ou à la compétitivité. Au contraire, un syndicat responsable et une bonne convention collective peuvent être la meilleure garantie possible pour les trois éléments. On ne peut nier qu'une atmosphère de discorde entre les syndicats ou d'affrontements systématiques entre les dirigeants syndicaux et patronaux soit nocive, non seulement à la paix, mais pour la productivité également. En revanche, une atmosphère de respect mutuel entre employeurs et employés et un engagement contractuel de part et d'autre à l'égard d'objectifs énoncés avec précision peut offrir la meilleure garantie de réalisation de ces objectifs. En particulier, la Commission est convaincue qu'en ce qui a trait à la sécurité du personnel et à la protection de l'environnement, il est à l'avantage des deux parties que les travailleurs soient pleinement intégrés à l'élaboration des politiques et des procédures et participent de manière coopérative à leur mise en œuvre. Là encore, une entente qui garantit qu'il n'y aura pas d'interruption de travail au cours des travaux de construction alors que le temps est un facteur important à prendre en considération doit être considérée comme éminemment souhaitable du point de vue de l'employeur. En outre, la Commission pense qu'une entente avec le syndicat serait la façon la plus facile et la plus efficiente d'avoir accès aux personnes de métier les plus qualifiées de la province. En raison de la nature du projet, la Commission ne pense pas que des ententes industrielles avec plusieurs syndicats distincts soient envisageables sur le plan pratique; on ne peut pas non plus s'en tenir, particulièrement dans un milieu extracôtier, aux droits exclusifs de différents syndicats à des emplois particuliers.

Recommandation 15:

La Commission recommande que, si une entente syndicale est négociée pour les travailleurs extracôtiers, cette entente concerne l'ensemble des travailleurs et prévoie une main-d'œuvre flexible, non entravée par l'existence de classifications professionnelles étroites et rigides.

3.6 Alliance et partenariat

La gestion du projet sera fondée sur le principe de l'alliance. Selon ce type d'entente, l'exploitant (Petro-Canada), les entrepreneurs et éventuellement les principaux fournisseurs nouent des relations à long terme afin d'atteindre des objectifs collectifs de façon plus efficace et efficiente que par l'intermédiaire de contrats classiques. Dans le système traditionnel, l'exploitant joue un rôle important dans la gestion directe du projet et assume généralement la plupart ou l'intégralité des coûts associés et des risques liés aux échéances. Au sein d'une alliance, chaque société membre participe à un arrangement commercial comportant à la fois des risques et des récompenses ainsi que des objectifs établis qui incluent l'achèvement du projet à la date prévue et dans les limites du budget, tout en assurant la qualité, la sécurité, la protection de l'environnement et l'efficience fonctionnelle.

La NOIA a appuyé avec enthousiasme l'idée d'une alliance et a indiqué que les entreprises de Terre-Neuve avaient déjà retiré des avantages importants de cette façon de procéder. Les syndicats se sont dit favorables au concept, mais ont indiqué leur conviction que l'alliance serait plus efficace si les travailleurs, par l'intermédiaire de leurs représentants syndicaux, étaient reconnus comme des partenaires importants de façon à éliminer le sentiment de méfiance entre les travailleurs et la direction qui a altéré, jusqu'à un certain point du moins, l'expérience d'Hibernia. Un tel partenariat serait, de l'avis des syndicats, avantageux tant pour les promoteurs que pour la province. Par exemple, pour répondre à la demande de travailleurs hautement qualifiés et productifs, les syndicats puiseraient dans les ressources locales, accordant la priorité aux résidants compétents de la province de Terre-Neuve et respectant par là même l'intention de l'Accord atlantique. Si le besoin s'en faisait sentir, le syndicat pourrait trouver d'autres membres qualifiés dans d'autres régions du Canada. Bien que sans nier l'utilité éventuelle de l'alliance, la ville de Marystown a exprimé certaines réserves. Elle craint que les partenaires de l'alliance ne tendent à privilégier d'abord leurs membres et les entreprises avec lesquelles ils ont l'habitude de traiter. Dans de tels cas, une petite entreprise comme le chantier naval de Marystown pourrait bien être oubliée. Ses préoccupations ne seront atténuées que si elle est incluse dans le groupe de l'alliance.

Cherchant à apaiser les esprits, les promoteurs ont indiqué que s'ils avaient choisi la formule de l'alliance en raison de la capacité qu'elle offre d'assurer la prestation de services de gestion pour un projet d'envergure, ils s'étaient engagés à faire en sorte que le personnel chargé des approvisionnements soit familier avec les capacités nationales et inclue tous les fournisseurs intérieurs qualifiés sur la liste des soumissionnaires. La prestation de biens et de services se fera selon les règles de l'appel d'offres ouvert en vigueur dans l'industrie. Le chantier naval de Marystown aura donc la possibilité de soumissionner tous les travaux qu'il est en mesure de mener à bien.

Du point de vue de la Commission, l'approche de l'alliance introduit une nouvelle stratégie de gestion pour les entreprises terre-neuviennes. La communication avec les entrepreneurs s'en trouvera facilitée et l'exploitant sera beaucoup plus près des opérations des entrepreneurs que dans le système traditionnel. Grâce à cette approche, on devrait pouvoir éviter que les difficultés survenues à Hibernia ne se reproduisent. En effet, certains entrepreneurs n'avaient peut-être pas pleinement compris l'importance de la disposition qui privilégie le recrutement de Terre-Neuviens et d'entreprises terre-neuviennes comme l'avaient indiqué les promoteurs d'Hibernia dans leur plan de retombées. Dans le cadre d'une alliance, il devrait être plus facile d'éviter ce genre de malentendu. La Commission exhorte les promoteurs à tirer parti des avantages qu'offre une alliance pour satisfaire les exigences des principales clauses du plan de retombées, et pour s'assurer que les entrepreneurs et leurs sous-traitants ainsi que leurs cadres sont parfaitement au courant des raisons de ces exigences légales et, en comprennent le bien-fondé, ce qui est tout aussi important.

Recommandation 16:

La Commission recommande que les promoteurs exigent des entrepreneurs et des sous-traitants qu'ils fassent connaître à leurs cadres jusqu'au niveau des superviseurs les exigences de l'Accord atlantique et leur raison d'être de façon à ce que toutes les décisions puissent être prises dans le contexte de cet accord.

Certains participants ont demandé que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador joue un rôle plus actif en protégeant à la fois les intérêts de la province et ceux des travailleurs des projets pétroliers extracôtiers. Ces participants interprètent le manque de précision observé dans le plan de retombées comme une indication que la province ne recevra pas les avantages qu'elle mérite sur le plan de l'emploi et des retombées économiques. Dans ce contexte, compte tenu de ce qui s'est passé à Hibernia en ce qui a trait la fin de non-recevoir opposée par la province aux préoccupations des syndicats aux prises avec un régime qui refusait aux travailleurs locaux des possibilités d'emploi, et face à ce qu'ils ont décrit comme une «conspiration du silence», ils se sont montrés des plus critiques à l'égard de la position de la province concernant l'appel d'offres international. Pour certains syndicats, l'inaction du gouvernement découle soit d'un manque d'information soit d'une trop grande confiance dans la bonne foi des grandes entreprises internationales lorsque ces dernières promettent de privilégier les intérêts des Terre-Neuviens.

Ces points de vue donnent le sentiment que les Terre-Neuviens ont eu la ferme impression qu'il y avait eu un dérapage en ce qui a trait au respect de l'esprit de l'Accord atlantique. La Commission elle-même souscrit à cette opinion et pense par ailleurs que les pouvoirs publics doivent prendre en bout de ligne la responsabilité d'assurer la conformité aux lois de mise en œuvre, même s'ils ont délégué cette fonction à l'Office. Avec le projet Terra Nova, c'est une nouvelle partie qui se joue. Il est possible que l'Accord PCL récemment négocié ait en fait éliminé les sources de friction qui existaient autrefois; néanmoins, l'Office doit être vigilant dans la surveillance de la conformité et doit prendre des mesures énergiques en cas de non-conformité. La Commission est convaincue notamment que l'établissement de quotas pour les travailleurs canadiens, et en particulier les travailleurs de Terre-Neuve, comme ce fut le cas à Hibernia, est inadéquat, tenant compte que les entreprises et les travailleurs de la province se sont améliorés durant le projet Hibernia. Toute dérogation au principe voulant que l'on privilégie les travailleurs terre-neuviens, le cas échéant, devrait exiger l'autorisation écrite de l'Office et être portée à la connaissance des représentants des travailleurs. De telles situations devraient d'ailleurs être rares puisque les promoteurs disposent de suffisamment de temps pour définir leurs besoins en personnel et pour préciser les compétences et l'expérience particulières requises au cours de la durée du projet. Prévenus suffisamment à l'avance, les promoteurs, les pouvoirs publics et les syndicats peuvent élaborer un plan pour former ou perfectionner les travailleurs qualifiés. Dans ce cas, il n'y aura guère d'excuse pour que les promoteurs ou l'Office se retrouvent dans une situation exigeant que du personnel qualifié soit recruté à l'extérieur de la province. Un tel besoin devra être cerné bien avant le démarrage du projet de façon à ce qu'une entente appropriée puisse être conclue en temps opportun entre les parties.

Recommandation 17:

La Commission recommande que l'Office mette fin à la pratique qui consiste à établir des objectifs en matière d'emploi pour les travailleurs canadiens, et en particulier pour les travailleurs terre-neuviens.

Recommandation 18:

La Commission recommande que l'Office insiste sur le respect de l'intention de l'Accord atlantique de façon à ce qu'on évite toute situation où il serait nécessaire de recruter du personnel à l'extérieur de la province pour la seule raison que le besoin n'a pas été cerné suffisamment tôt pour permettre la formation des résidants locaux.

Recommandation 19:

La Commission recommande que les gouvernements du Canada et de Terre-Neuve et du Labrador exigent de l'Office qu'il prépare une évaluation de l'efficacité des lois de mise en œuvre de l'Accord relativement à la disposition voulant que l'on privilégie en matière d'emploi les résidants de Terre-Neuve. Cette évaluation devra être assortie de recommandations, le cas échéant, pour renforcer ces dispositions des lois de mise en oeuvre et ses règlements de façon à ce que les Terre-Neuviens retirent des avantages de l'exploitation de leurs ressources conformément à l'intention originale de l'Accord. En outre, l'Office devrait être tenu à l'avenir de mener des examens périodiques de l'efficacité des lois de mise en œuvre de l'Accord.

Recommandation 20:

La Commission recommande qu'en cas de dérogation jugée nécessaire au principe voulant que l'on privilégie les travailleurs terre-neuviens, les promoteurs, après en avoir notifié les représentants des travailleurs, soient tenus de demander une autorisation écrite à l'Office.

Le principe voulant qu'on privilégie les travailleurs de Terre-Neuve et du Labrador est assujetti à un taux d'emploi dans la province inférieur à la moyenne nationale. En fait, le taux de chômage de la province est d'environ 20 p. 100, soit plus du double de la moyenne nationale et serait encore beaucoup plus élevé si l'on n'assistait à un exode des jeunes et des familles qui ne peuvent trouver du travail chez eux. Parallèlement, le revenu par habitant des Terre-Neuviens demeure nettement inférieur à la moyenne canadienne. En 1984, le revenu moyen par habitant des Terre-Neuviens était de 56,9 p. 100 du revenu moyen par habitant au Canada. C'est avec ces chiffres en toile de fond que l'Accord atlantique a été négocié. Or ils n'ont pas changé de façon notable depuis cette date. Par conséquent, il incombe de toute évidence aux pouvoirs publics et à l'Office d'appliquer strictement toutes les mesures légales pour assurer un emploi aux travailleurs terre-neuviens dans les projets qui exploitent les ressources de la province.

3.7 Autres question relatives a l'emploi

Dans le cas d'Hibernia, dans le cadre de sa stratégie pour réaliser le projet dans les plus brefs délais possible, la direction a eu recours à une quantité d'heures supplémentaires. L'ODC a déclaré à la Commission que de nombreux travailleurs avaient été tenus de travailler sept jours sur sept, dix heures par jour et ce, pendant des périodes pouvant atteindre huit mois sans congé. L'organisme a donc demandé à la Commission de recommander qu'on légifère pour empêcher qu'une telle situation ne se reproduise.

La Commission note avec satisfaction que les promoteurs envisagent de s'en tenir à la semaine normale de 40 heures et n'ont pas prévu d'heures supplémentaires pour le projet. La Commission considère que c'est une sage décision car l'on sait qu'un nombre excessif d'heures supplémentaires perturbe généralement la vie des travailleurs et de leur famille, accroît le risque d'accident susceptible d'entraîner des blessures et des pertes de vie, peut limiter la productivité et la qualité du travail, et exacerbe le problème du chômage. Quoi qu'il en soit, compte tenu du grand nombre de travailleurs sans emploi à Terre-Neuve et dans diverses régions du Canada qui sont désireux de travailler, il ne devrait pas être nécessaire d'avoir recours à ce genre de pratique. Le recrutement d'un effectif plus important présente des avantages pour tous pour l'employeur qui bénéficie d'une productivité et d'une sécurité accrues; pour le travailleur qui a plus de chance d'occuper un emploi et de meilleures possibilités de progresser dans son métier; et pour la province qui y trouve son compte puisque les travailleurs rémunérés paient des impôts, ce qui a un effet multiplicateur sur l'emploi. À la lumière des promesses qui lui ont été faites par les promoteurs, la Commission ne croit pas que l'adoption d'une loi soit nécessaire à l'heure actuelle. Elle recommande toutefois, en raison de la nécessité pratique d'un certain nombre d'heures supplémentaires, que ce temps soit limité à un maximum raisonnable de 10 heures par semaine.

Recommandation 21:

La Commission recommande que l'Office adopte la norme pour le projet Terra Nova de la semaine de travail de 40 heures avec un maximum de 10 heures supplémentaires par semaine.

Les travailleurs qui ont comparu devant la Commission ont fait part de leur expérience à Hibernia et se sont plaints systématiquement des communications. L'ODC, en particulier, considérait qu'il y avait un manque de communication de la part des promoteurs, en particulier en ce qui concerne le concept de partenariat et ses implications pour les entreprises et les travailleurs locaux.

La Commission est fortement tentée de se rallier au point de vue de l'ODC lorsque celui-ci attribue au manque de communication un pourcentage appréciable de problèmes de relations de travail. Elle est également d'accord avec le fait que, dans la mesure où l'exposé des promoteurs manque d'information précise, en particulier dans le plan d'avantages, tout est déjà en place pour la survenue de problèmes provoqués par des malentendus. En conséquence, la Commission encourage fortement les promoteurs à veiller dès maintenant à l'établissement d'un plus grand nombre de voies de communication et ce, pendant toute la durée du projet. Elle demande aussi qu'on ait recours à de nouvelles et innovatrices façons pour surveiller et mettre à jour l'information fournie au public. La Commission note que le gouvernement provincial et l'Office peuvent être également accusés de manquement, dans la mesure où il leur incombe indubitablement de tenir les gens de la province informés concernant l'exploitation de leurs ressources. En toute justice, toutefois, la Commission tient à préciser que le manque d'information complète des promoteurs concernant les perspectives d'emploi des Terre-Neuviens s'explique en partie à cause des inconnues liées au processus d'approbation publique, notamment à l'appel d'offres international. La Commission tient à ajouter sur ce sujet qu'elle sait bien qu'il n'y a pas lieu de blâmer les promoteurs pour tout ce qui s'est mal déroulé à Hibernia, du point de vue des travailleurs. Elle a conscience que les représentants des travailleurs ont une part de responsabilité quant à la diffusion de l'information à leurs homologues.

Quoi qu'il en soit, on ne saurait trop insister sur le fait que la population s'attend à être informée du déroulement du projet, en particulier en ce qui a trait aux avantages. Il faudrait à intervalles réguliers établir des rapports indiquant non seulement la conformité aux politiques, procédures et principes énoncés, mais également tout écart à cet égard.

Recommandation 22:

La Commission recommande que les promoteurs soient tenus d'instaurer un système approprié de façon à communiquer régulièrement de l'information à la population, non seulement concernant les possibilités d'emploi et d'affaires, mais également en ce qui a trait au respect de tous les engagements pris dans le contexte du plan de retombées.

Tout comme l'Office, la Commission sait bien qu'elle est jusqu'à ce jour demeurée à l'arrière-plan et n'a pas jugé prioritaire de tenir le public informé de ses activités. Elle n'en pense pas moins qu'il y a lieu d'entreprendre un effort d'information du public étant donné que les ressources naturelles appartiennent à la population et que celle-ci a le droit de savoir ce qu'on en fait. Cet argument vaut tout autant pour le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador qui a sans conteste l'obligation de tenir la population pleinement informée des politiques en place ayant une incidence sur l'exploitation des ressources naturelles et déterminant les avantages que le gouvernement provincial s'attend à retirer de l'épuisement de ces ressources. La disponibilité de l'information pertinente pourrait prévenir certains malentendus et dissiper certaines angoisses que suscite la mise en valeur des ressources en mer et qui ont été exprimées lors des audiences.

Recommandation 23:

La Commission recommande que l'Office inaugure un programme d'information régulier de la population de la province pour faire connaître les résultats de ses efforts de surveillance de la conformité et d'autres questions d'intérêt public concernant les activités de l'industrie pétrolière en mer.

Recommandation 24:

La Commission recommande que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador accentue ses efforts d'information publique concernant l'industrie pétrolière en mer, en diffusant en particulier une information complète concernant les changements ayant trait à la politique pétrolière en vigueur ou l'adoption d'une nouvelle politique. Il est également important que la politique en place soit clairement expliquée.

Partout au Canada, certaines professions, dont les activités ont des conséquences sur la sécurité et le bien-être de la population, s'auto-réglementent sous l'autorité des lois provinciales pertinentes. Un groupe de ce genre, l'Association of Professional Engineers and Geoscientists of Newfoundland a témoigné devant la Commission pour lui faire part de son expérience concernant le déroulement du projet Hibernia. La principale préoccupation de l'Association était que le travail de génie civil et de géoscience en mer ne devait être confié qu'à des professionnels qualifiés, autorisés à exercer dans la province, ainsi que la gestion et la supervision des employés professionnels.

Même si c'est au travailleur que revient la responsabilité d'adhérer à une organisation professionnelle pertinente, il incombe aux entreprises de veiller à ce que ce soit effectivement le cas. Il est clair qu'il appartient aux entreprises de décider de quelle façon elles s'acquitteront de leurs responsabilités à l'égard de la loi qui exige que les ouvrages de génie civil dans la province soient réalisés par des ingénieurs de profession dûment enregistrés à Terre-Neuve. La Commission aimerait toutefois que les promoteurs aient une entière collaboration avec l'organisation professionnelle compétente quant à la prestation d'information sur les personnes engagées à l'extérieur de Terre-Neuve. Les promoteurs devraient s'assurer que leurs employés professionnels soient enregistrés dans la province.

Recommandation 25:

La Commission recommande que les promoteurs, leurs entrepreneurs et leurs sous-traitants soient tenus de s'acquitter de leurs obligations légales concernant l'autorisation de professionnels qui travaillent dans la province de Terre-Neuve.

3.8 Avantages pour l'économie

La répartition et le développement des sources d'approvisionnement ont été les principales questions relatives aux avantages économiques à être soulevées devant la Commission. En particulier, les autorités municipales de la Ville de Grand Falls-Windsor ont attiré l'attention de la Commission sur la possibilité pour des entreprises, autres que celles appartenant aux quatre secteurs de la construction désignés par les promoteurs, de participer à l'activité économique engendrée par le projet. Elles ont suggéré que les promoteurs partent en quête de fournisseurs dans toute la province, tiennent des séances d'information publique et fassent appel aux organisations en place, comme les offices économiques régionaux, les chambres de commerce et les bureaux de développement économique des municipalités, pour communiquer l'information écrite au monde des affaires.

Le caractère souhaitable d'étendre les avantages économiques aux villes plus petites a également été souligné par la Ville de Marystown et la Chambre de commerce de la région de Burin-Marystown. Les deux organismes ont préconisé l'utilisation du chantier naval de Marystown et des installations de Cow Head, de même que le recours à d'autres sources d'approvisionnement de la région. Ils ont mentionné, en particulier, que la région de Marystown-Burin disposait d'une infrastructure communautaire suffisante pour appuyer l'activité industrielle.

La NOIA a indiqué que ses membres, ayant acquis de l'expérience dans l'industrie pétrolière en mer, étaient prêts à contribuer de façon significative à la réussite du projet et tout à fait en mesure de le faire. Dans son exposé, l'Association s'est montrée extrêmement optimiste et ne doutait nullement que Terre-Neuve puisse continuer sur la lancée d'Hibernia et, grâce à une pleine participation au projet Terre Nova, implanter les bases d'une industrie présentant un potentiel à long terme pour le développement local, voire l'exportation d'un savoir-faire et de services techniques.

La Commission observe que les promoteurs se sont engagés à prendre une série de mesures pour que les chantiers navals et les usines de fabrication de matériel maritime de Terre-Neuve aient la possibilité de répondre à l'appel d'offres. En outre, les promoteurs se sont engagés à faire le maximum d'efforts pour confier aux entreprises terre-neuviennes la fabrication, l'assemblage et les services d'équipement associés à la nouvelle construction ou à des modifications apportées aux œuvres mortes de la plate-forme de production, aux installations sous-marines, aux systèmes d'amarrage et aux tubes prolongateurs.

La Commission est enchantée de voir que les promoteurs ont adopté une politique propre à renforcer la compétitivité des entreprises terre-neuviennes. Les appels d'offres seront divisés en modules plus petits de façon à ce que les chantiers navals locaux puissent soumissionner les travaux. Une évaluation de la capacité des chantiers navals de Terre-Neuve a été menée à bien. Sur demande, les promoteurs fourniront de l'aide aux chantiers navals pour leur permettre de mettre l'accent sur les aspects de la prestation qu'ils sont les mieux en mesure d'assurer et pourra même au besoin mettre du personnel à la disposition de ces entreprises pour les aider dans un premier temps à gérer le projet.

Recommandation 26:

La Commission recommande que les promoteurs fassent le maximum d'efforts pour favoriser le développement des sources d'approvisionnement dans toutes les régions de la province.

Par ailleurs, dans l'attribution des marchés, les promoteurs se sont engagés à considérer comme un facteur important le contenu local dans les biens, les services et la main-d'œuvre. Les entreprises qui soumissionnent en prévoyant d'utiliser un emplacement à l'extérieur du Canada seront tenues de présenter une offre pour exécuter le même travail à Terre-Neuve. À prix, qualité et prestation équivalents, le marché sera attribué à l'entreprise qui fournit les biens et services à partir de Terre-Neuve. Lorsque toutes les conditions techniques et commerciales sont respectées, et que les soumissions sont à peu près équivalentes, les promoteurs attribueront le marché au soumissionnaire qui procure le plus d'avantages pour Terre-Neuve. Si un marché ne peut être attribué en faveur de Terre-Neuve, on étudiera les offres des soumissionnaires des Maritimes, et du reste du Canada, dans l'ordre énoncé.

Forte de ces engagements, la Commission ne peut concevoir que les entreprises terre-neuviennes et les autres entreprises canadiennes pourraient ne pas partager les avantages économiques de ce projet. Terre-Neuve dispose de plusieurs emplacements parfaits pour la fabrication, en vertu de sa situation à proximité des Grands Bancs, d'une main-d'œuvre abondante et qualifiée qui a acquis de l'expérience à Hibernia et d'un milieu des affaires prêt à relever le défi de la prestation de services à cette nouvelle industrie. La Commission prévoit avec confiance l'expansion des entreprises en place et le développement de nouvelles entreprises de services et de fournitures.

L'étape de la préproduction sera la plus visible pour les résidants locaux, même si, en raison de la période relativement courte de la construction, de plus grands avantages découleront probablement des activités économiques soutenues des étapes du forage et de la production. Ces étapes offriront un emploi stable et la possibilité pour les entreprises terre-neuviennes de fournir une grande variété de produits et services au cours de la durée de l'exploitation du champ pétrolifère, éventuellement jusqu'en l'an 2018.

En dépit de ces prévisions relativement optimistes, la Commission est préoccupée à l'idée que l'Office pourrait établir des objectifs pour le contenu terre-neuvien dans les services et la main-d'œuvre et que ces objectifs pourraient être fixés en fonction de la capacité actuelle. La Commission est convaincue qu'une telle décision nuirait considérablement au développement d'une industrie locale. Il lui apparaît inconcevable que le projet soit autorisé à suivre son cours sans un transfert important de technologie et sans le développement de nouvelles industries connexes dans des domaines comme les systèmes sous-marins, la plongée en mer profonde, les opérations des véhicules sous-marins téléguidés autonomes ou sans le développement dans des domaines techniques comme l'instrumentation, la télédétection, la surveillance de l'environnement et autres, sans compter les domaines généraux de la fourniture, de l'entretien et de la réparation. De l'avis de la Commission, il doit être possible que toute la main-d'œuvre et tous les services soient fournis par des entreprises terre-neuviennes ou canadiennes.

Avant d'approuver le projet, l'Office doit s'assurer qu'il y aura transfert de la nouvelle technologie et développement de nouvelles industries connexes. Ces deux critères peuvent être respectés dans le cadre d'un appel d'offres international et ne doivent pas être étouffés par cette démarche. Le transfert de technologie et le développement de nouvelles industries doivent être associés à chaque projet réalisé avec succès et doivent être un préalable à toute approbation de projet.

Recommandation 27:

La Commission recommande que l'Office veille à ce que le contenu terre-neuvien du projet soit optimisé et à ce qu'un tel contenu inclue le transfert de technologie et l'appui à la création de nouvelles industries dans le secteur des services.

Recommandation 28:

La Commission recommande que l'Office élabore un plan pour faire en sorte que le transfert de technologie et la mise sur pied de nouvelles industries soient des conditions préalables à l'approbation des futurs projets d'exploitation pétrolière.

3.9 Incidences sociales

L'un des objectifs du processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement est de mettre en évidence la façon dont un projet influera sur le tissu social de la collectivité où il prend place. Les changements démographiques associés à l'accroissement de l'activité industrielle et de l'emploi sont habituellement porteurs d'autres changements sociaux, dont certains peuvent être négatifs. On s'attend à ce que le nombre d'emplois créés par le projet au cours de l'étape de la préproduction soit de l'ordre de 500 à 600 au maximum et ce, pendant environ deux ans. Au cours des étapes de forage et d'exploitation, entre 400 et 500 personnes travailleront à l'exploitation du gisement. Dans l'un et l'autre cas, le nombre d'emplois prévu n'est pas suffisant pour produire des changements démographiques qui ne pourraient être absorbés par l'infrastructure et les services sociaux en place. On ne s'attend à aucun impact négatif du projet.

Les impacts sociaux qui pourraient découler à plus long terme de la croissance d'une industrie pétrolière et gazière ne font pas partie de notre mandat et il en va de même des répercussions des recettes accrues du gouvernement sous forme de redevances et d'impôt.

Si le nombre de participants préoccupés par les questions sociales est un indicateur, l'impact social du projet Terra Nova ne constitue pas une priorité pour la plupart des résidants de la province. Les autorités municipales de Grand Falls-Windsor et Marystown ont fait la promotion de leurs régions pour essayer de bénéficier des retombées socio-économiques du projet, et n'ont pas soulevé de préoccupations à cet égard. Le comité de coordination de la région de Bull Arm, représentant les collectivités dans un rayon de 50 kilomètres du lieu de la construction d'Hibernia, cherchait également à faire participer davantage la région qu'il représente. Tous ces intervenants se rallient à l'opinion générale selon laquelle les répercussions sociales négatives que l'on craignait pour le projet Hibernia ne se sont pas concrétisées, même dans les collectivités adjacentes. On a toutefois eu le sentiment que le régime d'autonomie du camp, s'il avait évité les répercussions sociales négatives, avait aussi limité la croissance économique dans les collectivités environnantes ainsi que diminué les possibilités d'emploi pour leurs résidants. Par conséquent, pour le comité de coordination de la région de Bull Arm, une participation accrue serait considérée comme tout à fait souhaitable.

En bref, Hibernia a constitué un cas type pour les répercussions sociales de l'exploitation pétrolière. Pratiquement tout le monde s'accorde pour dire que les graves répercussions négatives qui devaient apparaître surtout à l'étape de la planification du projet ne se sont pas produites. Comme dans le cas des précédentes mises en valeur dans d'autres secteurs, Hibernia a démontré la capacité de la province à absorber une expansion économique sans perturbations sociales excessives ou pressions inflationnistes. Bien que certaines des mesures d'atténuation prises par la Société d'exploitation et de développement d'Hibernia aient empêché la survenue de perturbations sociales, la Commission considère qu'il faudra des projets beaucoup plus importants que le projet Terra Nova pour que des répercussions sociales négatives se fassent sentir, compte tenu de la capacité sous-utilisée de l'économie terre-neuvienne.

Les promoteurs ont indiqué, et la Commission souscrit à cette opinion, que la taille modeste de l'effectif de Terra Nova, soit de 500 à 600 personnes en période de pointe, n'exige pas le type de mesures d'atténuation prises pour Hibernia. À d'autres égards, les promoteurs ont déjà pris des mesures pour atténuer certaines des préoccupations exprimées par le comité de coordination de la région de Bull Arm. L'Accord PCL permet aux résidants de la région ayant les compétences requises d'adhérer aux divers syndicats et de s'intégrer à la population active sans la période d'attente habituelle. La Commission souligne l'effort fait par les promoteurs pour régler à l'amiable le problème litigieux de la préférence accordée aux résidants des régions adjacentes sur le plan de l'emploi, en particulier si l'on tient compte du fait que la politique provinciale donne au terme résidants locaux le sens de résidants de la province. En outre, il a été décidé que, quel que soit le lieu de construction choisi, on n'aménagerait pas de logements sur le chantier. Cette décision devrait favoriser jusqu'à un certain point les propriétaires de logements locatifs et les pensions de famille ainsi que d'autres prestataires de services à titre onéreux dans les collectivités avoisinantes. Un programme d'indemnisation pour les pêches sera aussi prévu si nécessaire ou approprié.

Les promoteurs ont rejeté la politique de préférence de 5 p. 100 en faveur des entreprises locales proposée par certains participants. La Commission appuie dans l'ensemble leur position, car elle est convaincue que les promoteurs ont bien l'intention, comme ils le déclarent, de travailler avec le milieu des affaires de la province afin de favoriser le développement des sources d'approvisionnement. La Commission appuie le principe de l'égalité des chances pour toutes les entreprises de la province dans un régime de concurrence équitable.

Le comité de coordination de la région de Bull Arm a soulevé deux autres questions qui méritent qu'on s'y arrête. La première a trait au financement spécial d'un groupe de liaison, et l'autre, à la possibilité que le chantier de Bull Arm relève d'une municipalité adjacente.

Le comité de coordination de la région de Bull Arm a été financé par le Fonds de développement des régions extracôtières pour assurer la liaison entre les collectivités locales, le gouvernement et l'exploitant d'Hibernia dans le but de faciliter la diffusion d'information sur le projet, en particulier en ce qui a trait à l'emploi et de fournir de la rétroaction concernant les répercussions indésirables. Sans nier l'utilité de la mesure au moment où elle a été mise en œuvre, ni l'excellent travail du comité, compte tenu de la situation différente du projet Terra Nova, la Commission ne voit pas sur quels motifs elle pourrait justifier la poursuite du financement spécial.

Recommandation 29:

La Commission recommande que, bien que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador puisse décider de renouveler le financement destiné au comité de coordination de la région de Bull Arm, le projet Terra Nova ne soit pas considéré comme la raison de ce renouvellement.

La Commission n'est pas non plus encline à appuyer la proposition voulant que le chantier industriel de Bull Arm relève de la compétence d'une municipalité ou de toute autre forme d'administration régionale qui en gérerait les biens-fonds et percevrait les taxes et impôts des entreprises travaillant sur les lieux. Selon la Commission, aucune des municipalités de la région ne dispose du personnel technique et opérationnel hautement qualifié qui lui permettrait d'établir et d'appliquer les différents codes de construction, de sécurité et de protection de l'environnement qui seraient nécessaires. La Commission recommande par conséquent que la région continue à relever de la compétence du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

Recommandation 30:

La Commission recommande que l'administration du chantier de Bull Arm continue à relever de la compétence du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

On peut supposer, toutefois, que les activités associées au projet Terra Nova offriront aux collectivités adjacentes des possibilités lucratives grâce à la vente de services comme l'eau, les égouts et l'élimination des déchets ainsi que d'autres revenus de location et d'impôt foncier. La Commission note toutefois qu'au cours de l'étape de la construction à Hibernia, de nombreux travailleurs ont installé des caravanes dans des secteurs non réglementés, le long des routes, à l'extérieur des limites des municipalités. La présence de ces caravanes, avec le temps, est devenue une source de pollution des terrains et des cours d'eau qui arrosent les collectivités adjacentes. Si les habitants de ces caravanes avaient été tenus de s'installer dans les collectivités là où les services sont accessibles, le problème de la pollution aurait été évité et les municipalités auraient accru leurs recettes fiscales sans engager d'importantes dépenses. Les promoteurs du projet Terra Nova ne fournissent pas de logement aux travailleurs. Par conséquent, la Commission incite fortement les municipalités et les autorités provinciales responsables de la question à prendre rapidement des mesures pertinentes afin d'éviter que l'expérience susmentionnée ne se reproduise.

Dans le mémoire qu'il a adressé à la Commission, Environnement Canada en arrive à la conclusion que les questions socio-économiques associées au projet ont été cernées, mais il n'en est pas moins critique à l'égard de la méthode employée par les promoteurs dans leur analyse des répercussions possibles et de l'ampleur de ces répercussions. Environnement Canada aurait préféré une approche plus théorique quant à la mise en évidence des répercussions, comprenant des définitions ad hoc, une analyse comparative de la situation avec et sans le projet incluant des évaluations quantitatives et qualitatives, un protocole d'atténuation des répercussions négatives et un programme de suivi, tant pour les effets que pour les résultats des mesures d'atténuation. Environnement Canada a également proposé que les promoteurs révisent leur hypothèse selon laquelle l'exploitation du pétrole en mer n'a aucun impact socio-économique, car pour le ministère, des répercussions socio-économiques pourraient découler indirectement des impacts environnementaux potentiels si les promoteurs choisissent la dispersion dans l'océan des boues à base d'huile et des eaux produites comme méthode technique.

Les promoteurs ont défendu leur méthode d'évaluation des répercussions socio-économiques en faisant valoir que, même si les recommandations d'Environnement Canada avaient été suivies, elles auraient conduit à la même conclusion, sauf que la méthode préconisée aurait pris plus de temps et coûté plus cher. La Commission se rallie à ce point de vue car il lui apparaît que les promoteurs lui ont fourni suffisamment d'information pour qu'elle puisse déterminer que le projet n'aura pas de répercussions sociales négatives et qu'aucun programme de suivi n'est jugé nécessaire à l'heure actuelle.

3.10 Sécurité des travailleurs

La Commission a pour mandat de se pencher sur les questions ayant trait à la sécurité des personnes. Il faut cependant mentionner que l'Office n'a pas demandé aux promoteurs d'inclure un plan de sécurité dans le dossier d'étude d'impact environnemental. Ils seront tenus de soumettre ce plan à l'approbation de l'Office avant le début de l'exploitation du gisement Terra Nova. Or, de l'avis de la Commission, le plan de sécurité des personnes revêt une telle importance qu'il aurait dû être soumis à l'examen public. La Commission recommande à l'Office, lorsqu'il aura reçu le plan, qu'il communique l'ensemble de l'information à la population de façon à laisser à l'Office suffisamment de temps pour étudier les observations du public avant de l'approuver. À l'avenir, la Commission considère que l'Office devrait exiger qu'un plan de sécurité constitue un élément essentiel de l'étude d'impact environnemental et soit annexé à ladite étude.

En ce qui a trait au plan de sécurité du projet actuel, l'Office doit s'assurer qu'il s'appuie sur le principe voulant que la sécurité des personnes soit un facteur qui l'emporte constamment sur tous les autres. Il doit, naturellement, respecter tous les critères réglementaires établis en vertu des lois sur la santé et la sécurité au travail ainsi que les autres lois pertinentes. Il doit également prévoir une formation complète en techniques et normes de sécurité; inclure une planification des mesures d'urgence; prévoir toute disposition pour que les opérations de forage et de production soient totalement sûres, dans la mesure du possible; tenir pleinement compte des conditions météorologiques exceptionnelles, de l'état de la mer et des conditions des glaces susceptibles de se présenter dans la région des Grands Bancs; renfermer des protocoles clairs pour éviter les risques que d'autres formes de gestion pourraient accroître. Il doit reposer sur une évaluation claire et approfondie des risques et établir des normes de performance élevées pour la gestion du risque. Il doit également renfermer des dispositions d'adaptation à mesure que les études techniques et les vérifications des opérations et de la sécurité donneront accès à de meilleures façons de réduire encore davantage le risque. En particulier, la conception de l'installation flottante doit comporter des zones de refuge temporaire sûres et plus d'un itinéraire d'évacuation protégé, et ce, à la satisfaction de l'Office. Il y a notamment lieu de convaincre l'Office que les systèmes d'évacuation sont ce qu'on peut faire le mieux et ont été choisis après une évaluation attentive des études de ces systèmes entreprises à la suite de la catastrophe de l'Océan Ranger.

Bien que la Commission ait reçu peu de mémoires se rapportant directement à la sécurité des travailleurs, il est clair à ses yeux que la sécurité, dans le cadre de l'exploitation du gisement Terra Nova, demeure une question que tous les participants considèrent comme un facteur de premier ordre. La Commission a déjà signalé l'importance de la participation des travailleurs à la mise en œuvre et à la gestion de tout programme de sécurité. On ne saurait trop insister sur la valeur de la concertation à cet égard. À vrai dire, toute personne participant au projet doit être pleinement informée, parfaitement consciente des dangers et tout à fait déterminée à respecter le principe selon lequel la sécurité du personnel et la protection de l'environnement sont les grandes priorités.

Recommandation 31:

La Commission recommande que les plans de sécurité visant le projet soient communiqués au public pour étude et que l'Office s'accorde suffisamment de temps pour examiner les observations du public avant l'approbation desdits plans. À l'avenir, l'Office recommande que le plan de sécurité fasse partie de l'étude d'impact environnemental.

Recommandation 32:

La Commission recommande que l'Office veille à ce que le plan de sécurité respecte les normes les plus élevées en ce qui a trait aux matériaux et aux procédures de conception et d'exploitation pour garantir la sécurité des personnes; que des aires de refuge sûres et des itinéraires d'évacuation soient conçus en fonction du scénario de la pire éventualité; que les systèmes d'évacuation soient les plus à la pointe possible et que les travailleurs soient considérés comme des partenaires participant à l'élaboration et au contrôle des procédures de sécurité.