Sélection de la langue

Information archivée

L'information dont il est indiqué qu'elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n'est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n'a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Rapport de la commission d'examen

8.0 Santé et sécurité au travail

Les travailleurs de la mine, tout particulièrement ceux affectés sous terre, risquent d'être exposés à des conditions de travail dangereuses. Le milieu de travail du site du lac Cigar conjugue les risques habituels des activités minières à ceux qui résultent de la présence de minerai hautement radioactif. Il importe donc de gérer tous les risques éventuels en appliquant les mesures de sécurité appropriées et en réalisant un programme de suivi pour assurer le respect de tous les règlements en vigueur.

8.1 Ambiguïté des juridictions et chevauchement administratif

La gestion de la santé et de la sécurité au travail dans les mines d'uranium est de juridiction fédérale en vertu des dispositions de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. La mesure habilitante pour la protection radiologique est le Règlement sur les mines d'uranium et de thorium (1988), qui sera bientôt révisé aux termes de la nouvelle Loi canadienne sur la sûreté nucléaire. Cette réglementation est mise en application par la Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCEA). La santé et la sécurité au travail en général sont régies par le Code canadien du travail et ses règlements d'application aux termes de la Partie II du Code. Sa mise en application incombe à la Direction générale du Travail, de Développement des ressources humaines Canada (DRHC).

La protection radiologique est contrôlée par des organismes fédéraux et provinciaux, alors que la santé et la sécurité conventionnelles relèvent uniquement du ministère du Travail de la Saskatchewan. Le gouvernement provincial tire son autorité des conditions énoncées dans les baux de surface signés avec les mines d'uranium. Plus particulièrement, la Occupational Health and Safety Act (1993), loi sur la santé et la sécurité au travail de la Saskatchewan et la Radiation Health and Safety Act (1985), loi sur la santé et la sécurité radiologiques, ainsi que leurs règlements d'application sont les instruments législatifs régissant les mines d'uranium. [Gouvernement de la Saskatchewan, Submission to Cigar Lake Public Hearings, Regina, Saskatchewan, septembre 1996, pp. 19-21.]

L'industrie minière s'est dit inquiète de la lourdeur du processus de délivrance des permis et d'inspection des opérations qu'imposent les divers organismes de réglementation et constate que les modes de fonctionnement font parfois double emploi et sont inefficaces et coûteux dans tous les domaines, y compris celui de la santé et de la sécurité.

Le double processus d'inspections des mines d'uranium à tous les mois ou les deux mois est inefficace et coûteux tant pour le public ou le contribuable que pour l'industrie. Celle-ci reconnaît la nécessité d'avoir une autorité compétente en matière de réglementation; par ailleurs, la population veut être assurée que l'industrie agit de façon responsable en ce qui a trait à la sécurité publique et à l'environnement. La mise en place d'un organisme unique de réglementation permettrait de mieux servir les intérêts de l'un comme de l'autre.

S. Frost, Regulation of Uranium Mining - An Industry Viewpoint, Presentation to Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, le 9 septembre 1996, p. 3.

Une réglementation serrée permet d'offrir au public et aux employés la garantie que leur sécurité est assurée, mais elle alourdit parfois le fonctionnement et la productivité des mines et des organismes de réglementation. Les règlements rigides qui sont imposés aux mines d'uranium diminuent la possibilité que des modes opératoires susceptibles de mettre en danger la sécurité passent inaperçus; on gagnerait cependant à obtenir des résultats comparables en supprimant, dans les façons de faire, ce qui constitue un chevauchement et un double emploi des efforts des instances fédérales et provinciales de réglementation.

Nous souhaitons faire nôtre l'une des recommandations formulées dans le rapport du projet de la rivière McArthur. C'est surtout la Direction générale de la sécurité minière et radiologique de la Saskatchewan qui s'occupe des inspections conventionnelles de santé et sécurité au travail dans les mines d'uranium. La responsabilité de poursuivre les contrevenants et de faire appliquer les règlements en matière de santé et sécurité conventionnelles dans les mines d'uranium de la province devrait donc lui revenir. En mai 1996, on a modifié le Code canadien du travail afin de pouvoir confier aux autorités provinciales l'administration de projets nucléaires comme les mines d'uranium. Les gouvernements fédéral et provincial poursuivent leurs négociations, dans le cadre du Projet visant à améliorer l'efficacité de la fédération (1994), en vue de transférer du gouvernement fédéral à la province l'administration de la réglementation générale en santé et sécurité au travail. Bien que ce transfert était envisagé à l'époque des audiences publiques du projet du lac Cigar, la province n'était toujours pas la seule habilitée à faire appliquer les dispositions en matière de santé et de sécurité conventionnelles dans les mines d'uranium. Il conviendrait de résoudre la question sans tarder.

La question du transfert possible à la province de l'administration des dispositions relatives à la santé et à la sécurité radiologiques, ne fait l'objet d'aucune discussion pour l'instant; [Gouvernement de la Saskatchewan, Opening Presentation to the Cigar Lake Public Hearings, Regina, Saskatchewan, 4 septembre 1996, p. 17 et pp. 34-45.] le contrôle législatif reste donc de compétence fédérale. Les deux paliers de gouvernement se partagent la surveillance du risque d'irradiation auquel sont exposés les travailleurs des mines d'uranium. Nous voulons à ce propos reprendre une recommandation déjà formulée par une autre commission, à savoir qu'une entente officielle intervienne entre la Commission de contrôle de l'énergie atomique et les organismes de réglementation provinciaux, afin que l'information et les observations sur les inspections sur place puissent être partagées dans le but de renforcer la protection des travailleurs et de réduire les dédoublements dans les activités de surveillance et d'établissement de rapports.

8.2 Préoccupations en matière de sécurité conventionnelles

De 1991 à 1995, la CLMC n'a signalé aucun accident avec perte de temps dans sa mine d'essai. [The Cigar Lake Project Environmental Impact Statement, Main Document, juillet 1995, p. 6-2.] Cela n'a rien d'exceptionnel car, comme le souligne la Saskatchewan Environment and Resource Management, le secteur minier de la province fait l'objet d'une surveillance beaucoup plus serrée que tout autre milieu industriel de la province.

Lorsqu'il s'agit de santé et de sécurité au travail, nul autre secteur industriel ne reçoit, en Saskatchewan, une attention comparable à celle accordée au secteur minier. Il y a proportionnellement beaucoup plus d'inspecteurs affectés aux mines qu'à tout autre milieu de travail. [Gouvernement de la Saskatchewan (SERM), Submission to the Cigar Lake Public Hearings, Regina, Saskatchewan, 4 septembre 1996, pp. 30, 31.]

Le gisement du lac Cigar renferme d'importantes minéralisations arsénifères et nickélifères, sauf dans la roche hôte environnante. Comme c'est dans celle-ci que seront aménagées les galeries de congélation et de production, les travailleurs ne seraient pas exposés à ces minéralisations nocives.

Pendant l'extraction du minerai, l'emploi des techniques d'extraction sans accès direct décrites au chapitre 5 permettrait de protéger les travailleurs contre tout contact avec les métaux lourds toxiques présents dans le minerai. Le recours au forage humide pour découper le minerai, permettrait de récupérer toutes les matières sous forme de pulpe, ce qui diminue d'autant les risques d'exposition aux poussières toxiques. Des précautions supplémentaires s'imposent cependant à l'égard des contaminants rejetés dans l'air des zones où se pratique le forage à sec (forage par cheminée). Il s'agirait essentiellement d'installer un système de ventilation par aspiration, semblable à celui décrit dans l'EIE. [The Cigar Lake Project Environmental Impact Statement, Main Document, Cigar Lake Mining Corporation, juillet 1995, pp. 3-46 à 3 - 50.] Il reviendrait à l'instance de réglementation de veiller à ce que ce système fonctionne correctement avant d'accorder au promoteur le permis d'exploiter une mine en ayant recours au forage par cheminée.

8.3 Préoccupations en matière de sécurité radiologique

Outre les questions générales de santé et de sécurité qui touchent toutes les mines, celles d'uranium présentent des risques particuliers liés à l'exposition aux rayonnements. Ces risques sont importants au Lac Cigar, du fait de la teneur en uranium du minerai est très élevée.

Dans ce contexte, les garanties de protection de la santé des travailleurs se compliquent du fait de l'incertitude qui plane toujours relativement à l'évaluation des risques technologiques, à la sélection de normes conservatrices appropriées pour les doses limites et au délai qu'entraîne la mise en œuvre des nouvelles normes. La Commission de contrôle de l'énergie atomique établit les doses limites pour le public et le milieu de travail, se fondant sur les recommandations de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR). Les normes fédérales actuelles, fondées sur les recommandations CIPR-26 de 1977, sont en cours de révision et la Réglementation de protection contre les radiations proposée par la Commission de contrôle de l'énergie atomique demande une réduction considérable des doses limites. La limite actuelle de la Commission de contrôle de l'énergie atomique pour les travailleurs de ce milieu est de 50 mSv par an et, pour le public, de 5 mSv par an. La nouvelle dose en milieu de travail proposée par la Commission de contrôle de l'énergie atomique (fondée sur les normes CIPR-60 et 65) est de 20 mSv par an, sur une moyenne d'une période définie de 5 ans, la dose réelle ne devant pas dépasser 50 mSv au cours d'une seule année. La dose limite proposée pour le public est de 1 mSv par an. Les normes actuelles visant les doses absorbées en Saskatchewan reposent aussi sur la norme CIPR-26, bien que la province ait intégré la norme de protection radiologique CIPR-60 dans les baux de surface et se soit entendue avec le secteur minier uranifère sur sa mise en œuvre. [E. Becker, Saskatchewan Labour, Transcript of Supplementary Public Hearings for Midwest and Cigar Lake, La Ronge, Saskatchewan, 27 août 1997, p. 49.] Nous insistons sur la nécessité d'adopter rapidement les normes les plus sévères; nous recommandons fortement que les gouvernements fédéral et provincial agissent rapidement pour lever les incertitudes et la confusion en adoptant rapidement l'esprit des normes CIPR-60 et CIPR-65 et en rajustant les doses limites à chaque fois que la Commission internationale de protection radiologique publie de nouvelles recommandations.

Les méthodes d'exploitation minière du lac Cigar décrites à la section 5.1 ont été élaborées précisément en vue d'éviter l'exposition directe des travailleurs au minerai. La sécurité des travailleurs dépendra d'une part de la capacité du promoteur à mettre en œuvre les méthodes proposées de récupération sans accès direct et, d'autre part, du confinement adéquat du minerai durant son transport et son traitement, de même que pendant l'évacuation des résidus.

Malgré la protection offerte par la conception de la mine, on a circonscrit divers aspects des opérations où un soin particulier sera requis pour éviter des problèmes d'irradiation. On pense à la régulation de la ventilation, au système de confinement de l'eau souterraine et à la manipulation du minerai en situation de refoulement. Les promoteurs ont présenté des études de modélisation qui évaluaient les conditions de refoulement, telles un déversement de pulpe et ont conclu que l'exposition des travailleurs aux matières radioactives se situerait dans les limites acceptables. [The Cigar Lake Project Environmental Impact Statement, Main Document, Cigar Lake Mining Corporation, juillet 1995, pp. 6-12 à 6 - 21; Response to Request for Additional Information, mars 1996, pp. 3-5 à 3-38; Additional Information II, juillet 1996, pp. 4-7 à 4-13; Addendum, septembre 1996, pp. 11-2 à 11-5; Tailings Management Additional Information, avril 1997, pp. 9-1 à 9-5.] Bien que ces résultats soient plutôt rassurants, le fait qu'il s'agisse d'une première expérience avec du minerai à si haute teneur laisse penser que la modélisation ne donne pas nécessairement une idée juste de ce qui se passera en réalité. En attendant d'en savoir plus long sur le travail avec ce type de minerai, les agents chargés de la sécurité des travailleurs devront faire preuve d'une vigilance de tous les instants et assurer un suivi des plus étroits.

Le modèle nous permet de prédire que l'exposition aux rayonnements résultant de l'une ou de l'autre de ces situations de refoulement augmenterait au plus de 0,06 p. 100 de la limite prescrite actuelle.

L. Nel, Radiation and Community Safety, exposé de la Cigar Lake Mining Corporation, Transcript of the Cigar Lake Public Hearings, La Ronge, Saskatchewan, le 4 octobre 1996, p. 6.

L'EIE du projet du lac Cigar prévoit que l'exposition maximale des mineurs (quel que soit le poste occupé) se situera à environ 19 p. 100 des limites annuelles d'exposition en vigueur au moment de la réalisation de l'étude. L'étude prévoit une exposition moyenne des travailleurs se situant à 8,2 p. 100 de l'ancienne limite admissible. Avec l'adoption des limites d'exposition plus sévères recommandées dans le présent rapport, on prévoit que les expositions maximale et moyenne des travailleurs de la mine atteindraient 46,5 p. 100 et 20,5 p. 100, respectivement, des limites admissibles. Durant les opérations de broyage, on prévoit que les mineurs les plus exposés recevraient une dose de 11,5 mSv par année, soit 58 p. 100 des nouvelles limites d'exposition plus sévères. L'exposition moyenne prévue pour tout travailleur de l'usine du lac McClean est de 6 p. 100 et de 15 p. 100, respectivement, de l'ancienne et de la nouvelle limite annuelle.

Une exposition d'environ 50 p. 100 de la limite permise laisse peu de marge d'erreur et signale un important risque potentiel d'irradiation des travailleurs de la mine. Malgré ces préoccupations, le ministère du travail de la Saskatchewan a donné son accord aux mesures de protection proposées :

Après un examen approfondi de l'étude d'impact environnemental, nous croyons qu'il est possible de relever les défis techniques que pose l'exploitation du minerai à haute teneur du site du lac Cigar. Le recours à des méthodes d'extraction innovatrices et la conception de l'usine de traitement du lac McClean assurent une augmentation considérable du degré de protection radiologique qu'il est possible d'atteindre. [Saskatchewan Environment and Resource Management, Submission to the Cigar Lake Public Hearings, Regina, Saskatchewan, 4 septembre 1996, p. 39.]

L'exploitant et l'organisme de réglementation devront cependant faire preuve d'une grande vigilance. On ne peut tolérer que les valeurs d'exposition prédites se substituent à une surveillance assidue et à des mesures d'atténuation efficaces.

8.4 Le concept ALARA

En plus de respecter les limites prescrites, le promoteur doit se conformer au principe du « niveau de risque le plus bas que l'on peut raisonnablement atteindre » (concept ALARA). Il n'est pas admissible d'utiliser une approche particulière si une approche comparable, mais offrant une plus grande sécurité, existe. Toute exposition inutile est inacceptable, même si elle se situe en deçà des limites prescrites.

La nature hautement radioactive du minerai du lac Cigar impose des mesures exceptionnelles afin d'assurer le maintien des doses radiologiques en deçà des limites prescrites. L'aménagement d'une mine et la construction d'une usine de traitement qui assurent une valorisation du minerai sans exposer les travailleurs à des doses inacceptables constitueraient un exploit sur le plan de la technologie. Une fois les problèmes techniques résolus, il se pourrait que la vigilance s'émousse et qu'on laisse le projet se dérouler sans chercher à améliorer encore la sécurité. C'est ici que les exploitants et les responsables de la réglementation doivent appliquer le concept ALARA. Tous doivent poursuivre leurs efforts en vue d'améliorer la protection offerte aux travailleurs, même si les limites prescrites sont respectées. Il est condamnable sur les plans éthique et légal d'utiliser une façon de faire particulière s'il en existe une autre comparable qui assure une meilleure protection des travailleurs.

L'ALARA est un concept important et il est essentiel de s'y conformer aussi scrupuleusement qu'aux règlements en vigueur.

8.5 Conclusions et recommandations

Les mineurs, particulièrement ceux qui travaillent sous terre, dépendent des organismes de réglementation des mines pour leur garantir un milieu de travail sécuritaire. Il est, par conséquent, essentiel que les lois et règlements assurent une protection adéquate pour les travailleurs contractuels ou non contractuels; que les mines soient inspectées régulièrement et qu'un soin approprié soit exercé pour garantir que des pratiques de travail sécuritaires sont adoptées et respectées.

Les promoteurs ont tenté d'évaluer les risques radiologiques pour les travailleurs et ont prévu des mesures de contrôle et d'atténuation appropriées pour surveiller les rejets à la source. On ne peut toutefois négliger le fait qu'il n'y a jamais eu de minerai d'uranium d'une telle teneur extrait d'une mine souterraine auparavant. Des mesures de contrôle et de surveillance très étroites devront donc être mises en place pour assurer la protection des travailleurs de la mine du lac Cigar et de l'usine du lac McClean.

Il est recommandé que les gouvernements fédéral et provincial agissent rapidement pour intégrer l'esprit des normes CIPR-60 et CIPR-65 dans la réglementation. À toutes les étapes du projet, le promoteur doit aussi appliquer le concept ALARA aussi scrupuleusement qu'il ne respecte les normes imposées par les lois et règlements.

Les chevauchements de juridiction et les ambiguïtés entre les gouvernements fédéral et provincial risquent éventuellement de réduire le degré de protection des travailleurs et aussi d'introduire une certaine inefficacité dans le système. Parce que la province assume le rôle de premier plan dans l'exécution des inspections et l'application des mesures de contrôle en milieu de travail, il est recommandé que la Saskatchewan soit dotée de l'autorité et de la responsabilité à l'égard de la santé et de la sécurité conventionnelles dans les mines d'uranium. Pour la protection radiologique des travailleurs, une entente officielle entre la Commission de contrôle de l'énergie atomique et les instances de réglementation provinciales est recommandée, afin de partager l'information et les observations relatives aux inspections effectuées sur place, dans le but de renforcer la protection des travailleurs et de réduire les dédoublements.