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Rapport de la Commission d'évaluation environnementaledu projet de mise en valeur Terra Nova

5.0 Impact environnemental du projet

5.1 Aperçu

L'évaluation environnementale a pour principal objectif de cerner et d'évaluer les répercussions potentielles des projets de mise en valeur sur l'environnement et d'assurer que les mesures nécessaires sont prises pour maintenir ces répercussions à des niveaux acceptables. Dans le cas présent, les promoteurs du projet ont préparé une étude d'impact environnemental exhaustive et bien étayée. Ils ont expliqué en détail au cours des audiences publiques les mesures prévues pour réduire le plus possible les incidences environnementales de leur projet. L'étude a été rendue publique, tous les intéressés, ministères et organismes gouvernementaux, établissements et particuliers, ont eu la possibilité de remettre à la Commission des mémoires et faire des exposés sur le sujet. Par ailleurs, la tenue d'audiences publiques a permis aux participants de discuter avec les promoteurs des questions qui les intéressent ou d'exprimer leurs réserves. La Commission estime que l'impact environnemental du projet de mise en valeur Terra Nova a été étudié de manière juste et raisonnable.

L'expérience positive qui ressort de la réalisation du projet Hibernia a apaisé les craintes du public concernant les répercussions sociales négatives de l'exploitation industrielle des ressources pétrolières. Toutefois, étant donné que la plate-forme Hibernia n'est installée que depuis peu sur les Grands Bancs, on n'a pu invoquer aucune expérience équivalente pour atténuer les préoccupations face aux impacts environnementaux. Plusieurs participants ont fait part de leurs préoccupations à cet égard dans leurs mémoires et dans leurs exposés oraux au cours des audiences publiques, mais c'est la Natural History Society qui a le mieux rendu compte de ces préoccupations dans son mémoire, comme l'avait fait la Wilderness Society au cours de l'évaluation environnementale du projet Hibernia. On craint notamment les répercussions sur les organismes marins et les oiseaux de mer des déversements d'hydrocarbures qui risquent de survenir au cours de la production et du transport ainsi que l'impact des rejets des activités d'exploitation.

Selon un rapport sur le développement durable des centres urbains côtiers, préparé par la Table ronde provinciale sur l'environnement et l'économie et publié par la Table ronde nationale, la salubrité et la productivité de l'océan sont des éléments cruciaux pour la survie des régions rurales de Terre-Neuve. L'expérience récente de l'effondrement brutal des stocks de poissons de fond a fait comprendre avec beaucoup d'acuité la gravité des incidences environnementales non intentionnelles qui pourraient découler d'un projet de mise en valeur en mer et l'ampleur des répercussions sur le travail et la vie des habitants des collectivités côtières.

5.2 Étude comparative d'autres régions

Les promoteurs du projet ont choisi la mer du Nord, en raison de la similarité de ses caractéristiques physiques et biologiques, comme principale source de données pour effectuer une étude comparative en vue de déterminer, de prévoir et d'évaluer les répercussions potentielles du projet Terra Nova. Si les activités d'exploitation au large sont à l'origine d'un pourcentage relativement faible de déversements d'hydrocarbures en mer du Nord, elles n'en ont pas moins été surveillées et étudiées car elles constituent des sources ponctuelles de pollution.

On a également examiné les activités d'exploitation pétrolière en mer dans le golfe du Mexique, mais en raison de leur densité, plus de 3 000 plates-formes de production et près de 200 installations de forage mobiles sont en place dans les eaux littorales mexicaines, et du fait que le milieu marin est complètement différent, il est possible que la comparaison avec les Grands Bancs ne soit pas très utile.

Les activités en mer du Nord sont aussi beaucoup plus importantes que celles actuellement prévues sur les Grands Bancs où, jusqu'en 1991, seulement 22 découvertes importantes avaient été faites comparativement à 232 uniquement dans la zone britannique de la mer du Nord. En outre, en 1991, les réserves pétrolières connexes, dans la région qui nous intéresse, ne représentaient même pas 4 p. 100 des réserves de la mer du Nord. Néanmoins, compte tenu des renseignements recueillis, de la structure du peuplement biologique et de l'état de l'eau et du substratum, la Commission estime que les données relatives à la mer du Nord sont adéquates pour effectuer des comparaisons avec les Grands Bancs et que les conditions dans ces deux régions sont suffisamment similaires pour permettre une estimation et une évaluation utiles des incidences environnementales potentielles dans la région des Grands Bancs.

Même si les activités d'exploration et de mise en valeur en mer du Nord sont plus intensives et s'étendent sur une plus longue période que celles des Grands Bancs, la comparaison des découvertes importantes sur les Grands Bancs et en mer du Nord met en évidence des similitudes. Ceci pourrait donner à penser qu'à mesure que l'industrie pétrolière prendra de l'expansion et se développera sur les Grands Bancs, le niveau d'activité se rapprochera de celui de la mer du Nord. Au cours des audiences publiques, les promoteurs du projet ont en fait répété à plusieurs reprises que le projet de mise en valeur Terra Nova n'était que le premier d'une série de projets d'exploitation en mer sur les Grands Bancs.

La Commission est convaincue qu'un examen minutieux des incidences environnementales à long terme de l'exploitation pétrolière en mer dans des régions où l'activité est plus intense constitue un moyen utile d'évaluer la pertinence de la réglementation et des stratégies de gestion prévues pour le projet. Bien entendu, la Commission est heureuse de constater le faible nombre de déversements majeurs en mer du Nord. Il est également encourageant d'observer qu'à l'arrêt des activités de forage et de production, le pétrole s'est aisément éliminé des zones de contamination locales et que les peuplements benthiques se sont rapidement rétablis. Une réserve s'impose cependant puisqu'il ressort des ouvrages cités par les promoteurs du projet et d'autres participants, que les impacts cumulatifs sur des espèces spécifiques et sur l'ensemble de l'écosystème de la mer du Nord n'ont pas encore été étudiés adéquatement et ne sont pas bien connus.

5.3 Réglementation régissant les déversements en mer

Les participants ont pu constater au cours des audiences que, dans la mer du Nord et dans d'autres régions, la réglementation sur les rejets des activités pétrolières en mer est devenue de plus en plus stricte. En effet, la réglementation s'étend maintenant au contrôle des incidences environnementales locales mises en évidence et à la prévention d'autres changements insidieux et cumulatifs présumés ou jugés possibles. C'est-à-dire que dans ces régions, les organismes de réglementation et les exploitants ont accepté le principe du resserrement de la réglementation pour contrer les menaces cernées. La Commission constate avec satisfaction que les promoteurs du projet ont eux-mêmes remarqué cette tendance au resserrement de la réglementation. Et il n'y a rien d'étonnant à cela puisqu'en leur qualité de producteurs de pétrole en mer, ayant des activités dans le monde entier, les producteurs sont parfaitement au courant de la rigueur des règlements et de tout ce qu'ils impliquent.

Face au resserrement progressif des normes dans des régions exploitées comme la mer du Nord, plusieurs participants, notamment Environnement Canada, ont insisté auprès des promoteurs pour qu'ils adoptent des normes de contrôle plus rigoureuses pour les matières rejetées dans la région des Grands Bancs que celles actuellement prévues par la réglementation, en faisant valoir que ces dernières ne tiennent pas compte de la meilleure technologie existante. D'autres participants ont indiqué que le faible taux de pollution des Grands Bancs est en soi une raison suffisante pour justifier l'application de normes plus strictes afin d'assurer leur protection. La Commission se rallie à ce point de vue et considère, qu'assurément on ne saurait utiliser le faible taux de pollution pour justifier l'application de normes moins sévères.

Au cours des audiences publiques, il a été mentionné que l'Office avait récemment entrepris, de concert avec l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et l'Office national de l'énergie, un examen de la réglementation actuelle visant le forage et les rejets des activités. L'examen avait pour but de produire avec les ministères et organismes gouvernementaux compétents une étude scientifique et technique exhaustive des données les plus récentes et des technologies de traitement existantes et nouvelles en vue d'élaborer de nouvelles Lignes directrices relatives au traitement des déchets dans la zone extracôtière. Les lignes directrices révisées ont été publiées en septembre 1996.

Ces lignes directrices sont en vigueur depuis sept mois seulement et Environnement Canada a participé à la révision, mais les représentants du ministère n'en ont pas moins recommandé l'application de normes plus strictes que celles qu'elles stipulent. Ils ont cité des exemples où les normes visant les Grands Bancs ne sont pas aussi rigoureuses que celles en vigueur dans d'autres pays et sont en outre moins strictes que ce qu'elles pourraient être si l'on mettait en œuvre la meilleure technologie existante ou si l'on adoptait des solutions de rechange pour les rejets.

La Commission ne peut douter des intentions des personnes qui, dans le contexte du récent examen, ont établi les lignes directrices actuelles en matière de rejet. Toutefois, elle ne comprend pas comment de telles normes ont pu être adoptées en 1996 compte tenu des nombreuses préoccupations légitimes exprimées par les participants, y compris les ministères et organismes gouvernementaux eux-mêmes, du resserrement progressif des normes dans d'autres pays, et de la foule de renseignements de contrôle recueillis militant en faveur de la rigueur. Il est clair que, en ce qui concerne les eaux canadiennes, les organismes d'examen n'ont pas respecté le principe de prudence dans l'établissement des lignes directrices.

En outre, on observe une grande différence entre les normes recommandées par les lignes directrices et celles appliquées ailleurs. Les lignes directrices permettent un taux de rejet de pétrole représentant jusqu'à 15 p. 100 du poids des déblais de forage. Il est à noter que certains gouvernements avaient par le passé adopté ce niveau, mais qu'ils l'ont maintenant abandonné. Un grand nombre de pays ont établi des interdictions ponctuelles ou absolues pour les rejets de déblais contenant de la boue à base d'huile. Ce que la Commission trouve encore plus surprenant, c'est qu'une norme si désuète ait été retenue alors que les promoteurs du projet avaient indiqué que la technologie qu'ils avaient l'intention d'utiliser permettrait de parvenir à des résultats offrant une amélioration de 50 p. 100.

Ainsi, même si les lignes directrices en question doivent normalement être révisées tous les cinqans, la Commission considère qu'il est nécessaire de procéder immédiatement à un nouvel examen exhaustif du bien-fondé de la réglementation en place sur les rejets. Dans le cadre de l'examen, il faudra étudier attentivement les programmes de surveillance et de gestion mis en œuvre dans d'autres régions où l'on exploite le pétrole en mer et adopter une démarche prudente tenant compte de l'incidence de projets particuliers ainsi que des impacts cumulatifs.

Recommandation 44:

La Commission recommande que l'Office procède immédiatement à un nouvel examen approfondi du caractère adéquat de la réglementation sur les rejets. Dans le cadre de l'examen, il faudra étudier attentivement les programmes de surveillance et de gestion mis en œuvre dans d'autres régions où l'on exploite le pétrole en mer et adopter le principe de prudence tenant compte de l'incidence de projets particuliers ainsi que des impacts cumulatifs.

La Commission a conscience que les lignes directrices ont été définies conjointement par l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et l'Office national de l'énergie et qu'il sera nécessaire de consentir à un compromis pour parvenir à une entente tripartite. Néanmoins, l'Accord atlantique stipule expressément que « dans la mesure du possible» les mêmes régimes de gestion doivent être appliqués pour les autres régimes extracôtiers au Canada. En outre, les lois de mise en oeuvre n'imposent pas aux instances au Canada les mêmes normes mais plutôt qu'elles coordonnent leurs activités afin d'éviter le double emploi. Par conséquent, la Commission exhorte l'Office à insister pour qu'un nouvel examen soit entrepris et que des normes plus strictes soient adoptées pour le traitement des déchets, à l'exemple des pays qui ont resserré leurs normes au fur et à mesure de l'expansion des activités d'exploitation du pétrole. Plusieurs participants ont fait remarquer que la durée du projet Terra Nova sur les Grands Bancs pouvait être de 20 ans et que, durant cette période, la réglementation régissant les activités en mer pouvait changer plusieurs fois. Quoi qu'il en soit, les promoteurs du projet ont assuré à la Commission qu'ils continueraient d'évaluer les technologies nouvelles et adapteraient leurs installations et systèmes d'exploitation au moment approprié ou nécessaire, dans la mesure où il est serait rentable de le faire.

Recommandation 45:

La Commission recommande que le projet de mise en valeur Terra Nova respecte toute mise à jour de la réglementation, des normes et des lignes directrices. La conception des installations doit être suffisamment souple pour permettre une adaptation au cours de l'exploitation afin de se conformer aux nouvelles exigences. L'utilisation d'installations pour lesquelles aucune disposition ne prévoit une adaptation de la conception originale devrait être interdite aux Grands Bancs.

5.4 Impacts cumulatifs

On parle d'impacts cumulatifs des projets de mise en valeur lorsque des changements anthropiques se produisent si fréquemment, dans le temps et dans l'espace, que les incidences d'un projet ne peuvent être assimilées, ou lorsque la synergie de différents projets produit des incidences. Les changements marginaux, comme les activités préliminaires à de nouveaux projets, opérations ou pratiques, sont aussi généralement considérés comme des impacts cumulatifs.

Des participants ont remis des analyses sur les effets synergiques, en particulier l'épuisement des ressources halieutiques, les changements océanographiques, la disparition des oiseaux de mer, le changement climatique et le transport. On y mentionnait également d'autres questions qui devront être prises en compte au cours de l'évaluation des impacts cumulatifs, à savoir les autres projets de mise en valeur dans la région des Grands Bancs, y compris ceux du bassin de Jeanne-d'Arc, et les plans généraux d'établissement d'une industrie pétrolière. Un participant a proposé de procéder à une autre évaluation environnementale exhaustive de tous les projets de mise en valeur proposés et potentiels.

En ce qui concerne les effets des projets d'exploitation du pétrole en mer, notons qu'ils ont la particularité d'empêcher les autres formes d'exploitation des zones océaniques. En vertu de la Loi sur les océans, le ministère des Pêches et des Océans est le principal organisme responsable de l'établissement d'un réseau d'aires marines protégées. Le ministère élabore actuellement des politiques pour la création de réserves naturelles et prépare des lignes directrices pour leur établissement en zones côtière et extracôtière. Il devrait informer l'Office sous peu de ses intentions de créer un réseau d'aires marines protégées sur les Grands Bancs. Il est essentiel que l'Office soit tenu au courant des progrès et des plans à cet égard afin qu'il puisse étudier l'incidence des projets de mise en valeur sur les zones protégées.

Il est évident que le principe de prudence veut que l'on intègre un examen des impacts cumulatifs à l'étude d'impact du projet Terra Nova. Toutefois, comme les promoteurs et les autres exploitants d'installations pétrolières en mer ne peuvent déterminer avec exactitude la nature, la rapidité et l'envergure des activités de mise en valeur projetées et que des changements anthropiques causés par d'autres sources se produisent dans la région des Grands Bancs, la Commission admet qu'il est difficile de proposer un programme détaillé de surveillance.

L'évaluation des impacts cumulatifs au cours des évaluations environnementales est un domaine en évolution pour ce qui est des lois, des politiques et des pratiques. Les projets de mise en valeur sont habituellement entrepris dans des milieux où des changements d'origine naturelle ou anthropiques se sont produits ou se produisent. Certains sont évidents, d'autres non. Quoi qu'il en soit, une évaluation juste et impartiale des impacts potentiels d'un projet particulier doit comporter une évaluation raisonnable des incidences du projet proprement dit tenant compte des changements importants touchant une aire géographique plus étendue et une période plus longue que la durée prévue du projet.

Dans les ouvrages cités dans l'étude d'impact environnemental et par les participants, on conteste souvent l'évidence et l'importance de ces impacts cumulatifs à long terme liés aux activités d'exploitation pétrolière en mer, et il peut être difficile d'imputer à un projet particulier les changements détectés ou soupçonnés.

Bien entendu, la Commission est consciente que les promoteurs du projet ne peuvent être tenus responsables des effets environnementaux cumulatifs si les effets de projets d'autres entreprises viennent s'ajouter à ceux du projet Terra Nova. Il faut néanmoins éviter la dégradation progressive de l'intégrité écologique de la région des Grands Bancs par l'accumulation d'impacts anthropiques. La gestion de ce genre d'impacts cumulatifs fait souvent intervenir plus d'un organe administratif, d'où la nécessité de mettre sur pied des programmes communs de surveillance et d'atténuation des impacts.

Les participants des audiences ne s'entendent pas quant aux facteurs à prendre en compte pour évaluer les impacts cumulatifs potentiels. Les promoteurs ont fait valoir que seuls les impacts cumulatifs des projets d'exploitation pétrolière prévus dans la région des Grands Bancs doivent être examinés. Certains participants estimaient qu'on devait également tenir compte de la rapide diminution des ressources halieutiques, tandis que d'autres intégraient un ensemble d'événements globaux dans les facteurs s'ajoutant aux impacts cumulatifs du projet Terra Nova.

Les effets anthropiques cumulatifs sont d'une grande importance, comme l'attestent depuis peu la Loi sur les océans du gouvernement du Canada et certaines ententes internationales, notamment la Convention sur la diversitée biologique, l'Accord relatif à la mise en œuvre des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 concernant la conservation et la gestion des stocks chevauchant et fortement migrateurs, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement.

Les commissions d'évaluation environnementale reconnaissent également l'importance des impacts cumulatifs et en font état dans leurs études et recommandations. Depuis 1980, près de la moitié des commissions relevant du gouvernement fédéral ont mentionné les impacts cumulatifs en combinaison avec d'autres facteurs environnementaux. Toutefois, en raison du manque de renseignements sur les projets futurs, les commissions n'étaient pas en mesure de formuler des recommandations définitives dans la plupart de leurs rapports.

Il faut cependant mentionner que ces rapports ont été préparés par les commissions dans la foulée des études entreprises sous le régime du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement et que, même si le Décret ne comportait pas d'exigence en matière d'évaluation des impacts environnementaux cumulatifs, la mise en évidence et la gestion de ces impacts étaient devenues des points si importants pour la politique environnementale du Canada qu'elles ont été intégrées à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 1992.

Malgré les incertitudes, les commissions, préoccupées par les effets cumulatifs, ont recommandé divers projets de recherche et d'étude, notamment l'Étude de la région du détroit de Lancaster entreprise à la suite des recommandations formulées par la commission d'examen sur le forage dans le détroit de Lancaster de 1979.

En 1985, des participants aux audiences pour le projet de développement Hibernia ont indiqué que le mandat de la commission qui se limitait à l'examen des questions stratégiques pour la planification globale du projet de mise en valeur en mer était trop restrictif. La commission a recommandé d'inclure les impacts cumulatifs dans l'examen des projets futurs et d'entreprendre une étude financée par le Fonds renouvelable pour l'étude de l'environnement afin d'aider les gouvernements à envisager des questions de planification à grande échelle. Cette étude n'a pas été entreprise.

Dans son rapport de 1986, la commission du corridor Fraser-Thompson a signalé qu'il était difficile de prévoir ou d'atténuer les impacts cumulatifs, car les systèmes de gestion en place ne permettaient pas de les cerner adéquatement. Elle a précisé qu'il était donc nécessaire d'instaurer des programmes de surveillance et d'élaborer des modèles de simulation afin de déceler les changements éventuels et de procéder à la collecte et au contrôle des données.

La commission du projet pilote de l'Arctique de 1990 a précisé dans son rapport qu'il était probable que d'autres projets seraient lancés après le projet pilote, surtout si les résultats étaient positifs. Reconnaissant qu'un promoteur ne peut être tenu responsable des projets de mise en valeur d'autres entreprises, la commission a recommandé que le gouvernement, en consultation avec les parties intéressées et l'industrie, assure la planification à long terme et établisse les priorités. Ce type de programmes de recherche et de surveillance permettrait de dégager les tendances des projets à grande échelle dans le passage Nord-Ouest, de cerner les problèmes connexes et de trouver des solutions.

La commission chargée de l'évaluation du projet de raccordement dans le détroit de Northumberland en 1990 a fait part de ses préoccupations concernant les impacts cumulatifs, en particulier les effets synergiques potentiels du réchauffement planétaire. Même si elle reconnaît qu'il peut être difficile de prévoir ces changements à l'échelle régionale, la commission a recommandé de doter le pont de dispositifs de sécurité afin de composer avec les conditions pouvant résulter du changement climatique.

Dans son rapport de 1991, la commission du projet Rafferty-Alameda a reconnu que les préoccupations relatives aux impacts cumulatifs était un problème relativement nouveau et qu'aucune méthode d'évaluation fiable n'était encore au point. Elle a précisé que ni les promoteurs ni les participants ne s'occupaient des aspects liés aux impacts cumulatifs du projet, et a conclu qu'il était nécessaire d'élaborer un programme de surveillance complet bien articulé pour procéder à une évaluation exhaustive.

La commission sur le projet d'extraction minière de l'uranium dans le nord de la Saskatchewan (Dominique Janine Extension, McLean Lake Projet et Midwest Joint Venture) a recommandé dans son rapport de 1993 la mise sur pied de programmes de surveillance des impacts cumulatifs en vue d'évaluer les incidences environnementales sur la région de plusieurs projets d'extraction minière.

En raison de l'importance des impacts cumulatifs sur l'environnement et de la difficulté de les cerner et de les évaluer, la Commission considère que l'Office devrait consulter des experts dans le domaine de la surveillance de l'environnement, de l'échantillonnage et de l'évaluation. Ces personnes seront les mieux en mesure d'assurer la prestation de conseils concernant l'incidence des impacts cumulatifs sur les Grands Bancs et les méthodes de surveillance. L'Office devrait donc réunir sans tarder un groupe d'experts reconnus afin d'examiner l'incidence potentielle des impacts cumulatifs des activités d'exploitation pétrolière et autres dans les eaux territoriales de Terre-Neuve et de mettre au point des méthodes faisant appel aux meilleures techniques existantes pour les surveiller. Afin d'évaluer adéquatement les impacts cumulatifs, il sera nécessaire de découvrir et d'intégrer d'autres efforts de recherche et de surveillance.

Une fois que seront cernés les facteurs essentiels à la création d'un programme de surveillance des impacts cumulatifs au large de Terre-Neuve, il faudra élaborer un plan de mise en œuvre. Le plan de surveillance de chaque projet de mise en valeur devra comprendre des normes et des outils d'évaluation conformes au programme de surveillance.

Recommandation 46:

La Commission recommande que l'Office réunisse prochainement un groupe d'experts reconnus afin d'examiner l'incidence potentielle des impacts cumulatifs des activités d'exploitation pétrolière et autres dans les eaux de Terre-Neuve et de mettre au point des méthodes faisant appel aux meilleures techniques existantes pour les surveiller.

Recommandation 47:

La Commission recommande que l'Office mette en évidence les facteurs essentiels à l'élaboration d'un programme de surveillance des impacts cumulatifs sur les Grands Bancs et établisse un plan de mise en œuvre. En outre, les projets futurs devront comporter des mesures conformes à ce programme de surveillance.

Recommandation 48:

La Commission recommande que l'Office et les ministères compétents tiennent compte dans leur examen de la réglementation, des normes et des lignes directrices des impacts cumulatifs de tous les projets pétroliers et autres projets de mise en valeur sur les Grands Bancs et des effets synergiques d'autres activités dans le secteur. En outre, elle recommande que l'Office notifie à tous les promoteurs que les études d'impact environnemental devront comprendre une vaste analyse détaillée des impacts cumulatifs potentiels.

5.5 Incidences importantes

Au cours des audiences, les promoteurs ont indiqué à plusieurs reprises que des dispositions avaient été prises afin de réduire le plus possible les incidences environnementales importantes. Les incidences sont considérées comme importantes lorsqu'elles affectent 1 p. 100 des peuplements ou de la capacité biologique du milieu, ou encore des espèces importantes ou des espèces en voie de disparition. La dose létale est la mesure utilisée pour indiquer le taux de toxicité pour les organismes.

On pourrait croire que ces définitions permettent de déterminer avec précision l'ampleur des changements environnementaux. Elles ne constituent cependant qu'un outil secondaire, abstrait et dépourvu de sensibilité qui s'avère peu utile pour évaluer avec exactitude l'incidence des impacts cumulatifs. Toutefois, même s'il est difficile de déterminer cette incidence avec les techniques de surveillance courantes, il est essentiel que les autorités responsables de la gérance de l'environnement marin exigent l'inclusion des effets sublétaux dans les programmes de surveillance et un examen complet de leur incidence à long terme. Par ailleurs, l'utilisation d'un seuil de 1 p. 100 pour ce qui est des impacts sur les espèces importantes ou sur la capacité biologique est souvent impossible du point de vue statistique puisqu'il est difficile d'estimer avec exactitude la taille du peuplement touché ou la capacité du milieu. La Commission estime que ce seuil de 1p.100 est inadéquat, car aucune technique du domaine des sciences de la mer ne permet d'évaluer un peuplement avec une telle précision.

La Commission est d'avis que les effets qu'on ne peut détecter au moyen des critères actuels peuvent avoir une incidence biologique considérable. Afin de déterminer leur ampleur, il sera peut-être nécessaire d'avoir recours à une variété d'outils d'évaluation et d'adopter une attitude plus réaliste face aux capacités scientifiques. L'Office devrait discuter avec des experts de la pertinence du seuil actuel et de critères additionnels qui permettraient d'observer le principe de prudence et de prévenir la pollution de l'environnement.

Recommandation 49:

La Commission recommande que, dans le cadre de la constitution d'un groupe d'experts sur les effets cumulatifs, l'Office discute avec des experts de la pertinence du seuil actuel et de l'adoption de critères additionnels qui permettraient de prévenir la pollution de l'environnement grâce au principe de prudence.

5.6 Absence de données

L'évaluation des effets d'un projet de mise en valeur en mer comporte un certain nombre d'incertitudes en raison de l'absence de données standardisées, du caractère incomplet des données, de la difficulté d'évaluer les risques ou des variations naturelles du milieu. Plusieurs participants ont indiqué que le manque de connaissances sur les phénomènes et les conditions de base constituait un problème de taille qui empêchait de cerner et de comprendre les impacts ou encore de prévoir les conditions ou les événements futurs. Dans le cas du projet Terra Nova, les intervenants soulignent les lacunes dans la connaissance des changements océanographiques et biologiques qui ont récemment affecté les Grands Bancs et dont la persistance est également inconnue. La Commission partage cet opinion.

Recommandation 50:

La Commission recommande que les ministères de l'Environnement et des Pêches et des Océans déterminent les lacunes en matière de renseignements sur les Grands Bancs qui empêchent de mettre en évidence et de prévoir avec certitude les incidences habituellement liées aux activités d'exploitation pétrolière en mer. Ces renseignements devront être diffusés aux promoteurs, à l'Office et aux autres parties concernées. L'Office doit tenir compte de ces lacunes au moment de la révision des normes.

L'effondrement des stocks de morue du Nord et de poissons de fond dans la région des Grands Bancs est une indication claire de la nécessité d'étendre les recherches au-delà de la surveillance courante de l'état des peuplements de poissons afin de déterminer les causes et de prévoir l'évolution future de la situation. Par conséquent, le programme scientifique sur la morue du Nord a été mis sur pied afin de cerner les besoins et de les combler. Il a permis d'acquérir les connaissances de base pour comprendre les résultats des évaluations annuelles des peuplements. Un programme de recherche similaire sera nécessaire pour en apprendre davantage sur les effets potentiels des activités d'exploitation pétrolière dans les Grands Bancs. L'Accord atlantique prévoit le financement de la recherche fondamentale à même les recettes obtenues de l'exploitation des ressources pétrolières en mer.

La Commission estime que même si la gestion des impacts environnementaux du projet Terra Nova repose sur un excellent programme de surveillance, elle ne sera efficace que si elle est jumelée à un programme d'étude plus vaste de l'environnement des Grands Bancs. L'intégration du programme de surveillance de Terra Nova à celui d'Hibernia et à tout programme de recherche d'envergure sur les Grands Bancs fournira un meilleur contexte pour l'interprétation des données. La Commission considère que le programme de surveillance devrait se pencher sur les effets synergiques et les intégrer le plus possible aux efforts de surveillance visant le projet Terra Nova. Afin d'aider l'industrie de l'exploitation pétrolière en mer, il est nécessaire de définir les principaux besoins en matière d'information et de mettre au point un plan à long terme pour y répondre.

Recommandation 51:

La Commission recommande que l'Office exige des exploitants d'installations pétrolières en mer qu'ils financent la recherche fondamentale. Cette initiative devrait comporter de l'aide accordée au ministère des Pêches et des Océans pour étudier l'incidence des produits chimiques contenus dans l'eau produite sur les peuplements biologiques ainsi que les impacts cumulatifs et sublétaux.

5.7 Transparence et examen par des spécialistes

Environnement Canada a indiqué que la vérification ou le contrôle de la conformité par une tierce partie ainsi qu'un examen exhaustif des résultats étaient essentiels à la réussite d'un programme de surveillance environnementale. La Commission est d'accord. Les promoteurs ont fait part de leur intention d'établir une procédure de vérification de la conformité pour s'assurer du respect de la réglementation sur les effets environnementaux. Les résultats obtenus seraient ensuite soumis à l'Office qui, de concert avec les organismes et ministères concernés, en fera l'examen. Toutefois, ni la nature ni le degré de transparence de ces examens n'ont été précisés. La Commission estime important que ces examens soient effectués par une tierce partie et que les examens de même que les données fondamentales soient rendus publics.

La nécessité de la transparence est évidente. Les promoteurs ne peuvent garder les données confidentielles car elles concernent directement la salubrité et la viabilité des Grands Bancs et de leurs ressources, qui sont de la plus haute importance pour tous les habitants de Terre-Neuve. C'est pourquoi la Commission souligne l'importance de donner accès aux données aux scientifiques et aux autres experts intéressés afin qu'ils puissent effectuer des études indépendantes. Le ministère des Pêches et des Océans a récemment mis à la disposition des scientifiques intéressés certaines de ses données ichtyologiques, lesquelles peuvent être consultées par le biais d'Internet peu après la fin des études d'évaluation. La diffusion des données relatives à la surveillance des ressources environnementales est efficace et la Commission incite l'Office à faire de même.

Recommandation 52:

La Commission recommande que l'Office fasse examiner périodiquement par les experts les données obtenues dans le cadre du programme de surveillance du projet Terra Nova. Des experts du domaine et le public devraient être prévenus de ces examens et invités à y participer. Les examens effectués par l'Office devraient porter sur la pertinence des résultats des études de recherche fondamentale. L'Office devrait rendre publics les données et les résultats de ces études. L'Office devrait élaborer des programmes d'information afin de communiquer régulièrement à la population les données des examens et des programmes de surveillance en cours.

5.8 Résidus de forage

Le projet Terra Nova prévoit l'exploitation d'environ 30 puits, ce qui signifie qu'une importante quantité de résidus de forage sera rejetée dans la mer. Ces résidus sont surtout composés de boue usée et de roche et divers additifs générés au cours du forage. Les résidus les plus nocifs sont le pétrole, les métaux lourds et divers autres produits chimiques, de même que les déblais en raison de leur effet étouffant sur les peuplements benthiques. Selon l'étude d'impact environnemental, des résidus de forage seront rejetés sur une superficie d'environ 67 km2 dans le secteur du projet. Malgré le traitement des résidus prévu par les promoteurs, plus de 1 400 m 3 de pétrole seront rejetés dans la mer pendant la durée du projet. Les promoteurs sont d'avis que la dilution des résidus dans l'eau permettra d'amoindrir le problème et estiment que les effets les plus nocifs se feront sentir uniquement dans un périmètre de 250 m des puits et qu'ils s'atténueront après l'arrêt du forage.

Selon le ministère des Pêches et des Océans, toutefois, ces prévisions sont optimistes et les incidences environnementales sous-estimées, surtout en ce qui concerne la toxicité des produits et leur incidence sur les organismes benthiques. La distance sur laquelle ces impacts se font sentir est particulièrement préoccupante. Contrairement à la plupart des études citées par les promoteurs et d'autres participants, qui font mention d'incidences relativement locales, des études récentes indiquent que les incidences s'étendent sur un plus grand périmètre.

En donnant comme exemple les effets environnementaux étendus causés par le rejet de boues à base d'huile et de déblais dans la mer du Nord, Environnement Canada signale qu'il est préférable d'adopter une approche préventive plutôt que d'attendre la contamination du milieu pour prendre des mesures de protection, comme ce fut le cas dans la mer du Nord. Certains participants, notamment le ministère des Pêches et des Océans, et Environnement Canada proposent d'interdire le rejet des déblais dans la mer. La Commission est toutefois d'avis que, même si une telle mesure est souhaitable, le transport jusqu'à la côte, le traitement et la mise en décharge des déblais présentent également des risques environnementaux.

Recommandation 53:

La Commission recommande que dans le cadre du programme de surveillance du projet Terra Nova l'Office exige le prélèvement d'échantillons de gradients au-delà de la zone où il a déjà été démontré que l'environnement était contaminé. La Commission fonde ses recommandations sur les nombreuses données tirées de récentes études sur l'étendue des impacts environnementaux. Il sera nécessaire de mettre au point des méthodes de standardisation précises si les zones de contamination chevauchent celles du projet Hibernia.

Jusqu'à récemment, on utilisait des boues à base d'huile pour lubrifier les puits de forage. Cependant, grâce aux progrès technologiques des dernières années, des boues à base d'eau moins nocives ont été mises au point. Dans le cas du projet Terra Nova, on utilisera des boues à base d'eau pour les 1 500 premiers mètres de forage et des boues à base d'huile pour le forage en profondeur. Comme la technologie progresse constamment, les promoteurs espèrent qu'une boue à base d'huile moins toxique constituée d'huile de qualité alimentaire sera mise au point au cours de la durée du projet.

Les préoccupations environnementales concernant les rejets de forage ont menées au développement d'une technique de réinjection comme moyen plus salubre d'éliminer les déblais. Selon Environnement Canada, la réinjection pourrait devenir une pratique courante dans la mer du Nord. Il est d'ailleurs probable que, au cours de la durée du projet, une réglementation similaire entre en vigueur dans la région des Grands Bancs. Les promoteurs ont signalé que si les résultats des études d'impact environnemental le justifiaient, ils envisageraient de modifier les opérations d'élimination; toutefois, ils ont précisé qu'il était pratiquement impossible d'injecter des déblais à partir d'une installation flottante. On n'a pas précisé si cette situation s'appliquait à toute installation flottante ou uniquement à l'installation flottante de production, de stockage et de déchargement choisie pour ce projet. Le cas échéant, des difficultés pourraient se poser si, au cours de la durée du projet, il y avait resserrement des lignes directrices et des normes sur l'élimination des déblais. S'il n'est pas possible d'adapter les installations, la seule solution raisonnable serait alors de transporter les déblais jusqu'au rivage pour une élimination sûre.

Les promoteurs se sont engagés à réduire au maximum les rejets ainsi qu'à mettre au point et à utiliser une technique de pointe pour contrôler les rejets potentiellement toxiques. Ils ont proposé, par exemple, d'avoir recours à une technique permettant de ramener les rejets de pétrole contenu dans les déblais à un taux de 7 à 8 p. 100, comparativement au taux maximum réglementaire de 15 p.100. Même si la Commission estime que la réinjection constitue la méthode la plus sûre, il lui faut également reconnaître l'existence des normes actuelles, aussi inadéquates qu'elles soient. Néanmoins, la Commission recommande à l'Office d'exiger une étude sur l'utilisation de la réinjection des déblais comme principal moyen d'élimination. Si la réinjection ne peut être effectuée, il faudra alors appliquer les normes les plus strictes pour le rejet de pétrole et de produits chimiques. Au minimum, les promoteurs devraient être tenus de respecter le taux de rejet de 8 p.100 que permet la technologie actuelle et se tourner vers les nouvelles techniques mises au point pour réduire encore davantage ce taux.

Recommandation 54:

La Commission recommande que les promoteurs du projet Terra Nova réévaluent la possibilité d'avoir recours à la réinjection des déblais de forage comme moyen d'élimination sûr. Par ailleurs, si la réinjection ne peut être effectuée, la Commission recommande l'utilisation des meilleures techniques disponibles pour les installations flottantes afin de réduire le plus possible les rejets. Si au cours de la durée du projet, il y a resserrement des normes et que les promoteurs ne peuvent s'y conformer, il leur faudra transporter les déblais jusqu'au rivage pour les éliminer de manière sûre.

5.9 Eau produite

L'eau produite est composée de l'eau présente dans les formations pétrolifères et de l'eau de mer injectée dans le puits afin de maintenir la pression de réservoir au cours de la production. L'eau produite contient également des dépôts, des traces de métaux, des sels dissous, des hydrocarbures, des composés organiques et des additifs, comme les biocides injectés, les composés de bisulfite et les inhibiteurs de corrosion. La température au sein du réservoir étant de 96 oC, la température de l'eau produite rejetée est supérieure à celle de l'eau de mer.

Au cours des activités d'exploitation du gisement, plus de 67 000 000 m 3 d'eau produite seront rejetés dans la région des Grands Bancs. Le volume d'eau varie en fonction de la nature du réservoir et de la durée de vie du champ pétrolifère, mais il est en général de beaucoup supérieur au volume de pétrole récupéré. Selon les renseignements fournis dans l'étude d'impact environnemental, le volume d'eau produite est minime au cours de la période initiale de la récupération du pétrole, mais il augmente par la suite. Il arrive un point où le volume d'eau produite dans le pétrole récupéré est tellement élevé qu'il n'est plus rentable de continuer la séparation. Le volume d'eau produite et par voie de conséquence les impacts potentiels des composés qu'elle renferme ne sont donc pas répartis également tout au long de la durée de vie d'un champ, ils sont plus concentrés au cours des dernières étapes de la production.

Afin d'évaluer les impacts potentiels de l'eau produite, les promoteurs se sont reportés aux données recueillies pour la mer du Nord. Toutefois, le taux de dilution varie en fonction des caractéristiques du milieu marin, comme le taux de renouvellement de l'eau, la profondeur de l'eau et la stratification, ainsi que de la quantité d'énergie présente dans l'environnement. À cet égard, les conditions de la mer du Nord sont différentes de celles des Grands Bancs.

Les formations du champ Terra Nova contiennent peu d'eau; par conséquent, l'eau produite sera principalement composée d'eau de mer injectée au cours des activités d'exploitation. En vertu des lignes directrices actuellement en place, la quantité de pétrole dans l'eau produite ne doit pas dépasser en moyenne 40 mg par litre d'eau pendant une période de 30 jours et 80 mg par litre pendant une période de 48 heures. Si ces normes sont respectées, plus de 2 600 m 3 de pétrole seront rejetés dans la mer au cours de la durée du projet. La Commission recommande un taux maximum de 25 mg/L, comparativement au taux maximum de 29 mg/L établi par les normes de l'Environmental Protection Service américain. Environnement Canada a signalé, pour sa part, que le gouvernement tunisien avait fixé la moyenne mensuelle maximale à 10 mg/L.

Le ministère des Pêches et des Océans a mentionné que jusqu'à 5 000 000 kg de produits chimiques variés utilisés au cours du forage et présents dans l'eau produite seront rejetés dans la région des Grands Bancs au cours de la durée du projet. Par ailleurs, en l'état actuel de la technologie, on ne retire de l'eau produite que les particules ou le pétrole dispersé, mais non le pétrole ou les autres composés dissous dans l'eau. Or, l'effet à long terme de ces composés sur les organismes marins est inconnu. En raison du manque de renseignements, il est difficile d'établir des normes adéquates pour les rejets. Par conséquent, le ministère conseille de respecter là encore le principe de prudence et d'adopter un programme de surveillance attentive de l'incidence de l'eau produite sur le milieu marin. Il est avant tout essentiel d'étudier les mécanismes et les processus qui ont une incidence sur l'environnement.

Plusieurs intervenants ont signalé que la réinjection de l'eau produite était un procédé prouvé. Environnement Canada a aussi expliqué qu'il était courant de réinjecter plus de 90 p. 100 de l'eau produite au cours des activités d'exploitation en mer. Dans son Code des pratiques écologiques pour le traitement et l'élimination des déchets des opération pétrolières et gazières extracôtières, le ministère recommande la réinjection de l'eau produite pour toutes les installations. Quoi qu'il en soit, le ministère croit que les effets liés à la réinjection seront minimes à Terra Nova en raison du grand volume d'eau de mer injecté dans l'eau produite. Il évalue le coût de la réinjection de l'eau produite à environ 2 p. 100 du coût total du projet de mise en valeur Terra Nova et estime que ce coût n'est pas très élevé comparativement aux dommages environnementaux potentiels associés aux impacts cumulatifs.

Les promoteurs indiquent que le mélange inévitable de l'eau de mer à l'eau produite pose de graves problèmes de dépôts. Pour y remédier, il faudra ajouter à l'eau des produits chimiques additionnels, ce qui présente d'autres risques pour l'environnement. En outre, ils soutiennent que l'efficacité de la réinjection dépend des caractéristiques du réservoir et que, à l'heure actuelle, ils ne connaissent pas parfaitement celles du réservoir de Terra Nova. Par conséquent, la réinjection d'eau produite pourrait réduire d'environ 50 p. 100 l'efficacité de l'extraction du pétrole, ce qui nécessiterait le forage d'un plus grand nombre de puits d'injection avec tous les risques et les coûts supplémentaires que cela implique.

La méthode d'élimination de l'eau produite employée a une grande incidence sur la capacité de maîtriser les impacts cumulatifs potentiels. La Commission souligne que les experts ne s'entendent pas sur la possibilité de procéder à la réinjection de l'eau produite dans le cas du projet Terra Nova, non plus que sur la rentabilité des meilleures technologies existantes pour dépasser les normes établies par la réglementation en place. En outre, il est évident que les composés potentiellement toxiques contenus dans l'eau produite ne sont pas tous visés par la réglementation.

Le principe de prudence inciterait à choisir la réinjection de l'eau produite, car ce procédé semble être le moyen d'élimination présentant le moins de risque pour l'environnement.

Recommandation 55:

La Commission recommande que les promoteurs soient tenus d'examiner de nouveau l'option de réinjection de l'eau produite. Ils ne seront autorisés à rejeter l'eau après traitement que s'ils démontrent à la pleine satisfaction de l'Office que le procédé de réinjection n'est pas une solution pratique ou rentable pour le projet Terra Nova. Dans ce cas, les promoteurs devront utiliser les meilleures techniques existantes pour les installations de production flottantes afin de satisfaire aux exigences les plus strictes.

Outre le problème de l'eau produite, la Commission est préoccupée par le rejet de 10 000 m 3 par jour d'eau de refroidissement chlorée. Selon la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, cette substance est considérée comme toxique. Les promoteurs n'ont pas encore pris de mesure à cet égard. La Commission estime que l'Office devrait exiger des promoteurs qu'ils présentent un plan d'atténuation des incidences environnementales comprenant l'utilisation de moyens autres que la chloration ou prévoyant l'emploi d'installations de déchloration.

Recommandation 56:

La Commission recommande que l'Office exige des promoteurs qu'ils présentent un plan d'atténuation des incidences environnementales comprenant des moyens autres que la chloration ou prévoyant l'emploi d'installations de déchloration.

5.10 Déverements d'hydrocarbures

L'éventualité d'un important déversement d'hydrocarbures est la principale crainte du public. Non seulement les répercussions de ces accidents sont extrêmement graves, mais elles se font immédiatement sentir. Par ailleurs, en raison du type d'environnement, il est difficile d'atténuer efficacement les impacts. Des répercussions à long terme sont donc à craindre. Les déversements peuvent être causés par une éruption, un accident grave provoquant la défectuosité du matériel, la rupture de citernes de l'installation flottante ou d'un pétrolier-navette sur place, ou le naufrage d'un pétrolier-navette transportant le pétrole jusqu'aux réservoirs de stockage ou aux marchés. Des déversements de moindre importance, qui peuvent toutefois avoir des conséquences disproportionnées, comme ce fut le cas l'an dernier pour l'incident de la baie Placentia, peuvent résulter de l'arrêt des activités habituelles de production, d'accidents au cours du transfert du pétrole de l'installation flottante aux pétroliers-navettes ou du non-respect de la réglementation sur le lavage des carottes et le pompage des cales. Les promoteurs ont toutefois souligné que le pétrole brut récupéré dans le cadre du projet est un pétrole cireux qui, dans l'eau froide, forme des émulsions demeurant à la surface de l'eau et ne se répand pas comme les autres types de pétrole. Il est reconnu que ces propriétés diminuent l'incidence des déversements. Cependant, bien que minime, l'éventualité d'un déversement est un risque réel. Les promoteurs s'engagent à ne tolérer aucun rejet en optant pour la meilleure conception possible et les normes de sécurité les plus strictes pour les navires et le matériel ainsi qu'en faisant de la prévention leur grande priorité. La Commission, de même que tous les participants aux audiences, approuvent cette approche et conseillent aux promoteurs d'investir le plus d'efforts et de ressources possibles dans la prévention, car, en vertu du principe du pollueur-payeur, un déversement peut s'avérer beaucoup plus coûteux.

Recommandation 57:

La Commission recommande que l'Office exige des promoteurs qu'ils adoptent une politique de tolérance zéro pour les déversements d'hydrocabures.

Pour ce qui est de la navigation près du littoral, qui représente le plus grand danger pour les peuplements côtiers d'oiseaux et les autres animaux marins, la Commission est d'avis que les protocoles pour prévenir les déversements sont appropriés dans la mesure où ils sont respectés. En effet, c'est une erreur humaine qui est à l'origine de la majorité des catastrophes. Il est donc de la plus haute importance que, non seulement les employés possèdent les compétences requises et reçoivent une formation adéquate, mais aussi qu'ils participent à un programme de formation continue afin qu'ils n'oublient pas leurs responsabilités et les graves conséquences pour l'environnement de toute négligence ou incompétence.

Recommandation 58:

La Commission recommande que l'Office exige des promoteurs qu'ils mettent en oeuvre un programme de formation continue pour les membres de l'équipage afin de les sensibiliser constamment au milieu marin dans lequel ils travaillent et aux conséquences désastreuses que pourrait avoir toute erreur, même temporaire, provoquée par la négligence, le manque de modestie ou l'incompétence.

Les vents, les vagues et la glace présentent un danger évident au cours des transferts réguliers du pétrole des citernes de l'installation flottante aux pétroliers-navettes. De nombreux facteurs peuvent être à l'origine d'un déversement, depuis l'erreur humaine jusqu'à un bris du matériel ou de mauvaises conditions météorologiques. La Commission reconnaît que l'utilisation prévue de tubes, robinets et raccords à la fine pointe, diminue les risques de déversement dans des conditions normales. Néanmoins, il est nécessaire de mettre en œuvre un programme d'inspection rigoureux et des mesures de maintenance préventive en plus de s'assurer que les composants soumis à un stress ou pouvant à la longue se détériorer sont remplacés à temps.

Il arrivera que la vitesse du vent, la présence de glace ou l'état de la mer rendent le transfert du pétrole particulièrement dangereux. Comme une politique de tolérance zéro a été adoptée pour les déversements, une série de protocoles doit être en place pour définir les conditions au cours desquelles aucun transfert ne peut être effectué.

Recommandation 59:

La Commission recommande que l'Office exige des promoteurs que, conformément à une politique de tolérance zéro pour les déversements d'hydrocarbures, une série de protocoles soit en place pour définir les conditions au cours desquelles aucun transfert ne pourra être effectué.

Le Service canadien de la faune et d'autres participants ont fait part de leurs préoccupations concernant le transport du pétrole. Ils supposent que le terminal de transbordement de Whiffen Head dans la baie Placentia sera utilisé pour le projet. Ce terminal a été conçu pour stocker le pétrole provenant de la plate-forme Hibernia et le transférer à d'autres pétroliers-navettes à destination des marchés. Les promoteurs ont indiqué qu'en temps normal le pétrole du projet Terra Nova serait expédié directement aux marchés le long de la côte nord-américaine, mais qu'il est également possible que le pétrole soit expédié au terminal de Whiffen Head.

Or certaines des plus grandes colonies d'oiseaux au monde se trouvent sur la route des pétroliers faisant la navette entre la plate-forme Hibernia ou les installations de Terra Nova et le terminal de Whiffen Head. Tout déversement de pétrole survenant au cours du transport pourrait avoir de graves répercussions sur ces colonies. À l'heure actuelle, aucun plan de gestion de la zone côtière n'est en place pour cette région. Environnement Canada et d'autres participants demandent une étude exhaustive du transport du pétrole entre les installations et le terminal. La Commission est d'accord et recommande une telle étude.

Recommandation 60:

La Commission recommande que les autorités concernées entreprennent un examen exhaustif du transport du pétrole des installations d'exploitation pétrolière en mer.

Recommandation 61:

La Commission recommande que le gouvernement de Terre-Neuve et Labrador établisse un plan de gestion pour la zone côtière dans la péninsule d'Avalon et dans la partie ouest de la baie Placentia.

Même si selon l'étude d'impact environnemental le nettoyage des déversements est la procédure d'atténuation indiquée, l'efficacité de cette procédure est à l'heure actuelle minime. Dans la plupart des cas, la possibilité d'effectuer le nettoyage du pétrole dans un milieu à forte énergie comme la région des Grands Bancs nécessite davantage qu'un exercice de relations publiques; la technologie actuelle ne permet tout simplement pas de remédier à un tel problème. La situation est identique pour les déversements le long des côtes accidentées de la péninsule d'Avalon.

Plusieurs participants sont d'avis que l'étendue et l'ampleur des répercussions ne sont pas directement proportionnelles à l'importance du déversement, comme l'ont démontré les incidents récents dans la baie Placentia. L'impact des déversements dépend en grande partie de la proximité de la côte ainsi que de la répartition des oiseaux de mer et des phoques et de leur présence dans la zone touchée. Les concentrations peuvent varier de quelques individus à tous les individus du lieu. La politique de tolérance zéro des promoteurs et la mise en œuvre de toutes les mesures préventives requises aideront dans une large mesure à réduire les impacts environnementaux. Cependant, en pratique, l'activité la plus importante après un déversement est la surveillance de ses répercussions.

La Garde côtière canadienne a fait part de ses préoccupations concernant les procédures employées pour signaler un déversement de pétrole en milieu marin. Par ailleurs, il est nécessaire de préciser la nature des relations de travail entre les organismes et les ministères gouvernementaux au cours des situations d'urgence. La Commission souligne que la filière hiérarchique et les communications entre les organismes doivent être très précises.

Recommandation 62:

La Commission recommande que les promoteurs veillent à ce que tous les employés associés au projet Terra Nova reçoivent une formation complète sur les procédures de signalement des déversements, quelle que soit leur importance.

Recommandation 63:

La Commission recommande qu'on examine et précise les liens entre les organismes gouvernementaux en cas de déversement de sorte que chaque organisme concerné connaisse et comprenne bien son rôle.

5.11 Gaz à effet de serre

Les gaz à effet de serre constituent l'un des problèmes environnementaux les plus graves pour la planète. Les émissions excessives de gaz à effet de serre sont à l'origine de grandes perturbations des conditions atmosphériques et océaniques, de risques d'inondation des côtes et de graves préoccupations pour les ressources agricoles et halieutiques. Aucune région du globe n'échappera à leurs effets désastreux. Face à cette menace, la communauté internationale tente, avec peu de succès, de réduire les émissions afin d'atténuer les problèmes existants de pollution.

Le Canada est signataire de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique et a établi des objectifs pour ramener d'ici l'an 2000 ses émissions de gaz à effet de serre non visées par le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone aux niveaux de 1990. Il a également accepté de coopérer avec les États-Unis pour réduire les émissions des gaz à effet de serre les plus nocifs. Malheureusement, le Canada admet déjà qu'il ne sera pas en mesure de respecter son engagement et que des émissions de dioxyde de carbone (CO 2) dépasseront de quelque 49 000 000 de tonnes la quantité qu'il devrait rejeter aux termes de la Convention-cadre. Il a récemment demandé à la communauté internationale de réduire les objectifs.

Les promoteurs estiment que, au cours de la durée du projet, 300 000 tonnes par an de CO 2 seront relâchées dans l'atmosphère, représentant 0,5 p. 100 des rejets en plus pour le Canada. Les promoteurs indiquent que, en ce qui concerne l'utilisation finale, le pétrole extrait par le projet est un pétrole brut peu sulfureux qui produit peu de CO 2 ou d'anhydride sulfureux (SO 2) durant la combustion, et que son introduction sur le marché permettra en fait de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

On présume que le pétrole brut de Terra Nova supplantera une quantité équivalente de carburant plus sulfureux. Un des promoteurs, la société Petro-Canada, a ajouté qu'elle participait au programme Défi-Climat Mesures volontaires et Registre, une initiative conjointe d'Environnement Canada et de Ressources naturelles Canada, et qu'elle s'engagerait entièrement, en tant qu'organisation, à atteindre les objectifs en matière d'émissions fixés dans le cadre du programme. L'incidence du pétrole de Terra Nova a été pris en considération dans cet engagement.

La Commission reconnaît que l'effet de serre et le changement climatique constituent de graves impacts cumulatifs et que le projet Terra Nova y contribuera. Toutefois, cette contribution est relativement faible comparativement à celle d'autres produits pétroliers. Par ailleurs, il est possible qu'une technologie élaborée et mise au point au cours de la durée du projet permette de réduire considérablement le rejet d'émissions indésirables. La Commission considère que l'installation flottante devrait adopter ces technologies dès qu'elles seront accessibles. Les récents progrès technologiques laissent entrevoir la possibilité de réinjecter les gaz nocifs dans un avenir proche.

Comme le gouvernement du Canada ne peut respecter ses engagements internationaux et a récemment demandé une révision à la baisse des objectifs, la Commission n'est pas en mesure de formuler de recommandations particulières aux promoteurs dans ce domaine, même si des participants ont soulevé la question à plusieurs reprises dans leurs mémoires et au cours des audiences.

Recommandation 64:

La Commission recommande que les promoteurs soient tenus de modifier l'installation flottante au fur et à mesure que de nouvelles technologies seront accessibles afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre sur les lieux du projet Terra Nova.

Recommandation 65:

La Commission recommande que le gouvernement du Canada joue un rôle de premier plan au sein de la communauté internationale pour trouver les moyens de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre et qu'il prenne à tout le moins des mesures immédiates pour atteindre les objectifs fixés par la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique.

5.12 Lumière

Le Service canadien de la faune est préoccupé par l'effet sur les oiseaux de mer de la lumière diffusée par les appareils d'éclairage de l'installation flottante et des appareils de forage. Fait surprenant, on dispose de peu de renseignements sur le sujet. La Commission sait toutefois que les pétrels, par exemple, sont parfois attirés par la lumière. La plus grande colonie au monde de pétrels cul-blanc, qui comprend 3 000 000 de couples, nichent à l'île Baccalieu à l'extrémité nord-est de la péninsule d'Avalon, et il est reconnu que ces oiseaux s'éloignent de plus de 350 km de leur aire de nidification pour chercher leur nourriture. Comme les installations du projet seront situées à l'intérieur de ce territoire, il est nécessaire de recueillir systématiquement des renseignements pour déceler tout impact néfaste et d'en évaluer l'ampleur de même que, s'il y a lieu, de faire un suivi des mesures d'atténuation et d'en évaluer l'efficacité. La plate-forme Hibernia offre une possibilité unique d'effectuer une étude, car elle se trouve également sur le territoire des pétrels. Un des participants a suggéré que l'on demande à la direction d'Hibernia de collaborer en affectant des personnes à plein temps à l'observation des oiseaux et des mammifères afin de déterminer si les lumières des installations affectent réellement leur comportement. La Commission considère que cette solution pratique et raisonnable est une excellente idée. Si les lumières ont effectivement une incidence, on pourra établir et mettre à l'essai des mesures d'atténuation avant le début des activités de forage aux installations du projet Terra Nova.

Recommandation 66:

La Commission recommande que l'Office exige des promoteurs qu'ils entreprennent une étude sur l'attraction exercée sur les oiseaux par la lumière des installations d'exploitation pétrolière en mer et les risques de collision. Cette étude devrait être effectuée en collaboration avec la direction du projet Hibernia afin qu'on puisse déterminer les effets de la lumière le plus tôt possible et, le cas échéant, mettre à l'essai les mesures d'atténuation requises.

Recommandation 67:

La Commission recommande que l'Office exige la présence d'observateurs sur les installations de production et sur les pétroliers qui effectuent la navette entre les installations en mer et les installations de transbordement de Terre-Neuve afin de s'assurer que les oiseaux de mer de la région des Grands Bancs ou les colonies de nidification le long de la côte de Terre-Neuve sont peu affectés par le projet.

5.13 Bruit

Le ministère des Pêches et des Océans a indiqué que la région qui entoure le projet de mise en valeur Terra Nova abrite une variété d'espèces de mammifères marins. Les baleines et les phoques sont particulièrement sensibles aux sons. Ils sont donc perturbés par le bruit causé par les activités d'exploration et d'exploitation gazières et pétrolières, mais ils peuvent s'adapter à des niveaux de bruit plus élevés. L'étude d'impact environnemental ne comprend aucune analyse des caractéristiques de bruit en ce qui concerne le projet. Toutefois, le Ministère prétend que l'étude d'impact environnemental sous-estime l'incidence possible de ce bruit. La Commission est d'avis que des observateurs devraient surveiller l'abondance et les activités des mammifères marins, particulièrement d'individus identifiés, et faire un rapprochement avec les activités effectuées en mer et le bruit dans le cadre du projet.

Recommandation 68:

La Commission recommande que l'Office s'assure que des observateurs surveillent l'abondance et les activités des mammifères marins, particulièrement d'individus identifiés, et établissent un rapport avec les activités de l'exploitation et les bruits qui émanent du projet Terra Nova.

5.14 Désaffectation et abandon

Quand l'extraction des réserves pétrolières de Terra Nova ne sera plus rentable, soit dans plus de 18 ans, il faudra désaffecter les installations et abandonner le site. Les promoteurs ont fait savoir qu'ils veilleraient à tout retirer, sauf les installations noyées dans le plancher océanique. Le pétrole sera évacué des conduites d'écoulement et du matériel reposant au fond de la mer avant l'abandon. Les participants aux audiences n'ont formulé aucune inquiétude à ce sujet.

La Commission est convaincue que les plans de désaffectation et d'abandon décrits dans l'étude d'impact environnemental sont adéquats. Toutefois, il importe d'envisager la possibilité que la situation puisse changer d'ici 20 ans et la Commission estime donc utile que soient revus et réévalués ces plans à la lumière de la nouvelle technologie et de la réglementation et des normes en vigueur au moment de la désaffectation et de l'abandon. Si un problème de pollution survenait après la désaffectation, les promoteurs devraient être tenus responsables de toute mesure de restauration et de tout dédommagement requis. Le principe du pollueur-payeur devrait s'appliquer au-delà du projet, s'il est possible de faire un rapprochement non équivoque entre des effets nocifs et le projet.

Recommandation 69:

La Commission recommande que l'Office exige des promoteurs qu'ils revoient et réévaluent, à l'approche de la fin du projet, leurs plans de désaffectation et d'abandon à la lumière de la nouvelle technologie et des normes en vigueur à ce moment-là.

Recommandation 70:

La Commission recommande que l'Office applique le principe du pollueur-payeur au-delà du projet, s'il est possible de faire un rapprochement non équivoque entre des effets nocifs et le projet.