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Rapport de la commission d'examen

9.0 Élimination des résidus et déchets

9.1 L'usine JEB

Après un examen public poussé en 1993, [D.G. Lee, J.F. Archibald, J. Dantouze, R. Neal et A. Yassi, Dominique-Janine Extension, McClean Lake Project, and Midwest Joint Venture, Approvisionnements et Services Canada, octobre 1993.] Cogema a reçu l'autorisation ministérielle de construire une usine sur le terrain du lac McClean, à environ 20 km à l'est de la mine Midwest, pour raffiner le minerai provenant des puits JEB, Sue A, Sue B et Sue C et de la mine du lac McClean. Cette autorisation s'accompagnait de l'obligation d'effectuer des recherches en vue de trouver des méthodes permettant de réduire l'emploi de produits chimiques dans les opérations et d'optimaliser le traitement des eaux contaminées, avec comme objectif global de diminuer les décharges dans l'environnement. À la suite de ces recherches, Cogema a proposé de se servir pour le décapage de sulfate d'ammonium au lieu d'acide fort. Les essais ont démontré que cette méthode permettrait de réduire de 28 % la quantité de résidus produits, tout en maintenant à un niveau acceptable la concentration d'ammoniaque dans les effluents.

L'étude d'impact environnemental présentée par Cogema [The Midwest Project Environmental Impact Statement, Main Document, Cogema Resources Inc., août 1995, p. 3-15 à 3-22.] décrit les diverses opérations qui auraient lieu à l'usine : réception du minerai solide, meulage, lixiviation atmosphérique en deux étapes, décantation à contre-courant, clarification du jus fort, extraction de solvant, décapage au sulfate d'ammonium, enlèvement du molybdène, précipitation et calcination du diuranate d'ammonium pour obtenir du concentré d'uranium U308 ("yellowcake"), empaquetage du concentré d'uranium, clarification de la solution de décapage stérile, cristallisation du sulfate d'ammonium et neutralisation des résidus. Ce procédé donne deux produits commerciaux, le concentré d'uranium et le sulfate d'ammonium.

Pour traiter, de la façon décrite à la section 6.1, le minerai sous forme de boue qui serait produit à la mine Midwest, il faudrait apporter principalement trois modifications aux plans de l'usine : aménagement de nouvelles installations pour recevoir et décharger les boues; ajout d'un système de récupération du nickel et du cobalt si cela se justifie économiquement; modification du circuit d'apprêtage des résidus afin de transformer ceux-ci en une pâte neutralisée. [Ibidem, p. 3-38 à 3-60.] De nouvelles installations s'imposent pour la réception du minerai parce que celui provenant de la mine Midwest serait transporté à l'état de boue alors que l'usine déjà approuvée se prêterait uniquement au minerai à l'état solide. Il serait souhaitable d'ajouter un système de récupération du nickel et du cobalt du fait que le minerai du gisement Midwest contient des quantités appréciables de ces métaux, particulièrement du nickel. Étant donné que le nickel est un métal lourd toxique, il importe d'en récupérer une partie au cours du raffinage; les quantités qui ne seraient pas extraites se retrouveraient dans les résidus, d'où une augmentation des rejets toxiques dans l'environnement. Il faudrait transformer les résidus en pâte parce que Cogema envisage de les enfouir sous l'eau dans le puits JEB. Il est préférable pour la sécurité d'enfouir dans un puits, sous une couche d'eau, les résidus très radioactifs comme ceux provenant du minerai de la mine Midwest.

9.2 Installations d'élimination des résidus

La principale menace environnementale qu'implique le projet Midwest vient de la méthode retenue pour l'élimination des résidus. Vu la grande quantité de résidus produits, il serait impraticable de les enfouir à grande profondeur comme on l'a récemment proposé pour les déchets à haute radioactivité des centrales nucléaires. [Environmental Impact Statement on the Concept for Disposal of Canada's Nuclear Fuel Waste, Rapport d'Énergie atomique du Canada ltée, C.O.G.-93-1, 1994.] Il est donc intéressant de constater que, selon le rapport, les résidus des usines sont plus toxiques à long terme que les déchets à haute radioactivité. [J.D. Bredehoeft, A.W. England, D.B. Stewart, N.J. Trask et I.J. Winograd, Geologic Disposal of High-Level Radioactive Wastes - Earth-Science Perspectives: A summary of factors and processes that must be understood for the safe containment of high-level radioactive waste, Geological Survey Circular 779, 1978, p. 10.] Par conséquent, avant que le projet reçoive le feu vert, il importe de soumettre à un examen minutieux la méthode envisagée pour l'élimination des résidus.

...les risques que posent les résidus des usines d'uranium, qui sont pourtant infiniment plus toxiques que les déchets à haute radioactivité, ont été abordés habituellement avec beaucoup moins de prudence.

G. Edwards, Transcript of Supplementary Public Hearings for Midwest and Cigar Lake, La Ronge, Saskatchewan, 28 août 1997, p. 69.

La société Cogema prévoit enfouir les résidus dans le puits désaffecté JEB au lac McClean. On a envisagé diverses configurations (aménagement artificiel en milieu perméable, aménagement semi-artificiel en milieu perméable et aménagement naturel) pour transformer ce puits en lieu d'enfouissement. Après avoir modélisé les conséquences associées à chaque configuration, les promoteurs et la Commission de contrôle de l'énergie atomique sont arrivés d'un commun accord à la conclusion qu'un aménagement naturel procurerait la meilleure protection pour l'environnement.

Pour que cette technique donne les résultats escomptés, il faudra que les résidus soient produits et enfouis de manière à ce qu'ils se solidifient avec le temps pour devenir une matière ayant une conductivité hydraulique au moins dix fois inférieure à celle du roc qui les entoure. La différence essentielle entre cette formule et la technique expérimentée au site d'enfouissement de Rabbit Lake, c'est que l'on transformerait les résidus plutôt que le milieu autour pour obtenir l'écart de conductivité hydraulique nécessaire. Les promoteurs ont signalé plusieurs avantages qu'offrirait cette méthode :

  • L'aménagement naturel permet d'enfouir les résidus sous l'eau. Cette possibilité est appréciable dans le cas des résidus provenant de minerai à haute teneur car elle assurerait une meilleure protection pour les travailleurs. Comme mentionné dans l'EIE, [The Midwest Project Environmental Impact Statement, Main Document, Cogema Resources Inc., février 1996, p. 3-60 à 3-81.] l'enfouissement des résidus sous quelques mètres d'eau aurait pour effet de protéger contre les radiations les gens qui travaillent autour du puits. Nous proposons donc de déposer les résidus au moyen d'une conduite [Voir la figure 3.] immergée sous une couche d'eau suffisamment profonde pour absorber la plupart des radiations émanant du puits.
  • Le dépôt sous l'eau empêcherait également l'apparition de givre dans les résidus avant leur compactage.
  • Grâce à la formule proposée, on pourrait stocker au même endroit, dans le puits JEB, les résidus produits pendant le traitement du minerai provenant de plusieurs mines (JEB, McClean, Sue A, Sue B, Sue C, Midwest et Cigar Lake), ce qui réduirait le nombre de sites réclamant une surveillance à long terme.
  • La technique d'aménagement naturel permettrait d'enfouir dans le puits un maximum de résidus; cela diminuerait les dégâts environnementaux qu'implique le creusage d'un puits, d'après la quantité de résidus stockés.
  • Le recours à la technique d'aménagement naturel rendrait superflues les barrières artificielles telles que barrages ou doublures, qui risqueraient de ne plus suffire à long terme.
  • Le recouvrement éventuel du puits sous plusieurs mètres de roche et de terre empêcherait les problèmes d'érosion susceptibles à long terme d'endommager les installations de stockage en surface. Ce recouvrement aurait aussi pour effet de protéger la faune et les humains contre toute exposition directe après la désaffectation de la mine.
  • Les résidus enfouis dans un puits, sous le niveau du sol, seraient protégés quand les glaciers de la prochaine ère glacière viendront scarifier le nord de la Saskatchewan.

Malgré ces possibles avantages, on a exprimé lors des audiences plusieurs craintes par rapport à la formule envisagée pour l'élimination des résidus. Mentionnons, notamment, le fait que le puits JEB est situé près du lac Fox (à environ 125 m) et l'incapacité du promoteur de prouver de façon convaincante que le lac ne risque pas d'être contaminé à long terme. La modélisation montre par exemple qu'il y a de fortes possibilités pour que les niveaux d'arsenic du lac Fox finissent éventuellement par dépasser les seuils limites fixés par les Saskatchewan Surface Water Quality Objectives (SSWQO) et les Recommandations pour la qualité des eaux au Canada (RQEC).

Figure 3 : Dépôt des résidus sous l'eau dans le puits JEB

Figure 3 : Dépôt des résidus sous l'eau dans le puits JEB

L'incertitude a trait notamment aux concentrations prévues d'arsenic dans l'eau angulaire des résidus une fois vieillis. Les estimations allaient de 1 mg/l ou à peine moins jusqu'à un niveau atteignant 100 mg/l ou plus. Les experts éminents engagés par la compagnie ont suggéré des moyens théoriques pour réduire les concentrations dans l'eau angulaire, en créant dans le puits d'enfouissement des conditions qui entraîneraient la formation de minéraux secondaires. [D. Langmuir, Transcript of Supplementary Public Hearings for Midwest and Cigar Lake, La Ronge, Saskatchewan, 26 août 1997, p. 39-47.] Par ailleurs, une firme d'ingénierie a examiné la documentation publiée et les résultats expérimentaux obtenus dans des installations d'enfouissement déjà existantes, qui indiquent que la teneur en arsenic de l'eau angulaire, au lieu de diminuer avec le temps, augmentait en fait au rythme d'environ 500 % par année. [R.C. Swider, The Cigar Lake and Midwest Projects Tailings Disposal, Richard C. Swider Consulting Engineers Limited, Toronto, Ontario, 21 août 1997, p. 23.] Quand les audiences ont pris fin le 28 août 1997, le problème de l'évaluation des taux d'arsenic restait en suspens. Toutefois, de toute évidence, il ne faudrait pas autoriser le promoteur à enfouir ses déchets dans le puits JEB tant qu'il n'aura pas prouvé qu'il est possible de limiter à des niveaux suffisamment bas les taux de concentration d'arsenic et d'autres contaminants dans l'eau angulaire pour minimiser les risques de pollution à long terme du lac Fox.

À ce stade-ci, les organismes de réglementation doivent prendre la relève de la Commission. Nous trouvons acceptable le concept d'enfouissement des déchets dans un puits selon une configuration naturelle, mais nous ne sommes pas en mesure d'évaluer l'ensemble des conditions requises par rapport à ce site. En fait, notre contribution à ce sujet paraît injustifiée. Nous émettons donc une recommandation favorable en ce sens, sous réserve toutefois des conditions particulières mentionnées ci-après, qu'il faudra respecter de manière satisfaisante avant que le permis nécessaire soit accordé : [Comme mentionné ailleurs dans le présent rapport, nous sommes convaincus que les organismes de réglementation ont la capacité de s'acquitter de cette mission, à condition qu'on leur fournisse des moyens suffisants.]

  • Avant qu'on l'autorise à enfouir dans le puits JEB les résidus provenant du traitement du minerai de la mine Midwest, le promoteur devra démontrer, à partir de données expérimentales concrètes portant sur les résidus vieillis, qu'il sera possible de maintenir à des niveaux acceptables les taux de contaminants dans l'eau angulaire. À cet égard, les solutions théoriques ne sauraient remplacer les données expérimentales. Les aspects chimiques entourant les dépôts de résidus sont si complexes que les théories n'ont qu'une valeur indicative au plan conceptuel.

Eh bien, si nous n'avons pas procédé à des tests de lixiviation, c'est en fait parce que pour certains tests, il faut se montrer très prudents.

M. Roche, Cogema Resources Inc., Transcript of Supplementary Public Hearings for Midwest and Cigar Lake, La Ronge, Saskatchewan, 28 août 1997, p. 23.

  • Si, une fois les recherches prescrites réalisées, cette formule reçoit l'autorisation nécessaire, il faudra surveiller attentivement le contenu du puits pour voir si la concentration de contaminants dans l'eau angulaire augmente ou diminue avec le temps. Nous proposons une étude détaillée tous les cinq ans pour analyser la composition chimique de l'eau angulaire et pour vérifier l'apparition de minéraux secondaires. Si on observe alors des conditions qui favorisent la formation de minéraux secondaires, comme cela a été mentionné durant les audiences, le puits deviendrait peu à peu un dépôt géologique stable au plan thermodynamique. Par contre, si on constate que les taux de contaminants dans l'eau angulaire finissent par augmenter, conformément aux projections soumises par Richard Swider, les opérations d'enfouissement devront cesser. Il faudrait que le permis continue à s'appliquer durant une période limitée. Pour que ce permis soit renouvelé, l'exploitant devrait être tenu de conditionner les résidus de manière à ce qu'il n'en résulte pas une contamination poussée des eaux angulaires.
  • Avant le début des opérations d'enfouissement, il faudrait trouver des façons d'atténuer tout risque d'impact inacceptable.
  • De nouvelles Recommandations pour la qualité des eaux au Canada (RQEC) autorisant des niveaux d'arsenic plus bas ont récemment été adoptées. La modélisation devra tenir compte de ces nouveaux seuils plus stricts. Pour prévenir la contamination du lac Fox, il faudrait que ces niveaux constituent une exigence et non de simples objectifs pouvant être atteints ou non.

La Commission doit être mise au courant que le taux admissible d'arsenic d'après les RQEC a été ramené récemment à 0,005 mg/l (niveau 10 fois moindre que celui des SSWQO).

B. Fallis, ministère des Pêches et OcéansTranscript of Supplementary Public Hearings for Midwest and Cigar Lake, La Ronge, Saskatchewan, 27 août 1997, p. 87.

  • Le lac Fox ne doit pas tenir lieu de zone de mélange. Au moment de leur déversement dans le lac, les effluents en provenance du puits devront respecter les normes les plus strictes des SSWQO et des RQEC. La présence de contaminants concentrés qui subsisteraient après leur dilution complète dans l'ensemble du lac pourrait se traduire par des poches d'eau très polluées susceptibles de mettre en péril la faune et les humains.
  • Il faudrait analyser périodiquement l'état des sédiments au fond du lac Fox et voir si des mesures d'atténuation s'imposent. Les méthodes de surveillance des sédiments ont été analysées dans un précédent rapport de la Commission. [D.G. Lee, J. Archibald et R. Neal, McArthur River Uranium Mine Project, ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux, février 1997, p. 35.]
  • Le contrôle des contaminants durant les opérations d'enfouissement obligera à mettre en place un drain souterrain efficace. Toutefois, un éboulement s'est déjà produit dans la zone où on envisage d'aménager l'ouverture de cette conduite. Il faudrait donc entreprendre une étude géotechnique détaillée pour s'assurer que l'on pourra installer adéquatement cette conduite et qu'elle remplira bien son office tant et aussi longtemps qu'elle sera nécessaire. Durant l'étude géotechnique, en évaluant les conditions de stabilité de l'ouverture et de la conduite souterraine, on devra miser sur l'information la plus récente concernant la cartographie géologique, la caractérisation des masses rocheuses et les propriétés physiques des roches.
  • Une fois compactés, les résidus ne devront pas se retrouver au sommet de la formation de grès.
  • Il faudra surveiller soigneusement la migration des contaminants dans l'eau souterraine et appliquer au besoin des mesures correctives. Si cette migration dépasse les seuils acceptables, la première mesure à prendre serait la mise en place d'une cage hydraulique; une deuxième solution consisterait à relever le niveau du lac Fox. Avant le début des travaux d'enfouissement, le promoteur devra définir plus en détail ces deux solutions et les soumettre à l'examen des ministères de l'Environnement provincial et fédéral, de la CCEA et du ministère des Pêches et Océans.
  • À la lumière des problèmes survenus récemment dans les centrales nucléaires ontariennes, qui semblent attribuables à une piètre gestion plutôt qu'à une mauvaise technologie, les organismes de réglementation devraient vérifier minutieusement la capacité de Cogema de s'occuper correctement des installations d'élimination des déchets JEB, potentiellement dangereuses. En effet, la gestion actuelle de cette entreprise laisserait à désirer. Des communiqués de presse ont fait état de plusieurs démissions et remplacements au sein de la haute direction; un des partenaires dans le projet Midwest a mis ouvertement en doute la compétence des administrateurs; [Lettre à Alain Marvy, président de Cogema Resources Inc., adressée par Hikmet Akin, Ph.D., président et gestionnaire principal d'Uranerz Exploration and Mining Limited, 4 juin 1997.] la plupart des analyses techniques de Cogema ont été réalisées par des consultants, dont certains se présentent uniquement pour donner leur exposé puis repartent sans avoir fourni d'autre contribution ni appris des autres exposés; [Par exemple, M. Langmuir a quitté les audiences presque tout de suite après sa conférence le 26 août 1997, et il n'était plus là le surlendemain pour entendre l'information contradictoire présentée par Richard Swider.] enfin, le président du conseil de Cogema a admis que l'entreprise ne dispose pas de l'équipe scientifique nécessaire pour évaluer de manière critique les recommandations qui lui sont fournies par les consultants. [M. Poissonnet, Transcript of Supplementary Public Hearings for Midwest and Cigar Lake, La Ronge, Saskatchewan, 26 août 1997, p. 110.] Une entreprise qui entend s'occuper d'un dépotoir de déchets radioactifs, potentiellement un des plus dangereux au Canada, devrait manifester une compétence et une stabilité plus grandes que celles dont elle a fait preuve. Avant que les autorités lui délivrent un permis pour l'exploitation du site d'enfouissement JEB, il faudra que la population et les organismes responsables soient convaincus que Cogema dispose en Saskatchewan même des compétences administratives et scientifiques nécessaires et d'une intégrité suffisante pour garantir qu'un mauvais contrôle de ces installations ne risquerait pas de provoquer des dégâts environnementaux.
  • Au cours du processus d'examen, nous avons parfois remarqué que les représentants de Cogema affichaient une attitude un peu désinvolte envers les organismes de réglementation et leurs objections. Apparemment, ils ne prenaient pas toujours au sérieux les questions soulevées par le ministère de l'Environnement provincial et la CCEA.

Ni le gouvernement fédéral, ni le gouvernement provincial ne devrait accepter qu'une entreprise affichant une telle attitude aménage et gère un site d'enfouissement de déchets radioactifs. À moins d'un changement d'attitude majeur de la part du promoteur, il existera une menace pour l'environnement que ne saurait compenser la capacité des scientifiques et ingénieurs de concevoir et aménager des installations sûres. Avant de lui donner le feu vert, on devrait exiger de Cogema qu'elle accorde une attention beaucoup plus sérieuse aux objections des organismes responsables. Après tout, ce sont elles qui ont la charge, au nom de la population canadienne, de veiller à ce que ces installations, si elles sont approuvées, soient aménagées et contrôlées correctement.

Les gouvernements fédéral et provincial devront appuyer pleinement la CCEA et le SERM dans l'accomplissement de leurs tâches, sans que ces organismes subissent des pressions indues en raison d'intérêts contradictoires.

La Commission sait pertinemment que cela prendra beaucoup de temps pour répondre à plusieurs de ces préoccupations. Par conséquent, les mesures à prendre pour garantir à la population que ces installations seront bien gérées risquent de retarder considérablement l'octroi d'un permis. Ce retard est le prix que le promoteur devra payer pour son incapacité de fournir des preuves convaincantes qu'il est en mesure d'exploiter ses installations de façon sécuritaire sans que l'environnement en souffre. Malgré les conséquences financières d'un tel retard, les organismes responsables ne doivent aucunement abdiquer leur responsabilité de veiller à ce que ces installations soient conçues adéquatement et qu'elles pourront être gérées, selon toute probabilité, de manière à préserver l'environnement.

Je suis sidéré par cette conception à courte vue voulant que nous puissions ravager les terres du nord et contaminer leurs eaux simplement pour produire des déchets encore plus dangereux dont nous ne savons même pas comment nous débarrasser.

K. Weingeist, Transcript of Midwest Public Hearings, Saskatoon, Saskatchewan, 29 mai 1996, p. 85.

9.3 Conclusions et recommandations

Le site d'enfouissement JEB proposé, qui reposerait sur une technique d'aménagement naturel, offre plusieurs avantages potentiels au niveau de l'environnement. On pourrait notamment enfouir et stocker sous l'eau, à un même endroit, les résidus provenant de plusieurs mines, éviter d'avoir recours à des barrières artificielles, réduire les problèmes d'érosion susceptibles d'endommager les installations en surface et protéger le contenu du puits contre la scarification par les glaciers au cours de la prochaine ère glaciaire. Vu ces avantages éventuels, nous recommandons l'acceptation du concept d'enfouissement des résidus dans le puits JEB. Toutefois, ce site particulier soulève plusieurs interrogations. Mentionnons, entre autres, le fait que le puits JEB soit voisin du lac Fox, l'incapacité du promoteur de prouver hors de tout doute que le lac ne risque pas d'être contaminé avec le temps et les doutes quant à la compétence de Cogema par rapport à la gestion de ces installations. Par conséquent, cette recommandation s'assortit de plusieurs conditions essentielles, dont voici un résumé :

  • le promoteur devra prouver expérimentalement que les taux de contaminants de l'eau angulaire dans les résidus vieillis pourront demeurer à des niveaux acceptables.
  • si l'approbation est accordée, il faudra surveiller attentivement les propriétés chimiques et physiques des déchets enfouis et évaluer périodiquement la qualité de l'eau angulaire;
  • le lac Fox ne devra pas servir de zone de mélange;
  • les sédiments du lac Fox exigeront une surveillance;
  • pour la modélisation des risques de contamination du lac Fox, il faudra appliquer les normes les plus strictes parmi les SSWQO ou les RQEC récemment modifiées;
  • on devra fournir une meilleure analyse géotechnique de l'entrée de la canalisation souterraine et améliorer le concept s'il y a lieu;
  • une fois durcis, les résidus ne devront pas se retrouver au sommet de la formation de grès;
  • avant le début des opérations d'enfouissement, il faudra trouver des façons d'atténuer toutes les séquelles potentielles inacceptables. De plus, le promoteur devra auparavant décrire plus abondamment et faire approuver en principe par les ministères fédéraux et provinciaux concernés les plans pour l'aménagement d'une cage hydraulique ou le relèvement du niveau d'eau dans le lac Fox;
  • l'exploitant devrait être tenu de prouver qu'il possède les compétences administratives et scientifiques voulues pour aménager et gérer ces installations très dangereuses;
  • l'exploitant devra démontrer qu'il a la capacité et l'intention d'accorder une attention réfléchie, sincère et professionnelle aux objections soulevées par les organismes responsables, le SERM et la CCEA;
  • si l'autorisation est accordée, il faudra prendre des dispositions pour assurer une surveillance perpétuelle de ce site d'enfouissement et d'autres installations d'élimination des déchets.