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Rapport de la Commission d'évaluation environnementaledu projet de mise en valeur Terra Nova

Sommaire

Le projet de mise en valeur Terra Nova a trait à la mise en valeur des ressources du champ pétrolifère Terra Nova. Le champ, qui recèle environ un milliard de barils de pétrole se trouve sur la partie nord-est des Grands Bancs. Les promoteurs sont les sociétés Petro-Canada, Mobil Oil Canada Properties, Husky Oil Operations Limited, Murphy Oil Company Limited, Norsk Hydro AS et Mosbacher Operating Limited. Petro-Canada dirigera le projet au nom des promoteurs.

Les promoteurs utiliseront une installation flottante monocoque en acier pour la production, le stockage et le déchargement, ainsi que des plates-formes semi-submersibles et des pétroliers-navettes pour transporter le pétrole produit vers les installations de stockage côtières et directement sur les marchés. Les centres de forage seront situés dans des entonnoirs souterrains découverts, de 10 mètres de profondeur et de 15 mètres de large, à partir desquels des conduites d'écoulement enfouies dans le plancher océanique transporteront le pétrole jusqu'aux tubes prolongateurs flexibles menant à la plate-forme de production. La production devrait débuter en 2001.

Le 5 août 1996, les promoteurs ont présenté leur demande de mise en valeur du champ pétrolifère et une étude d'impact environnemental à l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers. Le 2 décembre, l'Office renvoyait le dossier à la Commission d'évaluation environnementale qui avait été nommée conjointement par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Après avoir examiné le dossier et obtenu sur demande des renseignements supplémentaires de la part des promoteurs, la Commission a commencé ses audiences publiques le 22 avril 1997. Elle a entendu 20 exposés oraux et reçu plus de 70 mémoires.

Après avoir étudié toute l'information fournie par les promoteurs ainsi que les mémoires présentés par les ministères et organismes gouvernementaux et tenu compte des observations et déclarations des groupes non gouvernementaux et des particuliers, la Commission en est arrivée à la conclusion que le projet peut suivre son cours assorti de recommandations qui sont, pour des raisons pratiques, regroupées dans le dernier chapitre du rapport. Deux recommandations de base sont formulées en toile de fond à toutes les autres, à savoir que le principe de prudence doit être observé dans tous les aspects du projet de mise en valeur et que l'Office doit être doté de ressources adéquates pour l'exercice de son mandat de surveiller et de faire respecter les conditions relatives à la mise en valeur du projet.

Quand nous disons qu'il faut procéder avec prudence, nous entendons qu'il faut prévoir et prendre des précautions, être conscient de l'incertitude et pécher plutôt par excès de prudence lorsque des décisions doivent être prises dans un domaine où les connaissances sont incomplètes.

La Commission est convaincue qu'il est de la plus haute importance pour les intérêts de la province que les promoteurs respectent l'esprit de l'Accord atlantique. Nonobstant l'adhésion de la province au principe de l'appel d'offres international, et compte tenu du fait que le monocoque et les pétroliers-navettes seront forcément construits dans des chantiers navals étrangers, la Commission prend note que les promoteurs se sont engagés à ce que les chantiers navals et les entreprises de Terre-Neuve bénéficient de toute l'aide raisonnable possible pour présenter des offres concurrentielles pour les ouvrages restants. Ce sont des emplois, à l'étape préproduction, lesquels représenteront en tout quelque 2 300 années-personnes de travail qui sont en jeu pour les travailleurs de Terre-Neuve. La Commission note avec plaisir qu'à l'étape de l'exploitation, qui devrait durer 18 ans, les promoteurs ont prévu que la grande majorité des 400 à 500 employés permanents seraient des habitants de Terre-Neuve et du Labrador.

Les recommandations de la Commission vont dans le sens d'une pleine reconnaissance de l'Accord atlantique et des lois de mise en ouvre et préconisent l'adoption de stratégies de gestion, prévoyant notamment des possibilités de formation et un régime de relations de travail propre à optimiser les possibilités pour les travailleurs et les entreprises de Terre-Neuve. Prenant note du fait que les promoteurs ont indiqué en des termes extrêmement positifs qu'il fallait considérer Terra Nova comme l'assise d'une puissante industrie pétrolière extracôtière pour Terre-Neuve, les recommandations de la Commission tendent à préconiser la mise en place d'un personnel hautement qualifié et le développement d'un savoir-faire, le tout étant prévu de façon à optimiser tant les possibilités locales que les possibilités d'exportation.

La Commission considère également que le projet devrait être l'occasion d'effectuer un transfert de technologie et recommande que les fournisseurs étrangers de composants mécaniques ou électroniques de systèmes sous-marins, par exemple, soient tenus de mettre en place des installations de fabrication et d'assemblage à Terre-Neuve.

En ce qui a trait à toutes les questions se rapportant au programme d'avantages, la Commission est convaincue que les promoteurs, l'Office et le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador devraient observer la même vigilance et tenir les citoyens de la province pleinement informés de ce qu'on fait de leurs ressources et des avantages qui découlent pour la province de leur épuisement.

La taille relativement modeste du projet, par comparaison au projet Hibernia, par exemple, donne l'impression à la population qu'il n'y aura pas de répercussions sociales négatives. La Commission est d'accord et pense que les collectivités qui se trouvent à proximité des activités découlant du projet disposent d'une infrastructure suffisante pour absorber l'expansion économique qui s'ensuivra sans perturbations sociales indues ou pressions inflationnistes. La Commission considère donc qu'il n'y a pas lieu, contrairement à ce qui se passe pour Hibernia, d'adopter des mesures d'atténuation.

De l'avis de la Commission, les températures extrêmes et le régime des glaces sur les lieux de production sont les facteurs qui présentent les plus graves difficultés pour les promoteurs. Les données utilisées par les promoteurs concernant les conditions météorologiques, l'état de la mer et la glace sont les plus complètes possible, la Commission en est convaincue, et les critères de conception du système de production devraient garantir un mode d'exploitation sûr. Cela est d'autant plus vrai que des stratégies de prévention seront prévues à l'installation flottante en cas de conditions trop rigoureuses. Néanmoins, la Commission recommande la poursuite des efforts en vue d'améliorer la capacité de prévisions opérationnelles relativement aux conditions météorologiques et à la trajectoire des icebergs. Le risque que représente la survenue des banquises et de bourguignons ou de bergy bits, difficiles à détecter, est particulièrement préoccupant. Globalement, la Commission recommande l'adoption d'une approche prudente et d'une structure de commandement clairement définie, une tolérance zéro aux déversements d'hydrocarbures ainsi que des systèmes de sécurité et des procédures d'évacuation conformes aux normes de conception et d'exploitation les plus élevées possible.

La Commission est convaincue que la gestion des impacts environnementaux sur une longue période, dans les zones d'exploitation à plus grande échelle des ressources, offre un moyen utile de mettre à l'épreuve le caractère approprié des régimes de gestion et de réglementation planifiés. Dans ce contexte, la Commission est préoccupée de voir que les écrits sur la question font état d'un manque de connaissances quant aux impacts cumulatifs sur l'ensemble de l'écosystème. Notant que, dans la mer du Nord, par exemple, les règlements sont devenus plus stricts avec le temps, la Commission considère que le faible taux de pollution de la région des Grands Bancs ne doit pas être une excuse pour adopter des normes moins rigoureuses et, quoi qu'il en soit, recommande l'adoption, en pleine connaissance de cause, du principe de prudence.

La Commission est consciente que les lignes directrices relatives au traitement et aux déchets ont été récemment révisées. Depuis lors, toutefois, l'adoption de la technologie actuellement disponible permet d'atteindre des résultats qui dépassent manifestement les normes actuelles visant les rejets de boues à base d'huile ou déblais de forage. La Commission considère que les personnes qui ont révisé les lignes directrices n'ont pas observé le principe de prudence et qu'un nouvel examen doit être entrepris dans le plus bref délai. La Commission remarque avec satisfaction que les promoteurs sont déterminés à faire appel à la technologie la plus récente qui dépasse les normes actuelles.

La Commission sait pertinemment que les promoteurs ne peuvent être tenus responsables de ce qui se passera dans l'avenir dans la région des Grands Bancs et qu'il est difficile de cerner et d'évaluer avec certitude l'impact cumulatif, en particulier dans le contexte des écarts naturels au fil du temps. C'est pourquoi les recommandations de la Commission exhortent à adopter un programme de surveillance systématique et vigilante examiné par les pairs qui constituera une base solide pour la prise de décisions de gestion adaptative et fournira un fond documentaire d'une valeur inestimable pour une évaluation plus adéquate des autres projets de mise en valeur.

Dans leurs travaux de conception du programme requis, la Commission considère que dans une optique d'efficacité et de synergie, les promoteurs devraient répertorier tous les programmes de recherche et de surveillance qui se déroulent dans la région des Grands Bancs, y compris ceux entrepris à Hibernia, et ceux menés par la Memorial University de Terre-Neuve ou le ministère des Pêches et des Océans. La Commission considère également que le programme de surveillance devrait être assujetti à la vérification par un tiers et à une surveillance de la conformité et que les résultats des examens conduits par l'Office ou par les ministères ou organismes du gouvernement devraient être rendus publics.

À part la possibilité d'un déversement majeur d'hydrocarbures, les rejets dans la mer de boues de forage à base d'huile, d'une variété de produits chimiques et de l'eau produite, représentent le plus grand risque environnemental du projet. Les préoccupations écologiques dans d'autres pays ont conduit à l'adoption de la technologie de réinjection considérée comme la meilleure méthode pour se débarrasser à la fois des déblais de forage et de l'eau produite. Les promoteurs indiquent que la réinjection des déblais du système de production flottant envisagé est pratiquement impossible. La Commission considère pour sa part qu'il serait prudent d'adopter des caractéristiques de conception permettant l'adaptation à un tel procédé en prévision d'un resserrement des normes réglementaires à l'avenir. Entre-temps, l'emploi d'huiles non toxiques et le traitement des déblais au moyen de la technologie la plus avancée pour réduire au maximum la teneur en pétrole et en produits chimiques constitue une exigence minimale. En ce qui a trait à l'eau produite, les promoteurs affirment que les mesures d'atténuation qu'ils proposent, ainsi que le facteur de dilution rendront ces rejets inoffensifs. La Commission sait que la réinjection est une technologie éprouvée qui a cours dans d'autres pays et, bien qu'elle soit consciente des difficultés associées au procédé, il lui apparaît que le principe de prudence commanderait son adoption pour le projet Terra Nova.

En ce qui a trait aux déversements majeurs d'hydrocarbures, la Commission est convaincue qu'en raison de la nature de l'environnement, des mesures d'atténuation seraient vraisemblablement inefficaces. Par conséquent, il est absolument essentiel que la prévention soit la grande priorité et que tous les systèmes et procédés soient conçus en fonction de cette priorité. L'une des recommandations extrêmement importantes de la Commission est donc que les promoteurs adoptent une politique de tolérance zéro pour les déversements d'hydrocarbures de quelque sorte qu'ils soient et prennent toutes les mesures de prévention requises pour assurer la mise en ouvre satisfaisante de cette politique. Cela implique que tous les travailleurs en mer doivent être parfaitement formés et conscients de leurs responsabilités à l'égard de l'environnement.

L'effet de la lumière sur les oiseaux de mer dans la région du projet a été porté à l'attention de la Commission. La Commission est convaincue qu'un effort de collaboration avec la direction du projet Hibernia permettrait de surveiller de tels effets et d'adopter des mesures d'atténuation pertinentes, si celles-ci se révèlent nécessaires avant la mise en production du champ pétrolifère de Terra Nova.

Le transport du pétrole du lieu à la côte est manifestement une question préoccupante. Il faut tenir compte en particulier de la présence de grandes colonies d'oiseaux de mer dans la péninsule Avalon et des conséquences désastreuses que pourraient avoir sur ces colonies des déversements d'hycrocarbures importants. La Commission sait également qu'aucun régime de gestion de la zone côtière n'est en place sur la péninsule et recommande que l'on en établisse un. Bien que la Commission soit convaincue que les pétroliers-navettes à double coque, renforcés pour la navigation dans les glaces représentent la technologie la plus à la pointe à l'heure actuelle, elle avalise une recommandation d'Environnement Canada selon laquelle il y a lieu de mener une étude exhaustive du transport du pétrole depuis les sites de production extracôtiers.

Globalement, la Commission considère que si la construction et l'exploitation sont conformes aux renseignements détaillés fournis par les promoteurs, si ces derniers respectent leur engagement de mettre en ouvre les meilleures technologies disponibles et de réduire les rejets au strict minimum et appliquent les recommandations incluses dans le présent rapport, le projet respectera toutes les normes imposées et sera acceptable sur le plan de l'environnement. Néanmoins, il est difficile de disposer de suffisamment d'éléments, au début d'une période d'exploitation de 18 ans, pour prédire que la mise en valeur se fera dans des conditions optimales et qu'il en résultera un impact minimal pour l'environnement. Les chances de succès seront néanmoins renforcées si tant l'Office que les promoteurs s'engagent pleinement à apporter les changements requis aux normes, aux technologies et aux pratiques de gestion. Ces changements seront facilités par un programme de surveillance de premier ordre, par des examens pertinents de ses résultats et par une surveillance appropriée de la conformité par l'Office.