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Rapport de la commission d'examen

6.0 Gestion des déchets rocheux de mine

Les préoccupations d'ordre écologique que suscite la production de déchets rocheux de mine varient sensiblement selon leur nature, le volume produit et la méthode de stockage. Voici quelques-unes des options de stockage des déchets rocheux : le stockage en amas de surface, l'enfouissement dans un plan d'eau, le renvoi à l'excavation d'où il vient et l'utilisation comme agrégat de construction.

Normalement, les déchets rocheux de mine sont classés comme des déchets propres ou spéciaux selon leur teneur en minerai et la tendance à produire de l'acide. La société Cigar Lake Mining Corporation (CLMC) propose une stratégie de gestion qui repose sur la présomption que tous les déchets rocheux produits au cours des opérations minières, évalués à 2,6 millions de tonnes, seraient désignés comme des déchets spéciaux et traités comme tels. Des déchets de grès propres produits au cours du forage des puits serviraient à la construction des routes ou à d'autres travaux de génie. [The Cigar Lake Environmental Impact Statement, Additional Information, Cigar Lake Mining Corporation, mars 1996, p. 1-71.]

6.1 Options de stockage

Il faudrait déterminer la méthode et l'endroit appropriés pour le stockage des déchets spéciaux en vue de les éliminer d'une manière qui serait respectueuse de l'environnement.

La première option, selon la stratégie de gestion de CLMC, serait de retenir autant de déchets rocheux que possible sous le sol et de les utiliser comme remblais pour les fendues et les galeries épuisées. On estime pouvoir traiter environ 30 p. 100 des déchets de cette façon. [Ibidem, p. 1-70.] Il faut encourager et exploiter au maximum cette option; toutefois, il est évident que la plupart des déchets rocheux devront être éliminés d'une autre façon.

La principale préoccupation quant au stockage de surface, c'est que les contaminants que contiennent les déchets rocheux peuvent se déplacer soit par des écoulements de surface ou par l'infiltration de précipitations dans la pile de déchets rocheux. Si l'eau pénètre dans la pile, elle peut produire un lixiviat en dissolvant les lourds contaminants métalliques qui se trouvent dans la roche. Ce lixiviat pourrait ensuite pénétrer dans la nappe phréatique ou se déverser en surface, entraînant de graves répercussions sur l'environnement.

Une grande partie des déchets rocheux du lac Cigar suscitent une préoccupation environnementale particulière parce qu'ils contiennent de fortes concentrations de sulfures et des quantités importantes d'arsenic et de nickel. Lorsque ces éléments sont exposés aux précipitations et à l'oxygène, les minéraux sulfureux produisent de l'acide, ce qui augmente le lixiviat des autres contaminants contenus dans les déchets rocheux. La production d'acide survient facilement dans les piles de déchets minéraux, parce que les sulfures contenus dans les déchets rocheux sont exposés à la fois à l'oxygène et à l'eau lorsque la roche est brisée ou qu'elle est amenée à la surface. Dans certaines conditions, la présence de bactéries autotrophes favorise l'oxydation du sulfure. [L.M. Broughton, R.W. Chambers et A. MacG. Robertson, Mine Rock Guidelines, Design and Control of Drainage Water Quality, Environnement et Sécurité publique de la Saskatchewan, avril 1992, Chapitre 3.] Si elle n'est pas atténuée, la production d'acide continuera de se produire tant que tous les minéraux sulfureux ne seront pas épuisés. Selon les caractéristiques de la pile de stérile, la production d'acide et la dissolution des métaux comme l'arsenic et le nickel qui s'ensuit, pourrait menacer l'environnement qui la reçoit, pendant de nombreuses décennies.

On comprend bien les méthodes utilisées pour réduire ou limiter la production d'acide. La méthode la plus efficace consiste à limiter la quantité d'oxygène qui permet la production de lixiviat acide. Une méthode éprouvée pour garantir que les déchets rocheux potentiellement acidogènes ne sont pas exposés à l'oxygène pendant de longues périodes consiste à les placer sous la nappe phréatique. [Ibidem, Chapitre 6.] On peut obtenir des résultats semblables en les plaçant dans un puits épuisé, sous le couvercle de déchets rocheux et de moraine propres.

Le coefficient de diffusion de l'oxygène dans l'eau est près de 100 000 fois inférieur au coefficient de diffusion de l'oxygène dans l'air. Pour cette raison, moins d'un mètre d'eau stagnante avec teneur en oxygène réduite portera le taux d'oxydation des minéraux sulfureux à presque zéro. Une telle stratégie de gestion a fait l'objet d'une recherche et a reçu l'appui des organismes de réglementation :

  • La Commission de contrôle de l'énergie atomique a souscrit au concept selon lequel, avec des moyens de contrôle appropriés, le stockage sous l'eau ou dans un puits des déchets rocheux potentiellement acidogènes est préférable à l'empilement de surface. [S. Isanen, Commission de contrôle de l'énergie atomique, Transcript of the McArthur River and Cigar Lake, Saskatoon, Saskatchewan, 18 septembre 1996, p. 37.]
  • Le ministère accepte le stockage sous l'eau comme technique de traitement des déchets rocheux potentiellement acidogènes qui pourraient avoir des incidences s'ils étaient simplement laissés en surface. [R. Sentis, Environnement et Gestion des ressources de la Saskatchewan, Transcript of the McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Regina. Saskatchewan, 4 septembre 1996, p. 54.]

Cependant, pour que la stratégie soit efficace à long terme, la couche d'eau doit être permanente. Si les déchets rocheux potentiellement acidogènes étaient éventuellement exposés, ils commenceraient à produire de l'acide et les incidences environnementales négatives connexes causées par le lixiviat contaminé se manifesteraient.

La CLMC a initialement proposé, dans son étude d'impact environnemental, l'option de stockage sous l'eau des déchets rocheux potentiellement acidogènes dans le lac Bizarre, un lac de petite taille, mais relativement profond, situé à environ trois kilomètres au nord-est de l'emplacement de la mine. Le lac Bizarre contient toutefois un peuplement de poissons, notamment de la truite grise qui, dans la région, ne se retrouve que dans le lac Waterbury. Au moment de l'examen de l'étude d'impact environnemental du Projet de Cigar Lake, il était évident que des organismes gouvernementaux, des ministères et des membres du public s'inquiéteraient des incidences que le stockage sous l'eau des déchets rocheux auraient sur le lac Bizarre, particulièrement sur son peuplement de truites grises :

  • La proposition de la Cigar Lake Mining Corporation de traiter le lac Bizarre comme une installation de gestion des déchets est tout à fait inacceptable. Le lac Bizarre est un lac profond, plutôt diversifié sur le plan écologique, avec un bon peuplement de truites grises. [P. Prebble, Saskatchewan Environmental Society, Transcript of the McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 16 septembre 1996, p. 159.]
  • En ce qui a trait à son emplacement, à la profondeur supérieure à la moyenne et aux espèces de poissons qu'on y trouve, le lac Bizarre est exceptionnel lorsqu'on le compare avec des lacs de taille semblable dans cette région du nord de la Saskatchewan. [B. Fallis, ministère des Pêches et des Océans, Transcript of the McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 18 septembre 1996, p. 145.]

CLMC n'a manifestement pas fourni de raisons qui justifient le choix du lac Bizarre comme emplacement le plus approprié pour le stockage des déchets rocheux produits par l'exploitation minière du lac Cigar. La destruction de l'habitat des poissons du lac Bizarre pour les motifs donnés par l'auteur de la proposition n'est pas acceptable. Ainsi, Cigar Lake Mining Corporation a retiré sa proposition d'utiliser le lac Bizarre pour le stockage de déchets rocheux.

Les dirigeants de Cigar Lake Mining Corporation ont entendu les positions claires et fermes exprimées par les organismes fédéraux et provinciaux... le choix du lac Bizarre n'est pas acceptable... La Cigar Lake Mining Corporation est maintenant disposée à tenir compte des points de vue des organismes et à adopter le lac 497 comme option pour le stockage de roches de minerai.

G. Acott, Cigar Lake Mining Corporation Transcript of Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, le 18 septembre 1996, p. 13.

Deux autres options de stockage sous l'eau sont envisagées et il en est brièvement question dans l'étude d'impact environnemental : le stockage dans le lac 497, un lac plus petit, moins diversifié sur le plan écologique et situé près de la mine; et le stockage dans le puits Sue C situé à l'emplacement de la mine du lac McClean, que possède et exploite Cogema Resources Inc. Ces deux options sont viables, mais elles doivent toutes deux être assujetties à un examen détaillé avant que l'on puisse prendre une décision qui réduit au minimum les incertitudes.

L'utilisation des puits Sue au lac McClean pour le stockage de déchets rocheux potentiellement acidogènes représente une autre option de désaffectation - c'est-à-dire couvrir les déchets spéciaux avec plusieurs mètres de déchets propres couverts d'un mètre ou deux de moraine. Une telle approche remettrait le secteur dans à peu près le même état qu'il était avant l'exploitation de la mine et par conséquent, il serait conforme à un des objectifs de désaffectation fondamentaux, énoncés au chapitre 10. S'il n'y a pas d'autres solutions qui présentent un avantage environnemental certain, cette option devrait être considérée comme l'option préférable.

À l'heure actuelle, il n'y a pas suffisamment de renseignements propres au site qui permettent d'évaluer pleinement la pertinence de ces deux options de stockage des déchets rocheux produits à la mine du lac Cigar. L'examen des renseignements limités qui sont disponibles en ce qui a trait à leur capacité à assurer une protection environnementale indique que les deux options présentent des avantages et des inconvénients qui nécessitent une enquête approfondie. Par exemple, le choix du lac 497 ne peut pas être envisagé sans collecte et analyse préalables des données de base détaillées sur le lac et sur les plans d'eau situés en aval. Cette option doit en outre pouvoir maintenir de façon manifeste un couvert d'eau suffisamment profond au-dessus des déchets rocheux qui y sont stockés, afin de garantir une protection environnementale à long terme. L'option Sue C, d'autre part, ne pourrait pas être retenue sans plus de connaissances géologiques et hydrologiques de ce puits qui n'est pas encore construit. La possibilité de migration de contaminants dans la nappe phréatique doit aussi être examinée attentivement avant que l'on puisse envisager Sue C comme une option viable. Si aucune des deux options ne s'avère acceptable, il faudrait trouver d'autres solutions au problème de stockage des déchets rocheux du lac Cigar. Le projet ne doit pas être approuvé tant qu'on a pas trouvé un emplacement qui offre une protection environnementale.

Les deux solutions, c'est-à-dire le stockage dans le lac et dans le puits, présentent des incertitudes quant à l'avenir, qui pourraient entraîner des dommages environnementaux. Il semble que le stockage de déchets rocheux dans le lac 497 ne causerait pas une perte inacceptable de l'habitat du poisson; cependant, il est possible qu'éventuellement des conditions qui ne sont pas encore connues pourraient faire baisser le niveau de l'eau, et exposer les déchets à l'oxygène de l'atmosphère. Par ailleurs, le puits du lac McClean n'est pas encore excavé complètement et sur le plan hydrologique, il pourrait ne pas être approprié pour le dépôt de déchets rocheux. En outre, on s'attend à ce que le puits Sue ne soit pas encore complètement excavé avant que Cigar Lake Mining Corporation ne commence sa production, ce qui veut dire que les déchets rocheux devront être stockés en surface, en contact avec l'oxygène atmosphérique pendant plusieurs années avant que le dépôt puisse commencer. À ce moment-là, les processus de production d'acide se seront bien établis dans les amas de roches.

CLMC devrait soumettre un rapport détaillé aux organismes de réglementation provinciaux et fédéraux qui présente une évaluation globale de ses options de stockage de déchets rocheux et des emplacements disponibles avant que l'exploitation du Projet de Cigar Lake ne soit approuvée. Le rapport devrait indiquer une option préférable, appuyée d'une justification étudiée. Deux des options évaluées devraient être l'utilisation du puits Sue C et l'utilisation d'un site de stockage sous l'eau, dans un plan d'eau comme le lac 497.

Nous croyons que si l'aménagement minier du lac Cigar doit aller de l'avant, l'option d'utiliser le puits Sue C pour y déposer les déchets rocheux doit faire l'objet d'un examen plus attentif.

A. Coxworth, Saskatchewan Environment Society, Transcript of McArthur River and Cigar Lake Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, le 19 septembre 1996, p. 69.

Lors du choix de l'option de stockage préférable, il convient de respecter les souhaits des utilisateurs traditionnels du sol. Avant de choisir un site de stockage, CLMC et les organismes de réglementation devraient consulter les collectivités touchées et leur donner la possibilité d 'évaluer les avantages éventuels et les responsabilités reliées aux options à l'étude. Cette consultation devrait se faire par l'intermédiaire des comités de la qualité de l'environnement. Les souhaits des collectivités doivent être intégrés dans le processus final de prise de décision et faire partie de la justification de l'option préférable.

Les tableaux 6.1 et 6.2 présentent une liste de questions qui ont trait au stockage de déchets dans au lac et dans un puits recouvert de moraine, et dont il faudrait tenir compte avant de choisir un site. La liste n'est pas exhaustive; le promoteur, les organismes de réglementation et le public peuvent proposer d'autres questions qu'ils jugent importantes ou pertinentes. Les considérations d'ordre économique ne devraient pas compter pour beaucoup dans la décision relative à l'option finale de stockage. Le coût du transport et du stockage des déchets rocheux sera relativement minime en comparaison de la valeur totale du projet.

Tableau 6.1 : Questions environnementales à prendre en considération dans l'évaluation comparative des options de stockage dans le lac ou dans le puits
Questions Lac Puits
Caractéristiques du site    
Consommation d'eau (animaux et humains) *  
Utilisations récréatives *  
Utilisations traditionnelles * *
Conditions climatiques *  
Profondeur du couvert aquatique *  
Permanence du couvert aquatique *  
Bathymétrie *  
Stratification thermique *  
Taux de renouvellement de l'eau *  
Taux de recharge-décharge * *
Géologie   *
Hydrogéologie * *
Type de substrat *  
Position dans le bassin hydrographique * *
Plans d'eau en aval * *
Action - fetch/tronçon/vague *  
Incidence sur l'hydrologie de surface * *
Questions de gestion    
Vidange initiale *  
Potentiel de blanchiment *  
Laps de temps pour le stockage * *
Méthodes de stockage et placement * *
Gestion du Gyttja *  
Pêche en aval * *
Surveillance des incidences * *
Proximité du site de la mine * *
Critères de déversement * *
Point de déversement * *
Migration des contaminants au cours de l'exploitation * *
Désaffectation * *
Critères de désaffectation * *
Sécurité financière * *
Surveillance à long terme * *
Mitigation à long terme * *
Transport    
Sécurité du conducteur * *
Incidence environnementale * *
Incidences sur la faune * *
Émission de NOx et de SOx * *
Tableau 6.2 : Questions relatives aux effets chimiques et biologiques sur la colonne d'eau du stockage dans le lac et sur la nappe phréatique du stockage de déchets spéciaux dans le puits
Questions Colonne d'eau Nappe phréatique
Caractéristiques chimiques    
Ph * *
Oxygène dissout * *
Pouvoir tampon * *
Potentiel Redox * *
Alcalinité (fluctuation saisonnière) * *
Concentration de métaux * *
Géochimie   *
Caractéristiques biologiques    
Peuplement de poissons résidents *  
Communautés benthiques *  
Communautés planctoniques *  
Niveaux de productivité *  
Productivité commerciale *  
Productivité de l'utilisation traditionnelle *  

6.2 Conclusion et recommandation

L'auteur de la proposition doit soumettre aux organismes de réglementation fédéraux et provinciaux une vérification comparative détaillée des diverses options de stockage de déchets rocheux et indiquer l'option qui est la plus avantageuse dans l'optique de la protection de l'environnement. Les options évaluées doivent inclure les puits Sue et le lac 497. Il faut qu'un emplacement sécuritaire du point de vue de la protection de l'environnement soit trouvé avant que le projet ne soit approuvé.

Si aucune autre option n'offre un avantage environnemental certain, il est recommandé que les auteurs de la proposition stockent les déchets rocheux dans l'un des puits Sue au lac McClean et que le site d'enfouissement soit désaffecté par le remplissage du puits avec plusieurs mètres de déchets propres, recouverts d'un ou de deux mètres de moraine.