Mémoire Vigie Citoyenne - suite

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Contamination des sédiments  

Une grande préoccupation réside dans la contamination des sédiments remis en suspensions sous l’effet du dragage. Les sols marins de Contrecœur sont constitués de boues industrielles toxiques accumulées depuis les 50 dernières années. À Contrecœur, la teneur en différents contaminants dans les sédiments de plusieurs sites fait l’objet d’un suivi par Environnement Canada (Pelletier, 2018, comm. pers.). Ce suivi révèle des teneurs préoccupantes qui dépassent les critères de qualité (CSE1, CEP et CEF) pour certains contaminants autour de la zone portuaire actuelle, mais surtout plus loin en aval vis-à-vis de la zone industrielle (figure 2). Parmi ces contaminants, les butylétains sont présents en teneurs élevées et parfois très élevées sur plus de la moitié des sites échantillonnés. (Comité ZIP des Seigneuries, 2018). Des auteurs le qualifient comme étant l’une des substances les plus toxiques à ne jamais avoir été délibérément introduite par l’homme dans le milieu aquatique (Stallard et al., 1987). 

Les plus fortes concentrations du secteur de Contrecœur (2092,5 ngSN/g), situées près de l’île aux Rats, surpassent celles obtenues au port de Montréal (1341,0 ngSn/g), un port pourtant plus achalandé, et sont deux fois plus élevées que le critère établi pour la contamination des ports des Grands Lacs (800ngSn/g; Pelletier et al., 2014). Ces teneurs ne semblent pas être cohérentes avec les activités actuelles du port de Contrecœur et peuvent laisser croire à une autre provenance. Bien qu’on puisse s’attendre à ce que l’interdiction d’usage réduise à plus ou moins court terme les niveaux de contamination, l’accroissement de l’achalandage projeté pourrait faire perdurer, voire augmenter cette contamination. En effet, des bateaux traités avant la réglementation ou en provenance de pays non réglementés peuvent continuer à fréquenter les lieux et donc à libérer les contaminants dans nos eaux. Nous trouvons préoccupant que ce projet d’agrandissement puisse contribuer à accentuer une problématique déjà existante et non réglée (Comité ZIP des Seigneuries, 2018).  

Les butylétains sont décrits dans la littérature comme étant très toxiques particulièrement pour les mollusques. Le contaminant est bioaccumulable dans les tissus des organismes, ce qui veut dire que sa concentration augmente dans les tissus des prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire (grands poissons comme le chevalier cuivré, grand héron, rat musqué, certains canard, oiseaux de proies et… nous, les humains) 

Le Plan d’action Saint-Laurent 2011-2026, programme du gouvernement fédéral, a publié certaines informations au sujet des contaminants butylétains présents dans le secteur de la zone d’exploitation du port de Contrecœur?: « Le secteur de l’archipel de Contrecœur, situé dans le tronçon fluvial entre Montréal et le lac Saint-Pierre, est un milieu naturel classifié « réserve nationale de faune ». Les sédiments [de surface du secteur de l’archipel de Contrecœur] contiennent des butylétains; 56 % des stations sont contaminées ou très contaminées.  Les deux concentrations les plus élevées (2 093 ng Sn/g et 982 ng Sn/g) sont principalement sous la forme de TBT et pourraient avoir un effet sur les organismes benthiques. Ces concentrations dépassent de beaucoup le critère intérimaire de 800 ng Sn/g proposé pour les zones portuaires dans les Grands Lacs (Bartlett et al., 2005). Elles se situent dans une zone d’eau calme, à quelques kilomètres en aval d’un quai de transbordement situé sur le fleuve et utilisé à l’occasion. »  

 

 

 Peut-on imaginer les effets qu’aura le dragage du fleuve, la remise en suspension de particules dans l’eau et le passage de plusieurs navires annuellement sur les concentrations de contaminants et leurs effets terriblement nocifs sur l’ensemble des espèces et des milieux naturels?   

Mesures d’atténuation? 

Le rapport d’évaluation de l’agence fédérale ne présente nulle part la présence des butylétains dans le secteur et les effets de remise en suspension de ce contaminant. Sur la base de cette observation, nous pouvons nous demander s’ils ont réellement inclus l’ensemble des facteurs préoccupants dans leur évaluation environnementale. De plus, les mesures d’atténuation proposées sont trop souvent considérées suffisamment compensatoires, sans que la solution énoncée réponde efficacement à la problématique. Par exemple, pour compenser une perte importante d’habitats du chevalier cuivré, l’agence propose que le poisson et ses habitats soient déplacés plus loin. On ne peut pas manier des écosystèmes et des comportements du règne animal de cette façon. Face à une espèce en voie d’extinction, le moindre changement de son environnement peut s’avérer fatal. Cette conclusion simpliste et décevante de l’agence fédérale laisse supposer que les mesures d’atténuation proposées ne sont pas réellement efficaces et suffisantes. Les impacts théoriques relatifs à la construction et à l’exploitation du terminal ont pu être diminués (dans les tableaux chiffrés) sur la base de ces propositions. À notre avis, ces observations et analyses vis-à-vis le rapport de l’agence démontrent que l’évaluation environnementale présente de nombreuses lacunes et que le feu vert donné par l’agence fédérale devrait être remis en question.  

Conclusion  

Face aux enjeux alarmants de perte de biodiversité mondiale et de réchauffement climatique, nous devons à tout prix cesser de contribuer le plus rapidement possible à ce processus d’extinction des espèces et d’augmentation des émissions de GES. Imaginez l'image forte, le message d'espoir que représenterait l'annulation des deux projets d'agrandissement portuaires. Un geste clair, emblématique pour dire haut et fort au monde entier que nous luttons réellement contre la crise climatique. Un geste de solidarité avec l'ensemble des travailleurs contraints de fabriquer le contenu de ces 4 millions de conteneurs dans des conditions inhumaines. D'après OURANOS (un consortium de 450 chercheurs qui accompagnent le gouvernement du Québec dans ses décisions sur les GES), le non-respect de nos cibles de réduction de GES entrainerait pour la région de Montréal une augmentation de température de 5,7 degrés Celsius pour la période de 2071-2100. 

Submitted by
Laurie-Anne Dansereau
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Date Submitted
2020-12-17 - 6:43 PM
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