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Rapport de la commission d'examen

6.0 Autres questions

Les observations qui précèdent portaient directement sur des aspects de notre mandat, comme les questions environnementales et socio-économiques, la sécurité et la santé. Les examens ont toutefois soulevé un certain nombre de questions importantes qui ne s'intègrent pas vraiment à l'une ou l'autre des sections qui précèdent. Nous avons essayé d'en résumer quelques-unes dans la présente section.

6.1 Réglementation de l'industrie

Les organes de réglementation ont besoin du soutien de l'industrie et du public pour être efficaces. L'industrie souhaite la suppression des doubles emplois que font les organismes fédéraux et provinciaux de réglementation et elle demande la rationalisation du processus. Le public veut être certain que ces projets peuvent être exécutés en toute sécurité, sans effets néfastes pour l'environnement.

Si le public manifeste un degré satisfaisant de confiance à l'égard de la réglementation provinciale qui régit les mesures habituelles de santé et de sécurité, il a moins confiance en la réglementation fédérale qui vise les entreprises nucléaires. Cette méfiance découle en partie de l'appréhension souvent associée aux questions nucléaires. Il faut rehausser le degré de confiance du public de la Saskatchewan, en le renseignant sur les questions nucléaires et minières et en augmentant la participation des habitants du Nord aux activités de surveillance et de réglementation.

Bien que les membres du public aient exprimé à l'occasion un manque de confiance à l'égard du processus de réglementation, nous avons conclu, après avoir étudié soigneusement le système, que l'industrie a été bien réglementée dans la province de la Saskatchewan. Nous croyons que les travailleurs et le public ont été protégés sans que des exigences excessives ne soient imposées aux exploitants. Il semble toutefois possible de mieux définir les responsabilités entre les deux niveaux de gouvernement et, là où le double emploi est inévitable, d'améliorer la collaboration et l'efficience.

6.2 Viabilité de l'industrie

Le dommage environnemental causé par l'exploitation minière ne peut pas être justifié à moins que les projets génèrent des avantages compensatoires. Les avantages économiques de l'exploitation des mines dépendront directement du prix de l'uranium, qui sera régi pour sa part par les lois de l'offre et de la demande. L'examen environnemental doit par conséquent évaluer aussi la demande probable d'uranium à l'avenir.

Les évaluations des avantages économiques de l'exploitation des gisements d'uranium que les commissions d'enquête sur les projets Cluff Lake et Key Lake ont faites étaient effectivement trop optimistes. [E.D. Bayda, A.J. Groome, K.J. McCallum, Final Report, Cluff Lake Board of Inquiry, 1978, p. 165. R.W. Mitchell, D. Smyth, M.M. Tomilin, J.P. Roberts and W.N. Riese, Key Lake Board of Inquiry Report, 1981, pp. 21 - 22.] La promesse des prix élevés qui existaient à la fin des années 1970 et au début des années 1980 a encouragé une surproduction d'uranium qui a fait baisser les prix. En fait, une partie du stock excédentaire accumulé existe encore. Toutefois, comme la production mondiale courante répond seulement à environ la moitié de la demande à l'échelle du globe, les stocks excédentaires sont en train de diminuer rapidement et on prévoit que la demande d'uranium connaîtra une augmentation modeste au cours des deux prochaines décennies. Le prix est par conséquent également susceptible d'augmenter quelque peu au cours de la prochaine décennie.

Les témoignages de diverses sources présentés devant la commission convenaient que l'augmentation prévue de la demande d'uranium au cours de la prochaine décennie allait contribuer à rendre l'industrie rentable et à générer des bénéfices considérables pour les gouvernements fédéral et provinciaux. Par exemple, un rapport conjoint de l'Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire et de l'Agence internationale de l'énergie atomique dit ce qui suit :

La consommation mondiale d'énergie électrique va continuer d'augmenter au cours des prochaines décennies afin de répondre aux besoins qui résulteront de l'augmentation de la population et de la croissance économique soutenue. Après le tournant du siècle, la demande d'électricité des pays en voie de développement augmentera vraisemblablement de deux à trois fois plus rapidement que celle des pays développés. On prévoit que la plupart des nouvelles installations nucléaires seront construites dans ces régions. De nombreux experts estiment qu'à l'échelle du globe, pour la période de 30 ans entre 1990 et 2020, la production d'électricité nucléaire (et les besoins correspondants en uranium) devrait connaître une croissance approximative de facteur deux. [URANIUM, 1993 Resources, Production and Demand», Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire, Agence internationale de l'énergie atomique, Paris, 1994, p. 14.]

La Province a effectué en outre des examens indépendants de chacun des projets qui, comme chacun des rapports en fait état, prédisent des mouvements de trésorerie positifs et un bon taux de rendement de l'investissement. Tout indique donc actuellement que l'industrie sera rentable.

6.3 Non-prolifération nucléaire

Bien que le gouvernement du Canada interdise l'utilisation de l'uranium canadien dans les dispositifs nucléaires explosifs, il permet la vente d'uranium à des acheteurs étrangers conformément à sa politique de fongibilité qui, pour toute quantité d'uranium canadien vendue, impose l'obligation de rendre compte d'une quantité équivalente employée dans des applications non nucléaires. Il n'existe toutefois pas de processus permettant de distinguer l'uranium canadien de l'uranium acquis d'autres sources; la politique de fongibilité ne permet donc pas de garantir au public que l'uranium canadien ne sera pas utilisé dans des armes atomiques.

L'une des propositions visant à combler cette lacune prévoyait des mesures relatives à l'application internationale du concept de fongibilité, coordonnée avec les gouvernements des autres pays producteurs d'uranium, c'est-à-dire une politique de fongibilité internationale cumulative.

Il faut également tenir compte de la question de la vente continue d'uranium canadien à des pays qui viennent de tester des armes nucléaires ou qui ont enfreint autrement l'esprit des ententes internationales ratifiées, comme le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires dont le Canada est signataire. Certains particuliers ont exprimé des réserves à l'égard du fait que des compagnies dans lesquelles les gouvernements de ces pays ont des intérêts participent à des activités continues d'exploitation de gisements d'uranium au Canada.

Un participant a proposé que le Canada réagisse à ces inquiétudes en révoquant le permis des compagnies appartenant à des gouvernements étrangers qui mettent à l'essai des armes nucléaires, ou en interdisant, pour une période de cinq ans, la vente d'uranium aux pays qui ont enfreint le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, [P. Prebble, Transcript of Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, le 14 juin 1996, p. 145.] ou les deux. De telles mesures pourraient inciter fortement les gouvernements à respecter les ententes internationales dont le Canada est signataire.

6.4 Effets génétiques du rayonnement ionisant

Le public craint entre autres choses que l'augmentation du rayonnement ionisant, particulièrement en raison du rayonnement alpha émis par les particules ingérées par les organismes, suscite des problèmes génétiques dans le biote. Sans l'avoir indiqué explicitement, on semble craindre que l'augmentation du rayonnement ionisant puisse accroître le taux de mutation et accumuler des mutations dommageables dans le biote jusqu'à ce que les organismes ne soient plus viables. Ceci n'est pas une préoccupation mineure. Toutefois, se fondant sur la connaissance des effets génétiques de la radiation et sur l'étude de la génétique des populations, les scientifiques ont conclu que le risque était peu élevé.

Premièrement, il est reconnu que l'augmentation des radiations ionisantes donne lieu à une augmentation des taux de mutation des organismes; [Cet effet a été observé pour la première fois il y a environ 70 ans au cours des expériences de H.J Muller, utilisant des rayons X sur des mouches à fruits, et par L.J. Stadler, utilisant des rayons X sur de l'orge. Il est ressorti subséquemment que cela constituait une réaction générale des organismes.] il faut toutefois des doses importantes de radiation pour provoquer un changement notable des taux de mutation. Par exemple, chez les souris, il a été estimé que chaque dose additionnelle de 10 mSv produirait environ 1,5 x 10-7mutations de chaque locus du gène. [A.P. Mange and E.J. Mange, Genetics: Human Aspects, 2 nd Edition, Sinauer Associates, Sutherland, Massachusetts, 1990, p. 265.] Il faudrait une dose d'environ 1000 mSv pour doubler le taux normal de mutation de cette espèce. Pour les êtres humains, il a été estimé qu'une dose de radiation de 500 à 2500 mSv serait nécessaire pour doubler le taux naturel de mutation. [Ibid.] D'autres organismes réagissent peut-être de façon plus ou moins sensible au rayonnement ionisant, mais ils ont tous besoin de doses élevées de radiation pour modifier leurs taux de mutation de façon notable.

Deuxièmement, les mutations des organismes provoquées par le rayonnement ionisant ne sont pas différentes des mutations spontanées naturelles. Si certaines peuvent être profitables, la plupart seront soit neutres (c'est-à-dire en apparence ni meilleures ni pires que le gène original), soit nocives. Les mutations nouvelles, qu'elles soient spontanées ou provoquées par des agents mutagènes comme le rayonnement ionisant, se produisent à une fréquence très basse variant de 1 en 100 000 à 1 en 100 000 000 par gène, par génération. Ainsi, même en comptant des milliers de gènes par cellule germinale, chaque génération nouvelle subira très peu de mutations. On estime que chaque être humain porte environ deux nouvelles mutations; [F.J. Ayala and J.W. Valentine, Evolving: The Theory and Process of Organic Evolution, The Benjamin/Cummins Publishing Company, Menlo Park, California, 1979, p. 93.] la plupart des organismes autres que les humains portent beaucoup moins de mutations nouvelles parce qu'ils ont moins de gènes.

L'accroissement du taux de mutation aurait étonnamment peu d'effet sur la structure génétique de la population, parce que chaque nouvelle variation produite par mutation dans chaque génération ne constitue qu'une fraction infime de la quantité totale de variations génétiques déjà présente dans la population. La plupart des organismes subissent des milliers de mutations résultant de leur accumulation dans la population au cours de milliers de génération et les êtres humains ne font pas exception. On estime en général que chaque nouvelle variation produite par mutation qui s'ajoute dans la population à chacune des générations représente moins d'un millième de la variation existante dans cette population. [Ibid, p. 94.] En outre, la plupart des mutations nouvelles ne survivent pas dans la population parce qu'elles sont éliminées par sélection ou de façon aléatoire. Les scientifiques ont donc conclu que la pression exercée par les mutations a peu d'effet sur la structure génétique des populations. Les changements qui se produisent ont tendance à se dérouler lentement.

On peut en conclure que les risques posés par les effets génétiques découlant des augmentation du rayonnement ionisant en raison de l'exploitation des gisements d'uranium sont vraisemblablement petits ou négligeables. Les taux de mutation spontanée naturelle sont de fréquences très basses et il faut des doses élevées de radiation pour les modifier considérablement. Pour augmenter les taux de mutation jusqu'aux niveaux où ils pourraient changer énormément la structure génétique des populations, de façon dommageable, il faudrait des doses si élevées de rayonnement ionisant qu'elles nous feraient craindre davantage les effets mortels directs de la radiation que leurs effets génétiques.

6.5 Processus d'examen des évaluations environnementales

Le mandat de la cette commission lui a été conféré conjointement par les gouvernements fédéral et provincial en 1991. Nous avons effectué de façon indépendante des examens publics des évaluations environnementales de sept projets différents d'exploitation de gisements d'uranium. Les examens publics ont donné lieu à des précédents qui méritent d'être commentés.

Cet examen constituait le premier examen d'évaluation environnementale entrepris conjointement par les gouvernements du Canada et de la Saskatchewan. En utilisant un processus qui tenait compte des changements qu'il fallait apporter aux règlements et aux lois des deux gouvernements, nous avons pu éviter le double emploi et réduire les coûts et le temps requis.

Le mandat de la commission était le premier à englober la considération des impacts cumulatifs régionaux résultant de l'exploitation de divers projets dans la même région géographique au cours de la même période. La commission a examiné l'exploitation minière de neuf corps minéralisés, la construction d'une usine de concentration, la conception de deux installations de gestion des résidus et l'élargissement de l'infrastructure connexe de transport. Comme l'examen a duré longtemps, les membres de la commission ont été en mesure d'acquérir une connaissance approfondie des aspects techniques des projets, tout en assimilant le climat économique et social de la région visée. Cela est un aspect important puisqu'aucune exploitation ne se produit de façon isolée, ni sur le plan physique de l'environnement, ni au niveau des conditions socio- économiques. Le fait d'examiner plusieurs projets en vertu du même mandat nous a permis de tenir compte des incidences environnementales et socio-économiques cumulatives de tous les projets d'exploitation.

L'un des autres avantages du regroupement des sept propositions dans un seul processus d'examen provenait du fait qu'il permettait d'examiner des options destinées à réduire l'incidence globale des projets d'exploitation en combinant certains aspects de leurs activités. Un exemple éloquent est la décision de broyer (à forfait) le minerai de diverses mines dans quelques installations seulement, réduisant ainsi le nombre d'usines de concentration et d'installations de gestion des résidus à construire et à déclasser.

Le fait que la présente commission d'examen ait été réunie pour plus de six ans a présenté certaines difficultés. Le problème logistique du maintien de la participation des membres de la commission pour la durée du mandat est apparu quand deux des membres de la commission ont démissionné avant que tous les examens n'aient été menés à terme. Pour tous les membres, les responsabilités de la commission s'ajoutaient à celles de leur principal emploi, et les exigences de temps étaient souvent difficiles, sinon impossibles, à faire concorder. Il faudra vraisemblablement tenir compte de cet aspect advenant la création d'une autre commission chargée d'examiner un certain nombre de projets.

Un autre problème important tient du fait que le processus d'évaluation environnementale, qui se veut un outil de planification, examine le concept de chaque projet d'exploitation afin d'éviter que des mesures irrévocables ne soient prises avant que les décisions aient été établies. Dans le cas d'un examen conceptuel, le promoteur du projet doit choisir un moment donné où il existe suffisamment d'information pour établir une étude d'impact environnemental et pour fonder ses prédictions sur la quantité de renseignements disponibles à ce moment-là. Cela rend le processus d'évaluation environnementale statique. La tâche devient particulièrement compliquée lorsque l'étude d'impact environnemental d'un projet est fondé sur de l'information concernant un autre projet déjà approuvé qui génère de l'information propre au site à des fins d'autorisation de permis. Cela a été le cas des examens des projets Midwest et Cigar Lake, où la nature statique de l'évaluation environnementale de leur projet d'installation de gestion des résidus entrait en conflit avec la nature dynamique du processus d'obtention de permis en cours pour la même installation, soit l'installation JEB. Advenant que des examens semblables soient entrepris à nouveau, il faudra envisager de près la nécessité de composer avec l'interaction possible de l'information conceptuelle d'un projet et les données propres au site d'un autre projet.

Tout au long de l'examen, la commission et le secrétariat ont été saisis de certaines critiques à l'égard du processus d'examen public de l'évaluation environnementale. Certains se plaignaient de la durée des examens, d'autres de la période de temps allouée afin de permettre au public d'évaluer les détails techniques complets des projets, tandis que d'autres n'étaient pas d'accord avec la portée du mandat de la commission. Comme tout autre processus législatif, l'évaluation environnementale essaie de répondre aux intérêts variés de tous les participants tout en réalisant ses objectifs. Nous sommes confortables avec l'équilibre établi par les processus des gouvernements du Canada et de la Saskatchewan et il ressort, en réponse aux critiques entendues, qu'il y aurait lieu d'examiner soigneusement les options offertes advenant la modification du processus.

Les projets sur lesquels nous nous sommes penchés étaient extrêmement techniques. Les deux gouvernements ont donc fourni de l'aide financière aux intervenants afin d'aider les membres du public à effectuer leurs examens des études d'impact environnemental. Nous reconnaissons les efforts accomplis et nous soulignons particulièrement la valeur des contributions du public visant à nous aider à formuler nos recommandations. La nature publique du processus d'évaluation environnementale est sa caractéristique la plus importante. Par-dessus tout, il faut la favoriser et la protéger.

Au cours des six années de l'examen, il a été mentionné à l'occasion que la commission n'était peut-être pas entièrement à l'abri d'une certaine interférence politique. [Voir, par exemple, M. Penna, Transcript of Supplementary Public Hearings for Midwest and Cigar Lake, La Ronge, Saskatchewan, le 27 août 1997, p. 149.] Certains participants ont allégué que des représentants des gouvernements fédéral et provincial pourraient avoir exercé des pressions auprès de la commission afin d'obtenir les recommandations qu'ils voulaient. Rien ne pourrait s'écarter davantage de la vérité. Les représentants des deux niveaux de gouvernement ont scrupuleusement évité de se mêler d'aucune façon des travaux de la commission. En fait, seuls les Évêques de la Saskatchewan ont essayé de corrompre le processus en utilisant leur influence pour faire de l'interférence politique dans les examens des évaluations environnementales. [Star Phoenix, Uranium hearings not working, bishops say, le 27 novembre 1996, p. 3.]

Le processus d'examen public de ces projets s'est déroulé indépendamment du gouvernement et de l'industrie. Toutes les activités d'examen ont été exécutées de la façon la plus transparente possible et le public était en mesure de consulter tous les documents. Nous avons essayé de tenir toutes les audiences de façon non judiciaire en permettant aux représentants du public, de l'industrie et du gouvernement de se faire entendre entièrement. Nos audiences ont été parmi les plus complètes jamais entreprises au Canada. Comme l'indiquent leurs réponses aux recommandations de la commission, le gouvernement du Canada et celui de la Saskatchewan ont examiné soigneusement nos rapports avant de prendre les décisions relatives aux projets visés. Nous sommes satisfaits de leurs réactions à l'égard de ce que nous avons accompli.