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Rapport de la commission d'examen

2.0 Questions environnementales

Les examens ont principalement porté sur l'environnement du nord de la Saskatchewan et sur sa préservation pour les générations futures.

Les mines sont situées dans une région du Canada encore largement inexploitée et non touchée par les impacts négatifs que le développement industriel suscite souvent dans un secteur géographique. Un tel environnement est souvent plus vulnérable et plus précieux que d'autres, qui ont déjà subi les contrecoups de l'exploitation industrielle. La préservation d'un environnement vierge est toujours préférable à la remise en état d'un milieu qu'on a laissé se détériorer.

Dès le début, l'importance de l'environnement pour les habitants du nord de la Saskatchewan a été clairement portée à notre attention dans le mémoire de Maureen Ahenakew :

La terre nous nourrit. Notre survie, notre vie dépend de la pureté et de la propreté de la terre. Dans mon esprit, cela est très clair, il n'y a pas de confusion possible; à mes yeux, on ne peut le dire plus directement qu'en affirmant que nous risquons la vie de tous en autorisant n'importe quel projet minier ou n'importe quelle forme de destruction de la terre. L'exploitation d'une mine d'uranium, c'est cela pour moi -- la destruction de la terre. En général, on en vient à penser que la destruction de la terre signifie des retombées économiques immédiates. Les retombées économiques ne nous apporteront rien de bon. L'argent ne nous apportera rien de bon si la vie disparaît. Il n'aura aucune valeur. Nous avons tous besoin d'eau et de nourriture, nous avons tous besoin de manger et de boire. Nous avons tous besoin d'air pour survivre -- chacun d'entre nous. Peu importe la couleur de notre peau ou l'endroit où nous vivons sur la planète, nous avons besoin de toutes ces choses pour survivre. Si la terre est empoisonnée, nous sommes empoisonnés. Nous le savons maintenant. [M. Ahenakew, Transcript of Public Hearings on the McArthur River Underground Exploration Program, Saskatoon, Saskatchewan, les 4 et 5 décembre 1992, p. 71.]

D'autres personnes, par exemple John James Mercredi, étaient moins convaincues des impacts négatifs de l'exploitation minière sur l'environnement du Nord :

Ce dont il est question ici, c'est de l'activité minière dans le nord de la Saskatchewan. Et certaines personnes ont affirmé que les mines détruisent l'environnement. J'aimerais voir certaines preuves de ce que ces personnes avancent parce que, comme je l'ai dit, j'ai moi-même travaillé dans les mines. Et pour ce qui touche la détérioration du territoire, de l'environnement et de l'habitat de la faune, j'aimerais qu'on me donne des preuves concrètes. J'ai besoin d'en savoir plus à ce sujet. J'ai besoin d'entendre les arguments des gens qui sont ici également. Vous pourriez dire que je vous mets en quelque sorte au défi de me montrer les changements à l'environnement qui d'après vous ont été causés par l'activité minière. Vous savez, je dois entendre ces choses des gens qui les ont vues. [J.J. Mercredi, Transcript of Puclic Hearings on the McClean Lake Project, Midwest Joint Venture Ltd., and Dominique-Janine Extension at Cluff Lake, Black Lake, Saskatchewan, le 13 avril 1993, pp. 103 - 104.]

D'autres encore appuyaient les projets miniers dans la mesure où ils seraient réalisés en collaboration avec les habitants du Nord et que ces derniers auraient la garantie qu'ils bénéficieraient de la majorité des emplois créés. Face aux promoteurs un soir à Black Lake, l'Aîné Louis Chicken a tenu les propos suivants :

Lorsque je parle de mon peuple aujourd'hui, je dois dire que nous sommes très pauvres. Je le sais. Et ce que je demande, ce sont des possibilités d'emploi pour les générations futures. Et quand nous parlons de ce genre de choses, j'ai toujours fait cette demande, et je crois bien que je la ferai toujours. Vous dites que vous créez des possibilités pour nous aujourd'hui. Bien, mais nous avons besoin de garanties. Parce que dans le passé, je ne pense pas que nous ayons eu des occasions comme celle-ci, où on nous donne des options. Et en ce moment, je pense que la direction que prennent les choses, avec les possibilités d'emplois que vous parlez de créer, est la bonne direction.

Parce qu'au moins aurons-nous la chance, comme on peut dire, d'améliorer nos conditions de vie, si nous pouvons avoir notre part des emplois que vous parlez de créer. Je crois que le fait de s'aider mutuellement et de se parler face à face est la bonne façon de procéder. Comme je l'ai déjà dit, je ne parle pas en mon propre nom. Je parle au nom des nombreux jeunes qui nous observent ici aujourd'hui. Lorsque les Aînés parlent, ils essaient de fournir la meilleure information possible aux gens qui les entourent.

Et comme j'ai toujours fait par le passé en tant que représentant de mon peuple, j'essaie d'aborder ces questions de front. J'essaie de discuter face à face avec les gens pour résoudre les problèmes. Et si vous pouviez conclure une entente qui ferait en sorte que les emplois promis soient garantis, nous serions dans la bonne voie. Merci. [Sénateur L. Chicken, Transcript of Public Hearings on the McClean Lake Project, Midwest Joint Venture Ltd., Dominique-Janine Extension at Cluff Lake, Black Lake, Saskatchewan, le 13 avril 1993, p. 145.]

Après avoir écouté attentivement, lu une foule de documents et débattu des questions en profondeur, nous avons conclu que la meilleure voie à suivre était de recommander l'approbation du projet minier à condition qu'on réduise au plus bas niveau possible les dommages pour l'environnement et qu'on prévoit un maximum d'avantages pour les habitants du Nord.

Nous savons que l'environnement peut se rétablir de la plupart des impacts immédiats de l'activité minière. Avec le temps, les secteurs perturbés par l'aménagement de mines et la construction de routes se régénèrent et redeviennent habitables pour les oiseaux, les animaux et les humains. Avec le temps, les lacs et les cours d'eau se débarrassent des contaminants qui proviennent des effluents des mines, pourvu que les limites réglementaires aient été observées. Avec le temps, les polluants atmosphériques se dispersent jusqu'à ce que leurs effets deviennent négligeables, comparativement aux niveaux naturels. Selon nous, ces impacts environnementaux peuvent être tolérés étant donné l'importance d'offrir aux habitants du Nord des possibilités de développement économique.

Il reste cependant des impacts à long terme qui sont associés à l'élimination des résidus et des déchets miniers que la nature pourrait être incapable d'absorber.

Nous sommes très préoccupés par le potentiel polluant à long terme du drainage minier acide. À ce que nous sachions, il n'y a pas de processus naturel qui permettrait d'atténuer cet impact dans le nord de la Saskatchewan. Si rien n'est fait à cet égard, le drainage minier acide pourrait détruire l'habitat et avoir un impact environnemental négatif indélébile.

Les installations de gestion des résidus miniers présentent des risques à long terme encore plus importants pour ce qui est de la contamination des eaux souterraines. Si les fosses d'élimination actuellement envisagées ne donnent pas les résultats escomptés et si nous ne prévoyons pas de mesures d'atténuation, nous pourrions nous retrouver avec un grave problème de pollution.

Ce sont ces deux menaces à long terme pour l'environnement, de même que les mesures de surveillance dont elles doivent faire l'objet, qui seront examinées dans le reste du présent chapitre. Il est essentiel que les générations futures ne se retrouvent pas aux prises avec des problèmes qui nécessiteront des interventions plus coûteuses que la valeur des avantages prévus dans le moment présent.

2.1 Élimination des stériles

Il est habituellement nécessaire d'enlever de larges volumes de morts-terrains pour avoir accès à un gisement de minerai. Ces morts-terrains, que les mineurs appellent les déchets rocheux ou les stériles, sont considérés comme étant propres s'ils ne contiennent pas de métaux lourds ou de minéraux solubles qui peuvent s'oxyder sous l'action de l'oxygène atmosphérique. Une partie de ces morts-terrains peut servir à la fabrication de granulat utilisé en construction, ce qui confère une certaine valeur aux résidus miniers. Malheureusement, on ne peut disposer de tous les résidus miniers propres d'une manière aussi avantageuse; une portion doit être déposée de façon permanente à la surface du sol. Ces amas de stériles, s'ils sont bien délimités et recouverts de végétation, modifient certes le paysage, mais causent peu de dommages à l'environnement, voire aucun. On trouve un bon exemple d'aménagement réussi des amas de stériles au site minier du lac Cluff, où on a eu recours à l'ensemencement hydraulique pour accélérer le reverdissement.

Les précipitations lessivent les contaminants facilement solubles des amas de stériles qui renferment du minerai à très basse teneur (parfois appelé résidus spéciaux). Dans les mines d'uranium de la Saskatchewan, les principaux contaminants sont les radionucléides provenant de l'uranium et les métaux lourds (notamment l'arsenic et le nickel et, dans une moindre mesure, le cuivre, le zinc, le cadmium, le molybdène et le fer). Si les stériles contiennent également des minéraux sulfurés, leur exposition à l'oxygène et à l'eau provoque la formation d'acides qui accélèrent la libération des métaux lourds et des radionucléides des amas de stériles. [L.M. Broughton, R.W. Chambers et A.MacG. Robertson, Mine Rock Guidelines, Design and Control of Drainage Water Quality, Saskatchewan Environment and Public Safety, avril 1992, chapitre 3.] Le drainage minier acide a pour effet de polluer le bassin hydrographique entourant immédiatement le site des amas de stériles et les cours d'eau en concentrations décroissantes vers l'aval. C'est pourquoi les résidus qui renferment des minéraux ne peuvent être déposés en surface à l'air libre; il faut plutôt en disposer de manière à éliminer ou à réduire considérablement leur exposition à l'oxygène atmosphérique. Des études ont montré que les deux meilleures façons d'empêcher l'oxydation sont, soit d'enfouir les résidus dans un sol adéquat, soit de les submerger dans l'eau. [Ibidem, chapitre 6.]

La recherche effectuée en vue de comprendre comment se libèrent les contaminants des stériles et de déterminer les mesures à prendre pour atténuer le problème a passablement progressé. Les propriétaires des mines d'uranium de la Saskatchewan ont contribué au Programme de neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier (NEDEM) en parrainant des ateliers sur la mise au point de techniques de submersion des résidus. Cette participation à la recherche de solutions novatrices au problème de l'élimination des stériles fait état de l'intérêt marqué manifesté par les divers promoteurs à cet égard. Il faut également souligner les efforts qu'ils ont déployés afin de remettre les plus grandes quantités possibles de stériles soit sous terre, soit dans des fouilles ouvertes.

Les méthodes proposées pour le traitement des stériles aux projets Midwest et Cigar Lake fournissent des exemples des difficultés majeures auxquelles on peut être confronté. Dans le cas du projet Midwest, Cogema Resources Inc. a proposé qu'une quantité de stériles inertes, environ 110 000 tonnes, soit abandonnée sur un site adjacent à la mine souterraine, sur la rive ouest du bras Mink. [The Midwest Project Environmental Impact Statement, Main Document, Cogema Resources Inc., août 1995, pp. 2-47.] L'amas de stériles formerait un nouvel élément topographique le long du bras Mink, qui pourrait modifier le tracé du réseau hydrographique. Un tel impact serait acceptable si ce n'était de la possibilité que la séparation imparfaite des résidus propres et des déchets spéciaux ne donne lieu à un drainage acide minier dans le bras Mink. En général, on doute de la capacité des promoteurs de séparer adéquatement les résidus propres des déchets rocheux potentiellement acidifiants.

La classification des résidus comme étant propres ou spéciaux dépend des résultats des travaux de forage initiaux et des tests de laboratoire effectués par la suite sur les échantillons ainsi prélevés. [The McArthur River Project Environmental Impact Statement, Addendum, Cameco Corporation, juin 1996, p. 2.1.13.] Bien que les entreprises minières disent avoir confiance en ce processus, le fait qu'il n'y ait aucun moyen d'évaluer le potentiel acidifiant des stériles transportés dans chaque camion qui quitte la mine continue de préoccuper un certain nombre de citoyens. À notre avis, il est nécessaire de disposer de méthodes plus précises qui permettront de faire la distinction entre les deux types de résidus à mesure que l'excavation se poursuivra. La recherche visant à mettre au point de telles méthodes pourrait se révéler un bon investissement.

Au lac Cigar, les promoteurs ont été confrontés à un problème différent. À ce site, seulement une très faible proportion des stérile est propre; il faut donc trouver un moyen de se débarrasser de manière sûre des 2,6 millions de tonnes (1,35 million de mètres cubes) [The Cigar Lake Project Environmental Impact Statement, Main Document, Cigar Lake Mining Corporation, juillet 1995, p. 3-99 et tableau 3.6.31.] de roche potentiellement acidifiante. Pour ce faire, le promoteur a proposé de stocker les résidus sous l'eau, d'abord au lac Bizarre, puis au lac 497 lorsqu'on a découvert que le lac Bizarre constituait un habitat important pour le poisson. Or, un représentant du ministère des Pêches et des Océans a fait la mise en garde suivante concernant cette proposition : Le fait d'approuver le dépôt de stériles potentiellement acidifiants dans un lac abritant des poissons constituerait un précédent dans le nord de la Saskatchewan». [B. Fallis, Transcript of Public Hearings for the McArthur River and Cigar Lake Projects, Saskatoon, Saskatchewan, le 18 septembre 1996, p. 148.] Par ailleurs, Environnement Canada a recommandé qu'on envisage la possibilité d'enfouir les résidus dans l'une des mines désaffectées du site avoisinant du lac McClean. [Environnement Canada, Technical Position on the Cigar Lake Uranium Project, septembre 1996, p. 11.]

Les deux solutions, submersion et enfouissement, comportent des éléments d'incertitude qui pourraient se traduire par des dommages environnementaux. On pense que le dépôt des résidus dans le lac 497 n'entraînerait pas une détérioration inacceptable de l'habitat du poisson; toutefois, il est possible que des conditions futures, imprévisibles pour le moment, entraînent une baisse du niveau de l'eau, ce qui aurait pour effet d'exposer les résidus à l'oxygène atmosphérique. Par ailleurs, l'excavation des mines du lac McClean n'est pas encore terminée et l'hydrogéologie du secteur les rend inadéquates à des fins de stockage de résidus miniers. Qui plus est, on prévoit que les puits de mines Sue ne seront pas entièrement excavés au moment où l'exploitation de la mine du lac Cigar débutera, ce qui signifie qu'il faudra déposer les stériles en surface, où ils seraient en contact avec l'oxygène atmosphérique durant plusieurs années. Au moment où l'élimination des déchets pourrait commencer, le processus d'acidification serait déjà bien amorcé dans l'amas de stériles.

Comme on peut le constater grâce à ces exemples, on ne peut adopter aucune des solutions d'élimination des résidus avec l'assurance totale que les impacts futurs de l'option choisie seront acceptables. Notons toutefois qu'en principe, nous ne favorisons pas l'utilisation de lacs comme décharges si d'autres solutions sont envisageables. D'un point de vue écologique, la transformation d'un lac en dépotoir semble incompatible avec les principes de la protection de l'environnement, surtout s'il existe des mines désaffectées dans les environs. Nous sommes donc généralement d'accord avec la position énoncée par Environnement Canada :

Il semble que l'enfouissement sous terre de tous les stériles, déchets spéciaux et résidus miniers puisse permettre d'atténuer tous les problèmes environnementaux à long terme que pourraient causer les amas de stériles et les puits inondés. Cette méthode est la solution que privilégie Environnement Canada pour l'élimination de tous les résidus solides produits par les nouvelles mines de la Saskatchewan. [Environnement Canada, Technical Evaluation of the Environmental Impact Statement, Midwest Uranium Project, août 1995, p. 20.]

Idéalement, les puits de mines utilisés comme lieux d'enfouissement des déchets doivent être entièrement remplis, puis recouverts de plusieurs mètres de résidus propres et de moraine afin d'éviter la formation d'étangs d'eau à la surface. Avec le temps, les contaminants présents dans les déchets peuvent en effet se diffuser vers le haut dans ces étangs et poser des risques pour la santé des personnes ou des animaux qui boiraient cette eau.

2.2 Installations de concentration et de traitement des résidus

2.2.1 Le processus de concentration

La concentration du minerai extrait des mines d'uranium est un processus bien connu et largement utilisé. La chimie du processus est quelque peu complexe [The Cigar Lake Project Environmental Impact Statement, Response to Request for Additional Information on the Cigar Lake Project, Cigar Lake Mining Corporation, mars 1996, p. 4 - 1.], mais notons tout de même les principales opérations :

  • broyage du minerai extrait afin d'exposer les minéraux d'uranium à l'action des réactifs chimiques;
  • oxydation de tout l'uranium présent pour l'obtention du dioxouranium(VI), UO2++;
  • extraction de l'uranium et séparation de l'uranium des autres métaux présents dans le minerai;
  • précipitation de l'uranium en diuranate d'ammonium (NH4)2U2O7ou en sulfate d'uranyl basique (UO2)2SO4(OH)2;
  • grillage du précipité pour l'obtention du yellowcake, U3O8;
  • neutralisation des résidus;
  • dépôt des résidus à l'installation de traitement des résidus.

Dans le cas de certains minerais, d'autres métaux tels le nickel, le cobalt ou le molybdène sont également extraits au cours de procédés distincts.

Ces procédés sont utilisés avec succès depuis de nombreuses années, mais il est évident qu'il est toujours possible de les améliorer. Par exemple, lorsque le gouvernement de la Saskatchewan a demandé à Cogema Resources Inc. d'effectuer des recherches afin de trouver des moyens de réduire les quantités de produits chimiques utilisés pour le traitement du minerai comme condition de l'approbation de l'usine du lac McClean, [The Government's Position on Proposed Uranium Mining Developments in Northern Saskatchewan, Province de la Saskatchewan, décembre 1993.] on a constaté qu'il a été possible d'apporter des changements qui ont entraîné une réduction de 28 % du volume des stériles produits. [The Midwest Project Environmental Impact Statement, Main Document, Cogema Resources Inc., août 1995, p. 3-4.] Il y a donc peu de doutes qu'un programme de recherche soutenu permettrait de rendre le processus de traitement encore plus efficace en ce qui a trait à la quantité de produits chimiques requis et à la toxicité des stériles. Étant donné les vastes réserves d'uranium déjà repérées dans le nord de la Saskatchewan et les possibilités de découverte de gisements additionnels, tout indique que l'exploitation des mines d'uranium se poursuivra pendant encore plusieurs décennies et qu'un programme de recherche appliquée constituerait un excellent investissement. Par conséquent, nous recommandons que la province, en collaboration avec l'industrie, prenne des mesures afin de favoriser la mise en place d'un programme de recherche continu visant à améliorer le processus de broyage du minerai.

2.2.2 Les effluents liquides

Les opérations de concentration produisent des eaux usées contaminées qui doivent être traitées avant d'être rejetées dans l'environnement. Les autres effluents liquides qu'il faut également décontaminer sont les eaux d'exhaure et les eaux interstitielles extraites des stériles. Le processus de traitement vise principalement à réduire la concentration de radionucléides et de métaux lourds toxiques dans les effluents, par l'addition de réactifs qui forment des précipités avec les ions métalliques. Par exemple, on élimine le radium en ajoutant du chlorure de baryum afin de produire deux précipités, soit le sulfate de baryum et le sulfate de radium. Ce procédé diminue les concentrations de radionucléides du radium et d'autres métaux lourds, mais provoque une augmentation de la concentration des sels solubles (principalement les chlorures et les sulfates) dans la solution.

Le traitement des effluents liquides représente donc une situation conflictuelle en matière environnementale, qui implique que l'atténuation d'un problème (l'élimination des métaux lourds et des radionucléides) en crée ou en accentue un autre (accroissement de la salinité). L'impact environnemental d'une augmentation de la salinité est jugé acceptable pour deux raisons : une salinité accrue est moins néfaste que des concentrations élevées de radionucléides et de métaux lourds, et le changement de salinité dans les eaux réceptrices n'est pas permanent. Après la désaffectation de la mine, une fois le traitement des effluents terminé, la concentration saline diminuera jusqu'à atteindre les niveaux naturels et tous les organismes qui avaient été éliminés en raison de ce changement de salinité pourront revenir et reconstituer leur population dans le milieu.

Les procédés de précipitation réduisent les concentrations de radionucléides et de métaux lourds, mais ne permettent pas de les éliminer totalement des effluents. Par conséquent, l'apport total de ces contaminants dans l'environnement peut demeurer considérable si des volumes d'effluents importants sont rejetés. Même si les teneurs en radionucléides et en métaux sont très faibles, un fort volume d'effluents suppose que des quantités étonnamment élevées de ces éléments pénètrent dans l'environnement. Par exemple, le ministère des Pêches et des Océans du Canada a calculé que le projet du lac McClean entraînerait le rejet de 103 230 kg d'uranium dans les effluents produits. [Position and Technical Review of the Response to the Uranium Mines Review Panel Request for Additional Information concerning the Complementary McClean Lake and Midwest Projects, McClean Lake Project, ministère des Pêches et Océans, Région du Centre et de l'Arctique, mémoire à la commission, mars 1993.]

La propagation des radionucléides et des métaux peut être limitée s'ils sont absorbés par les sédiments et les particules en suspension. Les contaminants se propageront moins si les effluents sont déversés dans un marais ou un lac dont l'eau est en contact avec des sédiments organiques durant une longue période que s'ils sont rejetés dans une rivière ou un lac ayant un fort taux de renouvellement.

Les deux problèmes posés par les effluents liquides sont antagonistes; une atténuation de l'un (salinité) suscite une accentuation de l'autre (apport total de radionucléides et de métaux lourds dans l'environnement). De plus, les moyens utilisés pour résoudre l'un ou l'autre de ces problèmes sont incompatibles. Dans le premier cas, les effluents doivent être dilués le plus rapidement possible afin que les sels soient évacués du système, alors que dans le deuxième, on vise à confiner les effluents le plus longtemps possible de sorte que les contaminants puissent être absorbés lors de la solution.

Il existe cependant une solution applicable aux deux problèmes : la réduction du volume des effluents grâce à une diminution du débit entrant et au recyclage de la plus grande quantité possible de l'eau utilisée pour les opérations de broyage. Il y aurait une deuxième solution compatible aux deux situations exposées, soit extraire des eaux usées les radionucléides et les métaux par d'autres procédés, comme l'absorption par des particules organiques ou les colonnes échangeuses d'ions. Ces deux options méritent de faire l'objet d'études plus poussées.

Nous voulons ici réitérer les trois recommandations énoncées précédemment en ce qui concerne les rejets d'effluents liquides. D'abord, il faudrait mettre sur pied un programme de recherche visant à trouver des moyens novateurs de réduire le volume des effluents et la quantité de produits chimiques utilisés pour traiter les eaux usées. Le but visé devrait être la conception d'une usine de traitement ne produisant aucun effluent et de méthodes d'exploitation minière donnant lieu à des quantités infimes d'effluents liquides.

Deuxièmement, il faudrait adopter des normes de qualité de l'eau de surface qui seraient propres à la région de l'Athabasca, plutôt que des normes s'appliquant à l'ensemble de la Saskatchewan. Les Objectifs de qualité des eaux de surface de la Saskatchewan, applicables au sud de la province où l'on retrouve souvent de fortes concentrations de matières totales dissoutes (MTD), ne conviennent pas toujours à la région de l'Athabasca. En outre, les nouvelles normes devraient englober des critères de qualité de l'eau pour l'uranium dans le biote aquatique ainsi que pour tout ion ou élément important, dont on ne tient pas compte actuellement.

Troisièmement, l'apport total dans l'environnement devrait être précisé pour tous les contaminants. Les propriétaires de chaque mine devraient être tenus d'établir un bilan matières pour tous les contaminants présents dans les effluents produits. Grâce à leurs programmes de surveillance, ils devraient être en mesure de déterminer le degré de propagation des contaminants dans le bassin hydrographique. En outre, le Saskatchewan Environment and Resource Management devrait tenir un registre cumulatif à partir des rapports fournis par les entreprises minières. La propagation des contaminants à l'échelle régionale serait surveillée par le Groupe de Travail sur les effets cumulatifs (voir section 2.4). Il est essentiel d'acquérir une meilleure connaissance de la façon dont ces contaminants se répandent dans l'environnement.

2.2.3 Les résidus

La composition des résidus produits par le processus de concentration du minerai d'uranium est déterminée par les produits chimiques qui sont ajoutés pour leur traitement et par la minéralogie du minerai. Par exemple, si le minerai contient une forte concentration d'arsenic ou d'un autre métal toxique, les résidus renfermeront également de grandes quantités de ce même métal. De plus, les métaux présents dans les résidus seront chimiquement plus solubles, et par conséquent plus mobiles, qu'ils ne l'étaient dans le corps minéralisé. Cela s'explique par le fait que les constituants d'un minerai intact ont atteint un état d'équilibre dans lequel les métaux se sont combinés à d'autres éléments pour former des minéraux insolubles; toutefois, le processus de concentration, qui implique la fragmentation du minerai et l'oxydation des minéraux exposés, permet d'obtenir des éléments métalliques sous une forme plus soluble.

Bon nombre des métaux lourds dont on rompt l'état d'équilibre par divers procédés sont toxiques et parfois radioactifs. Il est donc primordial de veiller à ce qu'ils ne soient pas rejetés dans l'environnement, où ils pourraient lourdement contaminer les eaux de surface ou les nappes phréatiques. Comme leur retour à l'état d'équilibre, où ils sont insolubles et donc immobiles, ne se fera que sur une très longue période, il est nécessaire d'adopter des mesures de confinement qui dureront indéfiniment.

Comme il faut assurer un confinement à perpétuité, on peut présumer que le recours à des structures artificielles ne constituera probablement pas une solution satisfaisante. Les tentatives en vue de contenir les résidus derrière des barrages artificiels, par exemple, pourraient causer des problèmes environnementaux pour les générations à venir si ces barrages ne résistent pas à l'épreuve du temps. Comme il existe très peu de structures construites par l'homme dont la durée utile a dépassé la période de temps requise pour le confinement adéquat des résidus, il semblerait plus logique de faire appel aux barrières naturelles, qui ne se modifient qu'à l'échelle des temps géologiques. C'est d'ailleurs pour cette raison que dans les installations de gestion de résidus dont on a planifié la mise en oeuvre récemment (lac Rabbit, lac Key et lac McClean), on a utilisé des mines désaffectées, où les barrières physiques sont des formations rocheuses en place depuis des millions d'années. [Opportunity North, Northern Mines Monitoring Secretariat Supplement, vol. 4, n o3, 1997.]

Le stockage souterrain des résidus avec un recouvrement adéquat élimine à court terme la possibilité d'un contact avec le biote à la surface de la terre. L'éventualité d'une contamination à long terme par migration des métaux toxiques ou radioactifs dans la nappe phréatique demeure cependant le véritable problème. Les responsables de tous les puits de stockage de résidus existants ou projetés ont effectué des études de modélisation qui montrent que, dans la plupart des cas, les résidus s'amalgament pour former un bouchon étanche et que la migration des contaminants se fait très lentement. Nous espérons sincèrement que ces exercices de modélisation s'avéreront assez exacts, mais l'expérience nous a enseigné qu'il est imprudent de confondre les études de modélisation avec la réalité. Nous avons donc recommandé que l'on surveille attentivement le rendement de ces installations afin de vérifier si la consolidation se produit et que la vitesse de migration des contaminants se situe en deçà des limites acceptables. En outre, il importe de définir, avant de commencer le stockage des résidus, des mesures d'atténuation réalistes pour remédier à tout problème éventuel du système.

Compte tenu de notre connaissance actuelle des installations de gestion des résidus, nous avons conclu que le stockage souterrain est préférable au dépôt à la surface du sol et qu'il faudrait, chaque fois que cela se révélera possible, prendre les mesures nécessaire pour enfouir les résidus qu'on a par le passé laissés en surface. Nous approuvons également la pratique actuelle selon laquelle plusieurs mines font un usage commun d'une seule usine de traitement et d'une seule installation de stockage des résidus. La complexité de la surveillance et de l'entretien à long terme de ces installations sera directement proportionnelle au nombre de sites existants. Il faudra choisir ces sites de stockage souterrain avec le plus grand soin; il est habituellement préférable d'attendre qu'une mine ait été complètement excavée et qu'on ait étudié tous les aspects de la géologie et de l'hydrogéologie des formations environnantes avant de l'utiliser comme site de stockage.

Notre recommandation la plus pressante concernant les installations de gestion des résidus est celle-ci : que ces installations soient l'objet d'une surveillance stricte dès le tout début de leur utilisation et qu'un programme de vérification de durée indéfinie soit établi pour tous les sites de stockage des résidus du nord de la Saskatchewan. Étant donné que la technique de confinement dans des puits de mine ne pourra être considérée totalement fiable tant qu'on n'aura pas prouvé qu'il y a effectivement consolidation des résidus et que la vitesse de migration des contaminants est faible, il ne sera sans doute pas possible d'évaluer de manière satisfaisante le rendement de ces installations, avant plusieurs décennies. D'ici là, les propriétaires de mines devraient assumer les coûts de toute mesure d'atténuation qui pourrait être requise. Par la suite, le gouvernement provincial pourrait prendre en charge les activités de surveillance et d'atténuation des impacts, si cela se révèle nécessaire.

C'est pour cette raison que la commission a recommandé la création d'un fonds d'urgence qui permettrait de couvrir les frais courants de la surveillance à long terme (et des mesures d'atténuation requises, le cas échéant), une fois que la responsabilité des sites sera confiée à la province. [D.G. Lee, J.F. Archibald et R. Neal, Projet de mine d'uranium de McArthur River, Approvisionnements et Services Canada, février 1997, p. 57.] La constitution d'un fonds financé par l'ensemble de l'industrie offrirait une meilleure protection financière aux générations futures et serait moins coûteuse, en bout de ligne, que la création de fonds individuels pour chacun des sites. On pourrait également désigner un seul organisme responsable de la gestion du fonds et de la supervision des travaux d'entretien, des activités de surveillance et des mesures d'atténuation à toutes les mines d'uranium et aux usines de traitement désaffectées. L'organisme responsable devrait installer ses bureaux dans le nord de la Saskatchewan et employer en majorité des habitants de la région.

2.3 Désaffectation des mines

La Saskatchewan est un important producteur d'uranium depuis 1953. Durant les vingt premières années, la production minière se concentrait sur la rive nord du lac Athabasca, dans le secteur d'Uranium City; trois usines (Gunnar, Lorado et Eldorado) étaient exploitées dans cette région. Vers le milieu des années 1970, l'exploitation des mines d'uranium s'est déplacée plus au sud, dans le bassin de l'Athabasca, aux sites toujours actifs des lacs Cluff, Key et Rabbit. Plus récemment, de nouveaux projets miniers ont été approuvés à la rivière McArthur et au lac McClean.

À ce jour, aucune mine d'uranium du nord de la Saskatchewan n'a encore été complètement désaffectée. Bien que des travaux initiaux en ce sens aient été amorcés à la mine Eldorado au début des années 1980, les activités de déclassement se poursuivent toujours dans le but d'atténuer les préoccupations que suscite la question de la gestion des résidus. L'histoire de la mine Eldorado explique pourquoi son déclassement s'étend sur une si longue période : la mine est entrée en activité au milieu des années 1950, à une époque où on se souciait peu, principalement par ignorance, de la conception de sites de traitement des résidus qui assureraient la protection de l'environnement ou le confinement à long terme des contaminants.

Les deux autres exploitations minières situées sur la rive nord du lac Athabasca, Gunnar et Lorado, appartenaient à des intérêts privés; il n'y donc pas eu de déclassement ni de remise en état des terrains lorsque les propriétaires ont mis fin aux opérations au milieu des années 1960. Par conséquent, chaque site continue de rejeter diverses quantités de contaminants dans l'environnement. En outre, tous les bâtiments de la mine Gunnar ont été laissés tels quels et se sont détériorés au point de constituer eux aussi des dangers publics.

L'une des questions fréquemment soulevées durant les audiences publiques, surtout par les habitants du Nord, concernait la capacité ou la volonté des propriétaires de voir au déclassement réussi des mines existantes et de toute nouvelle mine qui pourrait être approuvée. À ce jour, ni l'industrie ni le gouvernement n'a démontré un engagement ferme envers le déclassement adéquat des mines d'uranium abandonnées.

Au cours des quatre dernières années, les gouvernements du Canada et de la Saskatchewan ont autorisé un accroissement de la production d'uranium, ce qui procurera à l'un et l'autre des avantages considérables. Il serait par conséquent fort opportun pour les gouvernements fédéral et provincial de s'attaquer à l'épineuse question de l'héritage environnemental des mines d'uranium, en unissant leurs efforts pour assurer le déclassement total de toutes les mines d'uranium abandonnées et des sites de stockage des résidus en Saskatchewan.

2.3.1 Garanties financières

Durant les audiences tenues en 1993, le public a clairement fait entendre qu'il incombait aux entreprises minières, et non au gouvernement ou aux contribuables, d'assumer les coûts de la fermeture définitive des mines. Cette position ferme du public sur le sujet résulte de la façon dont les propriétaires des mines situées près d'Uranium City ont abandonné les sites une fois qu'ils n'étaient plus profitables, laissant à l'État le fardeau financier du déclassement et de la remise en état des terrains.

Dans notre rapport d'octobre 1993, nous avons recommandé qu'avant approbation d'un projet, une garantie financière soit obtenue du promoteur en vue de couvrir les frais de désaffectation et post-désaffectation» . [D.G. Lee, J.F. Archibald, J. Dantouze, R. Neal et A. Yassi, Dominique-Janine Extension, McClean Lake Project et Midwest Joint Venture, Approvisionnements et Services Canada, octobre 1993, p. 17.] En 1996, au cours des audiences tenues pour un projet subséquent, nous avons appris que l'obligation de fournir une telle garantie avait force de loi en Saskatchewan depuis le 5 mars 1996, à la suite de modifications apportées au Mineral Industry Environmental Protection Regulations, et que la Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCEA) avait atteint le même objectif en modifiant le Règlement sur les mines d'uranium et de thorium.

Ces modifications qui ont été apportées aux règlements fédéral et provincial sur le déclassement des mines d'uranium assurent une mesure de protection des contribuables.

2.3.2 Fonds d'urgence de l'exploitation de l'uranium

Tout au long des audiences publiques portant sur les sept projets présentés, les intervenants ont insisté sur le fait que les mines et les lieux de stockage des résidus devront faire l'objet d'une surveillance qui se poursuivra longtemps après l'arrêt de l'exploitation, en raison de la toxicité de bon nombre des contaminants en cause. Nous sommes d'accord avec eux. Nous croyons que la création d'un fonds exclusif et autonome serait la meilleure façon de financer les activités de surveillance qui suivront la désaffectation et les coûts de toute mesure d'atténuation qui pourrait être requise.

Nous avons recommandé la création de ce fonds pour la première fois dans le rapport traitant du Projet de McArthur River, soulignant que l'installation de gestion des résidus de Deilmann, en particulier, nécessiterait la mise en place d'un programme de surveillance et de mesures d'atténuation éventuelles.

Le gouvernement de la Saskatchewan a répondu ainsi à cette recommandation :

Reconnaissant sa responsabilité à l'égard de la gestion à long terme du site, la province est en train d'examiner les options possibles, y compris la création d'un fonds d'urgence, comme l'a proposé la commission, pour la mise en oeuvre d'un programme de surveillance et le financement des mesures d'atténuation éventuelles. [The Government's Position on Proposed Uranium Developments in Northern Saskatchewan, McArthur River Project, gouvernement de la Saskatchewan, mai 1997, p. 21.]

La recommandation visant la constitution d'un fonds d'urgence, répétée dans les rapports sur les projets Midwest et Cigar Lake, est aussi reprise ici. Il serait préférable d'établir ce fonds pour répondre à l'ensemble des préoccupations concernant les coûts de la désaffectation plutôt que pour chaque projet de mine d'uranium. Nous invitons le gouvernement à mettre sur pied le Fonds d'urgence de l'exploitation des mines d'uranium le plus tôt possible.

2.3.3 Recherche continue

Les règlements sur les mines adoptés par les gouvernements fédéral et provincial exigent du promoteur qu'il dresse un plan de désaffectation conceptuel propre à chaque site exploité. Ce plan, qui décrit notamment les activités de désaffectation et les coûts prévus à cet égard, doit être soumis, examiné et approuvé avant qu'on n'accorde l'autorisation d'exploiter la mine. Les plans conceptuels sont jugés acceptables si les sites peuvent être désaffectés à l'aide des techniques existantes.

Les promoteurs et les législateurs ne doivent pas faire preuve de complaisance à l'égard des techniques existantes; il faut poursuivre les efforts de recherche, dans le but précis de faire progresser les méthodes de désaffectation, de manière à réduire au minimum les incidences environnementales causées par l'activité minière. Il est impératif de tout faire pour rétablir les secteurs perturbés dans les conditions les plus similaires possibles à celles qui prévalaient avant l'exploitation et de voir à la stabilité physique et chimique à long terme des sites.

2.3.4 Participation locale

Durant les audiences publiques, il est apparu évident que les citoyens, et en particulier les habitants du Nord, désirent que les collectivités de la région soient consultées au sujet des plans de désaffectation initiaux et finaux. Comme ce seront leurs descendants qui devront vivre à proximité des mines désaffectées, il est important que ces citoyens prennent part non seulement à l'élaboration des plans, mais aussi à la mise en oeuvre des activités de désaffectation, de remise en état et de surveillance subséquente. Les comités de la qualité de l'environnement représentent à cet effet un outil idéal pour la consultation des collectivités touchées.

2.4 Mesures de surveillance et d'atténuation

L'engagement des promoteurs à surveiller les concentrations de contaminants dans les composantes non biotiques de l'air, de l'eau, du sol et des sédiments contraste fortement avec leur apparente réticence à surveiller les effets biologiques. Ils reconnaissent en effet la pertinence de mesurer les rejets de contaminants et leurs concentrations dans certains organismes tels que les poissons; ils refusent toutefois de tenir compte des effets de ces contaminants sur le biote des secteurs voisins des mines. Par exemple, dans sa réponse au rapport sur le projet de la rivière McArthur, le promoteur s'est opposé à la surveillance des effets biologiques en donnant comme argument que l'évaluation des risques effectuée par Cameco Corporation avait permis de conclure que le projet aurait peu d'incidences sur les organismes. [Cameco Corporation, McArthur River Project, Response to the Report of the Joint Federal-Provincial Panel, avril 1997, p. 19.] La position de Cameco était intenable; la commission a d'ailleurs abordé directement dans son rapport les limites d'une évaluation d'impact se fondant uniquement sur une évaluation des risques. [D.G. Lee, J.F. Archibald et R. Neal, Projet de mine d'uranium de McArthur River, Approvisionnements et Services Canada, février 1997, p. 42.] Prenons une situation analogue, soit l'analyse des risques que pose le rayonnement pour la santé des travailleurs de la mine et de l'usine de concentration. Cameco a conclu que le risque d'exposition était très faible, mais elle n'a pas fait valoir, conséquemment, qu'il était inutile de surveiller la santé de ces travailleurs.

Nous avons recommandé d'étendre à tous les sites miniers la surveillance des effets biologiques, de façon à englober toutes les composantes valorisées de l'écosystème pour lesquelles on doit évaluer les effets cumulatifs à des emplacements plus éloignés. De plus, nous proposons d'élargir le groupe technique chargé de fournir des conseils au sujet des protocoles de surveillance, de sorte qu'il compte des experts compétents des universités et des organismes gouvernementaux. Il est suggéré que ce groupe technique tienne à intervalles réguliers des ateliers ouverts au public et aux comités de la qualité de l'environnement, au cours desquels il examinerait et commenterait les efforts de surveillance des effets biologiques associés aux mines d'uranium. Ces recommandations ont été appuyées par bon nombre d'habitants du Nord, y compris des représentants des comités de la qualité de l'environnement.

Tout au long du processus d'audiences publiques, l'une des plus grandes inquiétudes des citoyens était liée au fait que les mines d'uranium puissent polluer irrémédiablement l'eau et le biote des environs des exploitations minières. Les gens ne sont pas rassurés par les analyses de risque et les études de modélisation qui semblent indiquer que leurs craintes sont sans fondements; ils exigent que les entreprises minières démontrent que les contaminants seront contenus de manière satisfaisante et qu'ils ne causeront pas de dommages aux écosystèmes de la région. On ne pourra répondre à ces attentes qu'en élaborant des programmes de surveillance conçus avec soin et mis en oeuvre avec la participation des collectivités locales.

En réponse à la recommandation faite en 1993 par la commission, le Saskatchewan Environment and Resources Management et la Commission de contrôle de l'énergie atomique ont mis sur pied en 1994 un programme de surveillance des effets cumulatifs dans le but de déterminer les impacts régionaux des mines d'uranium sur l'environnement. Nous sommes réconfortés par cette initiative et nous remarquons que les deux partenaires ont formé un groupe de travail sur la surveillance des effets cumulatifs. Ce groupe a permis à un large éventail de spécialistes d'exprimer leur point de vue et, par la suite, a encouragé les habitants de la région à contribuer au prélèvement d'échantillons du biote. Nous encouragerons tout nouvel effort en vue d'associer les habitants du Nord au programme de surveillance et aux résultats obtenus.

Par ailleurs, nous recommandons de procéder à un prélèvement complet de carottes de sédiments à certains endroits clés (p. ex. aux décharges du lac Wollaston dans les réseaux des rivières Fond du Lac et Cochrane) afin d'obtenir des données historiques sur le flux des contaminants dans la région. Ces prélèvements permettraient éventuellement d'évaluer avec précision la propagation régionale des contaminants provenant des mines.

Nous recommandons également une surveillance perpétuelle des installations de stockage des résidus (section 2.2.3) et des déchets miniers potentiellement acidifiants.

Le choix du terme «perpétuel» par la commission a fait l'objet de débats durant les audiences publiques; il importe que la commission précise sa pensée à ce sujet. Il faut tenir compte de deux facteurs au moment de déterminer la période de temps requise pour la surveillance. D'abord, le confinement des contaminants dépendra de l'intégrité structurelle des solutions techniques qui devront durer des dizaines de milliers d'années, soit beaucoup plus longtemps que la totalité de l'histoire de l'humanité. Lorsque les résidus sont déposés dans des puits de mine désaffectés, il est plus rassurant de savoir que la barrière rocheuse naturelle ne changera que sur une échelle de temps géologiques. Dans le cas des installations en surface, le confinement dépendra plutôt de l'intégrité structurelle des barrages de retenue, des couvertures de roche ou de terre et des digues de dérivation. Le dépôt des stériles acidifiants dans un lac repose sur l'assurance qu'il y subsistera pendant longtemps une couverture d'eau d'une profondeur suffisante pour éviter l'oxydation. Les deux méthodes sont sujettes à faire éventuellement défaut. Les structures artificielles se détérioreront lentement sous l'effet du temps, et les changements climatiques, imprévisibles aujourd'hui, pourraient se traduire, dans un avenir lointain, par une baisse du niveau des lacs.

Deuxièmement, les contaminants pourraient se déplacer à une vitesse extrêmement lente, même si les ouvrages de confinement sont inefficaces. La migration des contaminants dans la nappe phréatique pourrait être de l'ordre de quelques centimètres à quelques mètres par siècle, selon la porosité de la roche ou de la moraine. Par conséquent, il pourrait s'écouler bien des siècles avant que les quantités de contaminants dans les secteurs avoisinants atteignent un seuil critique.

En raison de ces facteurs, il serait sage de surveiller ces sites pendant au moins quelques siècles afin de pouvoir confirmer les prédictions faites à l'aide de modèles. Donc, lorsque la commission affirme que la surveillance doit être perpétuelle, elle entend par là que le programme doit se poursuivre indéfiniment.

Les programmes concrets de surveillance seront propres à chaque site. Il faudra vérifier la qualité de l'eau souterraine et de surface, ainsi que l'intégrité de toute structure artificielle. Comme la plupart des changements possibles surviendront probablement très graduellement, la surveillance pourrait se faire à des intervalles irréguliers et de plus en plus longs, par exemple tous les dix à cinquante ans. Conséquemment, les intérêts composés d'une petite somme d'argent placée dans un fonds suffiraient à financer les activités de surveillance à perpétuité.

L'accès à des fonds suffisants pour atténuer à la source les effets de toute déficience des mesures de confinement est tout aussi important que le financement du programme de surveillance perpétuelle. Nous avons recommandé à cette fin la création du Fonds d'urgence de l'exploitation des mines d'uranium (voir la section 2.3.2).

Enfin, nous recommandons d'encourager la participation des habitants du Nord à tous les aspects de la surveillance. Les entreprises minières, qui s'occupent de la plupart des activités de surveillance sur les sites, embauchent les habitants locaux comme techniciens. Vraisemblablement, à mesure qu'ils acquerront formation et expérience, ces gens pourront assumer des tâches de supervision et de gestion des programmes de surveillance. Les organismes de réglementation se sont efforcés d'employer des habitants de la région pour la collecte de certaines données de surveillance et de confier un rôle consultatif aux comités de la qualité de l'environnement (CQE).

Nous reconnaissons et louons ces efforts d'intégration des habitants du Nord. Toutefois, comme on l'a mentionné dans le rapport sur le projet du lac Cigar, de nombreux habitants de la région sont insatisfaits de leur rôle, préférant agir comme partenaires à part entière dans le processus. Nous recommandons que les organismes de réglementation adoptent des objectifs de recrutement pour les habitants du Nord, qui soient similaires à ceux dont s'est dotée l'industrie minière qu'ils régissent. Cette mesure s'inscrit dans le long terme; pour l'avenir immédiat, la participation sera assurée principalement par les activités des comités de la qualité de l'environnement.

Nous sommes encouragés par les activités des CQE et tenons à féliciter les entreprises minières et les organismes gouvernementaux pour leur engagement à travailler de concert avec ces comités et à les soutenir. Nous sommes cependant extrêmement conscients de l'ampleur de la tâche qui les attend. Il est donc essentiel de fournir une aide financière continue et suffisante qui permettra à ces comités d'examiner en profondeur les nombreux aspects de l'exploitation des mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan.