Il faut dire non au projet d'agrandissement des installations portuaires de Trois-Rivières

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Dans ce commentaire, je souhaite souligner mon opposition au projet d'agrandissement des installations portuaires de Trois-Rivières et ce pour plusieurs raisons.

Émissions de GES et changements climatiques

On s’en doute, l'augmentation du trafic maritime et routier (camions) impliqué par le projet ne peut qu'entraîner une augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES). Le principal argument du promoteur consiste à affirmer que les navires qui ne sont pas reçus par le port iront simplement dans d'autres ports (ceux de Montréal et Québec) pour livrer les marchandises pour Trois-Rivières ce qui impliquerait selon eux plus de déplacement par camion. Toujours selon les promoteurs, l'agrandissement du port serait censé raccourcir le trajet et donc émettre moins de GES. Cet argument est très discutable pour plusieurs raisons. Déjà, l'argument du type "s'ils ne viennent pas ici, ils iront ailleurs", n'importe quel port pourrait en dire autant pour justifier un agrandissement. Il faudrait ensuite réellement savoir et étudier si le passage par d'autres ports serait plus néfaste en terme d'émissions. Le transport par train depuis un autre port pourrait par exemple limiter le problème. Mais le vrai problème de fond demeure le même : vouloir agrandir le port, c'est ouvertement vouloir augmenter le nombre de navires reçu et donc augmenter le trafic sur le Saint-Laurent et donc émettre plus de GES. Et ce n'est pas parce que les navires sont de moins grand émetteur que les camions qu'il ne faut pas chercher à réduire les émissions causées par la navigation commerciale. Si on voulait réellement réduire les GES, la solution la plus simple et la plus efficace est évidente : il faut renoncer à agrandir le port. Cela n'empêcherait nullement le port de Trois-Rivières de poursuivre ses activités actuelles (ils le font déjà) quitte à devoir refuser des navires. C'est simplement accepté que nous ne sommes pas une grande ville comme Montréal ou Québec et que nous devons mieux gérer avec les ressources que l'on a. Dans un contexte d'urgence climatique et alors que le GIEC lui-même dit qu'il faut mettre en place des mesures radicales, il serait impassable d'approuver un tel projet.

Impacts sur la biodiversité et l'environnement

Là ou le projet aura le plus d'impacts négatifs c'est certainement sur la biodiversité et les écosystèmes. Tout d'abord, le projet menacera plusieurs espèces notamment l'obovarie olivâtre et la petite chauve-souris brune (deux espèces en voie de disparition). Les mesures d'atténuation ne sont pas convaincantes.  Déplacer une espèce (obovarie olivâtre) ailleurs peut autant menacer l'espèce en question (qui ne sera pas forcément s'adapter au nouveau milieu) que nuire aux espèces qui dépendent en partie ou totalement de cette espèce. Ce projet entrainera également la destruction irréversible de milieux humides, des milieux propices à une grande biodiversité et qui agissent comme puits de carbone. On sait à quel point les milieux humides sont en recul partout dans le monde et particulièrement à Trois-Rivières. On prétend "compenser", mais outre qu'aucun milieu n'est semblable à un autre, rien ne prouve que ces milieux seront réellement compensés par d'éventuelles restaurations ou création de zones humides. D'autant qu'il faudrait en protéger, en restaurer et en créer bien davantage que ce qui est détruit en ce moment pour faire une réelle différence. J'ajouterais qu'en tant que puits de carbone, il faudrait tenir compte des GES qui ne seront plus captés par les milieux humides détruits si le quai était prolongé. La compensation (y compris la compensation carbone) ne doit pas être une excuse à l'inaction et encore moins un prétexte pour autoriser un projet néfaste. Si on vous disait qu'on allait détruire votre maison, mais pour "compenser" en vous en construit une autre très loin, accepteriez-vous cette entente ? Non évidemment, parce que chaque milieu naturel est précieux et a une valeur en lui-même. C’est que ça signifie d’avoir un « chez soi »

Un autre aspect concerne l'augmentation du trafic maritime sur le fleuve. Plus de navire c'est plus de pollution sonore, plus d'érosion et plus de circulation. Tous ces éléments réunis ne nuiront pas seulement à Trois-Rivières, mais sur l'ensemble des berges. Cela menacerait surtout les espèces aquatiques en particulier le chevalier cuivré, une espèce qu'on ne retrouve qu'au Québec, qui est en voie de disparition. Ceci met en relief une dimension cruciale dans l'étude d'impact de ce projet : la situation de l'ensemble du fleuve Saint-Laurent. Ainsi, il faut prendre en compte les effets cumulatifs des différents projets portuaires semblables dans tout le fleuve Saint-Laurent. C'est la situation de l'ensemble du Fleuve Saint-Laurent qu'il faut évaluer et prendre en compte lors d'évaluations de projet plus spécifique comme celui de Trois-Rivières. En d'autres termes, quel sera l'impact environnemental de ce projet pas seulement dans la zone concernée ou dans les eaux du port, mais sur l'ensemble du fleuve Saint-Laurent. Prenons par exemple, la situation très préoccupante des bélugas dans l'estuaire du Saint-Laurent. Cette espèce est en déclin notamment à cause du bruit provoqué par le trafic maritime. Or, ce projet vise explicitement à accueillir plus de navires et va donc augmenter le trafic maritime menaçant davantage des espèces comme les bélugas. Il faut limiter et encadrer le trafic maritime (ex : limiter le nombre de passages) sur le fleuve et non pas l'augmenter. Dans cette optique, il ne faut pas omettre l'impact qu'aurait un tel projet sur la réserve de la biosphère du lac Saint-Pierre qui, rappelons-le, n'est pas très loin du port de Trois-Rivières. L'augmentation du trafic risque ainsi de nuire à ce joyau naturel du Québec et à toutes les régions à proximité du lac. Ainsi, bien que ce projet semble, aux yeux des promoteurs, être limité dans ses impacts à l'échelle du fleuve, il n'en est rien et un tel projet pourrait avoir une porté négative bien plus grande sur l'ensemble du fleuve qu'on ne pourrait le penser. D'autant qu'il ne faut pas perdre de vue que c'est la combinaison de l'ensemble des projets similaires qui conduit vers une dangereuse trajectoire. Le fleuve Saint-Laurent et ses habitats ont déjà été rudement éprouvé par l'activité humaine, il nous faut revoir notre rapport au fleuve et sauver ce qui peut encore l'être. Ce sont des aspects qu'il faut considérer dans l'étude du projet.

La question du sable

Il importe également de mentionner que les travaux de remblayage impliqués par le projet posent l'enjeu du sable. Il est bien documenté que la surexploitation du sable à l’échelle mondiale entraîne la destruction de nombreux écosystèmes côtiers. Dans l'évaluation de ce projet, il importe d'avoir une vision environnementale englobante de la situation. Or, prendre du sable ailleurs aura forcément des impacts sur d’autres milieux naturels.

Impacts sur la population et justice sociale

Concernant la pollution sonore entrainée par la construction et par les activités du port. Il faut mentionner que les citoyens et citoyennes qui seront les plus affectés sont les habitants du District de La-Vérendrye. Or, il s'agit d'un des districts habitant le plus de personnes défavorisées à Trois-Rivières. Ce sont ainsi les personnes défavorisées qui seront le plus affecté par les travaux portuaires qui risquent d'affecter la qualité de vie des habitants. Déjà qu'il s'agit d'un district très affecté par les activités industrielles présentes (en particulier l'usine Kruger), le projet d'agrandissement portuaire ne fera que détériorer davantage la situation. Par exemple, on peut penser que l'augmentation du trafic des camions (notamment sur le Boulevard Gene-H.-Kruger et du trafic ferroviaire menaceront la tranquillité en plus d'affecter la santé et la qualité de vie des habitants du district. On peut penser aux bruits, mais aussi aux dangers sur la qualité de l'air. En effet, les habitants du District de La-Vérendrye ainsi que du District de Chavigny seront particulièrement affecté par la pollution de l'air entrainé par les déplacements de poussière entrainé par le trafic et les travaux. Ce projet est donc non seulement nuisible à la qualité de l'air et la qualité de vie du secteur, mais contrevient à l'exigence de justice sociale puisque ce seront les populations les plus défavorisées qui seront les plus affectées par le projet. J'ajouterais que l'argument de la création d'emplois est discutable, car dans un contexte de pénurie de mains d'oeuvre, ce ne sont pas les emplois qui manquent, mais bien les employés. Quant aux "retombés économiques", encore faut-il se demander à qui ses retombés profiterons c'est-à-dire ici aux plus fortunés. En 2021, on ne peut plus se permettre de sacrifier la justice sociale et la protection de l'environnement au nom de l'économie. Le "développement durable" prétend trouver un équilibre entre ces trois aspects, mais partout, il échoue dans les faits. Pour preuve, ni la situation climatique ni la situation de la biodiversité ne s'améliorent au niveau mondial, c'est même tout le contraire.

Un mot sur la consultation citoyenne.

On ne peut qu'apprécier la tenue de séances d'informations et de consultations publiques. Pour autant, force est d'admettre que trop peu de citoyens connaissent l'existence du projet et de l'évaluation menée par l'Agence d'impact. C'est vrai en particulier pour les habitants du District de La-Vérendrye, une population qui demanderait à être spécifiquement consulté. En bref, on ne peut pas déterminer l'acceptabilité sociale d'un projet si ledit projet est inconnu par la grande majorité des habitants.

En conclusion, je crois avoir présenté clairement que, pour toutes les raisons évoquées et bien d'autres encore, il faut refuser ce projet. De plus, il faudra étudier soigneusement les impacts que pourrait avoir le projet au-delà de la zone des travaux proprement dites. L’heure est venu de faire des gestes forts pour le climat et la biodiversité. Nous le devons à toutes les générations présentes et futures ainsi qu’à toute la biosphère.

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Emanuel Aubin-Protz
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    2021-10-09 - 8:42 PM
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